Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Madame la rapporteure, mon amendement ne concerne pas seulement les Ehpad ; le dispositif proposé s’appliquerait aussi aux établissements de santé.
Madame la ministre, vous racontez une belle histoire à propos de contrôles ; mais cette histoire est fausse, et vous le savez !
M. Bernard Jomier. Mon amendement ne vise pas les cliniques à but lucratif qui appartiennent à des professionnels de santé ou à des familles du coin ! Celles-là, on sait très bien examiner leurs comptes, et, en l’occurrence – sur ce point, vous avez raison –, les contrôles dont vous avez parlé sont tout à fait efficients !
Mais prenons l’exemple – au hasard – du groupe Elsan. Les services de Bercy sont les premiers à reconnaître leur incapacité à aller fouiller dans le montage capitalistique de la multiplicité des holdings et des sociétés qui font écran à la transparence ; vous le savez très bien, madame la ministre. Or c’est là que se situe la captation de l’argent ; c’est là que les sommes versées et non utilisées peuvent être détournées.
Oui, les établissements appartenant à un professionnel seul ou à une structure relevant d’une forme de capitalisme familial sont sous contrôle et doivent rendre des comptes ! C’est normal.
Mais les holdings et leurs montages financiers complexes échappent complètement aux contrôles dont vous faites état.
Mon amendement vise à nous doter des outils législatifs dont nous avons besoin pour aller fouiller dans les comptes, car ceux dont je parle sont beaucoup plus agiles que la puissance publique : ils savent très bien détourner les fonds concernés. Et ce n’est pas acceptable ! Les montants en jeu sont importants.
Voilà l’objet de ma proposition : ne nous trompons pas de cible. Il ne s’agit pas de s’en prendre à la clinique qui appartient au chirurgien du coin ; là, on sait très bien ce qui se passe et l’État s’est donné les moyens de contrôler l’utilisation des fonds. Face aux holdings, en revanche, nous ne disposons pas de tels moyens : il faut que cela change.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote. (Marques d’agacement sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Mes chers collègues, excusez-moi de prendre du temps pour expliquer pourquoi il faut lutter contre la financiarisation et, dans cette perspective, adopter nos amendements. Ce combat, vous devriez le partager avec nous, au moins en mots…
Voilà quelques années, des études commandées par la CFDT en liaison avec un cabinet d’audit financier – je crois qu’il était anglais – ont très bien montré que le développement international de groupes comme Orpea ou Korian s’est appuyé sur la France, pays dont les dépenses en la matière sont solvabilisées par notre sécurité sociale.
Il est extraordinaire que vous refusiez la transparence sur les filiales et les comptes déconsolidés de ces groupes. Eux ont pu croître comme ils l’ont fait via des transferts, notamment immobiliers ; les normes comptables en vigueur depuis 2015 le permettent. Et tout cela a pu se faire grâce à notre sécurité sociale ; c’est une évidence.
Vous devriez vous demander comment ces groupes ont pu se développer à l’échelle mondiale, notamment en Europe, grâce à la solvabilisation de la demande permise par le système français. Mais vous ne vous posez pas la question ; vous n’aurez donc pas la réponse !…
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. J’insiste sur l’importance de l’amendement n° 1584 rectifié ter, qui – Bernard Jomier l’a souligné – concerne non seulement les Ehpad, mais aussi d’autres structures.
Dans le rapport Pour un contrôle des crèches au service de la qualité de l’accueil des enfants, que nous avons remis au mois de mars 2025, Olivier Henno, Laurence Muller-Bronn et moi-même avons mis en lumière les difficultés pour les services concernés d’assurer un suivi et un contrôle des grands groupes du secteur de la petite enfance.
Ils sont plusieurs – je ne donnerai pas de nom – à avoir multiplié en dix ans les microcrèches sur notre territoire et à en tirer des bénéfices substantiels. Quiconque a une expérience de la gestion de structures publiques sait bien que le secteur de la petite enfance ne permet pas de réaliser des bénéfices. Et pourtant, eux y parviennent ! Et ils y parviennent d’autant plus qu’ils utilisent de l’argent public, celui de la sécurité sociale et, plus précisément, dans le cas des crèches, celui des CAF, les caisses d’allocations familiales. Or les établissements dont je parle ne sont ni contrôlés ni évalués.
