Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Comme vient de le dire Adel Ziane, beaucoup a été fait depuis un an.

Lorsque nous avons lancé cette mission d’information dotée du statut de commission d’enquête, nous ne pensions pas, les uns et les autres, aboutir à une proposition de loi de cette ampleur. Au fil des sujets que nous avons abordés, nous avons bien vu, ensuite, combien ce texte revêtait une dimension structurante pour le sport professionnel.

Cette proposition de loi a provoqué des réactions, et c’est normal, mais elle était attendue. Car le football est au pied du mur, et que c’est précisément dans ces moments-là que nous pouvons faire passer des réformes.

Nous ne voulions pas manquer cette fenêtre de tir, et c’est la raison pour laquelle nous avons souhaité inscrire le texte le plus rapidement possible à l’ordre du jour du Sénat. Espérons qu’il poursuive son chemin dans les meilleurs délais à l’Assemblée nationale. De toute évidence, le temps de la réforme est venu pour le football.

Nous avons bien entendu les remarques formulées par le secteur sportif. Le rapporteur, que je tiens à remercier personnellement pour le travail très détaillé qu’il a fourni, y a été particulièrement attentif.

Nous avons fait en sorte que cette proposition de loi, qui est issue d’un travail sur le football, mais qui concerne l’ensemble des pratiques, fasse la part des choses entre ce qui relève des difficultés propres à cette discipline et le reste.

À cet égard, grâce à vos amendements, mes chers collègues, nous sommes arrivés, me semble-t-il, à un bon équilibre.

Je tiens enfin à remercier le Gouvernement. En déclarant la procédure accélérée et en levant le gage, il a envoyé un message clair sur la suite à donner à ce texte. Avec le Sénat, il partage une volonté commune : celle de porter cette proposition de loi le plus loin possible, jusqu’au vote définitif.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Savin, rapporteur. Je remercie l’ensemble de nos collègues pour cette œuvre collective.

L’ensemble des groupes politiques ont contribué aux travaux de la mission d’information dotée des pouvoirs d’une commission d’enquête. Je remercie le président Lafon d’avoir déposé ensuite cette proposition de loi, que nous nous apprêtons à voter. Cela démontre bien que le travail effectué au Sénat dans les missions d’information ou les commissions d’enquête est suivi d’effet.

Je remercie bien sûr le Gouvernement. En dépit de certains désaccords, nous avons réalisé avec vos équipes, madame la ministre, un travail collectif.

Je retiens que nous avons tenu le cap que nous nous étions fixé : suivre et reprendre les trente-cinq recommandations de notre mission d’information.

Nous avons bien vu que cela ne faisait pas plaisir à tout le monde. Certaines des dispositions envisagées ont pu faire grincer des dents, mais notre main n’a pas tremblé.

Nous avons pris les dispositions nécessaires pour une refondation inédite du sport professionnel, qui passe par la clarification de la gouvernance, le renforcement du contrôle des clubs et des ligues, la lutte contre le piratage, le renforcement des exigences en matière d’éthique, la réinvention de l’économie du sport professionnel ou encore la création de ligues féminines.

Tous ces dispositifs sont issus de nos travaux. Aussi, mes chers collègues, je tiens à vous remercier par avance pour votre vote. Il s’agit d’une avancée majeure pour le sport professionnel français.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi relative à l’organisation, à la gestion et au financement du sport professionnel.

J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, de la commission de la culture et, l’autre, du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 306 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l’adoption 338
Contre 1

Le Sénat a adopté.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures trente-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinq, sous la présidence de M. Loïc Hervé.)

PRÉSIDENCE DE M. Loïc Hervé

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Article 12 (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'organisation, à la gestion et au financement du sport professionnel
 

5

Mise au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars.

M. Jean-Claude Anglars. Lors du scrutin public n° 303 sur l’ensemble de la proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile, mes collègues Marie-Do Aeschlimann et Lauriane Josende souhaitaient voter pour ; mon collègue Étienne Blanc souhaitait s’abstenir.

