D. DES AMÉNAGEMENTS PEUVENT ÊTRE APPORTÉS AUX PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA COMMANDE PUBLIQUE POUR RÉPONDRE À L'URGENCE OU DÉFENDRE DES INTÉRÊTS ESSENTIELS
Le code de la commande publique prévoit un certain nombre de dérogations aux règles de droit commun encadrant la passation des marchés publics afin de tenir compte de situations particulières ou de permettre la poursuite d'objectifs d'intérêt général.
Le présent rapport n'abordera que les trois principaux motifs justifiant de tels aménagements : les situations d'urgence, la défense des intérêts nationaux et le soutien à l'innovation.
1. L'urgence justifie un assouplissement des règles de la commande publique
a) Dans des situations d'urgence, les acheteurs publics sont autorisés à déroger à la réglementation de droit commun
(1) Les délais de consultation peuvent être réduits en cas d'urgence simple
Les situations d'urgence peuvent complexifier le respect par les acheteurs publics de leurs obligations de publicité et de mise en concurrence.
C'est la raison pour laquelle il leur est permis de passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables dans certains cas, lorsqu'en raison, entre autres, d'une urgence particulière, le respect d'une telle procédure est inutile, impossible ou manifestement contraire aux intérêts de l'acheteur ou à un motif d'intérêt général113(*).
Ainsi peuvent-ils réduire les délais minimaux de consultation qui s'imposent à eux lorsqu'une situation d'urgence dite « simple » les rend impossibles à respecter.
Le cas échéant, il appartient à l'acheteur public de justifier d'une telle urgence et de démontrer qu'il ne lui était pas possible, dans cette situation, de respecter les délais réglementaires. L'avis de publicité doit ainsi mentionner les motifs justifiant la réduction des délais réglementaires.
Bien que le code de la commande publique ne l'impose pas expressément - sauf dans le cas des marchés de défense ou de sécurité (MDS)114(*) - et que la directive européenne sur la passation des marchés publics admette une certaine souplesse en la matière115(*), la jurisprudence conditionne la réduction des délais de consultation à la non-imputabilité de l'urgence à l'acheteur public116(*).
La réduction des délais de consultation en cas d'urgence simple
En cas d'urgence simple, les délais minimaux de consultation applicables aux marchés classiques peuvent être réduits :
- en cas d'appel d'offres ouvert, le délai minimal de réception des candidatures et des offres peut être ramené de 35 jours à compter de la date de l'envoi de l'avis de marché117(*) à 15 jours118(*) ;
- en cas d'appel d'offres restreint, le délai minimal de réception des candidatures peut être ramené de 30 jours à compter de la date d'envoi de l'avis de marché à 15 jours119(*) ;
- en cas d'appel d'offres restreint, le délai minimal de réception des offres peut être ramené de 30 jours à compter de la date d'envoi de l'invitation à soumissionner120(*) à 10 jours121(*) ;
- en cas de procédure avec négociation, le délai minimal de réception des candidatures peut être ramené de 30 jours à compter de la date d'envoi de l'avis de marché à 15 jours122(*) ;
- en cas de procédure avec négociation, le délai minimal de réception des offres initiales peut être ramené de 30 jours à compter de la date d'envoi de l'invitation à soumissionner123(*) à 10 jours124(*) ;
- en cas de procédure formalisée, le délai minimal d'envoi aux opérateurs économiques des renseignements complémentaires qu'ils ont sollicités sur les documents de la consultation passe de 6 jours à 4 jours avant la date limite fixée pour la réception des offres en cas de réduction de la durée de la consultation pour cause d'urgence125(*).
Il en va de même dans le cas d'un marché de défense ou de sécurité (MDS) :
- en cas d'appel d'offres restreint, le délai minimal de réception des candidatures peut être ramené de 37 jours à compter de la date d'envoi de l'avis de marché - ou de 30 jours lorsque cet avis a été envoyé par voie électronique - à 15 jours - ou à 10 jours en cas d'envoi par voie électronique126(*) ;
- en cas d'appel d'offres restreint, le délai minimal de réception des offres peut être ramené de 40 jours à compter de la date d'envoi de l'invitation à soumissionner127(*) à 10 jours128(*) ;
- en cas de procédure avec négociation, le délai minimal de réception des candidatures peut être ramené de 37 jours à compter de la date d'envoi de l'avis de marché - ou de 30 jours lorsque cet avis a été envoyé par voie électronique - à 15 jours - ou à 10 jours en cas d'envoi par voie électronique129(*).
(2) En cas d'urgence impérieuse, la passation de marchés sans publicité ni mise en concurrence est possible
Dans certains cas, l'urgence ne permettant pas de respecter les délais minimaux exigés dans le cadre des procédures formalisées, qui résulte de circonstances extérieures et que l'acheteur public ne pouvait pas prévoir, est dite « impérieuse ».
Placé dans une telle situation - qui s'apprécie strictement -, l'acheteur public est autorisé par la réglementation à passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables130(*). Le marché est alors limité aux prestations strictement nécessaires pour faire face à la situation d'urgence.
À titre d'exemple, selon M. Jean Bouverot, RMA du ministère de l'intérieur, à la suite du passage à Mayotte, les 13 et 14 décembre 2024, du cyclone Chido, qui a ravagé l'île, plusieurs marchés ont été passés en urgence impérieuse par le ministère de l'intérieur pour faire face aux besoins urgents de la population (achat de bâches et de groupes électrogènes) et restaurer les capacités opérationnelles de la mission de lutte contre l'immigration clandestine (achat de radars, de balises, de liaisons satellitaires et de caméras optroniques)131(*).
