Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour présenter l'amendement n° 1344 rectifié quater.

Mme Nadia Sollogoub. Cet amendement de ma collègue Marie-Lise Housseau vise à exempter de la contribution liée au Nutri-score les metteurs sur le marché de produits bénéficiant d'un des signes officiels d'identification de la qualité et de l'origine dont la liste sera fixée par décret, en particulier les AOP et les IGP.

Les Siqo reposent sur des cahiers des charges stricts, homologués et contrôlés, qui fixent précisément les méthodes de production, la composition du produit concerné, les pratiques d'élevage ou de fabrication, ainsi que l'ancrage territorial.

Par leur nature même, ces cahiers des charges ne permettent aucune reformulation destinée à améliorer une éventuelle notation nutritionnelle, si bien qu'imposer uniformément l'affichage du Nutri-score de ces produits engendrerait une rupture d'égalité entre opérateurs. En outre, cela entrerait en contradiction avec les principes du règlement européen, lequel prévoit un étiquetage nutritionnel simplifié strictement facultatif.

Par ailleurs, le Nutri-score évalue les denrées sur la base de portions de 100 grammes ou 100 millilitres, sans tenir compte des portions réellement consommées ni du degré de transformation des produits. De nombreux produits sous Siqo – fromages et salaisons, huiles et beurres d'appellation – se trouvent dès lors artificiellement pénalisés alors même qu'ils sont peu transformés, fabriqués à partir d'ingrédients simples, sans additifs, et s'inscrivent dans des pratiques agricoles et artisanales durables, respectueuses des terroirs et de la biodiversité.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 1802 rectifié bis, présenté par MM. Anglars et Longeot, Mme Canayer, M. Menonville, Mmes Antoine et Gosselin, M. Chevalier, Mme Berthet, MM. Chasseing et Cambier, Mme Dumont, M. Margueritte, Mme Belrhiti, MM. Brisson et A. Marc, Mme Saint-Pé, MM. Genet, Pernot et Houpert, Mme Billon, MM. Panunzi et Wattebled, Mme Jacquemet, MM. Cambon, Duffourg et Gremillet, Mmes Lassarade et Primas, MM. Parigi, Belin, Saury et Lefèvre et Mmes Lermytte, Dumas, Herzog et Valente Le Hir, est ainsi libellé :

Amendement n° 15, alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

ainsi que les produits alimentaires bénéficiant du qualificatif « fermier » ou des mentions « produits de la ferme » ou « produit à la ferme » en application de l'article L. 641-19 du code rural et de la pêche maritime et tout produit brut exempté de l'obligation d'étiquetage nutritionnel, conformément au règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires, modifiant les règlements (CE) no 1924/2006 et (CE) no 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 87/250/CEE de la Commission, la directive 90/496/CEE du Conseil, la directive 1999/10/CE de la Commission, la directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2002/67/CE et 2008/5/CE de la Commission et le règlement (CE) no 608/2004 de la Commission,

La parole est à Mme Béatrice Gosselin.

Mme Béatrice Gosselin. Le présent sous-amendement, déposé par M. Jean-Claude Anglars, vise à rendre plus explicites les dispositions de l'article 11 ter et des amendements identiques tendant déjà à le préciser, afin de tenir compte des spécificités des produits traditionnels à protéger.

Il convient en effet d'exclure explicitement de l'obligation d'apposition du Nutri-score les produits alimentaires sous signe officiel de qualité comme les AOP et les IGP, mais aussi les appellations d'origine contrôlée (AOC), les spécialités traditionnelles garanties (STG), les produits sous label rouge, ceux qui bénéficient d'une mention valorisante « produit fermier », « produits de la ferme », ou « produit à la ferme », les produits bruts au sens du règlement européen, ainsi que les « denrées alimentaires présentant des caractéristiques traditionnelles » reconnues par l'Union européenne, tous produits dont la liste exacte sera définie par voie réglementaire.

