compte spécial : avances à l’audiovisuel public

Article 48 et état B (Crédits du budget général)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Travail et emploi

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte spécial « Avances à l’audiovisuel public », figurant à l’état D.

État D

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Avances à l’audiovisuel public

3 222 000 000

3 222 000 000

France Télévisions

2 146 460 743

2 146 460 743

ARTE France

251 809 230

251 809 230

Radio France

606 591 415

606 591 415

Contribution au financement de l’action audiovisuelle extérieure

125 197 562

125 197 562

Institut national de l’audiovisuel

91 941 050

91 941 050

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que l'examen de l’article 76 et des amendements portant articles additionnels, rattachés à la mission « Médias, livre et industries culturelles », a été réservé jusqu’après le vote de l'article 51.

Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Travail et emploi

Article 50 et état D (Crédits des comptes d'affectation spéciale et des comptes de concours financiers)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 48 et état B (Crédits du budget général) (début)

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Travail et emploi ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Travail et emploi » dispose de 11,46 milliards d’euros, qui sont destinés, en principe, à réduire le chômage et à développer l’emploi.

Le budget de la politique de l’emploi dépasse largement les seuls crédits de cette mission. En effet, le Gouvernement mobilisera 51,4 milliards d’euros en 2011 pour la politique de l’emploi et du travail, soit plus de la moitié de notre déficit budgétaire, pour un résultat très contestable, car ces crédits financent en réalité une multitude d’aides sociales n’aboutissant à aucune création d’emploi.

Dans cette période cruciale où le Gouvernement essaie de trouver les économies nécessaires pour réduire notre déficit budgétaire et conserver notre notation AAA, il ne serait pas inutile d’étudier de plus près des dépenses qui n’ont aucun effet sur l’augmentation du nombre d’emplois et qui ne sont en fait que des dépenses sociales.

En plus des 11,46 milliards d’euros de la mission « Travail et emploi », sur lesquels nous reviendrons, doivent être également pris en compte 10,51 milliards d’euros de dépenses fiscales, dont près de 3 milliards d’euros affectés à la prime pour l’emploi. Il faut bien le dire, ces dépenses ne créent aucun emploi et ne sont, en réalité, qu’un complément de salaire très agréable pour ceux qui en profitent, mais très lourd pour l’État. Il faut également comptabiliser les crédits et réductions d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile, dont le coût dépasse les 3 milliards d’euros, mais qui permettent, eux, de créer de nombreux emplois.

Les exonérations d’impôt sur le revenu au titre des heures supplémentaires, qui coûtent 1,36 milliard d’euros à l’État, ne créent aucun emploi. Elles pourraient donc être supprimées ; j’ai d’ailleurs déposé un amendement en ce sens.

Si l’État acceptait de supprimer la prime pour l’emploi et l’exonération d’impôt au titre des heures supplémentaires, qui ne créent aucun emploi, je ne me lasserai pas de le répéter, il économiserait 4,29 milliards d’euros.

Les allégements généraux de cotisations de charges sur salaires coûtent près de 25 milliards d’euros. Le MEDEF accepterait désormais – car c’est nouveau – de les aménager de manière progressive et différenciée en fonction de la situation conventionnelle des entreprises. Il souhaiterait que soit, au préalable, réglée la question très importante de la durée légale du travail, de telle sorte que celle-ci puisse être modulée, après discussions avec les syndicats, en fonction des besoins et des charges de chaque entreprise : ce serait effectivement beaucoup plus efficace en termes de rendement des activités industrielles.

Il est certain que des modifications des allégements de charges ne pourraient s’appliquer qu’aux entreprises ou aux branches qui seraient sorties du système de durée légale du travail. Il serait intéressant que le Gouvernement puisse étudier cette nouvelle proposition du MEDEF.

En finançant 25 milliards d’euros d’allégements de cotisations de charges par an depuis plus de dix ans, l’État aura fait augmenter notre dette de plus de 250 milliards d’euros, sans compter les charges afférentes, et cela sans aucune limite. Il s’agit d’une dépense considérable, sur laquelle il me semble utile d’attirer votre attention.