M. le président. Acte donné de cette mise au point. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin concerné.

6

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation afin d'adapter les normes aux territoires
Article 1er

Renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Républicains, la discussion de la proposition de loi visant à renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation afin d’adapter les normes aux territoires, présentée par M. Rémy Pointereau et plusieurs de ses collègues (proposition n° 493, texte de la commission n° 666, rapport n° 665).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI.)

M. Rémy Pointereau, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je prends la parole aujourd’hui pour défendre une proposition de loi que j’ai déposée avec mes collègues de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Guylène Pantel et Bernard Delcros, et près de 130 d’entre vous, que je remercie sincèrement.

Ce texte, transpartisan par essence, a été soumis à cosignature sans distinction d’étiquette politique. Et pour cause : il traite d’un enjeu de bon sens auquel nous sommes toutes et tous confrontés sur le terrain, à savoir la simplification des normes et l’efficacité de l’action publique.

Cette proposition de loi a été écrite à l’encre du terrain, et incarne – je le dis sans aucune prétention – cette transformation trop rare du verbe à l’action.

Je veux avant tout remercier mon groupe, et particulièrement notre président, Mathieu Darnaud, pour l’inscription de cette initiative à l’ordre du jour. Naturellement, je remercie également notre collègue rapporteure, Nadine Bellurot, qui a accompli un travail exemplaire dans un délai contraint.

Cette initiative est née d’une mission flash sur le pouvoir préfectoral de dérogation. Au travers d’une large consultation des élus – plus de 2 600 réponses nous sont parvenues –, nous avons mesuré l’intérêt porté à ce sujet et la confiance placée dans le Sénat. Cette confiance nous oblige à agir.

Le rapport que j’ai corédigé avec Guylène Pantel et que notre délégation a adopté le 13 février dernier démontre que ce pouvoir de dérogation peine à produire ses effets dans un pays encore trop marqué par une interprétation rigide des principes d’égalité et de légalité.

Le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, l’a lui-même dit lors de la remise de notre rapport : « Notre administration fait trop souvent prévaloir la procédure sur le résultat. »

Nous devons inverser cette logique afin de passer de l’addiction à la norme à l’obsession de son efficacité. Or cela suppose un véritable changement de culture administrative.

C’est tout l’objet de ce texte : permettre à l’État territorial de jouer pleinement son rôle de facilitateur et d’accompagnateur des projets locaux.

Ainsi, un point majeur de la proposition de loi consiste à faire du préfet le véritable pilote de l’État dans les territoires, comme le recommande le rapport de nos collègues Éric Kerrouche et Agnès Canayer au titre évocateur, À la recherche de lÉtat dans les territoires, adopté en 2022.

Certains ont estimé en commission que cette proposition de loi s’apparentait à une sorte de « recentralisation ». Soyons précis : le pouvoir de dérogation n’a jamais été décentralisé. Il s’agit donc non pas de recentraliser, mais de mieux organiser, de clarifier et, disons-le, de libérer un pouvoir existant.

Aujourd’hui, le préfet reste trop souvent en marge de domaines majeurs, comme la santé, les finances publiques ou l’éducation. Il est temps de lui donner un levier réel d’adaptation aux réalités locales, y compris par rapport aux agences et opérateurs de l’État.

Le décret du 8 avril 2020, qui fonde le pouvoir de dérogation des préfets, est extrêmement restrictif. Il ne s’applique qu’à sept domaines limités, et impose un certain nombre de conditions cumulatives pour chaque dérogation.

En moyenne, on ne compte ainsi que 1,5 arrêté par département et par an, pour l’essentiel sur les subventions d’État. Douze départements n’ont jamais eu recours à ce levier et douze autres ne l’ont actionné qu’une seule fois.