Une possibilité similaire est prévue pour les MDS. L'acheteur public peut ainsi passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables lorsque les conditions de passation ne sont pas compatibles avec les délais minimaux prévus en cas d'urgence simple132(*). L'objet de ce marché doit alors être strictement limité aux mesures nécessaires pour faire face à une urgence impérieuse résultant de circonstances imprévisibles et extérieures, et notamment de catastrophes technologiques ou naturelles.
Au surplus, lorsque, pour des prestations complexes ou faisant appel à une technique nouvelle et présentant un caractère d'urgence impérieuse, l'exécution du marché doit commencer alors que la détermination d'un prix initial définitif n'est pas encore possible, les acheteurs publics sont exceptionnellement autorisés à conclure des marchés à prix provisoires133(*).
b) Le législateur a prévu des dérogations temporaires au code de la commande publique pour tenir compte de situations spécifiques
(1) De la reconstruction des bâtiments dégradés au cours des violences urbaines de l'été 2023 à celle de Mayotte : des adaptations législatives face à l'urgence
En sus des dérogations permanentes permises par le code de la commande publique en cas d'urgence, il arrive que le législateur intervienne pour aménager le droit de la commande publique dans certaines situations de crise.
C'est ainsi qu'à la suite des émeutes survenues au cours de l'été 2023 a été adopté un texte habilitant le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi destinée, pendant une durée limitée, à accélérer ou à faciliter les opérations de reconstruction ou de réfection des équipements publics et des bâtiments affectés par des dégradations ou destructions à cette occasion.
L'article 2 de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 relative à l'accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 précisait que ces mesures devaient permettre aux acheteurs publics :
- de conclure un marché ou des lots d'un marché sans publicité préalable mais avec mise en concurrence pour des marchés inférieurs à un seuil défini par l'ordonnance ;
- ainsi que de déroger au principe d'allotissement et de recourir aux marchés globaux.
Le Gouvernement s'est très rapidement saisi de cette faculté en publiant au lendemain de la promulgation du texte l'ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 portant diverses adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique.
Les dérogations au droit commun de la
commande publique prévues
par l'ordonnance du
26 juillet 2023
L'ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 portant diverses adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique nécessaires à l'accélération de la reconstruction et de la réfection des équipements publics et des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 a permis la mise en oeuvre de procédures assouplies dans ce contexte exceptionnel.
Son article 1er autorisait ainsi la négociation sans publicité mais avec mise en concurrence préalable des marchés de travaux soumis au code de la commande publique nécessaires à la reconstruction ou à la réfection des équipements publics et des bâtiments dégradés ou détruits au cours des émeutes et répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 1 500 000 euros HT, ainsi que des lots dont le montant est inférieur à 1 000 000 d'euros HT - à la condition que leur montant cumulé n'excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.
Par ailleurs, il était prévu à l'article 2 que, par dérogation au principe d'allotissement134(*), les marchés publics nécessaires à la reconstruction ou à la réfection de ces équipements publics et bâtiment puissent faire l'objet d'un marché unique.
De même, l'article 3 permettait aux acheteurs publics de confier à un opérateur économique une mission globale portant sur la conception, la construction ou l'aménagement de ces équipements publics et bâtiments, même si les conditions de droit commun135(*) ne sont pas remplies. Les dispositions prévoyant que la mission de maîtrise d'oeuvre est distincte de celle confiée aux opérateurs économiques chargés des travaux136(*) n'étaient pas applicables aux contrats conclus dans ce cadre.
Aux termes de l'article 4, ces dérogations s'appliquaient aux marchés pour lesquels une consultation était engagée ou un avis de publicité envoyé à la publication à compter de l'entrée en vigueur de l'ordonnance et pendant un délai de neuf mois à compter de cette date, soit jusqu'en avril 2024.
Des dispositions largement similaires ont été adoptées par le Parlement en février 2025 pour faire face aux conséquences du passage à Mayotte, les 13 et 14 décembre 2024, du cyclone Chido, qui a ravagé l'île, provoquant des destructions sans précédent.
De fait, considérant « l'ampleur de la catastrophe et le risque d'inscription dans le temps de la gestion de ses conséquences »137(*), le Gouvernement a présenté au Parlement un projet de loi prévoyant, à titre temporaire, des dérogations au droit commun de la commande publique.
Les dérogations au droit commun de la
commande publique prévues par
la loi du
24 février 2025 d'urgence pour Mayotte
La loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d'urgence pour Mayotte comporte plusieurs articles visant à faciliter la passation des marchés publics pour la reconstruction de l'île et à favoriser le recours aux PME locales dans ce cadre.
Ainsi, son article 17 autorise la passation sans publicité mais avec mise en concurrence préalable des marchés de travaux soumis au code de la commande publique qui sont nécessaires à la reconstruction ou à la réfection des équipements et des bâtiments affectés par le cyclone Chido ou par les évènements climatiques survenus entre le 13 décembre 2024 et le 13 mai 2025 et qui répondent à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à deux millions d'euros HT. Il en va de même des lots dont le montant est inférieur à un million d'euros HT - à la condition que le montant cumulé de ces lots n'excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.
Est également admise la passation sans publicité ni mise en concurrence préalables des marchés de travaux, de fournitures et de services soumis au code de la commande publique qui sont nécessaires pour remédier aux conséquences du cyclone et des évènements climatiques qui l'ont suivi et qui répondent à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 euros HT. Peuvent également être attribués de cette manière les lots dont le montant est inférieur à 80 000 euros HT pour les marchés de services et de fournitures et à 100 000 euros HT pour les marchés de travaux - à la condition que le montant cumulé de ces lots n'excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.