Par ailleurs, en vertu de la loi TEPA, les heures supplémentaires entraînent 3,23 milliards d’euros d’exonérations de charges, là encore sans aucune création d’emploi.

Enfin, les exonérations ciblées de cotisations patronales, sur lesquelles je n’ai aucune information, mais qui représentent 5 milliards d’euros, pourraient aussi être supprimées, car leur contribution à la création d’emplois ne paraît pas évidente.

Au total, la politique de l’emploi, qui mobilise aujourd’hui 51,44 milliards d’euros, pourrait être réduite de 37,5 milliards d’euros et ramenée à 14,4 milliards d’euros, sans compromettre l’emploi, mais notre déficit budgétaire s’en trouverait diminué d’autant.

Mes chers collègues, je vous fais remarquer que cet énorme budget, de plus de 51 milliards d’euros, ne prévoit que très peu de financements en direction des entreprises, pour les aider à développer leurs activités, ou des créateurs d’entreprise, alors que c’est là que se trouve le plus sûr moyen de créer des emplois. Certes, le programme 103 prévoit 307 millions d’euros d’aides à la création et à la reprise d’entreprises, mais il s’agit essentiellement d’exonérations, et non de subventions efficaces pour aider les entreprises en début d’activité.

Les entreprises auraient pourtant bien besoin de ces aides en capital pour la création d’activités nouvelles, le lancement de nouveaux produits, la modernisation de leurs installations ou encore la recherche de nouveaux marchés à l’étranger.

Il serait vraiment utile que le budget de l’emploi favorise la création d’emplois par les entreprises au lieu de financer la multiplication d’aides sociales qui ne créent aucun emploi.

Mais revenons au budget de la mission « Travail et emploi ». Le Gouvernement propose de faire des économies sur plusieurs dispositifs.

Les subventions accordées aux maisons de l’emploi sont très significativement revues à la baisse, avec une diminution de 45 % : elles s’élèvent désormais à 53 millions d’euros, au lieu de 95 millions d’euros en 2010. Cette mesure est contestée par plusieurs de mes collègues ici présents.

Diverses mesures de suppression de crédits, notamment l’exonération de 15 points pour les particuliers employeurs, permettront d’économiser globalement plus de 530 millions d’euros, mais auront pour conséquence de réduire les emplois à domicile. J’y suis tout à fait opposé ; je serai donc favorable à l’amendement de ma collègue Marie-Thérèse Hermange, qui propose de conserver cette exonération, en la ramenant de 15 à 10 points.

Le Gouvernement propose de supprimer l’exonération des avantages en nature dans la restauration, qui avait été adoptée par la commission des finances l’année dernière avant d’être rejetée en séance publique. Cette mesure d’économie est désormais acceptée, mais elle n’aura aucun effet sur l’emploi.

J’en viens aux crédits de la mission « Travail et emploi » qui, je le rappelle, s’élèvent à 11,46 milliards d’euros. Ils se décomposent en quatre programmes : le programme 102, Accès et retour à l’emploi, doté de 6,19 milliards d’euros ; le programme 103, Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi, doté de 4,45 milliards d’euros ; le programme 111, Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail, doté de 77 millions d’euros ; enfin, le programme 155, Conception, gestion et évaluation de la politique de l’emploi et du travail, qui est le programme « support » intégrant les moyens en personnel, doté de 744 millions d’euros.

Le programme 102 affecte 1,36 milliard d’euros à Pôle emploi, dont on ne sait pas si son action a un quelconque effet sur les chiffres du chômage, et 1,6 milliard d’euros à l’indemnisation des chômeurs en fin de droits. Cette dernière mesure est complètement inutile : elle ne crée aucun emploi puisqu’elle vise des chômeurs. Elle devrait être supprimée, car « il est reconnu que le maintien d’un haut niveau d’allocation peut être un frein au retour à l’emploi », ainsi que le dit Christopher Pissarides, qui a reçu le prix Nobel d’économie en 2010.