Nous avons évidemment préconisé un renforcement des contrôles ; nous souhaitons notamment que la Cour des comptes puisse contrôler les crèches comme elle le fait pour les Ehpad.
Les grands groupes en question ont des ramifications juridiques extrêmement nombreuses, et les montages sont particulièrement complexes. Nous sommes en retard par rapport à eux : ils sont beaucoup plus inventifs et agiles que nous, et ils arrivent à détourner de l’argent public.
D’ailleurs, s’il n’y avait pas d’argent public dans l’équation, ils ne s’intéresseraient pas au secteur des personnes âgées ou à celui de la petite enfance. Mais, comme il s’agit d’argent public, ils savent qu’ils seront payés.
Il me paraît donc nécessaire de pouvoir les sanctionner en cas de fraude avérée.
À l’instar de Bernard Jomier, je pense vraiment qu’il faut demander aux structures qui n’ont pas utilisé les sommes perçues pendant la crise covid de les remettre au pot commun.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.
Mme Marion Canalès. Je me souviens avoir vu la majorité sénatoriale s’opposer à un amendement que j’avais déposé après l’article 11 septies : il s’agissait de créer une nouvelle cotisation sur les dividendes des grands groupes… Un tel vecteur, arguait-on, ne serait pas efficace : la taxation n’est pas une réponse.
Mais, précisément, en l’espèce, il ne s’agit pas de mettre en place une nouvelle taxation. Nous parlons d’une proposition très concrète, et d’objectifs à la fois immédiats et essentiels.
Je ne peux que soutenir l’amendement de mon collègue Bernard Jomier.
Résumons : quand on propose une taxation, cela ne vous convient pas ; quand on demande la restitution de sommes versées pendant une période particulière, cela ne vous va pas non plus. Que faut-il proposer ?… On ne le sait plus.
Je peux concevoir que certains vecteurs ne soient pas admis par la majorité sénatoriale, mais, en l’occurrence, la proposition qui nous est soumise me paraît plus que raisonnable.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. J’irai dans le même sens que mes collègues. Je souscris en particulier aux propos de Raymonde Poncet Monge sur la nécessité d’un contrôle et d’un suivi.
Dans mon département, l’Isère, nous avons un cas d’école : la mise en redressement judiciaire du groupe Avec, propriétaire de la clinique mutualiste de Grenoble. Ce sont plus de 12 millions d’euros que l’on ne retrouvera pas. Voilà qui aurait sans doute pu être évité s’il y avait eu un contrôle et un suivi depuis des années ! Je vous laisse imaginer les conséquences pour notre territoire : il n’y a pas que la clinique mutualiste de Grenoble ; d’autres structures s’effondrent, comme dans un château de cartes.
Il est indispensable que nous nous dotions des moyens nécessaires pour contrôler ce système, qui fonctionne comme une véritable pieuvre destinée à capter l’argent public.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. J’insiste sur le fait que nous partageons totalement votre objectif : le Gouvernement ne veut rien lâcher, ni sur la récupération de ces indus ni sur la lutte contre la fraude à laquelle se livrent certains établissements.
Récemment, l’arsenal législatif a été très largement complété ; trois dispositions législatives et onze textes d’application ont déjà été pris. Les capacités de contrôle de tous les services d’inspection sont désormais élargies, sur la base d’une expertise solide.
Du reste, sachez que 50 millions d’euros d’indus ont été récupérés par la CNSA, qui a tout à fait la capacité d’agir auprès des groupes fraudeurs.
Encore une fois, le Gouvernement, malgré son avis défavorable, partage entièrement votre intention. Il se trouve seulement que l’arsenal législatif existe déjà et nous aide à mener ce combat quotidiennement.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Tout va bien, alors !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1584 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme Émilienne Poumirol. Quand c’est de fraude au RSA qu’il s’agit, vous votez pour !