Les signes officiels d'identification de la qualité et de l'origine ont pour vocation de garantir des savoir-faire ancestraux, des recettes exigeantes et un ancrage territorial fort. C'est une part essentielle de notre patrimoine culturel et gastronomique. L'agriculture française est également marquée par une production importante de ces produits traditionnels hors labels.

Devant la nécessité de protéger la spécificité de produits aux recettes simples, fabriqués selon des cahiers des charges stricts – des produits parfois inchangés depuis des siècles, reconnus pour leur excellence gustative et leur ancrage territorial –, il apparaît essentiel de les exempter de cette obligation d'affichage, qui deviendrait discriminante.

Nous reprenons ainsi le dispositif de la proposition de loi de nos collègues Jean-François Longeot et Jean-Claude Anglars.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission est favorable aux deux amendements identiques, mais défavorable au sous-amendement.

Celui-ci tend à aller plus loin que lesdits amendements, en ajoutant aux IGP et AOP notamment les produits portant la mention « fermier » ou « produit de la ferme ». Cette demande peut être considérée comme satisfaite par l'article 11 ter et les amendements identiques que nous venons d'examiner.

J'entends que vous souhaitez énumérer dans la loi certaines mentions de qualité, de manière à exempter les produits ainsi labellisés du champ de la taxe, mais la loi n'a pas vocation à citer tous les labels et qualificatifs des produits qui pourront en être exemptés.

Le dispositif que vous proposez est extrêmement ciblé et renvoie à diverses dispositions nationales et européennes, ce qui rend son imputation dans la loi assez malaisée. Sans faire de juridisme excessif, je dirais que la loi doit être suffisamment précise, mais sans excès. Nous devons être garants de sa clarté. C'est ce qui a motivé l'avis défavorable de la commission.

J'y insiste : la rédaction actuelle de l'article 11 ter permet de répondre à votre préoccupation. Divers labels auront vocation à être exclus du champ de la taxe, pour protéger certaines filières locales. Ces labels seront précisés par voie réglementaire, n'ayant pas vocation à tous figurer dans la loi.

Je ne peux donc que vous inviter à retirer ce sous-amendement, chère collègue.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'article 11 ter et appelle à ne pas le voter. En effet, l'obligation d'affichage du Nutri-score est incompatible avec le droit européen.

Pour autant, le Gouvernement estime les amendements identiques et le sous-amendement satisfaits. C'est pourquoi il en demande le retrait.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.

Mme Anne Souyris. Je nous félicite que le débat parlementaire nous ait permis d'avancer sur le Nutri-score. J'ai d'ailleurs défendu un amendement dont l'objet était similaire à la disposition contenue à l'article 11 ter lors d'autres débats.

En effet, plusieurs études françaises et internationales ont démontré la pertinence du classement des aliments par le Nutri-score au regard de son impact sur la santé des consommateurs. D'ailleurs, le rapport sénatorial d'information sur la fiscalité comportementale dans le domaine de la santé recommande un Nutri-score obligatoire à l'échelon européen. À défaut d'une nouvelle réglementation européenne, nous avons été nombreux à proposer un mécanisme national d'incitation.

C'est chose faite avec cet article. C'est pourquoi nous le voterons.

Mme Pascale Gruny. Très bien !

Mme Anne Souyris. Les amendements identiques et le sous-amendement ont des objets très intéressants, parce qu'ils concernent les labels. Si une telle reconnaissance est importante d'un point de vue territorial, elle est sans fondement en matière de santé publique ; or il est extrêmement important de distinguer, pour les produits, la présence de ces mentions des vertus nutritionnelles.

C'est pourquoi nous ne voterons ni les amendements identiques ni le sous-amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Béatrice Gosselin, pour explication de vote.

Mme Béatrice Gosselin. Je préfère maintenir ce sous-amendement, dont l'adoption permettra d'apporter des précisions loin d'être inutiles.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Je remercie la rapporteure générale de ses propos.