Les crédits pour l’emploi devraient être affectés en priorité au développement de l’économie et non aux aides sociales.

Ensuite, 2 milliards d’euros sont prévus pour les contrats aidés, dont seulement 232 millions d’euros pour les contrats marchands, les seuls qui soient vraiment créateurs d’emploi, le reste, soit près de 1,7 milliard d’euros, étant affecté aux contrats non marchands. Sans contester l’intérêt des contrats aidés non marchands, qui permettent aux collectivités de recruter des jeunes inactifs, ce qui a au moins le mérite d’amener ceux-ci vers une situation d’emploi, il serait tout de même utile d’augmenter le budget des contrats aidés marchands, qui débouchent, eux, sur de vrais contrats de travail.

À ce sujet, si les rapporteurs des budgets pouvaient disposer d’informations sur les budgets consommés l’année précédente, ils pourraient mieux juger de la nécessité de les augmenter ou de les réduire. Les projets de loi de règlement des comptes existent, mais ils ne sont pas assez bien renseignés sur les détails des dépenses effectuées.

Les missions locales reçoivent 179 millions d’euros pour procurer des emplois ou des formations à des jeunes de moins de 25 ans, ce qui est extrêmement utile. Elles complètent le travail de Pôle emploi, qui s’occupe des chômeurs de plus de 25 ans. La commission des finances a accepté d’accorder 15 millions d’euros de crédits supplémentaires à l’accompagnement renforcé des jeunes vers l’emploi, même si j’avais proposé un montant beaucoup plus élevé. J’ai déposé un amendement en ce sens et la commission des finances a bien voulu accepter d’accorder 5 millions d’euros supplémentaires aux missions locales et la même somme aux écoles de la deuxième chance ainsi qu’au Fonds d’insertion professionnelle des jeunes.

L’intitulé du programme 103, « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi », qui est doté de 4,45 milliards d’euros, est prometteur.

La sous-action 2, avec 3,2 milliards d’euros de crédits, favorise le développement de l’alternance et de l’apprentissage, ce qui est bien. Néanmoins, elle devrait aussi comporter une incitation pour les entreprises à embaucher des apprentis, ce qui est aujourd’hui très difficile. Il y a malheureusement un certain nombre de jeunes qui cherchent des stages en entreprise, qui n’en trouvent pas et qui risquent de ne pas pouvoir être formés.

Les exonérations d’impôt sur le revenu au titre des heures supplémentaires, qui s’élèvent à 1,36 milliard d’euros et qui correspondent à des pertes pour l’État, pourraient être réduites, voire supprimées, car il n’y a aucune raison que des salariés ne paient pas d’impôt sur ces revenus. J’ai donc déposé un amendement de suppression de ces exonérations. Grâce aux économies ainsi réalisées, 500 millions d’euros pourraient, par exemple, être affectés aux aides à la création d’entreprises, Ces dernières constituent la plus forte source de créations d’emplois. Il n’en est pourtant absolument pas question dans ce budget.

Le programme 111, Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail, est doté de 77 millions d’euros. Or, il ne comporte aucune action en faveur de l’emploi.

Au titre du programme 155, Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail, 744 millions d’euros sont dévolus à l’ensemble des moyens humains mis en œuvre pour les autres programmes, c’est-à-dire au paiement du personnel. Or il s’agit de près de 60 000 personnes, dont 46 000 pour Pôle emploi. Il serait peut-être utile d’évaluer l’intérêt d’avoir autant de personnel pour ces opérations. Cela permettrait peut-être de réaliser des économies.

Je présenterai plusieurs amendements.

