M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.

Mme Pascale Gruny. Je crois aussi que ce débat est sain – nous l’avons d’ailleurs régulièrement –, car il s’agit d’un enjeu majeur.

Je rejoins Mme Lubin, mais je souhaite faire un rappel. La loi Robien permettait, avant les 35 heures, une réduction négociée du temps de travail. En effet, toutes les entreprises ne peuvent pas s’adapter à un même cadre obligatoire.

Vous avez ensuite imposé les 35 heures obligatoires. Une entreprise près de chez moi, MBK, qui fabriquait des vélos, est passée à 32 heures dans le cadre de la loi Robien sans aucune difficulté. En revanche, dans le transport routier de marchandises, secteur où je travaillais, la situation fut tout autre : les chauffeurs venaient me dire leur désaccord, car on leur avait retiré des déplacements, avec des conséquences directes sur leur bulletin de paie.

Ce qui paraît bon sur le papier ne l’est pas toujours dans la réalité. Nous vivons cela quotidiennement. Songez à ce que les 35 heures ont produit à l’hôpital : quel chantier ! Nous le regrettons d’ailleurs chaque jour et nous en parlons tout le temps.

Le temps de travail doit être repensé. Ce débat manqua lors de l’examen de la loi de 2023, car il ne pouvait être mené dans un projet de loi de financement. Nous l’avions demandé, Mme Borne l’avait promis, mais nous ne l’avons jamais eu. Voilà pourquoi la discussion resurgit aujourd’hui. Il faudra bien l’ouvrir…

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur Henno, Coluche disait aussi : « Il paraît qu’il faut faire payer les pauvres, car ils sont plus nombreux que les riches. »

Mme Monique Lubin. Excellent !

Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est d’ailleurs ce que nous faisons depuis hier : faire payer les pauvres plutôt que les riches.

Je ne peux pas laisser dire que ceux qui sont contre l’augmentation du temps de travail ne défendent pas la valeur travail !

La valeur travail, c’est la dignité ; nul ne dit le contraire. Ne prétendez donc pas que ceux qui refusent l’allongement du temps de travail rejettent la valeur travail. Les travailleurs travaillent, madame Romagny ! (Mme Anne-Sophie Romagny sexclame.)

Vous irez dire à une aide à domicile abîmée par la vie qu’elle peut travailler un petit quart d’heure de plus par-ci ou par-là. Vous irez le dire aux égoutiers ou aux femmes de ménage dans les hôtels. Vous leur expliquerez que l’effort est minimal !

Les 35 heures et les 32 heures ont généré davantage de productivité, moins d’arrêts maladie…

Mme Cathy Apourceau-Poly. … et davantage de fidélité à l’entreprise. Des rapports le démontrent.

Il est toujours facile de prolonger le temps de travail quand il s’agit des bras des autres : pas de souci dans ce cas, on peut tout faire !

Pour notre part, nous sommes totalement opposés à l’idée de faire travailler davantage pour le même salaire. (Vives protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Les travailleurs ne veulent pas de ça, madame Romagny ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il ne s’agit pas du même salaire !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Fichet. J’ai une pensée pour les 15 000 travailleurs de l’agroalimentaire du Finistère, ceux qui travaillent à la chaîne. On peut aussi penser aux travailleurs hospitaliers, à ceux du bâtiment, etc.

Après vingt ans de travail à la chaîne, à accrocher des poulets, un salarié subit en général plusieurs opérations liées à des troubles musculo-squelettiques. Au bout de trente ans, il se retrouve en arrêt de longue durée et en situation de souffrance. Cette souffrance va durer jusqu’à la fin de sa vie.

Augmenter la durée de travail – même de quarante minutes – accélère le handicap de ces travailleurs, qui n’ont pas d’autre choix que d’aller travailler à la chaîne. La problématique est exactement la même pour les employés du bâtiment ou pour les aides à domicile, qui doivent soulever des charges.

Avant d’imaginer des gains liés à l’augmentation du temps de travail, il faut mesurer les conséquences sur les arrêts maladie, la sécurité sociale et l’ensemble de notre système de santé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Jusqu’à présent je n’étais pas intervenu pour éviter de rallonger le débat, mais je prends la parole, car celui-ci s’étire. Mes chers collègues, nous avons décidé de vous faire travailler dimanche – matin, midi et nuit : un peu plus de travail ne vous fatiguera pas beaucoup plus… (Sourires.)