J'espère pouvoir me féliciter que le Sénat, après l'Assemblée nationale, approuve la généralisation du Nutri-score, qui est un outil simple réclamé par les Français. Il ne s'agit ni d'une taxe ni d'une interdiction : il délivre une information transparente, dont il est largement prouvé qu'elle modifie les comportements dans le bon sens, notamment quand il s'agit de l'alimentation des enfants. Par conséquent, il faut généraliser le Nutri-score, afin qu'il devienne un véritable outil de santé publique.

Madame la ministre, je tiens à répondre à votre argument sur le droit européen. Je me souviens de l'une de vos prédécesseurs qui, en 2018, affirmait que nous ne pouvions pas voter l'obligation pour les entreprises pharmaceutiques de constituer un stock de sécurité de médicaments, parce que c'était contraire au droit européen. Vous connaissez la suite...

Vous vous abritez trop souvent derrière le droit européen quand vous le craignez. Si la Commission européenne estime que la France se met en infraction, elle la poursuivra devant le Tribunal de l'Union européenne. À ce propos, je rappelle le précédent très éclairant du dioxyde de titane : le Tribunal de l'Union européenne a estimé que la France était dans son droit en l'interdisant, puisque le traité prévoit que, pour des raisons de santé publique, il puisse être dérogé au principe de la libre circulation des marchandises. Qui prétendra que le surpoids et la malbouffe des enfants et des adultes ne sont pas un problème de santé publique majeur en Europe ?

Il n'y a donc pas à trembler face à cet argument.

J'en viens aux amendements identiques et au sous-amendement. S'il faut lever des craintes concernant un certain nombre de produits du terroir, faisons-le. C'est pourquoi, même si je pense très sincèrement que ces craintes ne sont pas fondées, je voterai les amendements identiques. En revanche, je ne voterai pas le sous-amendement, dont l'objet me paraît trop flou.

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour explication de vote.

Mme Frédérique Espagnac. Mon intervention ira dans le même sens.

Au nom des élus de montagne, je soutiens les amendements identiques de Cyril Pellevat et Marie-Lise Housseau. Il est essentiel de concilier l'information nutritionnelle utile à tous les consommateurs et la préservation d'une filière traditionnelle de qualité. Il s'agit d'éviter que les produits bénéficiant d'un signe officiel de la qualité et de l'origine ne soient pénalisés par un dispositif générique et qu'il ne soit pas tenu compte de leur singularité.

Il s'agit non pas d'empêcher l'information des consommateurs, mais au contraire de garantir que l'information nutritionnelle soit juste et reconnaisse la valeur culturelle, territoriale et artisanale de ces produits En proposant une adaptation, nous protégeons un patrimoine gastronomique, des emplois dans les territoires et nous évitons les effets pervers d'une réponse mécanique du Nutri-score, qui pourrait marginaliser des produits de terroir.

Il est de notre responsabilité d'équilibrer santé publique et filières de qualité. En adoptant cette disposition, nous affirmons qu'interdire des exceptions ne sert ni les consommateurs ni les territoires.

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour explication de vote.

Mme Frédérique Puissat. Ma voix sera dissonante…

Je rappelle que cet article prévoit une taxe d'un montant équivalent à 5 % du chiffre d'affaires pour les entreprises qui n'appliqueraient pas le Nutri-score. Le dire ne signifie pas que l'on est pour ou contre cet outil.

Cet article a été introduit à l'Assemblée nationale sans concertation, bien entendu, avec les branches ni discussion avec les entreprises. Mme Primas m'informe que, pour un certain nombre de producteurs, il est impossible de mettre en place le Nutri-score parce que c'est trop compliqué.

