Qu’un ministre au portefeuille ô combien important ne soit pas capable d’envoyer ce signal-là pose question. Comment voulez-vous que nos concitoyens acceptent de participer à l’effort quand ceux qui gagnent beaucoup plus qu’eux veulent en être exonérés, au terme de la démarche entreprise par le Gouvernement et soutenue par la droite sénatoriale ?
C’est un poison à diffusion lente qui, en réalité, mine notre modèle de protection sociale depuis maintenant des années. J’espère que vous aurez la sagesse de reconsidérer votre position ou du moins d’encourager vos soutiens à approuver la proposition que nous formulons.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je suis d’accord avec vous sur un certain nombre de points, monsieur le ministre. Toutefois, je souhaite revenir sur les deux derniers amendements et indiquer la décision qui me semble sage pour notre assemblée.
L’amendement n° 1677 tend à utiliser le même levier que les autres, mais il vise à supprimer toutes les exonérations de cotisations de sécurité sociale pour l’intéressement, les réserves de participation et l’abondement versé dans le cadre des plans d’épargne salariale, en cas de rémunération trois fois supérieure au Smic.
Concernant l’amendement n° 1678, je ne suis pas totalement convaincue par vos propos, monsieur le ministre. À titre personnel, je le soutiens, car il ne manque pas d’intérêt dans le cadre de la navette. Aussi, je vous invite à le voter, même si le plafond d’exemption de cotisations ou le seuil de déclenchement devront sans doute être négociés.
Nous lisons les rapports de la Cour des comptes, madame Poncet Monge. Ainsi, nous ne sommes pas sans savoir que certains compléments de salaire ont été dénoncés, de manière plus ou moins forte, comme coûteux pour la sécurité sociale. De ce fait, alors que nous cherchons des recettes, essayons de trouver un accord sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1164.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1171 rectifié, 1316 rectifié et 1668 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 959 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1677.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1678.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 8.
L’amendement n° 1682, présenté par Mmes Canalès et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 242-5 du code de sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « risques » , sont insérés les mots : « et pratiques pathogènes et accidentogènes » ;
2° Au deuxième alinéa, après le mot : « risques » , sont insérés les mots : « et pratiques pathogènes et accidentogènes ».
La parole est à Mme Marion Canalès.
Mme Marion Canalès. Deux accidents du travail mortels surviennent chaque jour en France. Nous sommes l’un des pays européens où l’augmentation du nombre de ces accidents est la plus marquée.
En l’état actuel du droit, l’article L. 242-5 du code de la sécurité sociale dispose que « le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé annuellement pour chaque catégorie de risques ». Le présent amendement vise à modifier cette disposition pour qu’il soit également tenu compte des pratiques pathogènes et accidentogènes au sein des entreprises.
En effet, comme on le constate depuis plusieurs années, la flexibilisation du droit du travail a accentué les horaires atypiques et les temps partiels fragmentés. Les conséquences sur la santé sont de plus en plus importantes et il convient de les appréhender et de les mesurer.
Dans ses rapports, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a tiré la sonnette d’alarme. Le travail découpé et irrégulier, rarement choisi par le salarié, augmente significativement les risques de maladies cardiovasculaires, le diabète ou l’obésité. Plus largement, il affecte la santé physique et mentale des travailleurs.
Le travail de nuit ou fragmenté est un enjeu majeur de santé publique. Le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a déjà classé le travail de nuit comme un facteur cancérigène très important. De son côté, l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) a mis en exergue le fait que les accidents de trajet augmentent en cas de travail de nuit ou fragmenté, puisque les temps de repos sont amoindris.
Dans ces conditions, notre objectif est d’aligner les cotisations pour accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) sur la réalité des risques, qui doivent s’entendre de manière plus large pour tenir compte des pratiques pathogènes au sein des entreprises.
Ces dernières seront ainsi sensibilisées à cette question et incitées à adopter des pratiques plus conformes aux objectifs de santé, en arrêtant l’excès d’adaptation et la désorganisation du travail, lorsque cela est possible.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Vous demandez de définir le taux de cotisations relevant de la branche AT-MP en fonction non seulement du risque, mais aussi des pratiques pathogènes et accidentogènes au sein des entreprises.
Ce sujet relève d’une réforme d’ampleur et devrait, avant toute chose, faire l’objet de consultations avec les partenaires sociaux. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Les procédures en vigueur satisfont assez largement les préoccupations que vous exprimez sur l’inclusion des pratiques pathogènes et accidentogènes dans le calcul du taux de cotisation.