Certains préfets, il faut le reconnaître, ont su en faire un usage judicieux. Mais, même dans ces cas, leur marge de manœuvre demeure étroite.

Deux exemples concrets illustrent pourtant le potentiel de ce pouvoir. À Blois, un préfet a relevé le taux de subvention pour soutenir la revitalisation des quartiers autour de la gare. Dans le Lot, une préfète a adapté, en s’appuyant sur la connaissance locale, la proportion d’animateurs qualifiés pour permettre à une commune d’organiser l’accueil des mineurs.

Ces décisions sont pragmatiques, justifiées et ancrées dans les réalités locales, et c’est cette logique que nous voulons aujourd’hui renforcer et sécuriser. Que proposons-nous ?

L’article 1er de la proposition de loi inscrit dans la loi le pouvoir de dérogation, l’étend aux décisions des agences de l’État et ouvre la possibilité de déroger aux règles de fond dans certains cas précis, notamment pour alléger la charge financière pesant sur les collectivités.

Les articles 2, 3 et 4 instaurent, quant à eux, de nouveaux régimes législatifs de dérogation aux normes.

J’entends déjà poindre certaines réserves, voire des inquiétudes, quant à l’idée de permettre à un préfet de déroger à certaines normes législatives. Je sais par ailleurs que nous aurons un débat nourri sur l’article 3, puisqu’il touche au code de l’environnement.

Faut-il rappeler que le législateur a déjà prévu des régimes spécifiques reconnaissant au représentant de l’État un pouvoir d’adaptation locale ?

À titre d’exemple, le préfet peut déroger aux règles du repos dominical, lorsqu’il est établi que le repos simultané, le dimanche, de tous les salariés d’un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait son fonctionnement normal.

Il nous est apparu nécessaire d’élargir cette logique de dérogation législative, dans une optique de différenciation territoriale, pour permettre une véritable adaptation aux réalités locales.

M. André Reichardt. Très bien !

M. Rémy Pointereau. C’est précisément ce que nous proposons ici, afin d’alléger la participation minimale des collectivités territoriales au financement d’un projet ou, comme à l’article 3, permettre une dérogation au code de l’environnement pour préserver l’existence d’ouvrages hydrauliques, tels que des moulins, ou nettoyer un fossé afin d’éviter une inondation.

Sur ce point, j’observe que certains de nos collègues ont déposé un amendement de suppression. Le droit d’amendement est évidemment fondamental, mais permettez-moi un bref commentaire. Je suis toujours surpris par ce type d’amendement qui se contente de supprimer un dispositif sans même proposer de solution de remplacement.

L’article en question n’est pas le fruit du hasard. Il découle de nos échanges sur le terrain. Surtout, il est encadré, car nous avons veillé à sécuriser son application, en précisant clairement que « la dérogation ne porte pas une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé ».

J’en viens maintenant à l’article 5, qui vise à renforcer le dialogue entre les préfets et les élus locaux au travers des comités locaux de cohésion territoriale, structures qui existent déjà. Ce n’était pas nécessairement l’instance que nous avions envisagée au départ, mais la modification proposée par Mme la rapporteure nous paraît pertinente et nous y souscrivons pleinement. Ce dialogue est crucial, car 80 % des élus consultés ignorent l’existence même du pouvoir de dérogation.

Enfin, l’article 6 vise à sécuriser la situation des préfets au regard de la responsabilité pénale qu’ils pourraient endosser dans l’exercice de leur pouvoir de dérogation.

C’est d’ailleurs l’un des principaux freins identifiés à l’usage effectif de ce pouvoir. Comme les représentants de la direction des missions de l’administration territoriale et de l’encadrement supérieur (Dmates) du ministère de l’intérieur nous l’ont rappelé à plusieurs reprises, les préfets ont exprimé leurs préoccupations quant au risque pénal lié à la mise en œuvre de leur droit de dérogation.