Mme Émilienne Poumirol. Une fois par an, ce n’est pas grave…

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Lors de l’examen du PLFSS pour 2025, nous avions voté un allongement de sept heures de travail, ce qui avait suscité votre opposition. Nous l’avions fait uniquement pour financer une journée de solidarité supplémentaire pour la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et renforcer en particulier les recettes de la branche autonomie.

La proposition de cette année est légèrement différente : il s’agit d’un allongement du temps de travail. Cela ne peut être décidé, comme l’ont dit la rapporteure générale et le ministre, par un simple amendement au PLFSS. Je doute que ce soit la voie appropriée.

Cependant – et nous en parlions avec le ministre –, je reste favorable à un allongement du temps de travail. C’est une évidence : un temps de travail allongé permet de créer davantage de richesses, et davantage de richesses permettent de créer des emplois. De toute évidence, c’est la solution qui permettrait aux hôpitaux, en particulier, de retrouver les moyens de mieux soigner nos concitoyens. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour explication de vote.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Je partage totalement la philosophie qui sous-tend ces amendements. Il est évident que la France fait face à un problème de compétitivité et de productivité, comme l’ensemble des chiffres le montrent clairement. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

Par ailleurs, notre protection sociale est financée et assise sur le travail. Travailler plus devrait donc nous permettre d’avoir plus de ressources pour assurer son financement.

J’éprouve toutefois une réelle difficulté. Je ne suis pas certaine que ce texte soit le bon véhicule pour traiter d’un sujet d’une telle importance. L’augmentation du temps de travail, même rémunérée, exige une réflexion approfondie ; un débat mené ainsi, un samedi à midi, paraît peu satisfaisant.

Cela étant, je demeure entièrement favorable à cet amendement. Une loi sur le travail aurait offert un cadre plus approprié que la loi de financement de la sécurité sociale. La mesure est justifiée, mais elle appelle une véritable discussion.

Dans l’exposé des motifs, la contrepartie consiste en un transfert d’une fraction de la TVA à la sécurité sociale afin de contribuer à la réduction de son déficit. Pouvons-nous obtenir un accord clair, un engagement du Gouvernement garantissant que cette part de TVA bénéficiera effectivement à la sécurité sociale ?

M. le ministre semblant plutôt défavorable à l’amendement, il serait utile de l’entendre sur ce point, d’autant qu’il y est prévu explicitement que les ressources supplémentaires dégagées par l’augmentation du temps de travail seront affectées à la résorption du déficit de la sécurité sociale.

M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.

M. Simon Uzenat. Coluche, que l’on a déjà beaucoup cité dans cet hémicycle, a prononcé une phrase restée célèbre : « Dites-nous de quoi vous avez besoin, on vous expliquera comment vous en passer. » (Sourires.)

Chers collègues, c’est exactement le message que vous envoyez aux Français qui attendent de la justice fiscale : vous ne cessez de leur expliquer comment ils doivent s’en passer !

Vous parlez d’efforts imperceptibles. Mais sont-ils si imperceptibles quand il s’agit d’ajouter du temps de travail à des concitoyens qui exercent des métiers pénibles, alors que, pas plus tard qu’hier, vous avez refusé l’augmentation de la CSG sur le capital pour les plus aisés de nos concitoyens ? Comment voulez-vous que nos compatriotes puissent entendre ces messages, qui sont une provocation absolue ?

Vous êtes les tenants de la théorie du ruissellement. Nous avons bien vu où cela nous a menés : à des mégabassines de richesse pour quelques-uns et à des déserts de précarité pour tous les autres !

Ce qu’attendent nos concitoyens, c’est la revalorisation du travail, c’est-à-dire une augmentation de leur rémunération, quand vous ne cessez, depuis le début de nos débats, de vouloir faire les poches des plus modestes, jusqu’à taxer les apprentis et à annuler la suspension de la réforme des retraites, comme vous nous le montrerez dans quelques jours !

Finalement, vous inventez de nouveaux slogans : « Travailler plus pour gagner moins » ; « travailler plus pour vivre moins longtemps en bonne santé ». Tels sont les messages que vous envoyez aux plus modestes.

Je puis vous dire que les messages adressés au pays par la droite sénatoriale sont absolument dramatiques et vont à l’encontre des objectifs que nous devrions tous viser, en cette heure de gravité dont vous portez l’entière responsabilité. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – M. Ahmed Laouedj applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bourcier, pour explication de vote.