Ces marchés doivent néanmoins faire l'objet d'une publication numérique destinée à l'information du public, lors de leur lancement, d'une part, et lors de leur passation, d'autre part, sur les sites Internet de la préfecture de Mayotte et de l'établissement public chargé de coordonner les travaux de reconstruction de Mayotte. Il est prévu que ces publications demeurent accessibles au public pendant une durée de deux ans.
L'article 18 de la loi permet en outre que, par dérogation au principe d'allotissement, les marchés publics nécessaires pour remédier aux conséquences du cyclone et des évènements climatiques qui l'ont suivi fassent l'objet d'un marché unique.
Aux termes de son article 19, les acheteurs publics peuvent également confier à un opérateur économique une mission globale portant sur la conception, la construction ou l'aménagement des équipements publics et des bâtiments affectés par le cyclone et les évènements climatiques qui l'ont suivi, même si les conditions de droit commun ne sont pas remplies.
Par ailleurs, l'article 20 autorise les acheteurs publics à réserver jusqu'à 30 % du montant estimé des marchés passés dans les conditions dérogatoires prévues par les articles 17 à 19 du texte dont la valeur estimée HT est inférieure aux seuils européens des procédures formalisées aux microentreprises et aux PME ainsi qu'aux artisans, dont le siège social était établi dans le département de Mayotte le 13 décembre 2024. Ces PME et ces artisans peuvent se grouper pour présenter une offre commune.
Le même article dispose que les soumissionnaires qui ne possèdent pas la qualité de microentreprise, de PME ou d'artisan formalisent par un plan de sous-traitance le montant et les modalités de participation d'entreprises possédant cette qualité à l'exécution du marché auquel ils postulent. Lorsque les soumissionnaires ne prévoient pas de sous-traiter à des microentreprises, à des PME ou à des artisans établis à Mayotte, le plan de sous-traitance doit se limiter à en mentionner les motifs, qui peuvent tenir notamment à l'absence de microentreprise, de PME ou d'artisan en activité dans le secteur concerné par les prestations du marché public ou en mesure de répondre à ses exigences.
Il est précisé que si le titulaire d'un marché passé dans les conditions dérogatoires prévues aux articles 17 à 19 de la loi n'est pas lui-même une microentreprise, une PME ou un artisan, il doit s'engager à confier, directement ou indirectement, à des microentreprises, à des PME ou à des artisans établis à Mayotte au moins 30 % du montant prévisionnel estimé du marché, sauf lorsque la structure économique du secteur concerné ne le permet pas.
Pour terminer, l'article 21 prévoit que les soumissionnaires à un marché public passé dans les conditions dérogatoires prévues aux articles 17 à 19 de la loi fournissent à l'acheteur public, si celui-ci en fait la demande, tout renseignement sur les éléments techniques et comptables de l'estimation du coût de revient des prestations qui font l'objet du marché. Les titulaires de tels marchés, quant à eux, doivent fournir à l'acheteur public, à sa demande, tout renseignement sur les éléments techniques et comptables du coût de revient des prestations faisant l'objet du marché. Enfin, les titulaires de ces marchés, les entreprises qui leur sont liées et leurs sous-traitants ont l'obligation de permettre et de faciliter la vérification éventuelle sur pièces et sur place, par les agents de l'administration, de l'exactitude de ces renseignements.
Comme le précise l'article 22, l'ensemble de ces dispositions s'appliquent aux marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis de publicité envoyé à la publication à compter de l'entrée en vigueur de la loi et pendant un délai de deux ans à compter de cette date, soit jusqu'en février 2027.
Ces dérogations n'ont toutefois pas toujours été bien calibrées. Ainsi, selon Mme Guylaine Bourdais-Naimi, RMA du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, d'une part, et du ministère des sports, de la jeunesse et de la vie associative, d'autre part, alors que certains lycées mahorais ne disposent encore à ce jour que de moins de 60 % de leurs capacités d'accueil, avec seulement la moitié de classes opérationnelles, « la passation d'un marché portant sur l'installation de bâtiments modulaires a été mise en suspens par les services centraux du ministère afin de procéder à l'analyse juridique de sa faisabilité dans les conditions dérogatoires prévues par la loi d'urgence »138(*).
En effet, une dispense de publicité - mais avec mise en concurrence préalable - est autorisée pour les marchés de travaux nécessaires à la reconstruction ou à la réfection des équipements et des bâtiments affectés par le cyclone d'un montant inférieur à deux millions d'euros HT. Or, « les modulaires temporaires ne relèvent pas clairement de cette dérogation »139(*), seuls les pérennes pouvant être assimilés à une solution de reconstruction.
L'équipement en bâtiments modulaires temporaires relève donc des marchés de travaux, de fournitures et de services nécessaires pour remédier aux conséquences du cyclone, qui sont dispensés de publicité et de mise en concurrence préalables, mais à la condition que leur montant soit inférieur à 100 000 euros HT, un seuil insuffisant dans le cas d'espèce.
(2) Des adaptations utiles, mais qui « fissurent » le droit de la commande publique
Au total, il s'est agi, pour le législateur, de sécuriser le recours à des procédures simplifiées, déjà permis en cas d'urgence impérieuse, dans le cadre de situations particulières impliquant une mobilisation conséquente de la commande publique.