Le rapport remis au Premier ministre le 13 mars 2025 par Christian Vigouroux, membre du Conseil d’État, rapport consacré à la sécurisation de l’action des autorités publiques, le souligne clairement : bien que les préfets soient « unanimement convaincus de l’utilité opérationnelle d’un tel dispositif », ils « ont néanmoins une perception aiguë des risques encourus dans l’usage d’un droit potentiellement générateur de dommages, dont il pourrait être demandé réparation à l’État au civil, ou à eux-mêmes au pénal ».

Autrement dit, nous sommes face à un paradoxe : un outil jugé utile sur le terrain est pourtant sous-utilisé faute de garanties suffisantes pour ceux qui doivent le mettre en œuvre. C’est précisément ce que vient corriger l’article 6.

Mes chers collègues, avec cette proposition de loi, nous répondons à l’appel du Gouvernement lui-même, qui demande aux parlementaires de porter des initiatives de simplification. Chiche, relevons ce défi !

Je me réjouis d’ailleurs que le Gouvernement ait engagé la procédure accélérée sur ce texte. J’y vois une volonté d’aboutir, mais il faudra aller jusqu’au bout, monsieur le ministre : adoption par l’Assemblée nationale et promulgation rapide.

Nous avons une occasion unique de donner corps au principe de différenciation territoriale, au travers d’un outil simple, utile et attendu. Redonnons à nos élus la capacité d’agir efficacement !

Faire confiance à l’intelligence des territoires, c’est faire confiance aux élus, mais également aux préfets. C’est pourquoi je vous invite à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE, RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le dénonçons régulièrement entre ces murs : les élus sont confrontés à un carcan normatif étouffant, qui constitue un frein à la réalisation de projets et génère un sentiment grandissant d’impuissance.

Plusieurs initiatives ont été lancées par le Sénat pour endiguer ce phénomène de croissance ininterrompue du nombre de normes et ainsi faciliter l’action publique locale. On peut citer, à ce titre, la signature en 2023 avec le Gouvernement de la charte de la simplification des normes, ou encore l’organisation chaque année d’Assises de la simplification.

La proposition de loi que nous examinons ce jour, déposée par nos collègues Rémy Pointereau et Guylène Pantel – je veux à ce propos saluer le travail remarquable qu’ils ont produit sur ce sujet dans le cadre de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation –, a été cosignée par plus de cent trente d’entre nous, ce qui démontre bien tout l’intérêt que nous avons à légiférer dans ce domaine.

Ce texte traduit les principales recommandations du rapport d’information de la délégation aux collectivités territoriales.

À titre liminaire, je souhaiterais revenir sur le pouvoir de dérogation des préfets aux normes réglementaires étatiques.

D’abord institué à titre expérimental, en 2017, dans quelques départements et régions, ce pouvoir de dérogation a été généralisé et pérennisé en 2020 compte tenu du bilan positif de l’expérimentation. Depuis lors, plus de neuf cents arrêtés de dérogation ont été pris par les préfets.

Ce dispositif a été jugé utile par l’ensemble des acteurs que j’ai consultés. En effet, lorsqu’il a été utilisé, le pouvoir de dérogation s’est développé dans un cadre consensuel et en concertation avec les élus locaux ; d’où la quasi-absence de contentieux. Près de 90 % des dérogations ont bénéficié aux collectivités territoriales.

Toutefois, les auditions que j’ai conduites, en particulier avec des préfets aujourd’hui en fonction, ont permis d’identifier plusieurs obstacles.

Ainsi, les dérogations ne peuvent intervenir que dans des matières limitativement énumérées ; cette liste exclut par exemple la santé et les transports.

Le préfet ne peut déroger qu’aux normes arrêtées par l’administration de l’État et non à celles qui sont fixées par les agences et les opérateurs.

Le préfet ne peut déroger qu’à des règles de forme, puisque la dérogation doit avoir pour effet d’alléger des démarches administratives, de réduire des délais de procédure ou de favoriser l’accès aux aides publiques.

