- depuis cinq ans, la France ne dispose d'aucun document stratégique actualisé en concertation avec les acteurs concernés pour définir les orientations pluriannuelles, à l'échelle nationale, de son système d'enseignement supérieur.

ï Cette situation est d'autant plus étonnante que des orientations stratégiques ont dans le même temps été définies sur certains aspects de la politique publique de l'enseignement supérieur.

Dans le cadre de la mise en oeuvre de la stratégie numérique du MESR, une feuille de route du comité numérique pour la réussite étudiante et l'agilité des établissements (Coreale), chargé de son application, a ainsi été définie pour la période 2023-2027. La stratégie « Bienvenue en France » d'attractivité pour les étudiants étrangers a également été lancée en 2019, tandis qu'une programmation sur dix ans des moyens alloués à la recherche a été définie par la LPR de 2020 1.

Il semble par ailleurs que le ministère entende se saisir du rôle qui lui revient en matière de définition d'une stratégie pour l'enseignement supérieur. Une circulaire datée du 5 septembre 2025 rappelle ainsi qu'il revient aux services centraux du ministère de « proposer et piloter la politique publique de l'enseignement supérieur et de la recherche ».

ï Les projets annuels de performance (PAP) annexés au programme

150 relatif aux formations supérieures et à la recherche universitaires prévoient par ailleurs des indicateurs chiffrés en matière de formation d'une classe d'âge dans l'enseignement supérieur, d'insertion professionnelle des diplômés en formation initiale, d'admission dans l'enseignement supérieur ou encore de réussite étudiante. Il s'agit cependant d'indicateurs d'efficience des crédits budgétaires, et non d'objectifs stratégiques ayant une incidence sur le montant des crédits alloués à chaque établissement.

(2) Cette lacune n'est pas compensée par le report du travail stratégique du ministère sur les Comp

Le travail stratégique est en conséquence entièrement reporté sur l'outil du contrat.

ï Le rôle central du contrat dans le dispositif de pilotage de la politique d'enseignement supérieur a été affirmé par la loi LRU de 2007, dont l'article 17 a rendu obligatoire la passation de contrats pluriannuels. D'abord formalisée par la passation de contrats d'établissements, l'application de cette disposition repose depuis la loi ESR de 2013 sur la mise en place de contrats

1 Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche, dite « LPR ».

de site quinquennaux, qui constituaient jusqu'à ce jour l'outil de référence de la politique contractuelle de l'État dans l'enseignement supérieur.

Cette politique contractuelle est actuellement en cours de refondation via le déploiement progressif, depuis 2023, des contrats d'objectifs, de moyens et de performance (Comp). Initialement mis en place comme des instruments d'allocation de moyens financiers complémentaires à ceux de la subvention pour charges de service public (SCSP), ces contrats sont désormais considérés par le ministère comme ses « vecteurs essentiels pour l'impulsion et la mise en oeuvre des orientations nationales des politiques publiques, notamment dans le domaine du pilotage de l'offre de formation » - orientations définies à ce jour par le seul ministère.

Selon l'ambition affirmée par l'ancienne ministre de l'enseignement supérieur Sylvie Retailleau, les Comp doivent permettre l'engagement par les établissements d'actions transformantes dans des champs définis comme prioritaires, le versement des financements associés étant conditionné à la réalisation des objectifs fixés 1. La mise en oeuvre de ces instruments pluriannuels, d'une durée de trois ans, a été confiée aux rectorats dans le cadre d'un dialogue annuel de performance.

Selon la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (Dgesip) du MESR, leur déploiement vise en outre à renouveler l'exercice de la tutelle des opérateurs par le repositionnement des échanges entre les établissements et les rectorats « à un niveau plus stratégique » d'une part, et par l'introduction de la notion de performance dans un dialogue jusqu'ici centré sur le contrôle de la régularité juridique et financière des opérations d'autre part.

ï Les premiers bilans dressés de ces instruments par la Cour des comptes 2 et la commission des finances du Sénat 3 mettent notamment en avant le caractère très réduit des financements associés, qui représentent globalement 0,8 % des montants attribués via la SCSP. S'il est vrai que leur montant a été calibré pour jouer un rôle d'amorçage, et non couvrir l'intégralité des dépenses correspondant aux axes stratégiques négociés, il n'en reste pas moins que ce dimensionnement des Comp les rend à ce jour impropres à fonder à eux seuls le travail stratégique qui n'est pas déployé dans le cadre de la Stranes.

1 Parmi ces objectifs figurent notamment le déploiement de formations préparant les étudiants à exercer des métiers d'avenir, en tension ou en évolution ; la conduite d'actions concourant au bien-être et à la réussite des étudiants ; le développement de la recherche et de l'innovation au meilleur niveau européen et international ; la transition écologique et le développement soutenable ; l'optimisation de la gestion et du pilotage de l'établissement.

2 Cour des comptes, Les contrats d'objectifs, de moyens et de performance (COMP) conclus entre l'État et les établissements d'enseignement supérieur, audit flash du 14 mars 2025.

3 Dans le même sens que les observations formulées sur la multiplicité des objectifs assignés par la loi aux universités, Vanina Paoli-Gagin souligne par ailleurs le nombre « délirant » et donc « contre-productif » d'indicateurs associés aux Comp.

Les rapporteurs considèrent ainsi qu'il n'est pas possible d'affirmer, comme le fait la Dgesip, que « la stratégie universitaire au niveau national et au niveau de chaque établissement est déployée dans le cadre des Comp ».

ï Selon le ministère, cette situation doit évoluer sous l'effet du

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