Mme Corinne Bourcier. Combien de temps faudra-t-il travailler ? L’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale n’est peut-être pas le meilleur moment pour cela, mais il est important que nous en débattions et indispensable que nous le fassions ensemble, avec aussi, bien sûr, les partenaires sociaux. Au reste, ce ne sera peut-être pas la solution à tous les problèmes…

Je veux revenir sur un point, madame Poncet Monge, car il me semble que vous avez commis une petite erreur : à ma connaissance, les Français travaillent 1 673 heures et les Allemands 1 690 heures par an. Oui, nous devons évidemment réfléchir ensemble à cette question, et assez rapidement.

Un plus grand nombre d’heures travaillées peut augmenter la production et la compétitivité. Cela pourrait aussi attirer davantage d’investissements et améliorer le pouvoir d’achat – ce sont des heures rémunérées, non des heures travaillées non rémunérées ! (Mme Cathy Apourceau-Poly proteste.)

Une durée de travail plus longue aiderait à financer notre système de retraite et à réduire les déficits. Et la solution se situera peut-être dans des aménagements flexibles pour les Français.

Quoi qu’il en soit, nous devrons avoir cette discussion, qui sera intéressante.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je suis très heureux d’avoir provoqué ce débat. Je reviendrai dans mon département la tête haute, car je ne me suis pas attaqué aux travailleurs – je ne l’ai jamais fait de ma vie ! J’ai simplement essayé d’apporter de la solidarité.

La sécurité sociale, pilier de la République, doit être maintenue. Or qu’observe-t-on ? Le nombre de personnes en affection de longue durée (ALD) sera passé de 9 millions en 2011 à 14 millions en 2025 et 18 millions en 2035, avec une augmentation corrélative des dépenses de santé.

De nouveaux médicaments permettent à tous, riches comme pauvres, de se soigner – et c’est heureux.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Il ne manquerait plus que l’on remette cela en cause !

M. Daniel Chasseing. La hausse du nombre des ALD, bien sûr, est due au vieillissement, puisque le nombre de personnes âgées de 85 ans aura doublé entre 2020 et 2040.

Se pose aussi la question de la dépendance : nous n’avons pas financé les 50 000 emplois nécessaires au grand âge.

Enfin, pour ce qui concerne les retraites par répartition, dont je rappelle qu’elles ont été créées par le Conseil national de la Résistance (CNR), leur nombre sera passé de 4 millions en 1980 à 18 millions en 2025 et 25 millions en 2050.

Pour toutes ces raisons, il me semble que nous avons bien fait d’ouvrir le débat.

Bien sûr, ce n’est pas moi, petit sénateur de la Corrèze,…

Mme Anne-Sophie Romagny. Il n’y a pas de petit sénateur !

M. Daniel Chasseing. … qui vais dire qu’il faut travailler deux heures de plus par semaine… Je suis cependant heureux d’avoir porté cet amendement.

Compte tenu de la situation, nous devons avoir un temps de travail plus élevé, ce qui n’empêche pas d’avoir plus de travailleurs à temps partiel, comme en Allemagne, même si le temps plein y est plus long.

Bien sûr, des mesures doivent être prises, en concertation avec les partenaires sociaux, pour les carrières pénibles et les carrières longues.

Mes chers collègues, comme je l’ai dit dans la discussion générale, il faudra plus de financements, parce que les ALD et les dépenses de l’assurance maladie vont augmenter. Et il faudra peut-être aussi recourir à la TVA sociale. (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Daniel Chasseing. La TVA sociale n’est pas un gros mot !

De fait, il faudra peut-être, en plus du temps de travail, trouver d’autres sources de financements.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Que notre pays ait besoin d’un débat sur la création de richesses, l’organisation du travail et le financement de la protection sociale, c’est incontestable. C’est particulièrement vrai de l’organisation du travail.

Mais, pour cela, il faudrait un peu plus que des ministres saisonniers, car il faut du temps pour travailler sur ces sujets… (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI.)

M. Martin Lévrier. Soutenez donc les ministres en place !

Mme Laurence Rossignol. Nous avons besoin de stabilité dans le débat public. Or nous n’en avons pas !

Chers collègues, il ne s’agit pas de débattre ici de qui en est responsable de cette situation, dans laquelle nous avons tous notre part ; ce n’est pas le sujet.

M. Francis Szpiner. Un peu tout de même !

Mme Laurence Rossignol. Il faut admettre certains postulats. Le premier est que l’augmentation de la création de richesse passe par une augmentation du volume du travail. Soit. S’agit-il d’une augmentation du volume du travail individuel ? La somme des accroissements du volume de travail individuel crée-t-elle une hausse globale du volume de travail ? Je n’en suis pas convaincue.