En résumé, non seulement cet article n'est pas complet et n'a pas été fait l'objet d'une concertation, mais il n'est peut-être même pas conforme au droit européen, à en croire Mme la ministre. (Mme la ministre acquiesce.) Preuve en est, un certain nombre d'amendements tendent à le corriger – bien ou mal, peu importe.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera les amendements identiques et le sous-amendement, mais ne votera pas l'article 11 ter.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Le poids économique des filières concernées, qui sont des filières d'excellence, est très important.

L'adoption de cet article fragiliserait nos territoires. Une taxe de 5 % du chiffre d'affaires n'est pas soutenable pour nos entreprises, qui sont déjà en crise.

Je rappelle que le solde de la balance commerciale agroalimentaire est proche de zéro, alors qu'il était jusqu'à présent en excédent.

Il s'agit de sauvegarder le patrimoine gastronomique en cohérence avec le droit européen – d'après M. Jomier, cela pourrait s'arranger. Selon moi, il faut supprimer la contribution prévue dans cet article.

Les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront en grande majorité contre l'article 11 ter.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

M. Olivier Henno. C'est pour des motifs européens, mais également, plus spécifiquement, en raison de la complexité du dispositif pour les PME et les producteurs modestes qui sont nombreux dans le secteur de la gastronomie que le groupe Union Centriste votera également contre cet article. Celui-ci introduit en effet une norme à laquelle certaines entreprises auront beaucoup de mal à s'adapter.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.

Mme Corinne Féret. Je voterai cet article et la concrétisation du Nutri-score. Ce dispositif produit des résultats probants. Qui plus est, il est conforme à nos convictions : permettre aux consommateurs d'avoir une information au moment de choisir un produit. Bernard Jomier a rappelé que cet outil visait les produits industriels transformés, pour lesquels il a été spécialement conçu.

Je tiens à souligner l'intérêt de cet article que je soutiens, tout comme je soutiens les amendements identiques qui visent à tenir compte de la spécificité de nos produits du terroir bénéficiant d'un label. Je n'ai pas besoin de préciser qu'en Normandie cela concerne surtout les fromages... (Sourires.)

Nous sommes tout à fait en phase avec cet objectif d'information et de transparence qui préserve également nos savoir-faire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je rappelle comment fonctionne le Nutri-score.

Au supermarché, face à une gamme de produits, par exemple au rayon des madeleines, dont on sait à quel point il est vaste, il s'agit d'orienter les consommateurs vers les marques qui ont réalisé un effort pour atteindre un Nutri-score plus acceptable, puisqu'il s'agit d'une note synthétique. Au Chili où je me suis rendue, il existe quatre marqueurs obligatoires, notamment le sucre et les glucides.

Si, comme moi, vous adorez le roquefort, vous savez qu'il est noté E, mais c'est le cas pour tous les bleus ! Pour les marques de madeleines, c'est pareil : elles sont presque toutes notées D. Pour certains produits, toutes les marques ont la même note. Cette obligation est donc sans incidence pour ces produits.

Par conséquent, le Nutri-score n'a pas pour but d'empêcher d'acheter un produit – on sait d'ailleurs de façon intuitive qu'il est gras, sucré, etc. –, mais il offre un comparatif qui permet de favoriser sa santé personnelle, plus généralement la santé publique, et de faire le meilleur choix.

Aujourd'hui, l'absence de Nutri-score sur un produit est très mal perçue par les consommateurs : elle est le signe que le produit en question est sans doute très mauvais. Par conséquent, ils préfèrent se tourner vers les produits qui affichent un Nutri-score, quand bien même il n'est pas bon, considérant que c'est une transparence et une information qui leur sont dues.

Quand on ne peut pas comparer les Nutri-score, on achète toujours les produits labellisés. C'est méconnaître le fonctionnement du Nutri-score que de croire qu'il empêche l'achat de certains produits.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Le sénateur de Camembert ne peut rester en dehors de ce débat. (Exclamations amusées.) Ce n'est pas possible.

Je soutiens évidemment l'amendement défendu par notre collègue de Normandie.