Or ces textes, que M. Jean-Marc Joannès, rédacteur en chef d'achatpublic.info, qualifie de « lois de circonstances », s'inscrivent à rebours de l'effort d'unification qui s'est traduit par l'entrée en vigueur du code de la commande publique en avril 2019. Ainsi, elles « fragilisent l'homogénéité du code de la commande publique, qui faisait pourtant sa force »140(*), et « laissent à penser que le code de la commande publique ne propose aucun outil pour réagir en urgence, ce qui est faux. Cela participe non seulement de la complexité du droit, mais aussi d'une forme de décrédibilisation du droit de la commande publique »141(*).
Pour autant, comme l'a relevé un rapport d'information de la commission des lois du Sénat142(*), il n'a été fait qu'un usage « modeste » des dérogations permises par la loi n° 2023-656 relative à l'accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023.
De fait, parmi la cinquantaine de communes consultées, interrogées ou visitées par la mission d'information, seules douze ont indiqué les avoir utilisées, soit un peu plus d'une sur cinq. Du reste, des villes de taille conséquentes telles que Marseille ou Strasbourg, qui plus est particulièrement touchées par les émeutes, ont indiqué n'avoir pas recouru à ces dispositifs. Aussi la mission d'information évoquait-elle une « loi d'exception davantage incantatoire que fonctionnelle ».
Concernant la loi n° 2025-176 d'urgence pour Mayotte, M. Jean-Marc Joannès s'étonne du « grand écart » qu'il constate entre ses dispositions assouplissant les possibilités de recours à des marchés globaux et celles qui visent à favoriser le recours aux microentreprises, PME et artisans locaux. M. Joannès s'interroge d'ailleurs sur l'incidence réelle de ces dernières : « Nous sommes-nous demandé si le tissu économique local était capable de répondre à cette demande ? »143(*).
2. La défense d'intérêts stratégiques à l'échelle nationale ou européenne justifie la mise en oeuvre d'aménagements au droit de la commande publique
Dans certains cas, le respect des principes cardinaux de la commande publique, en ouvrant les marchés publics nationaux à des entreprises étrangères, est susceptible de porter atteinte à la souveraineté de la France ou aux intérêts commerciaux de l'Union européenne.
La réglementation européenne et le code de la commande publique autorisent donc la mise en oeuvre de dérogations aux principes d'égalité d'accès à la commande publique et de non-discrimination en permettant, dans de telles circonstances, d'écarter des candidatures soumises par des entreprises étrangères.
a) Les intérêts commerciaux de l'Union européenne prévalent sur le principe de non-discrimination en fonction de l'origine des offres
(1) Les acheteurs publics peuvent écarter les candidatures issues de pays tiers non signataires d'un accord relatif aux marchés publics avec l'Union européenne
Il est prévu, en droit de l'Union européenne, que « les opérateurs économiques de pays tiers qui n'ont pas conclu d'accord prévoyant l'ouverture des marchés publics de l'Union, ou dont les biens, services ou travaux ne sont pas couverts par un tel accord, n'ont pas un accès garanti aux procédures de passation de marchés dans l'Union et peuvent être exclus »144(*).
Dès lors, le code de la commande publique ne fait obligation aux acheteurs publics de garantir un traitement équivalent à celui garanti aux opérateurs économiques, travaux, fournitures et services issus de l'Union européenne qu'aux opérateurs économiques, travaux, fournitures et services issus des États parties à l'accord sur les marchés publics conclu dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ou à un autre accord international équivalent auquel l'Union européenne est partie (et dans la limite de ces accords).
Dans les autres cas, ces acheteurs sont autorisés à introduire dans les documents de la consultation des critères ou des restrictions fondés sur l'origine de tout ou partie des travaux, fournitures ou services composant les offres proposées ou la nationalité des opérateurs autorisés à soumettre une offre145(*).
À titre d'exemple, la Chine et l'Inde ne sont pas parties à l'accord sur les marchés publics de l'OMC.
(2) Les entités adjudicatrices peuvent rejeter les offres de fournitures intégrant plus de 50 % de produits originaires de pays non signataires d'un accord relatif aux marchés publics avec l'Union européenne
Dans certains cas spécifiques, l'origine géographique des composants du produit fini faisant l'objet d'un marché public peut servir de base au rejet d'une offre.
Lorsqu'une offre présentée dans le cadre de la passation d'un marché de fournitures par une entité adjudicatrice contient des produits originaires de pays tiers avec lesquels l'Union européenne n'a pas conclu, dans un cadre multilatéral ou bilatéral, un accord assurant un accès comparable et effectif des entreprises de l'Union européenne aux marchés de ces pays ou auxquels le bénéfice d'un tel accord n'a pas été étendu par une décision du Conseil de l'Union européenne, le code de la commande publique permet, conformément aux dispositions de la directive européenne relative aux marchés publics146(*), de rejeter cette offre si les produits originaires des pays tiers représentent la part majoritaire de la valeur totale des produits composant cette offre147(*).
De plus, lorsque deux ou plusieurs offres sont équivalentes au regard des critères d'attribution - ce qui signifie que l'écart entre leur prix respectif n'excède pas 3 % -, une préférence doit être accordée à celle qui ne peut être rejetée sur cette base148(*).
Il conviendrait d'étendre cette possibilité aux pouvoirs adjudicateurs.
Recommandation n° 7. - À l'instar de ce qui est autorisé pour les entités adjudicatrices, permettre aux pouvoirs adjudicateurs de rejeter les offres des marchés de fournitures intégrant une majorité de produits originaires de pays extra-européens non signataires d'un accord relatif aux marchés publics avec l'Union européenne.