Par ailleurs, sachez que les caisses d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat) peuvent déjà imposer des cotisations supplémentaires.
Pour ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.
Mme Marion Canalès. Pour que la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles puisse débattre de ces sujets, il faut commencer par étendre l’article L .242-5 du code de la sécurité sociale aux pratiques pathogènes.
On peut toujours attendre que les uns et les autres avancent, mais nous tenions dès aujourd’hui à mettre ce sujet sur le devant de la scène.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1682.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 1169 rectifié est présenté par Mmes Silvani, Brulin, Apourceau-Poly et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 1317 rectifié est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L’amendement n° 1667 rectifié est présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du V de l’article 1er de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat est ainsi modifié :
1° Le mot : « exonérées, » est remplacé par le mot : « versées » ;
2° Après les mots : « année civile », la fin de la phrase est supprimée.
La parole est à Mme Silvana Silvani, pour présenter l’amendement n° 1169 rectifié.
Mme Silvana Silvani. Selon l’Insee, environ 30 % du montant des primes a, en fait, remplacé des hausses de salaire et ce phénomène continue de progresser. Or cela porte atteinte au mode de financement de notre système de sécurité sociale par les cotisations.
Dans son rapport de mai 2024, la Cour des comptes notait que « le recours croissant aux compléments de salaire exemptés et exonérés de cotisations sociales minore la progression des recettes de la sécurité sociale et contribue à son déficit en se substituant en partie à des augmentations de salaire de base soumises à cotisations sociales ».
Elle ajoutait que « la sécurité sociale ne récupère qu’à peine plus du tiers du manque à gagner qu’elle subit du fait des exemptions sur les compléments de salaire ». Ces exemptions et exonérations s’élevaient à 87 milliards d’euros en 2022 et les dispositifs dits de partage de la valeur en représentaient 35 %.
En clair, chaque année, le Gouvernement prive la sécurité sociale de près de 30 milliards d’euros de recettes, soit plus que le déficit de la sécurité sociale pour 2026 ! Nous proposons donc d’intégrer les dispositifs de partage de la valeur dans l’assiette des revenus d’activité soumis à cotisations.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 1317 rectifié.
Mme Raymonde Poncet Monge. La proposition que nous formulons ici est commune à tous les groupes de gauche du Sénat, même si nous la défendons d’une manière parfois différente.
Il faut toujours revenir aux réalités : selon la Cour des comptes, le manque à gagner dû à l’exemption d’assiette pour la prime de partage de la valeur (PPV) s’élève à plus de 1 milliard d’euros.
Cette somme s’ajoute à l’ensemble des primes et des compléments de salaire exemptés de cotisations et insuffisamment compensés qui grèvent les comptes sociaux de près de 19 milliards d’euros.
Revenir au moins en partie sur ces exemptions permettrait de résorber une part significative du déficit. Le problème, comme nous l’avions anticipé, est que ces primes et compléments ont un fort effet substitutif ; c’est particulièrement le cas, comme l’indiquent l’Insee et le Conseil d’analyse économique (CAE), de la prime de partage de la valeur – en tout cas, pour ceux qui ont la chance de la percevoir !
Vous avez été tellement déroutés par la dynamique de cet effet substitutif que, l’année dernière, vous avez inséré une partie des PPV versées dans l’assiette d’imposition. Auparavant, c’était « tout bénef » pour l’employeur : il bénéficiait de l’abattement général jusqu’à 1,6 Smic et la prime n’était pas incluse dans l’assiette de cotisations sociales. Certes, ce n’est plus le cas aujourd’hui, mais ce n’est pas cela qui va arrêter cette dynamique dramatique pour nos comptes sociaux.
Le seul moyen de briser cet effet substitutif est d’inclure les compléments de salaire dans la même base de cotisations que les autres éléments du salaire. Heureux sont ceux qui bénéficient de primes, mais je vous rappelle que c’est loin d’être le cas de tous les salariés de France.
Ces compléments peuvent très bien être soumis à cotisations : encore une fois, l’ensemble des salariés n’ont pas à compenser ces exonérations.
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l’amendement n° 1667 rectifié.
