2. Une dégradation de la visibilité budgétaire des établissements

Cette évolution dégrade la visibilité budgétaire des établissements universitaires de deux manières.

ï En premier lieu, le recul de la couverture par le budget de l'État de la dépense salariale des établissements (qui représente 85 % de leur SCSP en 2024) 1 marque le passage à une situation de sous-financement chronique de leur dépense socle, considéré comme « choquant » par Laurent Batsch et plusieurs universités. France Universités observe ainsi, entre 2020 et 2024, une progression moyenne de la masse salariale des universités de +3,8 %, tandis que la SCSP a progressé au rythme plus modéré de 2 % par an.

Il a par ailleurs été jugé préoccupant que des appels à projets portent désormais sur des activités relevant des missions confiées aux universités par la loi, notamment l'organisation de la lutte contre les discriminations. L'introduction de financements participatifs sur ces activités est lue comme le début d'un désengagement de l'État sur les missions obligatoires des établissements.

ï En second lieu, les arbitrages budgétaires des dernières années font peser la menace annuelle d'une augmentation exogène des dépenses à la charge des établissements, venant déstabiliser leurs budgets sans qu'ils ne disposent des marges de manoeuvre pour maîtriser les coûts associés. France Universités indique ainsi qu'il ne lui est « pas possible d'admettre que

1 Au total, les dépenses de personnels représentent pour les universités une charge globale comprise entre 70 % et 84 % de leur budget, avec une moyenne de 77 % en 2024. 28 établissements avaient à cette date des charges de personnels supérieures à 83 % de leurs produits.

[le financement de] la masse salariale cesse d'être actualisé lorsque son accroissement est dû à des décisions de l'État ».

L'importance de ces marges de manoeuvre fait débat dans les échanges avec l'administration. La fin de la compensation du GVT, en particulier, a été décidée au regard des conclusions d'une mission commune d'inspection sur le pilotage et la maîtrise de la masse salariale des universités 1, qui relevait que « compte tenu de ses effets contre-productifs, la mission considère que la compensation du GVT n'a plus lieu d'être s'agissant d'opérateurs autonomes, qui sont libres de leurs choix de structure d'emploi ». L'université Paris Cité relève à ce propos que la part du GVT résultant des évolutions de carrière des hospitalo-universitaires et des professeurs d'université lui échappe en totalité.

Les rapporteurs relèvent par ailleurs que le même rapport considérait

« qu'il revient aux pouvoirs publics de limiter la compensation sur l'impact de la déformation de la masse salariale des titulaires à la seule compensation des mesures fonction publique relatives au point d'indice », ce qui signifie que ces mesures au moins devraient bénéficier d'une complète compensation par l'État.

C. UN MANQUE DE FIABILITÉ DANS LE VERSEMENT DES DOTATIONS

ï Au stade de l'allocation des dotations de l'État, les modalités techniques de leur versement aux établissements sont également à l'origine de difficultés.

La SCSP comme la dotation attachée aux Comp sont ainsi notifiées puis versées avec retard, ce qui signifie que les établissements doivent construire leurs budgets sans connaître ni le montant des dotations dont ils bénéficieront, ni la date à laquelle ils en disposeront. À la date de l'audition de leur association professionnelle, le 25 mars 2025, les directeurs financiers d'établissements d'enseignement supérieur ont ainsi indiqué qu'ils étaient toujours dans l'attente de la notification des crédits alloués au titre des services votés pour 2025, dont le montant par établissement n'était pas encore connu.

Ce flottement est renforcé par les fluctuations des arbitrages budgétaires de l'État, qui portent sur des montants aussi importants que ceux du relèvement du taux de la contribution au CAS Pensions dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 (soit 200 millions d'euros).

Il a par enfin été regretté que les modalités de notification ne permettent pas de distinguer les montants relevant de la SCSP, qui constitue une dotation annuelle, de ceux associés aux Comp, construits dans une logique pluriannuelle.

1 Le pilotage et la maîtrise de la masse salariale des universités, rapport conjoint de l'IGF et de l'IGAENR, avril 2019.

ï Les incertitudes résultant de ces pratiques pèsent bien entendu fortement sur les capacités de pilotage financier des universités, et expliquent en partie les écarts constatés entre les budgets primitif et constaté des établissements (voir infra). Alors qu'il leur est demandé de développer une vision pluriannuelle de leur pilotage financier, les universités sont en effet soumises à de fortes incertitudes budgétaires à l'échelle infra-annuelle.

Ces éléments pèsent fortement sur la capacité des universités à engager des dépenses sur plusieurs années. La plupart des établissements entendus indiquent que leurs ajustements à cette situation passent d'abord par la remise en cause de leurs projets d'investissement, ainsi que par la réduction de la part de leur dépense salariale dont ils ont la maîtrise, au moyen d'une augmentation du recours aux enseignants non titulaires et d'un gel des campagnes d'emplois. Leurs activités de recherche fondamentale, dont le fonctionnement n'est pas adapté à un financement ponctuel par appel à projets, sont également touchées par la réduction du champ couvert par la SCSP.

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