(3) Sauf décision contraire de l'acheteur, les marchés de défense ou de sécurité ne peuvent être passés qu'avec des entreprises européennes
De façon générale, les marchés de défense ou de sécurité (MDS), qui sont exclus ou exemptés de l'accord sur les marchés publics et des autres accords internationaux équivalents auxquels l'Union européenne est partie, ne peuvent être passés qu'avec des opérateurs économiques d'États membres de l'Union européenne149(*).
Néanmoins, l'acheteur public peut décider d'autoriser, au cas par cas, les opérateurs économiques d'un pays tiers à l'Union européenne à participer à une procédure de passation en tenant notamment compte des impératifs de sécurité de l'information et de l'approvisionnement, de la préservation des intérêts de la défense et de la sécurité de l'État, de l'intérêt de développer la base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne, des objectifs de développement durable, de l'obtention d'avantages mutuels et des exigences de réciprocité.
(4) La Commission européenne peut contraindre les acheteurs publics à pénaliser ou à écarter les offres issues de pays faisant l'objet d'une mesure relevant de l'instrument relatif aux marchés publics internationaux
De sa propre initiative ou sur la base d'une plainte dûment étayée d'une partie intéressée de l'Union ou d'un État membre, la Commission européenne peut ouvrir une enquête sur une prétendue mesure ou pratique d'un pays tiers150(*).
Lorsqu'elle établit, à la suite de cette enquête, qu'une mesure ou pratique d'un pays tiers existe, elle adopte, si elle estime qu'une telle action va dans le sens des intérêts de l'Union, une mesure relevant de l'Instrument relatif aux marchés publics (Impi)151(*).
Celle-ci ne s'applique alors qu'aux procédures de passation de marchés dont la valeur estimée est supérieure à un seuil déterminé par la Commission à la lumière des résultats de l'enquête et qui doit être au moins égal à 15 millions d'euros HT pour les travaux et les concessions et à 5 millions d'euros HT pour les biens et services.
Concrètement, la Commission est ainsi habilitée à restreindre l'accès aux procédures de passation de marchés publics pour les opérateurs économiques, les biens ou les services du pays tiers concerné en exigeant des acheteurs publics qu'ils ajustent la note attribuée aux offres présentées par des opérateurs économiques originaires de ce pays ou qu'ils excluent les offres émanant de tels opérateurs.
Lorsqu'elle recourt à la première option et qu'un opérateur économique originaire du pays concerné se voit tout de même attribuer un marché, les documents de marché doivent inclure l'interdiction, pour celui-ci, de sous-traiter plus de 50 % de la valeur totale du marché à des opérateurs originaires d'un pays tiers faisant l'objet d'une mesure relevant de l'Impi, ainsi que l'obligation, pour les marchés dont l'objet concerne la fourniture de biens, de faire en sorte que les biens ou les services fournis dans le cadre de l'exécution du marché et originaires du pays tiers concerné ne représentent pas plus de 50 % de la valeur totale du marché152(*).
(5) Il est permis aux acheteurs d'imposer la localisation dans l'Union européenne des moyens d'exécution du marché
L'acheteur public peut imposer que les moyens utilisés pour exécuter tout ou partie d'un marché, pour maintenir ou pour moderniser les produits acquis soient localisés sur le territoire des États membres de l'Union européenne afin, notamment, de prendre en compte des considérations environnementales ou sociales ou d'assurer la sécurité des informations et des approvisionnements153(*).
(6) Des sanctions adoptées par l'Union européenne peuvent exclure un État étranger du champ de la commande publique
Enfin, l'accès des opérateurs économiques étrangers aux marchés publics européens peut être restreint par l'Union européenne dans le cadre de sanctions ciblées.
De fait, l'article 215 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) dispose que, lorsqu'une décision prévoit l'interruption ou la réduction, en tout ou partie, des relations économiques et financières avec un ou plusieurs pays tiers, le Conseil de l'Union européenne, statuant à la majorité qualifiée, sur proposition conjointe du Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et de la Commission européenne, adopte les mesures nécessaires et en informe le Parlement européen.
Au surplus, lorsqu'une décision le prévoit, le Conseil peut adopter, selon la même procédure, des mesures restrictives à l'encontre de personnes physiques ou morales, de groupes ou d'entités non étatiques.
Après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, en février 2022, le Conseil a ainsi adopté une décision comportant plusieurs mesures de rétorsion, et notamment l'interdiction d'attribuer et de poursuivre l'exécution de marchés publics et de contrats de concession avec des ressortissants russes et des entités ou organismes établis en Russie154(*).
Les marchés concernés sont ceux dont le montant est égal ou supérieur aux seuils européens, y compris à certains types de contrats normalement exclus du champ d'application des directives - par exemple, les marchés de services financiers ou ceux qui sont destinés aux activités de renseignement. L'interdiction s'applique lorsque :
- l'attributaire est un ressortissant russe ou une personne physique ou morale, une entité ou un organisme établi sur le territoire russe ;
- l'attributaire est détenu à plus de 50 %, de manière directe ou indirecte, par une entité établie sur le territoire russe ;
- l'attributaire est une personne physique ou morale, une entité ou un organisme agissant pour le compte ou sur instruction d'une entité établie sur le territoire russe ou d'une entité détenue à plus de 50 % par une entité elle-même établie sur le territoire russe ;
- le sous-traitant, le fournisseur ou toute entité aux capacités de laquelle il est recouru se trouve dans l'un de ces trois cas alors que le montant de ses prestations représente plus de 10 % de la valeur du marché155(*).
b) Les marchés de défense ou de sécurité : un monde à part du droit de la commande publique
(1) Le champ des marchés de défense ou de sécurité est défini par la loi
En raison de la spécificité et de la sensibilité des équipements et services concernés, il est possible de déroger aux grands principes du droit de la commande publique dans le cadre des marchés de défense ou de sécurité (MDS).