Je rappelle que l'alinéa 3 de cet article prévoit que « les metteurs sur le marché de produits bénéficiant d'un des signes nationaux ou européens de qualité – le camembert ! (Sourires.) – dont la liste est définie par décret ne sont pas assujettis à cette contribution ». Il faudra donc être attentif à ce décret.

Pour ma part, je voterai les amendements identiques, mais je serai très prudente sur l'article 11 ter, en attendant le sort qui lui sera réservé au cours de la navette parlementaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.

M. Martin Lévrier. Je m'exprime à titre personnel.

Nous parlons souvent – peut-être pas assez – de prévention. Le Nutri-score est un outil tout simple d'information et de prévention, permettant à chacun d'avoir la main sur ce qu'il s'apprête à acheter. C'est pourquoi je trouve cet article intéressant.

Le groupe RDPI votera les amendements identiques. Pour l'article 11 ter, c'est une autre histoire…

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Malgré l'heure avancée, ce sujet mérite que l'on s'y arrête, d'autant qu'il faut certainement lever des malentendus et des incompréhensions.

D'après ce que j'ai compris du Nutri-score – peut-être la ministre pourrait-elle le préciser –, le camembert, le roquefort et autres ne seraient pas inclus dans le champ du dispositif, parce qu'ils bénéficient d'une appellation de type AOP.

Mme Pascale Gruny. Et le maroilles ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laurence Rossignol. En revanche, il faut penser aux parents, qui entendent des tas d'injonctions face aux risques de surpoids et d'obésité, etc. Tous ne sont pas aussi bien informés que nous pourrions l'être. Pour y remédier, ils disposent du Nutri-score, qui est un outil facile à lire, avec des couleurs.

Selon les sondages, la généralisation du Nutri-score est souhaitée par 85 % des Français, qui ont compris qu'ils avaient besoin d'être aidés. C'est ce que fait le Nutri-score.

Si nous voulons être cohérents avec ce que nous affirmons à l'occasion de l'examen de ce projet de financement de la sécurité sociale et prendre le tournant de la prévention, cela passe par des outils nouveaux, comme le Nutri-score. Par conséquent, on ne peut pas dans le même temps évoquer le tournant de la prévention et freiner au moment d'en voter les outils.

Nous parlons également beaucoup de politique familiale et de soutien à la parentalité. Le Nutri-score est un outil de soutien à la parentalité. C'est à ce titre que j'espère vraiment que l'article 11 ter sera adopté.

Mme la présidente. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.

Mme Colombe Brossel. Pendant que j'écoutais nos intéressants débats sur l'éventuelle exclusion d'un certain nombre de produits du Nutri-score, je ne pouvais pas m'empêcher de penser à la nocivité des produits transformés dans notre alimentation, plus précisément dans celle de nos enfants. Il en a d'ailleurs été question dans quelques articles de presse cette semaine.

Que celui qui n'a jamais mis des nuggets de poulet ou des cordons bleus dans son frigo me jette la première pierre. Je plaide coupable ce soir devant vous. (Exclamations amusées.) J'entends la réprobation dans cet hémicycle, mais, enfin, il faut bien survivre ! (Sourires.)

Mme Sophie Primas. J'adore les cordons bleus ! (Nouveaux sourires.)

Mme Colombe Brossel. On ne peut pas dans le même temps avoir des informations scientifiques sur les dangers de long terme de l'alimentation transformée et se priver de l'outil le plus simple pour accompagner les Français dans un acte de liberté en toute transparence. Nous sommes ici tous attachés à la liberté et à la transparence. Donner aux consommateurs la liberté de choix et celle d'anticiper les conséquences de leur achat et de leur consommation, c'est leur rendre leur pouvoir d'agir au moment où ils remplissent leurs caddies et leur donner la faculté de le faire en ayant en tête les questions de santé publique.