Mme Annie Le Houerou. En complément des éléments qui viennent d’être apportés par mes collègues des autres groupes de gauche, je rappellerai que, selon le Gouvernement, l’exemption de la prime de partage de la valeur ne coûte rien. Or la Cour des comptes a évalué qu’elle représentait un manque à gagner de plus de 1 milliard d’euros en 2022, comme en 2023.
Avec cet amendement, nous visons toujours le même objectif d’équité.
La prime de partage de la valeur a été créée en 2022, elle a succédé à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa), toutes deux étant couramment dénommées « primes Macron ». Les employeurs peuvent ainsi attribuer sans condition jusqu’à deux primes de partage de la valeur d’un montant global maximum de 3 000 euros par an et par bénéficiaire. Ce plafond est porté à 6 000 euros dans les entreprises mettant en œuvre un accord d’intéressement ou de participation volontaire.
Comment le Gouvernement peut-il estimer que cette prime n’a pas de coût pour la sécurité sociale, alors qu’elle est exonérée de cotisations ?
Selon l’Insee, la part de rémunération versée sous cette forme se substitue à une augmentation de salaire, qui serait comprise entre 15 % et 40 %. Or des hausses de salaire auraient été soumises à cotisations, ce qui aurait eu pour résultat l’acquisition de droits sociaux pour les travailleurs, notamment pour la retraite, le chômage ou le niveau des indemnités journalières en cas d’arrêt maladie.
Le manque à gagner pour la sécurité sociale était évalué à 500 millions d’euros en 2019, 600 millions d’euros en 2020 et plus de 1 milliard d’euros en 2023.
Dans son rapport de mai 2024, la Cour des comptes préconise de mettre en œuvre le principe fixé par la loi de 2022, celui qui consiste à compenser la perte de recettes résultant de la prime de partage de la valeur en appliquant au minimum le forfait social au taux de 20 % aux entreprises de moins de 250 salariés. Cela nous paraît tout à fait justifié !
M. le président. L’amendement n° 1004, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa du V de l’article 1er de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat est ainsi modifié :
1° Les mots : « assimilée, pour l’assujettissement » sont remplacés par le mot : « assujettie » ;
2° À la fin, les mots : « , aux sommes versées au titre de l’intéressement mentionné au titre Ier du livre III de la troisième partie du code du travail » sont remplacés par les mots : « au taux de 20 % ».
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Au travers de cet amendement, nous voulons agir sous l’angle du forfait social.
Selon la Cour des comptes, il faut le répéter, « l’ampleur prise par les régimes sociaux dérogatoires pour les compléments de salaire modifie leur portée. Ils portent désormais atteinte aux équilibres financiers de la sécurité sociale et à l’équité du prélèvement social entre les entreprises et entre les salariés. […] Un rapprochement du droit commun s’impose. »
De plus, la prime de partage de la valeur, instaurée en 2022, pose un problème particulier du fait de son utilisation croissante et de son fort effet substitutif à l’augmentation des salaires, pouvant aller jusqu’à 40 %. Cela a été confirmé par le Conseil d’analyse économique, qui souligne que la grande liberté accordée aux employeurs dans la distribution de cette prime renforce massivement son effet substitutif.
Comment le prouve-t-on ? La Cour des comptes, de nouveau, a remarqué que le dynamisme des compléments de salaire exonérés est bien supérieur à l’évolution des salaires eux-mêmes – comme quoi ! –, laissant entrevoir un fort effet substitutif.
C’est pour atténuer ces pertes que la Cour recommande d’appliquer le forfait social à la prime de partage de la valeur, y compris pour les entreprises de moins de 250 salariés. Le montant de recettes espéré s’élève à 1 milliard d’euros.
Nous proposons de suivre la recommandation de la Cour des comptes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements,…
Mme Raymonde Poncet Monge. Ce n’est pas croyable !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. … car nous avons adopté tout à l’heure l’amendement n° 1678 de Mme Le Houerou.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les trois premiers amendements identiques.
Pour ma part, je plaide pour la PPV. (Mmes Cathy Apourceau-Poly et Annie Le Houerou s’exclament.) Tout le monde comprend cette prime ; c’est en tout cas ce que me disent les patrons et les salariés des petites entreprises. Les choses sont simples et claires : si l’entreprise va bien, elle distribue des primes ; si les résultats ne sont pas bons, elle en distribue moins.
La PPV correspond d’ailleurs à des usages qui existaient déjà dans les petites entreprises et se révèle être un outil particulièrement bien adapté. J’y insiste, la PPV est un dispositif qui marche et qui plaît. Ainsi, je ne vois pas pourquoi on la pénaliserait.