Il s'agit de marchés conclus par l'État ou l'un de ses établissements publics et ayant pour objet :
- la fourniture d'équipements, y compris leurs pièces détachées, composants ou sous-assemblages, qui sont destinés à être utilisés comme armes, munitions ou matériel de guerre, qu'ils aient été spécifiquement conçus à des fins militaires ou qu'ils aient été initialement conçus pour une utilisation civile puis adaptés à des fins militaires ;
- la fourniture d'équipements destinés à la sécurité, y compris leurs pièces détachées, composants ou sous-assemblages, et qui font intervenir, nécessitent ou comportent des supports ou informations protégés ou classifiés dans l'intérêt de la sécurité nationale ;
- des travaux, fournitures et services directement liés à un équipement de cette nature, y compris la fourniture d'outillages, de moyens d'essais ou de soutien spécifique, pour tout ou partie du cycle de vie de l'équipement, qui correspond à l'ensemble des états successifs que ce dernier peut connaître, notamment la recherche et développement, le développement industriel, la production, la réparation, la modernisation, la modification, l'entretien, la logistique, la formation, les essais, le retrait, le démantèlement et l'élimination ;
- des travaux et services ayant des fins spécifiquement militaires ou des travaux et services destinés à la sécurité et qui font intervenir, nécessitent ou comportent des supports ou informations protégés ou classifiés dans l'intérêt de la sécurité nationale156(*).
La passation d'un MDS est obligatoire dès lors que l'État ou l'un de ses établissements publics souhaite procéder à un achat entrant dans ce champ. D'après M. Christophe Mauriet, secrétaire général pour l'administration du ministère des armées, « les MDS sont passés à 98 % par le ministère des armées. À l'exception de quelques-uns passés par le ministère de l'intérieur, nous réalisons donc la totalité de ces marchés, qui constituent la véritable spécificité du cadre juridique applicable aux achats du ministère des armées »157(*).
Le code de la commande publique précise que les principes fondamentaux de la commande publique - égalité de traitement des candidats, liberté d'accès et transparence des procédures - ont également pour objectif d'assurer le renforcement de la BITD européenne lorsqu'ils s'appliquent à des MDS.
(2) La passation d'un marché de défense ou de sécurité est sensiblement simplifiée
Lorsqu'il passe un MDS, l'acheteur public dispose de davantage de possibilités de recours à une procédure sans publicité ni mise en concurrence préalables que dans le cadre d'un marché classique.
Les principaux cas de passation d'un marché
de sécurité ou de défense
sans publicité ni mise
en concurrence préalables
Un MDS peut être passé sans publicité ni mise en concurrence préalables notamment lorsque :
- les conditions de passation ne sont pas compatibles avec les délais minimaux d'urgence prévus par le code de la commande publique, parce que le marché est conclu pour faire face à une urgence résultant d'une crise en France ou à l'étranger, notamment avec des opérateurs ayant mis en place ou maintenu, en exécution d'un autre marché, les capacités nécessaires pour faire face à une éventuelle augmentation des besoins158(*) ;
- les conditions de passation ne sont pas compatibles avec les délais minimaux d'urgence prévus par le code de la commande publique et que l'objet du marché est strictement limité aux mesures nécessaires pour faire face à une urgence impérieuse résultant de circonstances imprévisibles et extérieures, notamment les catastrophes technologiques ou naturelles159(*) ;
- le marché ne peut être confié qu'à un opérateur économique déterminé, pour des raisons tenant à la protection de droits d'exclusivité, ou pour des raisons techniques comme, par exemple, des exigences spécifiques d'interopérabilité ou de sécurité qui doivent être satisfaites pour garantir le fonctionnement des forces armées ou de sécurité, ou en raison de la stricte impossibilité technique, pour un candidat autre que l'opérateur économique retenu, de réaliser les objectifs requis, ou du fait de la nécessité de recourir à un savoir-faire, un outillage ou des moyens spécifiques dont ne dispose qu'un seul opérateur, notamment en cas de modification ou de mise en conformité rétroactive d'un équipement particulièrement complexe160(*) ;
- le marché porte sur des services de recherche et développement dont l'acheteur acquiert la propriété exclusive des résultats et qu'il finance entièrement161(*) ;
- le marché est lié à la fourniture de services de transport maritime et aérien pour les forces armées ou de sécurité d'un État membre, qui sont ou vont être déployées à l'étranger, lorsque l'acheteur doit obtenir ces services d'opérateurs économiques qui garantissent la validité de leur offre uniquement pour des périodes très brèves, de sorte que les délais applicables aux procédures formalisées ne peuvent être respectés162(*) ;
- le marché porte sur des travaux, fournitures ou services innovants163(*) et répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 300 000 euros HT164(*).
Du reste, en cas de recours à une procédure formalisée, la publicité et la mise en concurrence préalables font l'objet d'aménagements adaptés aux spécificités du MDS :
- si l'acheteur choisit de passer le MDS selon la procédure de l'appel d'offres, celui-ci ne peut être que restreint, et non ouvert165(*) - seuls les candidats sélectionnés par lui sont alors autorisés à soumissionner ;
- s'il recourt à la procédure avec négociation, il ne négocie les conditions du marché qu'avec le ou les opérateurs économiques autorisés à participer aux négociations166(*) ;
- il peut recourir à la procédure du dialogue compétitif s'il n'est objectivement pas en mesure de définir seul et à l'avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ou d'établir le montage juridique ou financier d'un projet167(*).
