II. DES DIVERGENCES D'APPRÉCIATION SUR LES MARGES DE MANOEUVRE FINANCIÈRES DES UNIVERSITÉS

La dégradation de la situation financière des universités résultant de ces évolutions ne fait pas l'objet d'un diagnostic entièrement partagé entre les universités et l'État. Un « décalage » a ainsi été évoqué à de multiples reprises entre le jugement respectivement porté par les universités et les ministères compétents sur les marges de manoeuvre dont disposent les établissements, et sur leur capacité à absorber de nouvelles mesures d'économie. Dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2026, de débat s'est principalement porté sur l'évaluation du montant de la trésorerie disponible des établissements.

Les rapporteurs ont dès lors souhaité objectiver les déterminants de ces divergences d'appréciation, afin de disposer d'une vision étayée de la situation financière des universités.

A. LES DÉTERMINANTS D'UN DIAGNOSTIC NON PARTAGÉ

1. Un état des lieux peu lisible

Le manque de lisibilité de la situation financière des universités a été pointé par plusieurs acteurs entendus par les rapporteurs, qui ont déploré l'absence de mise à disposition d'indicateurs synthétiques reflétant la trajectoire et la situation financière des universités.

L'Avuf indique ainsi que les collectivités ont globalement

« le sentiment qu'il manque d'indicateurs fiables et publiés régulièrement sur la situation financière des universités, et plus généralement sur toutes leurs activités, leurs résultats, leur impact », et que « ce manque de lisibilité est un handicap pour tous ceux qui souhaitent accompagner et travailler avec les universités ».

a) La production de données nombreuses mais hétérogènes

Cette observation est à première vue paradoxale, dans la mesure où

les données disponibles sont nombreuses.

ï Outre le système d'information Indefi ESR, alimenté par les données de l'infocentre des établissements publics nationaux (EPN), les données renseignées par les agents comptables de chaque établissement alimentent un tableau de synthèse du MESR.

Ce tableau sert ensuite de base aux tableaux de bord mis à la disposition du grand public en open data par la sous-direction des systèmes d'information et des études statistiques (SIES) du MESR et qui, de l'avis de plusieurs des interlocuteurs entendus par les rapporteurs, sont très complets. Stéphane Calviac a ainsi souligné que ces tableaux de bord permettent,

« en quelques clics, de disposer d'un document d'une quinzaine de pages retraçant l'évolution de la situation financière des universités ». France Universités considère toutefois que « ces éléments ont une valeur informative, mais grandement insuffisante pour un véritable pilotage stratégique (indicateurs souvent limités aux crédits alloués ou exécutés, sans éléments d'analyse consolidée) » 1.

S'y ajoutent les rapports annuels de performance (RAP), qui agrègent des données financières par catégorie d'établissement (universités et assimilées, écoles d'ingénieur, etc.), notamment les éléments principaux du compte de résultat, du tableau de financement et de la trésorerie.

Ces différents ensembles de données ne sont cependant pas homogènes du point de vue des informations qu'ils retracent comme des acteurs auxquels ils sont accessibles, ainsi que l'illustre le tableau ci-après. Le système Indefi ESR, qui est accessible au MESR comme au ministère des comptes publics, comporte ainsi uniquement les données du plan comptable, tandis que les éléments du cadre GBCP ne figurent que dans le tableau de synthèse interne au MESR. Cette hétérogénéité contribue probablement au sentiment de confusion autour de la disponibilité des données, de même que la fréquente méconnaissance de la mise à disposition par l'État de données financières accessibles en open data.

1 L'université Paris-Saclay indique en outre que « dans un paysage en évolution, où la politique de regroupement est en cours, les établissements et le ministère doivent se concerter pour s'assurer de la cohérence des données mise à disposition en open data. On peut ici citer, à titre d'exemple, que l'addition des inscriptions étudiantes présentes dans les fichiers SISE, qui sera rendue publique en données ouvertes, n'est pas toujours représentative du nombre total d'inscriptions d'un établissement expérimental tel que le nôtre. Des données consolidées au niveau national permettraient une meilleure comparaison sur la base d'éléments tangibles ».

Le chantier du système d'information Infinoe, qui devrait permettre de fluidifier les échanges d'information entre les établissements et les services centraux du MESR et du MCP, est par ailleurs toujours en souffrance. Ce nouveau système, dont le chantier a été lancé en 2020 pour l'ensemble des établissements publics nationaux (EPN) - au-delà donc des universités - doit permettre de collecter, par flux automatisés, toutes les données budgétaires et comptables issues des logiciels des organismes soumis à la comptabilité publique. La production des documents budgétaires s'en trouverait simplifiée et fiabilisée, tandis que le développement de l'open data des données financières des organismes d'État en serait facilité. Surtout, l'État disposerait ainsi d'une vision complète et en temps réel de la situation financière de l'ensemble des établissements.

Initialement prévue pour 2022, la mise en service de ce nouvel infocentre a cependant subi d'importants retards, ainsi que l'ont récemment mis en lumière les conclusions de la commission d'enquête sénatoriale sur les agences de l'État 1.

ï La présentation comptable des budgets des établissements est par ailleurs unifiée dans le cadre réglementaire tracé par le décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (dit décret GBCP) et le décret n° 2024-1108 du 2 décembre 2024 relatif au budget et au régime financier des EPSCP.

La liasse des documents budgétaires dits GBCP retrace plusieurs indicateurs : outre le plan de trésorerie de l'établissement, elle comporte également un tableau des recettes fléchées, un tableau des opérations pluriannuelles et un tableau de synthèse budgétaire et comptable dans lequel figurent notamment la CAF, le fonds de roulement et la trésorerie.

1 La page Internet de cette commission d'enquête est accessible en suivant ce lien.

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