Mme Raymonde Poncet Monge. Elle coûte quand même 1 milliard d’euros !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. En outre, cette prime entre dans l’assiette prise en compte pour le calcul des allégements généraux, pour un montant de 700 millions d’euros.
Les dispositifs temporaires d’exonération concernant la CSG, la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), le forfait social ou l’impôt sur le revenu des travailleurs des entreprises de moins de 50 salariés comme les réductions de cotisations pour les salariés dont la rémunération est inférieure à trois fois le Smic brut ont vocation à s’éteindre.
Quant à l’amendement n° 1004, il est d’une nature un peu différente. Il vise toutefois, comme les autres, à pénaliser l’attribution de la PPV. En conséquence, pour les mêmes raisons de fond, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la rapporteure générale, vous n’allez pas, chaque année, prendre prétexte de l’adoption d’une mesure dont le rendement est de quelques centaines de millions d’euros pour refuser tous les autres amendements ! Depuis que M. Macron est Président, des exemptions sont votées tous les ans, si bien qu’on est bien loin d’un solde de tout compte.
De tels amendements prétextes sont d’autant moins à la hauteur que vous n’hésiterez pas, un peu plus loin dans ce PLFSS, à geler les prestations sociales, que ce soit le revenu de solidarité active (RSA), dont le montant s’élève seulement à 600 euros par mois, ou les aides personnalisées au logement (APL).
La journée de solidarité permet de collecter 2 milliards d’euros, mais bien d’autres propositions qui émanent des groupes de gauche en rapporteraient autant. Vous refusez systématiquement nos propositions sur la PPV, alors que cela rapporterait 1 milliard d’euros, soit une demi-journée de solidarité.
Comme vous ne voulez pas revenir sur les niches sociales qui, depuis la présidence de M. Macron, plombent nos comptes en les privant de dizaines de milliards d’euros de recettes, vous soutenez la mise en place d’une deuxième journée de solidarité – et pourquoi pas d’une troisième… –, car vous voulez que tout le monde paie. Alors que vous laissez s’aggraver la fuite de recettes, vous demandez à tout le monde d’écoper.
Je vous le redis, ne prenez pas prétexte d’un « petit » amendement pour évacuer tout le reste : ce n’est pas sérieux !
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.
Mme Silvana Silvani. Personne, dans nos rangs, n’a affirmé que la redistribution dans l’entreprise n’était pas une bonne chose. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Je n’irai toutefois pas jusqu’à dire que les salariés sont les propriétaires de l’entreprise, ce serait excessif…
Ce que nous contestons, c’est que toutes les primes dont il est aujourd’hui question soient exemptées de cotisations. Monsieur le ministre, vous nous invitez à ne pas « pénaliser » la PPV. Mais cotiser, ce n’est pas être pénalisé. C’est simplement contribuer au système de protection sociale, que nous défendons tous ici, au moins dans le discours.
J’insiste, la cotisation n’est ni une sanction ni une pénalité. En revanche, exempter, c’est pénaliser la sécurité sociale !
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.
Mme Annie Le Houerou. Monsieur le ministre, notre amendement ne remet nullement en cause les rachats d’action, la prime d’intéressement ou la prime de partage de la valeur. Il vise tout simplement à soumettre à cotisations ces rémunérations extraordinaires, liées à la bonne santé des entreprises. Nous considérons qu’il s’agit d’une mesure juste.
Pardonnez-nous de nous répéter, mais ces rémunérations n’ont pas à être exemptées, compte tenu de la situation des comptes de la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.
Mme Pascale Gruny. Je suis heureuse d’entendre, mes chers collègues, que vous êtes favorables à l’intéressement, à la participation et au partage de la valeur dans l’entreprise, qui sont des dispositifs très importants. Je me demandais si vous aviez changé…
Mme Pascale Gruny. Nous devons veiller à préserver la compétitivité des entreprises : si nous les accablons de charges, elles distribueront moins de primes, faute de résultats suffisants.
Mme Annie Le Houerou. Ce ne sont pas des charges, ce sont des cotisations !
Mme Pascale Gruny. Bien sûr qu’il y a un sujet lié aux salaires, mais reconnaissons que c’est une bonne chose que les entreprises versent des primes. Il est d’ailleurs regrettable que certaines ne puissent pas le faire, car cela a pour conséquence de priver des salariés d’un complément de revenu.