À ces adaptations s'ajoute la faculté accordée à l'acheteur public d'allotir ou non le MDS168(*). S'il décide d'un allotissement, celui-ci peut limiter le nombre de lots pour lesquels un même opérateur économique peut présenter une offre ou le nombre de lots qui peuvent être attribués à un même opérateur économique.
(3) L'acheteur dispose des moyens d'assurer la sécurité de l'information ou des approvisionnements
Certaines prérogatives spécifiques sont accordées par le droit de la commande publique aux acheteurs dans le cadre de la passation d'un MDS pour assurer la sécurité de l'information ou des approvisionnements.
Pour mémoire, les MDS ne peuvent être passés qu'avec des opérateurs économiques issus d'États membres de l'Union européenne, sauf décision contraire de l'acheteur public concerné169(*).
L'acheteur est ainsi autorisé à refuser un opérateur économique proposé par le candidat, le soumissionnaire ou le titulaire comme sous-contractant s'il est placé dans un cas d'exclusion de la procédure de passation170(*) ou au motif qu'il ne présente pas les garanties suffisantes telles que celles exigées pour les candidats du marché public principal, notamment en termes de capacités techniques, professionnelles et financières, de sécurité de l'information ou de sécurité des approvisionnements171(*).
Lorsque la passation d'un MDS nécessite la détention de données protégées, l'acheteur exige des candidats qu'ils produisent les éléments justifiant de leur capacité à traiter, stocker et transmettre ces données au niveau de protection nécessaire172(*).
En outre, il lui est loisible d'imposer des conditions d'exécution particulières du MDS, qui peuvent comporter des éléments à caractère social ou environnemental ainsi que des exigences relatives à la sécurité d'approvisionnement, aux sous-contrats, à la sécurité des informations ou à la localisation sur le territoire des États membres de l'Union européenne ou des parties à l'Espace économique européen (EEE) du lieu d'exécution de tout ou partie des prestations ou des moyens utilisés pour exécuter tout ou partie du marché, maintenir ou moderniser les produits acquis173(*).
(4) En matière de défense et de sécurité, certains marchés sont soumis à un cadre juridique très allégé
Le régime des MDS ne permettant pas à lui seul de garantir la sécurité des achats les plus stratégiques, plusieurs types de marchés sont exemptés de l'application des règles de passation de droit commun en raison de leur très grande sensibilité.
Il s'agit notamment des marchés :
- portant sur des armes, munitions ou matériel de guerre lorsque la protection des intérêts essentiels de sécurité de l'État l'exige, notamment pour des achats qui nécessitent une confidentialité extrêmement élevée ou une grande rapidité d'acquisition, pour le remplacement accéléré des équipements militaires et des munitions mis à disposition des partenaires et des alliés de la France et pour les acquisitions de matériels militaires destinées à tirer rapidement les enseignements des conflits et des crises affectant la sécurité du continent européen ou celle des outre-mer ou lorsque le rythme du progrès technologique nécessite une très grande rapidité d'acquisition ;
- pour lesquels l'application des règles de passation de droit commun obligerait à une divulgation d'informations contraire aux intérêts essentiels de sécurité de l'État, notamment pour des travaux, des fournitures ou des services particulièrement sensibles, qui nécessitent une confidentialité extrêmement élevée, tels que certains achats destinés à la protection des frontières ou à la lutte contre le terrorisme ou la criminalité organisée, des achats liés au cryptage ou destinés spécifiquement à des activités secrètes ou à d'autres activités tout aussi sensibles menées par les forces de sécurité intérieure ou par les forces armées ;
- conclus en vertu de la procédure propre à une organisation internationale et dans le cadre des missions de celle-ci ou qui doivent être attribués conformément à cette procédure ;
- conclus selon des règles de passation particulières prévues par un accord international ou un arrangement administratif conclu entre au moins un État membre de l'Union européenne et au moins un État tiers ;
- destinés aux activités de renseignement, y compris les activités de contre-espionnage, de contre-terrorisme et de lutte contre la criminalité organisée174(*).
Les intérêts essentiels de sécurité
L'article 346 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dispose que, nonobstant ses autres dispositions :
- aucun État membre n'est tenu de fournir des renseignements dont il estimerait la divulgation contraire aux intérêts essentiels de sa sécurité ;
- tout État membre peut prendre les mesures qu'il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production et au commerce d'armes, de munitions et de matériel de guerre, ces mesures ne devant pas altérer les conditions de la concurrence dans le marché intérieur en ce qui concerne les produits non destinés à des fins spécifiquement militaires.
Comme le précise le ministère des armées, la notion d'intérêts essentiels de sécurité « reste d'interprétation et d'utilisation stricte et demeure sous contrôle de la Commission »175(*). En tout état de cause, « le caractère d'intérêt essentiel de sécurité n'implique pas nécessairement une acquisition en gré à gré à une société française mais limite les candidatures à celles compatibles avec ces intérêts ».
* 113 Article L. 2122-1 du code de la commande publique.
* 114 Articles R. 2361-2, R. 2361-6 et R. 2361-8 du code de la commande publique.