Au nom de la commission des finances, je proposerai : premièrement, la réduction de 10 % de la prime pour l’emploi ; deuxièmement, la suppression – souhaitée par M. Carle – de l’article 96, qui prévoit un prélèvement de 300 millions d’euros sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels ; troisièmement, j’en ai déjà parlé, le transfert de 15 millions d’euros aux missions locales, au Fonds d’insertion professionnelle des jeunes et aux écoles de la deuxième chance.

À titre personnel, je vous proposerai de supprimer l’exonération d’impôt sur le revenu des heures supplémentaires au-delà de 35 heures.

Pour mieux connaître l’efficacité de tous ces dispositifs, je proposerai que le budget de la mission « Travail et emploi » fasse l’objet d’un audit d’ensemble. Je souhaite pouvoir établir la liste de toutes les dépenses inutiles pour l’emploi, ou dotées trop largement, et supprimer tout ce qui correspond à une aide sociale, pour reporter les sommes correspondantes vers les entreprises, seules véritables créatrices d’emplois. Je voudrais que l’État reporte les aides sociales vers le budget dont elles relèvent vraiment, c’est-à-dire celui de la sécurité sociale.

Je voudrais, pour terminer, rappeler quelques impératifs en matière de création d’emplois.

Il faudrait, tout d’abord, réformer l’enseignement, pour permettre aux jeunes d’apprendre un métier dès 14 ans. Il est indéniable que l’éducation nationale échoue dans sa mission d’apporter aux jeunes la possibilité d’exercer un métier à la fin de leurs études puisque près de 140 000 jeunes sortent chaque année des collèges, des lycées et des universités sans aucune formation. Ils constituent le peloton des jeunes au chômage, qui s’accroît chaque année, et dont certains deviennent des délinquants.

En effet, si les jeunes étaient mieux formés à des métiers, ce qui est actuellement dépensé pour faire travailler ceux qui ne savent rien faire serait beaucoup moins élevé. C’est pourquoi je propose que la formation professionnelle initiale s’adresse aux jeunes à partir de 14 ans, avec apprentissage dès 16 ans, afin que ceux qui sont désorientés par les études théoriques et non motivés puissent occuper rapidement des emplois de proximité.

Sans formation, les jeunes deviennent des chômeurs. Sans entreprises, ils ne trouvent pas d’emploi. Sans création d’entreprises nouvelles, ils restent au chômage. Pour éviter ces conséquences néfastes, il faut adopter les mesures utiles pour les entreprises et pour l’emploi.

Par ailleurs, il faut savoir que de plus en plus de jeunes diplômés et de chercheurs s’expatrient aux États-Unis. Ainsi, d’une part, un grand nombre de jeunes sans diplôme deviennent chômeurs ou délinquants et restent chez nous, tandis que les bons, ceux qui sont diplômés, s’en vont. Que va-t-il nous rester pour faire tourner nos entreprises ?

En réalité, un vrai programme pour l’emploi devrait tenir compte de la nécessité absolue de maintenir nos jeunes et nos entreprises en France. À cet égard, la création du statut d’auto-entrepreneur, sur l’initiative de M. Novelli, a été un grand succès. Il faut renforcer ce mouvement en favorisant l’investissement dans les jeunes entreprises.

En conclusion, je voudrais vous dire que j’ai rédigé ce rapport avec le souci de l’emploi et animé par la volonté d’apporter des propositions pour éviter au Gouvernement des dépenses ne correspondant pas prioritairement à cet objectif, à savoir des aides sociales n’ayant rien à voir avec cette mission. Ce qui m’a toujours choqué dans ce budget, que je vous présente depuis cinq ans, ce sont les dépenses orientées davantage vers les aides sociales que vers les emplois et les entreprises qui, seules, peuvent créer ces emplois.

Je pense que le rôle de la commission des finances n’est pas uniquement de vous présenter les propositions du Gouvernement, mais aussi d’attirer votre attention sur l’urgence de revenir sur des décisions antérieures, prises dans des conditions financières et politiques totalement différentes, et qui grèvent lourdement notre budget.