Un autre postulat est que la réduction du temps de travail augmenterait les salaires– vous le dites assez souvent –, puisqu’elle ne s’accompagne pas d’une baisse de salaire.

À l’inverse, augmenter le temps de travail sans accroître les salaires ou en diminuant la rémunération des heures supplémentaires – le volume d’heures supplémentaires rémunérées – diminue la rémunération du travail ! On ne peut pas discuter de l’augmentation du temps de travail individuel sans avoir à l’esprit que celle-ci entraîne une diminution de la rémunération du travail.

Mon troisième point concerne le télétravail, dont j’aimerais bien que nous puissions discuter un jour. Je passe sur la disparition des frontières entre l’intimité du domicile et le travail, car c’est un autre sujet. Je vois bien ce qui se passera : les salariés en télétravail s’arrangeront avec le quart d’heure supplémentaire. Qui sera pénalisé ? Tous ceux qui ne peuvent pas télétravailler, c’est-à-dire tous ceux qui exercent dans le secteur de l’aide à domicile, dont nous parlions hier, ceux qui travaillent dans la production, à la chaîne.

Il faut donc que nous réfléchissions maintenant aux nouvelles inégalités…

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Laurence Rossignol. … que produit le développement du télétravail, et nous ne pouvons pas le faire de cette manière. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Madame Rossignol, j’ai fait partie des ministres intérimaires du gouvernement Barnier censurés grâce au Parti socialiste…

Mme Laurence Rossignol. Il n’y avait rien de personnel dans mes propos !

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Compte tenu de tout ce qui a été dit sur de nombreuses travées de cet hémicycle, j’estime que ces amendements ont effectivement pour mérite de montrer la nécessité d’un débat sur le temps de travail, ainsi que sur l’organisation et le contenu du travail, de la même manière que certains des amendements de nos collègues de gauche, dont des amendements d’appel, visaient à ouvrir le débat sur le financement de la sécurité sociale.

Cependant, j’ai une question à poser à M. Henno. Son amendement tend à modifier l’article L. 3121-41 du code du travail sur le seuil annuel de déclenchement et de comptabilisation des heures supplémentaires. Cependant, il ne vise pas l’article L. 3121-28 du même code, qui dispose que toute heure effectuée au-delà de 35 heures hebdomadaires est comptabilisée comme une heure supplémentaire.

Sauf erreur de ma part, il me semble donc que votre amendement, mon cher collègue, institue douze heures supplémentaires obligatoires dans l’année, rémunérées comme telles. Il y aurait probablement des ajustements à réaliser, y compris pour atteindre l’objectif que vous visez.

Cet amendement a toutefois le mérite d’ouvrir un débat qui, je l’espère, se traduira par un vrai projet de loi sur le travail, son organisation et son contenu.

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. Je souhaite réagir à ce qui a été dit tout à l’heure sur les implications de l’amendement de M. Henno, qui ne seraient que de quinze minutes de travail par semaine en plus.

En réalité, les salariés effectuent déjà des heures et des minutes supplémentaires qui ne sont pas rémunérées. C’est le cas des aides à domicile du secteur privé, dont nous avons parlé hier. Le temps d’intervacation n’est pas rémunéré, alors qu’il représente bien plus que quinze minutes par semaine – il se mesure en jours.

Les codes prévoient que l’employeur doit accorder aux aides à domicile de huit à onze heures par an pour permettre ces retours sur les situations à domicile. Il est heureux que ces derniers soient plus réguliers et plus fréquents, mais les aides à domicile les effectuent sur du temps de travail qui n’est pas rémunéré aujourd’hui.

Alors que l’on continue à ne pas prendre en compte ce temps dans la rémunération, et alors que les salariés ignorent jusque quand cette situation va durer, on en rajoute une couche aujourd’hui ! J’entends dire qu’il ne s’agit que de quinze minutes par semaine, mais, en réalité, ce temps de travail viendra se surajouter à des minutes et à des heures d’ores et déjà effectuées par des professions qui sont largement sous contrainte, sans qu’elles soient rémunérées pour cela.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je veux apporter un éclairage.

L’an dernier, nous avons débattu d’une journée de solidarité pour financer la branche autonomie. Aujourd’hui, la situation est différente, puisqu’il s’agit d’heures de travail supplémentaires, qui génèrent des contributions. C’est en cela que la mesure est intéressante pour la sécurité sociale !