* 115 Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, considérant n° 46 : « Les pouvoirs adjudicateurs devraient être autorisés à raccourcir certains délais applicables à des procédures ouvertes, restreintes ou concurrentielles avec négociation, lorsque les délais en question seraient impossibles à respecter en raison d'une situation d'urgence que les pouvoirs concernés devraient être tenus de justifier en bonne et due forme. Il convient de préciser qu'il ne s'agit pas nécessairement d'une urgence extrême résultant d'évènements imprévisibles par le pouvoir adjudicateur et qui ne lui sont pas imputables ».
* 116 Conseil d'État, 4 avril 1997, Département d'Ille-et-Vilaine, n° 145388.
* 117 Article R. 2161-3 du code de la commande publique.
* 118 Article R. 2161-3 du code de la commande publique.
* 119 Article R. 2161-6 du code de la commande publique.
* 120 Article R. 2161-7 du code de la commande publique.
* 121 Article R. 2161-8 du code de la commande publique.
* 122 Article R. 2161-12 du code de la commande publique.
* 123 Article R. 2161-14 du code de la commande publique.
* 124 Article R. 2161-15 du code de la commande publique.
* 125 Article R. 2132-6 du code de la commande publique.
* 126 Article R. 2361-2 du code de la commande publique.
* 127 Article R. 2361-3 du code de la commande publique.
* 128 Article R. 2361-6 du code de la commande publique.
* 129 Article R. 2361-8 du code de la commande publique.
* 130 Article R. 2122-1 du code de la commande publique.
* 131 Réponses écrites du RMA du ministère de l'intérieur au questionnaire de la commission d'enquête.
* 132 Article R. 2322-4 du code de la commande publique.
* 133 Article R. 2112-17 du code de la commande publique.
* 134 Articles L. 2113-10 et L. 2113-11 du code de la commande publique.
* 135 Article L. 2171-2 du code de la commande publique.
* 136 Article L. 2431-1 du code de la commande publique.
* 137 Exposé des motifs du projet de loi d'urgence pour Mayotte, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 8 janvier 2015.
* 138 Réponses écrites du RMA des ministères de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et des sports, de la jeunesse et de la vie associative au questionnaire de la commission d'enquête.
* 139 Ibid.
* 140 Audition de MM. Guillaume Delarue, Jean-Marc Joannès et Grégory Kalflèche, 19 mars 2025.
* 141 Réponses écrites de M. Jean-Marc Joannès au questionnaire de la commission d'enquête.
* 142 Rapport d'information fait au nom de la commission des lois du Sénat, investie des pouvoirs d'une commission d'enquête, sur les émeutes survenues à compter du 27 juin 2023, par M. François-Noël Buffet, sénateur (n° 521, 2023-2024).
* 143 Audition de MM. Guillaume Delarue, Jean-Marc Joannès et Grégory Kalflèche, 19 mars 2025.
* 144 Règlement (UE) 2022/1031 du Parlement européen et du Conseil du 23 juin 2022 concernant l'accès des opérateurs économiques, des biens et des services des pays tiers aux marchés publics et aux concessions de l'Union et établissant des procédures visant à faciliter les négociations relatives à l'accès des opérateurs économiques, des biens et des services originaires de l'Union aux marchés publics et aux concessions des pays tiers (Instrument relatif aux marchés publics internationaux - Impi), considérant n° 10.
* 145 Articles L. 2153-1 et R. 2153-1 du code de la commande publique.
* 146 Directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés publics par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE, article 86.
* 147 Articles L. 2153-2 et R. 2153-3 du code de la commande publique.
* 148 Article R. 2153-4 du code de la commande publique.
* 149 Article L. 2353-1 du code de la commande publique.
* 150 Règlement (UE) 2022/1031 du Parlement européen et du Conseil du 23 juin 2022 concernant l'accès des opérateurs économiques, des biens et des services des pays tiers aux marchés publics et aux concessions de l'Union et établissant des procédures visant à faciliter les négociations relatives à l'accès des opérateurs économiques, des biens et des services originaires de l'Union aux marchés publics et aux concessions des pays tiers (Instrument relatif aux marchés publics internationaux - Impi), article 5.
* 151 Ibid, article 6.
* 152 Ibid, article 8.
* 153 Article L. 2112-4 du code de la commande publique.
* 154 Décision (PESC) 2022/578 du Conseil du 8 avril 2022 modifiant la décision 2014/512/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine.
* 155 Règlement (UE) n° 2022/576 du Conseil du 8 avril 2022 modifiant le règlement (UE) n° 833/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine, article 1er.
* 156 Article L. 1113-1 du code de la commande publique.
* 157 Audition du ministère des armées, 25 mars 2025.
* 158 Article R. 2322-3 du code de la commande publique.
* 159 Article R. 2322-4 du code de la commande publique.
* 160 Article R. 2322-5 du code de la commande publique.
* 161 Article R. 2322-6 du code de la commande publique.
* 162 Article R. 2322-13 du code de la commande publique.
* 163 Article L. 2172-3 du code de la commande publique.
* 164 Article R. 2322-16 du code de la commande publique.
* 165 Article R. 2324-2 du code de la commande publique.
* 166 Article R. 2324-3 du code de la commande publique.
* 167 Article R. 2324-4 du code de la commande publique.
* 168 Article L. 2313-5 du code de la commande publique.
* 169 Article L. 2353-1 du code de la commande publique.
* 170 Articles L. 2341-1 à L. 2341-7 du code de la commande publique.
* 171 Article L. 2393-8 du code de la commande publique.
* 172 Article R. 2343-13 du code de la commande publique.
* 173 Article R. 2312-4 du code de la commande publique.
* 174 Article L. 2515-1 du code de la commande publique.
* 175 Réponses écrites du ministère des armées au questionnaire de la commission d'enquête.