Les initiatives de dérogation se heurtent bien souvent à l’existence de normes législatives et européennes. L’attachement au principe d’égalité qui irrigue la culture de l’administration entre en contradiction avec l’idée d’une application différente selon la norme ou les cas. À l’appui de ce constat, le préfet du Pas-de-Calais, Laurent Touvet, nous a dit qu’il s’agissait d’un « choc culturel ».

Enfin, les préfets ont pu éprouver certaines réticences liées à la crainte de voir leur responsabilité pénale engagée à raison du recours au pouvoir de dérogation.

La proposition de loi que nous examinons comporte six articles qui lèvent un certain nombre de ces freins.

L’article 1er, dont la rédaction a été clarifiée et enrichie par la commission des lois, vient consacrer au niveau législatif le pouvoir de dérogation du préfet en matière réglementaire. Il s’inspire très largement de la rédaction du décret de 2020 qui a défini le régime actuel de dérogation, avec toutefois quelques différences.

Premièrement, le pouvoir de dérogation serait élargi à toutes les matières et le préfet autorisé à prendre au titre de son pouvoir de dérogation des décisions individuelles ainsi que des décisions réglementaires.

Deuxièmement, le préfet pourrait déroger non seulement aux normes arrêtées par l’administration de l’État, mais également à celles relevant de la compétence des agences.

Troisièmement, ce pouvoir serait étendu à des normes de fond, puisque le préfet pourrait prévoir des adaptations mineures – nous reviendrons sur la pertinence ou non de ce terme – ayant pour effet de faciliter la réalisation de projets locaux.

Les articles 2, 3, 4 et 4 bis permettent ensuite au préfet, dans des cas circonstanciés et pour atteindre des objectifs très précis, de déroger à des normes législatives au bénéfice des collectivités.

Ainsi, l’article 2 simplifie le régime des dérogations au principe de participation financière minimale octroyées par le préfet. En commission des lois, nous avons complété ce dispositif afin d’y introduire une mesure, issue d’une proposition de loi déposée par nos collègues Dany Wattebled et Marie-Claude Lermytte et adoptée en février 2024 par le Sénat, qui vise à élargir la possibilité de dérogation au seul bénéfice de certaines communes rurales.

L’article 3 octroie aux préfets la faculté de déroger à certaines règles relatives à la construction et au maintien d’ouvrages hydrauliques.

L’article 4 permet aux préfets d’instituer un délai de mise en conformité des installations sportives, même lorsqu’un tel délai n’est pas prévu par les règlements des fédérations sportives, lorsque le coût de la mise en conformité est totalement disproportionné pour la collectivité propriétaire de l’infrastructure.

La commission a enrichi la liste de ces dérogations législatives en introduisant dans le texte un nouvel article, l’article 4 bis, qui permettra au préfet, sur la demande d’une collectivité, de verser la compensation due au titre du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) en année n plutôt qu’en année n+2. Il s’agit d’une mesure de soutien à l’investissement des petites communes, qui sont parfois confrontées à des difficultés de trésorerie lorsqu’une opération est coûteuse.

L’article 5 prévoyait, dans sa rédaction initiale, la création d’une « conférence de dialogue » qui aurait remplacé la commission départementale de conciliation des documents d’urbanisme et aurait eu vocation à associer les élus locaux à l’exercice du pouvoir de dérogation.

Plutôt que de créer une nouvelle instance, la commission a choisi de faire vivre les compétences des comités locaux de cohésion territoriale, qui constituent d’ores et déjà un espace d’échanges consacré à la facilitation des projets locaux.

Chaque année, devant ce comité, le préfet du département devra présenter un bilan exhaustif de l’exercice du pouvoir de dérogation. Il appartiendra au comité, dont les parlementaires seront obligatoirement membres, de formuler des recommandations en matière de dérogations et de simplification.