Des charges, des charges, des charges : voilà ce que vous nous proposez ! Or trop de charges tuent les charges. On voit bien aujourd’hui où ce système nous a menés…
M. Thomas Dossus. Oui, on le voit bien, hélas !
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Il y a un problème de pouvoir d’achat dans notre pays, je pense que cela ne vous a pas échappé. Les primes permettent tout simplement d’apporter un petit peu plus de pouvoir d’achat à des salariés souvent modestes. Cet argent reviendra à la collectivité sous forme de TVA, puisqu’il sera dépensé dans le circuit de consommation, ce qui n’est pas une mauvaise chose. (Mme Raymonde Poncet Monge rit.)
Mme Céline Brulin. Ah, encore du ruissellement !
M. Olivier Paccaud. Franchement, je ne comprends pas que la gauche, qui se dit grande protectrice du pouvoir d’achat et des travailleurs, dépose ce genre d’amendements.
Les primes sont réclamées non seulement par les employeurs,…
M. Thomas Dossus. On ne veut pas les supprimer !
M. Olivier Paccaud. … qui peuvent ainsi, d’une certaine manière, récompenser les salariés ayant mérité un surcroît de pouvoir d’achat, mais aussi par les travailleurs.
Mme Annie Le Houerou. Il est question de cotisations, monsieur Paccaud !
M. le président. La parole est à M. Daniel Fargeot, pour explication de vote.
M. Daniel Fargeot. Je souhaiterais recadrer le débat sur la taxation de ces différentes primes. Sachez que les primes d’intéressement et de participation versées dans le cadre d’un accord collectif ne sont pas assujetties à cotisations sociales, comme les indemnités journalières versées par la sécurité sociale.
Quant à la prime dite Macron – elle change de nom tous les ans… –, elle constitue bien évidemment une incitation pour les entreprises. Les petits employeurs, notamment, peuvent ainsi verser une prime d’intéressement à leurs salariés sans avoir à payer de cotisations. D’ailleurs, si les primes étaient soumises à charges sociales, les premiers perdants seraient les salariés eux-mêmes.
Mme Pascale Gruny. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Je souhaite rappeler à mon collègue que protéger les salariés, c’est aussi permettre le versement de cotisations afin de leur assurer une meilleure protection sociale et, un jour, une retraite. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny. C’est cocasse !
Mme Monique Lubin. S’il n’y a plus de cotisations, les budgets de la sécurité sociale diminuent et la santé coûte de plus en plus cher, en particulier pour ceux qui ont les plus faibles revenus. Nous aurons largement l’occasion d’en débattre.
Je me demande parfois si nous vivons sur la même planète ou dans le même pays. Certes, de petits employeurs ne pourraient pas assumer de tels versements ; toutefois, nombre d’entre eux ont saisi l’opportunité de la prime Macron, défiscalisée et désocialisée, pour ne pas augmenter les salaires. Ils s’en tirent gentiment en versant une prime, et il ne reste plus qu’à dire : « Merci, monsieur ! » (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Mme Brigitte Bourguignon. C’est lamentable !
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Le débat s’anime, mais ce constat a au moins ceci de rassurant – je le dis à l’intention de notre collègue Pascale Gruny : si nous n’avons pas changé, vous non plus ! Ces repères permettent à chacun de s’y retrouver. Nous débattons de la politique économique à mener dans le pays et du soutien au pouvoir d’achat, c’est habituel.
Soit dit en passant, j’estime que les membres de la majorité sénatoriale sont assez mal placés pour se présenter en défenseurs du pouvoir d’achat : en effet, vous vous apprêtez à décider le gel des prestations sociales, par exemple pour les chômeurs ou les personnes en situation d’invalidité – une année blanche, pour reprendre l’expression consacrée. Nous entendrons un long florilège de propositions en ce sens au cours des prochains jours. Certes, chacun défend son opinion, ce qui est tout à fait légitime, et se présente en défenseur du pouvoir d’achat.
J’en viens à l’essentiel. Tout à l’heure, des collègues ont proposé, avec sincérité, de soutenir la filière viticole via les cotisations sociales ; j’entends ici dire que les PME rencontrent des difficultés et qu’il ne faut donc pas leur imposer de cotisations sociales ; d’autres préconisent de diminuer ces prélèvements pour soutenir le pouvoir d’achat.