La proposition de M. Olivier Henno, si on la chiffre, représente près de 10 milliards d’euros de cotisations et de taxes supplémentaires au total, somme à partager entre l’État et la sécurité sociale – on peut imaginer que ce sera à peu près moitié-moitié.

Je tenais à vous éclairer sur ce point. La situation n’est pas la même que l’an dernier. Il y a certes une augmentation des salaires et des rémunérations, mais il y a aussi des cotisations et des contributions en plus.

M. Daniel Chasseing. Je retire mon amendement, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 1253 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 572 rectifié septies.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 42 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 334
Pour l’adoption 199
Contre 135

Le Sénat a adopté.

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 11 septies.

L’amendement n° 1307, présenté par Mmes M. Vogel, Ollivier, Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Mellouli et Salmon et Mme Senée, est ainsi libellé :

Après l’article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport identifiant les conséquences qu’une affiliation des journalistes travaillant à l’étranger pour des médias français aurait sur l’équilibre financier des branches de la sécurité sociale. Ce rapport détaille également les risques auxquels ils sont exposés actuellement à défaut d’affiliation à la sécurité sociale française et expose les avantages qu’une telle affiliation aurait pour ces journalistes.

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Les journalistes pigistes français à l’étranger sont nos yeux et nos oreilles à travers le monde. Ils nous permettent d’accéder à une information rapide et fiable aux quatre coins du globe.

Par cet amendement, nous voulons rappeler la grande précarité dans laquelle ils exercent pourtant leur métier.

L’affiliation à la sécurité sociale étant soumise au principe de territorialité, seules les personnes travaillant ou résidant en France de façon stable ou bénéficiant d’un régime de détachement peuvent y être affiliées.

Or les spécificités du métier des correspondants à l’étranger font qu’ils ne remplissent pas ces conditions, ce qui les laisse de fait dépourvus de protection sociale, alors même qu’ils sont confrontés à des risques élevés dans le cadre de leurs missions : travail dans des zones de conflit, exposition à des catastrophes naturelles ou encore absence d’une offre de soins à la hauteur…

Quelles solutions ont-ils ? Les assurances privées sont trop coûteuses pour une profession de plus en plus précaire, et l’affiliation à un régime local n’est pas une solution de rechange, puisque ces journalistes couvrent souvent plusieurs pays à la fois.

De façon plus inique encore, certains cotisent à la sécurité sociale française sans que cela leur ouvre de droits. Cette situation les laisse dans une vulnérabilité réelle, comme ils en témoignent régulièrement.

Pour respecter les règles de recevabilité, nous avons demandé au Gouvernement de déposer un amendement visant à prévoir leur affiliation à la sécurité sociale, comme cela avait été fait, l’an dernier, pour les travailleurs des Terres australes et antarctiques, confrontés à la même précarité.

Nous déplorons qu’il n’ait pas été déposé et demandons, en repli, un rapport évaluant les conditions et bénéfices de cet élargissement. Celui-ci serait peu coûteux, même au regard du contexte budgétaire que la France affronte.

En effet, cette affiliation ne concernerait que quelques centaines de personnes, dont certaines, comme je l’ai mentionné, cotisent déjà. Au regard de l’enjeu, le faible coût semble un bénéfice considérable. J’indique que cet amendement a été déposé par Mélanie Vogel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable, comme sur toutes les demandes de rapports.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Pour des raisons différentes, nous estimons que ce rapport n’a pas vraiment sa raison d’être. En effet, les dispositions existantes permettent de répondre aux besoins de ces travailleurs ultramobiles. Je vais les rappeler rapidement.

Il existe plusieurs cas de figure.

Tout d’abord, les journalistes qui satisfont aux conditions prévues par le code du travail et qui travaillent pour un média français bénéficient d’une présomption de salariat. À ce titre, ils sont affiliés au régime général de la sécurité sociale française.

Ensuite, les engagements européens et internationaux de la France permettent, dans certains cas, de lever la condition de territorialité à l’affiliation à la sécurité sociale.

Enfin, lorsque la mission est effectuée dans un État avec lequel il n’existe pas de coordination en matière de sécurité sociale, les journalistes concernés ont toujours la faculté d’adhérer aux assurances volontaires de la Caisse des Français de l’étranger.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1307.

(Lamendement nest pas adopté.)

Après l’article 11 septies (début)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Discussion générale