J’en profite pour souligner qu’il faudra développer la procédure de « délégalisation » : lorsque des dispositions législatives empiètent sur le domaine réglementaire, élus et services de l’État ont intérêt à les identifier pour qu’elles soient « déclassées » et puissent ensuite faire l’objet d’une dérogation au profit des collectivités.

L’article 6, pour sa part, modifie plusieurs dispositions du code pénal afin de sécuriser le recours par les préfets à leur pouvoir de dérogation. La commission des lois en a clarifié la rédaction, en reprenant le régime de la loi du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, dite loi Fauchon, pour l’adapter aux préfets.

Toujours dans cette optique de clarification, je vous soumettrai deux amendements supplémentaires.

Le premier, l’amendement n° 28, vise à garantir l’effectivité du pouvoir de dérogation des préfets sur les décisions prises par les agences, en prévoyant – cela avait déjà été proposé par le Sénat – que le préfet soit le délégué territorial de ces agences.

Le second, l’amendement n° 29, a pour objet d’assurer la bonne application de ces dispositifs aux collectivités ultramarines.

Mes chers collègues, il est urgent de mobiliser l’ensemble des leviers à notre disposition pour agir très concrètement en faveur de la simplification et de l’adaptation des normes aux spécificités locales, comme l’a déjà défendu le Sénat et comme l’ont rappelé nos collègues Éric Kerrouche et Agnès Canayer dans le rapport d’information qu’ils ont déposé en septembre 2022.

Je suis convaincue que le renforcement du pouvoir de dérogation du préfet est un outil qui permettra de faciliter l’action publique locale et d’accélérer la réalisation de projets par les collectivités. Cela répondra aussi aux souhaits de nos concitoyens qui se trouvent parfois démunis devant un refus ou des délais trop longs.

C’est pourquoi je vous propose, sous réserve de l’adoption des amendements que je viens d’évoquer, d’adopter la proposition de loi visant à renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Buis applaudit également.)

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, aujourd’hui, je m’adresse à des parlementaires, mais avant tout aux élus locaux que vous avez été ou, pour beaucoup d’entre vous, êtes encore.

Dans cet hémicycle, nous croyons à la France communale, à la démocratie locale qui fait rimer efficacité avec proximité. Or, nous le savons tous ici, la « bureaucratie », si je puis dire, et l’excessive complexité normative démobilisent les élus locaux, mais aussi l’administration territoriale elle-même. Ce ne sont pas ses représentants qui sont en cause : eux aussi sont pris dans les filets de certaines normes inutiles et parfois d’injonctions contradictoires.

Donner aux préfets la possibilité de déroger, c’est aussi apporter aux élus locaux le soutien qu’ils attendent de l’État. Telle est précisément l’ambition de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, qui vise à renforcer et sécuriser le pouvoir de dérogation des préfets afin d’adapter les normes aux territoires. Ce texte bénéficie – je le dis dès maintenant – du soutien total du Gouvernement.

Le principe de subsidiarité, qui est avant tout un principe d’efficacité, innerve toute notre action place Beauvau. Des plans d’action départementale de restauration de la sécurité du quotidien à la réforme du cadre d’emploi des polices municipales, nous donnons aux acteurs de terrain les moyens de leurs ambitions, quelles qu’elles soient.

Nous devons cependant franchir une nouvelle étape dans notre volonté d’amplifier les libertés locales. Ce texte, en permettant aux préfets d’adapter le droit aux spécificités locales pour faciliter et accélérer la réalisation des projets territoriaux, nous en donne l’occasion.

Le pouvoir de dérogation est en réalité relativement ancien. Il a été reconnu aux préfets, à titre expérimental, par un décret du 29 décembre 2017 avant d’être pérennisé et généralisé par un décret du 8 avril 2020. Mais, en réalité, peu de préfets se sont pleinement emparés de ce pouvoir : depuis 2020, seuls 628 arrêtés de dérogation ont été pris par des préfets de département et 152 par des préfets de région ; deux tiers de ces arrêtés concernent le seul sujet des subventions.