Autant je comprends qu'il puisse y avoir un débat sur l'exclusion d'un certain nombre de produits – c'est légitime –, autant, une fois que ces débats nous auront permis de faire avancer la réflexion, je ne comprendrais pas que nous ne soyons pas d'accord pour acter ensemble cette obligation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Que l'on soit clair : dans cet hémicycle, tout le monde est favorable à l'information des consommateurs, comme à une information qui donne la liberté de choix. Tout le monde reconnaît l'intérêt du Nutri-score.

Le problème, c'est que cet article crée une taxe !

Martin Lévrier et moi allons vous emmener dans les Yvelines, à la ferme du Loup ravissant, qui fait du pâté,…

M. Martin Lévrier. Elle n'est pas concernée !

Mme Sophie Primas. … ou à la pisciculture de Villette, qui fait des rillettes de saumon.

M. Martin Lévrier. Elle n'est pas concernée non plus !

Mme Sophie Primas. Toutes deux fabriquent des produits dont le volume ne leur permet pas de mettre en place le Nutri-score. C'est pourquoi elles devront payer une taxe équivalente à 5 % de leur chiffre d'affaires !

Alors même qu'on les exhorte à privilégier les circuits courts, pour faire de la marge, améliorer et consolider le marché agricole local, on leur explique que, comme elles ne sont pas de taille suffisante, elles devront payer cette taxe !

Pour ma part, je voterai les amendements identiques et le sous-amendement, au nom de la ferme du Loup ravissant, mais je ne voterai pas cet article. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.

Mme Nadia Sollogoub. Je fais miens les propos de Mme Primas.

Mes chers collègues, vous nous parlez de consommateurs qui font leurs achats dans les supermarchés. Dans nos territoires, nos paysans, eux, essayent de s'en sortir, justement en faisant venir chez eux les consommateurs pour leur montrer comment ils produisent, comment consommer autrement et pour leur faire découvrir des produits de qualité.

J'ai bien compris qu'il s'agissait soit de rejeter cet article, soit de l'adopter en prévoyant une dérogation élargie.

Pourquoi compliquer la vie des producteurs – essentiellement de fromage de chèvre dans mon territoire – qui œuvrent en faveur de la qualité en exigeant d'eux qu'ils affichent un Nutri-score ? Ce n'est pas possible !

On demande aux consommateurs de se rendre directement dans les fermes pour faire survivre nos petits producteurs. Cette mesure est en totale contradiction avec l'élan que nous essayons d'impulser.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.

M. Laurent Somon. Il y a pour moi un hiatus.

Le Nutri-score délivre une information, quel que soit le produit. De ce fait, même les aliments de petits producteurs devraient afficher un Nutri-score et, pour des raisons qualitatives, indiquer s'ils sont plutôt gras, plutôt sucrés, etc.

Comme disait mon professeur d'alimentation quand j'étais à l'école vétérinaire, tout est question de dose. Un aliment classé D n'est pas forcément mauvais, s'il est consommé en petite quantité. Évidemment, cette information est importante, puisqu'elle éclaire le choix des consommateurs, mais il faut la proposer pour tous les produits ! Peut-on avaler dix kilogrammes de camembert matin, midi et soir sous prétexte que son Nutri-score n'est pas affiché ? Je ne pense pas.

À mon avis, je le répète, l'information doit concerner tous les produits. Elle devient un facteur de discrimination, voire de commercialisation, puisque cela permet d'indiquer que le produit est bon s'il est noté A. Le produit noté D l'est tout autant à condition que l'on n'en mange pas cinq kilogrammes.

L'information, oui ; la taxation, non. (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La vie de rapporteure générale de la commission des affaires sociales n'est pas très facile – et sur cet article, moins encore. L'obstacle ne me fait pas peur, mais j'ai l'impression de danser un tango argentin ! (Sourires.)