De toute façon, le rapporteur propose, le Sénat et le Gouvernement disposent. Je m’en remettrai à vos décisions. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en élaborant le projet de budget pour 2011, le Gouvernement a dû tenir compte de deux contraintes difficiles à concilier.

Premièrement, il a fallu veiller à ne pas étouffer la reprise économique, alors que la croissance reste fragile.

Deuxièmement, il a fallu aussi engager une politique déterminée de réduction des déficits publics, indispensable pour garantir la crédibilité financière de notre pays. Les difficultés que rencontrent en ce moment plusieurs États européens nous obligent à faire preuve de responsabilité dans ce domaine.

Au fil du temps, de nombreux avantages fiscaux et sociaux ont été accordés aux entreprises ou aux particuliers pour encourager la création d’emplois. Avec le recul, nous constatons que ces dispositifs n’ont pas tous démontré leur efficacité, ce qui incite le Gouvernement à proposer, avec courage, la remise en cause d’un certain nombre d’entre eux.

Lors du débat très riche que nous avons eu en commission des affaires sociales, certains se sont inquiétés des conséquences négatives que pourrait entraîner telle ou telle mesure d’économie. D’autres ont déploré que la Mission « Travail et emploi » serve de variable d’ajustement en matière budgétaire. J’observe toutefois que ce sont parfois les mêmes qui critiquent les cadeaux faits aux employeurs, lorsqu’une mesure d’exonération de cotisations est décidée, et qui combattent ensuite les économies proposées, au motif qu’elles pénaliseraient l’emploi.

Pour ma part, je ne pense pas que l’on puisse mener une politique résolue de redressement de nos comptes publics sans faire évoluer des situations acquises.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Je ne pense pas non plus qu’il soit possible de réduire durablement les déficits sans s’interroger sur la bonne utilisation des sommes consacrées à la politique du travail et de l’emploi. Je rappelle que cette politique absorbe 11,4 milliards d’euros de crédits budgétaires, mais aussi 10 milliards d’euros de dépenses fiscales et 30 milliards d’euros d’exonérations de cotisations, soit au total une cinquantaine de milliards d’euros.

En 2011, plusieurs dispositifs qui avaient été renforcés pendant la crise vont être réajustés, pour tenir compte de l’amélioration de la conjoncture. Je pense en particulier aux contrats aidés, dont le nombre devrait diminuer, ou au régime de l’activité partielle.

Pôle emploi va devoir réaliser des gains de productivité et réduire légèrement ses effectifs, qui ont beaucoup augmenté depuis deux ans.

Le projet de loi de finances préserve cependant les crédits destinés à protéger nos concitoyens les plus vulnérables. Ainsi, les moyens affectés à l’insertion par l’activité économique ou aux écoles de la deuxième chance, pour ne prendre que ces deux exemples, seront stables par rapport à 2010.

La politique de redressement de nos comptes publics ne doit pas nous conduire à sacrifier les dépenses d’avenir. De ce point de vue, je me réjouis que le Président de la République ait réaffirmé son engagement en faveur du développement des formations en alternance, c'est-à-dire de celles qui offrent aux jeunes les meilleures perspectives d’insertion professionnelle.

Dans le cadre du grand emprunt, 500 millions d’euros d’investissements sont prévus pour financer la construction de centres de formation et de logements pour les jeunes travailleurs. Cependant, les apprentis ont souvent du mal à trouver une entreprise pour les accueillir. Laurent Wauquiez avait annoncé un plan de relance de l’apprentissage et je ne doute pas que son successeur aura à cœur de mener à bien ce projet. Le développement de l’alternance dans le secteur public et dans l’enseignement supérieur me semble être un axe de réflexion très intéressant.

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Si la commission des affaires sociales approuve globalement le projet de budget, nous aurons néanmoins un débat sur deux points.