Ce constat, le sénateur Rémy Pointereau et la sénatrice Guylène Pantel, que je veux saluer, l’ont souligné dans leur rapport d’information flash, dont est issue la proposition de loi que nous examinons ce soir.

Au-delà du constat, ce rapport mettait en évidence certains freins à la pleine utilisation du pouvoir de dérogation par les préfets. Ce sont ces freins que leur texte se propose de lever, d’une part en sécurisant le pouvoir de dérogation des préfets, d’autre part en l’élargissant.

La sécurisation du pouvoir de dérogation passe avant tout par l’inscription de ce pouvoir dans la loi, alors qu’il n’avait jusqu’à présent qu’un fondement réglementaire.

Elle passe également par la préservation de la responsabilité pénale des préfets, sujet majeur du texte. Cette responsabilité ne pourra dorénavant être engagée qu’en cas de violation manifestement délibérée des conditions de recours au pouvoir dérogatoire ou de faute caractérisée qui exposerait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’ils ne pouvaient ignorer.

L’élargissement du pouvoir de dérogation dans le champ réglementaire est prévu dans trois directions.

Premièrement, serait supprimée la liste limitative des domaines dans lesquels le pouvoir de dérogation peut s’appliquer.

Deuxièmement, on permettrait aux préfets de procéder à des adaptations mineures des règles de fond, et non plus seulement de déroger aux règles de forme, de délai et de procédure.

Troisièmement, ils recevraient l’autorisation de déroger aux règles fixées par les établissements publics de l’État au champ d’action territorial.

Cette dernière direction apparaît, pour le Gouvernement, quelque peu discutable. En effet, le pouvoir de dérogation des préfets ne vaut que dans le cadre des décisions qu’ils prennent. Or ils ne peuvent en prendre aucune dans le champ de compétences des établissements publics, qui bénéficient d’un principe d’autonomie. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement soutiendra l’amendement visant à faire du préfet le délégué territorial des établissements publics ayant des missions territoriales. Ce nouveau rôle lui permettra notamment de leur adresser des directives d’action territoriale.

L’élargissement du pouvoir de dérogation des préfets proposé par M. Pointereau et Mme Pantel ne se limite pas au seul champ réglementaire. Le champ législatif est, lui aussi, concerné.

Les préfets se sont déjà vus reconnaître par le législateur un pouvoir de dérogation aux lois, par exemple pour le travail dominical.

La proposition de loi vise à encourager le développement de ces régimes législatifs de dérogation préfectorale, en en créant quatre supplémentaires. Avec les trois que propose le Gouvernement, par voie d’amendements, pour permettre aux élus de déroger aux règles imposant la création de conseils de développement, de caisses des écoles ou de conseils citoyens, ce ne sont pas moins de sept régimes supplémentaires dont vont bénéficier les préfets.

S’agissant des régimes qui figurent dans le texte de la commission, je me dois d’appeler votre attention sur quelques points.

Si le Gouvernement est favorable à ce que le préfet puisse déroger, au cas par cas, à la règle de participation financière minimale de 20 % des collectivités maîtres d’ouvrage, il met en garde contre la réduction de ce seuil à 5 % pour les communes rurales sur certains projets d’investissement. Le risque, pour ces communes, de se retrouver en situation de péril financier nous semble assez grand.

De même, la disposition autorisant le préfet à déroger à la loi pour permettre le versement anticipé du FCTVA, outre son coût considérable pour l’État, serait très complexe, pour ne pas dire impossible, à mettre en œuvre sur le plan administratif, et ce pour une raison très simple : l’automatisation du FCTVA.

Nonobstant ces remarques, dont j’espère que votre assemblée voudra bien tenir compte, le texte que vous examinez ce soir bénéficie du soutien du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)