Évidemment, je suis favorable au Nutri-score, qui est un moyen d'éduquer sur les produits. Toutefois, en tant que rapporteure générale, j'ai souligné en commission que cet article posait deux problèmes : d'une part, la création d'une taxe qui s'applique si le fabricant ou le producteur ne respecte pas l'affichage du Nutri-score ; d'autre part, l'anticonventionnalité. Malheureusement, j'ai été battue et cet article a été adopté.

Mme Frédérique Puissat. Quelle erreur !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Voilà qui explique les avis favorables que j'ai émis au nom de la commission sur les amendements identiques. En revanche, je réitère l'avis défavorable sur le sous-amendement : dresser une liste nous enferme. Je conseille donc son rejet.

Pour le reste, faites au mieux, mes chers collègues !

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1802 rectifié bis.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 15 rectifié et 1344 rectifié quater, modifiés.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote sur l'article.

M. Bernard Jomier. Certains des arguments avancés sont intéressants et je comprends les craintes qui sont exprimées.

Il n'est pas question de demander à un fermier qui fabrique du pâté d'en calculer le Nutri-score ! Il est tout à fait possible de l'en exempter : c'était déjà le cas avec les amendements identiques, cela le sera encore plus maintenant que nous avons adopté le sous-amendement. Il n'y a donc aucun problème, puisque c'est prévu. Madame la rapporteure générale a en revanche raison, il n'est pas utile d'énumérer toutes les exemptions dans la loi.

Le Nutri-score n'a pas vocation à viser les légumes ! Imagine-t-on calculer le Nutri-score des poireaux, pour ne prendre que cet exemple ? Ce n'est pas l'objectif !

Il s'agit bien d'exempter les IGP, les AOP ou autres pour les protéger. J'ai bien entendu les craintes concernant les produits fabriqués en petites quantités à la ferme et vendus de manière artisanale. Ils pourront être exclus du dispositif. Ces craintes ne sont donc pas fondées.

On ne va pas tourner autour du pot, vous avez bien compris que le Nutri-score visait l'industrie agroalimentaire qui met sur le marché des produits ultratransformés. C'est elle qui, depuis la création du Nutri-score, fait pression pour qu'il ne soit pas généralisé et pour que l'information que réclament les consommateurs, une information transparence et efficiente en termes de santé publique, ne devienne pas obligatoire.

Les comportements ont changé. À la suite de la modification du mode de calcul du Nutri-score, une marque de céréales pour enfants très populaire, que parents et enfants connaissent et qui est la plus consommée, a dû revoir leur composition pour les rendre moins sucrées et moins grasses !

Tels sont les objectifs que nous partageons. C'est cela le virage de la prévention.

Il a fallu créer une taxe pour raccrocher cette mesure au projet de loi de financement de la sécurité sociale. S'il faut en réduire le taux lors de la commission mixte paritaire, il n'y a pas de problème. Si nous ne votons pas cet article, en revanche, il n'y a plus rien.

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour explication de vote sur l'article.

Mme Frédérique Espagnac. Certains peuvent à juste titre s'interroger sur les circuits courts.

Contrairement à Bernard Jomier, je ne pense pas que l'adoption des amendements identiques suffise à protéger les produits transformés fermiers. Paradoxalement, c'est le cas du sous-amendement. De ce point de vue, je tiens à rassurer : les produits labellisés étaient déjà protégés, les produits fermiers que l'on trouve sur les marchés en circuit court le seront aujourd'hui grâce à ce vote.

Cela vient d'être rappelé, c'est bien l'industrie agroalimentaire qui est visée ; nous protégeons les produits fermiers et leurs producteurs.

Les produits labellisés et les produits fermiers en circuit court seront donc exemptés de la taxe. Il est important de ne pas laisser croire que les produits AOP, IGP et fermiers ne sont pas de bonne qualité parce qu'ils sont gras.

Je rappelle que l'AOP répond à un cahier des charges extrêmement strict, qui suppose souvent dix ans de travail. C'est donc, je tenais à le dire, un gage de très bonne qualité au regard de la santé publique.