Il s’agira, d’une part, des exonérations applicables dans le secteur des services à la personne. Nous sommes préoccupés, en effet, par les conséquences que pourrait avoir une remise en cause trop brutale des avantages qui sont aujourd’hui accordés. Ne risque-t-on pas d’assister à des destructions d’emplois, alors que le chômage reste élevé ? Peut-on exclure une résurgence du travail au noir ou un retour à une déclaration des salariés au forfait, moins favorable sur le plan social ? Les femmes qui ont besoin d’une aide à domicile pour faire garder leurs enfants pourront-elles continuer à avoir accès à ces services ?

D’autre part, nous comprenons les critiques de principe formulées par la commission des finances au sujet du prélèvement de 300 millions d’euros opéré sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. La commission n’a pas souhaité en demander la suppression mais elle espère que cette mesure conservera un caractère exceptionnel. Nous l’avions déjà dit l’année dernière…

En conclusion, considérant que le projet de budget prépare efficacement la sortie de crise, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission, ainsi qu’aux articles rattachés, sous réserve des deux amendements que je vous présenterai dans la suite de nos débats. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

La parole est à M. Daniel Marsin.

M. Daniel Marsin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien que la France soit certainement l’un des pays qui ait le mieux résisté, la crise qui nous a frappés en 2008 a eu, nous le savons tous, de graves répercussions sur l’emploi. Les chiffres sont éloquents : en août dernier, la France comptait près de 4 millions de demandeurs d’emploi, chiffre très proche du triste record de 1999.

Dans le contexte actuel, la politique de l’emploi doit donc revêtir une importance toute particulière.

Monsieur le ministre, le projet de loi de finances est fondé sur des prévisions de croissance pour le moins optimistes puisqu’il table sur une hypothèse de croissance de 2 % en 2011 et sur une amélioration de la situation de l’emploi en France.

Pourtant, selon les prévisions de l’Observatoire français des conjonctures économiques, la reprise devrait s’essouffler l’année prochaine, en raison notamment de la politique de rigueur budgétaire, et le taux de croissance ne devrait pas dépasser 1,6 %.

Je sais bien que, le mois dernier, le nombre de chômeurs a baissé, pour la première fois depuis mai 2008. En réalité, le niveau de chômage s’est juste stabilisé ces trois derniers mois.

Votre prédécesseur s’était fixé l’objectif de faire passer le taux de chômage en dessous de 9 %. Selon ce que j’ai pu lire aujourd’hui, vous êtes beaucoup plus prudent. Quoi qu'il en soit, à l’évidence, la croissance ne sera pas suffisamment élevée pour maintenir l’emploi et l’augmentation du nombre de demandeurs d’emploi pourrait ne pas s’achever avant 2012.

Plus préoccupant : le chômage de longue durée devrait progresser puisque davantage de chômeurs arriveront en fin de droits. Actuellement, la durée moyenne de chômage atteint 438 jours, et la part des demandeurs d’emploi depuis plus de deux ans a progressé de 25 % en un an. D’ailleurs, un certain nombre d’entre eux risquent de basculer rapidement dans les minima sociaux.

Cette tendance s’ajoute à la hausse du chômage des seniors, qui poursuit son inquiétante progression, et au taux toujours préoccupant du chômage des jeunes.

Cet afflux va alourdir la tâche des agents de Pôle emploi. Censé être un des outils majeurs de la lutte contre le chômage, le remède pour passer en dessous de la barre des 5 % de sans emplois à l’horizon 2012, Pôle emploi, issu du mariage forcé de l’ANPE et des ASSEDIC, s’avère être un quasi-échec.

Le 9 novembre dernier, plus de 35 % des salariés de Pôle emploi étaient en grève et près de 400 sites étaient fermés pour protester contre les conditions de travail et les suppressions de postes à venir. Dans la conjoncture actuelle, on aurait pu s’attendre à une augmentation des effectifs, ou au moins à leur maintien. C’est l’inverse qui s’est produit puisque 1 500 CDD ne seront pas renouvelés et 300 départs de CDI ne seront pas remplacés, soit une suppression totale de 1 800 postes. Pourtant, monsieur le ministre, la situation aurait amplement mérité le maintien de ces postes.

Lors de la fusion, il avait été annoncé que le portefeuille de chaque conseiller n’excéderait pas, à terme, 60 personnes, voire 30 pour les cas jugés les plus difficiles. Or, actuellement, un conseiller traite en moyenne 120 dossiers, soit le double du nombre raisonnable estimé, et certains doivent même parfois s’occuper de 200 dossiers, pour gérer au mieux le flux des nouveaux inscrits. Cette situation place les salariés de Pôle emploi dans des conditions de travail difficiles, qui les empêchent de remplir correctement leur mission. Par ailleurs, le mécontentement des usagers s’amplifie, les files d’attente s’allongent, tout comme les délais pour obtenir un simple rendez-vous.

Cette situation n’est donc pas satisfaisante, ni pour les agents, ni pour les demandeurs d’emploi. Ces derniers sont évidemment les premières victimes de la grande désorganisation et de l’absence de disponibilité d’un personnel débordé, et surtout démotivé.

Je m’interroge d’ailleurs sur l’opportunité d’une diminution des crédits affectés aux maisons de l’emploi, qui jouent un rôle très important au sein du service public de l’emploi.

Face à l’urgence, il aurait été indispensable de prendre des mesures fortes afin d’aider les chômeurs et de protéger l’emploi dans notre pays. Il aurait également fallu se donner les moyens d’une refonte réelle du service public de l’emploi.

À ce titre, je souhaiterais me faire le porte-parole de l’ensemble des ultramarins, pour qui le constat est tout aussi alarmant, sinon plus.

Le marché du travail s’est fortement dégradé en 2009 en raison du blocage de l’activité économique. Nos régions sont rongées par le chômage. Celui-ci est en effet trois fois plus élevé aux Antilles-Guyane, par exemple, qu’en métropole. Les minima sociaux représentent d’ailleurs la seule ressource financière de 15 % de la population. Rien qu’en Guadeloupe, on dénombre plus de 60 000 demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi. Ainsi, en 2009, le taux de chômage atteignait 23 %.

La dégradation du marché du travail touche principalement, comme en métropole d’ailleurs, les jeunes actifs de moins de trente ans – plus de 50 % d’entre eux sont au chômage – et les seniors. Plus de la moitié des chômeurs sont sans emploi depuis plus de trois ans.

Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, que l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi » soit important pour la région que je représente et pour l’outre-mer en général. Cela étant, je n’ignore pas que ce sujet est également essentiel pour la métropole.

Les crédits de la mission, bien qu’en légère progression, me semblent insuffisants par rapport à l’ampleur de la tâche. Je suis surpris, pour ne pas dire inquiet, de constater que, sur la période 2011-2013, leur diminution atteindra 20 %.

En revanche, je me réjouis profondément de l’augmentation de 7 % des crédits consacrés à l’amélioration de l’accès à la qualification. La formation professionnelle, M. le rapporteur l’a souligné, est une priorité. En l’occurrence, il faut le dire, les actions menées par le Gouvernement depuis 2009 sont un réel succès.

On peut tout particulièrement se féliciter de la volonté du Président de la République de doubler le nombre de jeunes en contrat en alternance pour lutter contre le chômage. L’alternance peut en effet être un véritable tremplin pour les jeunes, car elle améliore les compétences et facilite l’insertion dans la vie active. En effet, les jeunes entrent en moyenne à vingt et un ans dans le monde professionnel et accumulent souvent périodes d’inactivité, stages et CDD. Il est donc important que ces contrats débouchent sur une embauche définitive, ce qui nécessite la mise en place d’une véritable formation.

Monsieur le ministre, en dépit des quelques éléments de satisfaction, notamment ceux que je viens d’évoquer, la majorité de mes collègues du RDSE considère que ce projet de budget manque d’ambition dans un climat de crise sociale. C’est la raison pour laquelle ils expriment leur plus grande réserve quant aux crédits alloués à cette mission.