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 819 rectifié, présenté par Mme Lermytte, M. Chasseing, Mme Bourcier, MM. Wattebled, V. Louault, Pellevat et Grand, Mme L. Darcos, MM. A. Marc et Brault, Mmes Paoli-Gagin et Antoine, M. H. Leroy et Mme Aeschlimann, est ainsi libellé :
Après l’article 36
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le III de l’article L. 314-3 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rétabli :
« III. – Le financement par les organismes de sécurité sociale des prestations des établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés à l’article L. 312-1 du présent code ainsi que des établissements d’accueil du jeune enfant mentionnés au chapitre IV du titre II du livre III de la deuxième partie du code de la santé publique peut être modulé, dans des conditions fixées par décret, afin d’assurer la maîtrise des dépenses d’assurance maladie et médico-sociales et de garantir une affectation proportionnée des ressources à l’amélioration de la qualité de l’accompagnement. Cette modulation peut tenir compte notamment du ratio entre les dépenses consacrées aux soins, à l’accompagnement et aux personnels, et les dépenses consacrées à la rémunération du capital. »
La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.
Mme Marie-Claude Lermytte. Le présent amendement vise à améliorer le pilotage des financements de sécurité sociale versés aux établissements et services sociaux et médico-sociaux en instaurant une modulation de ces financements selon des indicateurs d’efficience.
En effet, la Cour des comptes constate que les dépenses médico-sociales ont fortement augmenté, notamment dans le cadre de l’Ondam, et souligne, dans son bilan annuel sur la branche autonomie, la nécessité d’une transformation durable des établissements.
Par ailleurs, des contrôles menés par la DGCCRF dans les Ehpad privés à but lucratif ont mis en lumière des anomalies dans la gestion financière et une faible transparence en matière d’affectation des ressources.
Le mécanisme de modulation proposé permettrait ainsi de recadrer les financements vers les activités prioritaires – soins, accompagnement et soutien aux professionnels –, tout en offrant un cadre plus rationnel et plus transparent pour l’allocation des ressources.
L’objectif est de garantir que les financements publics servent directement la qualité de l’accompagnement des personnes vulnérables, plutôt que d’être dispersés ou affectés à des usages secondaires.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 1341 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L’amendement n° 1669 est présenté par Mmes Conconne et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 36
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le III de l’article L. 314-3 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rétabli :
« III. – Le financement des prestations des établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés à l’article L. 312-1 du présent code ainsi que des établissements d’accueil du jeune enfant mentionnés au chapitre IV du titre II du livre III de la deuxième partie du code de la santé publique qui sont à la charge des organismes de sécurité sociale est conditionné au respect par les opérateurs dont le statut est privé à but lucratif d’une recherche raisonnable du bénéfice. Un décret pris en Conseil d’État pris après avis du Conseil national de l’économie sociale et solidaire détermine les modalités d’application du présent alinéa. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 1341.
Mme Raymonde Poncet Monge. Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), 56 % des Ehpad privés à but lucratif sont aujourd’hui sous la houlette de cinq grands groupes – en voilà, une belle concentration ! Parmi eux, DomusVi, valorisé à plus de 4 milliards d’euros, a vu son chiffre d’affaires progresser de 10 % en un an, entre 2022 et 2023.
Le groupe Domidep, lui, affiche un résultat net de 28 millions d’euros, tandis que le groupe Colisée, qui prétend avoir des difficultés, se fend d’un taux de rendement de 5,5 %…
Bref, l’« or gris », accumulé par ces grands groupes à grand renfort de fonds publics, est une réalité.
L’ensemble de ces données doivent nous conduire à encadrer et à réguler la financiarisation de ces structures.
Les acteurs non lucratifs, qui consacrent chaque euro à l’exercice de leur mission de service public, peinent, eux, à atteindre le simple seuil d’équilibre. Ils ne peuvent durablement coexister avec des modèles où prime la rentabilité, donc le refus de prendre en charge les personnes les plus en difficulté, les moins « rentables », celles qui n’ont pas de pouvoir d’achat. Dans ces modèles, les établissements dégagent des profits, entre autres, par le tri des usagers, via des prix d’hébergement quasi libres.
En conséquence, cet amendement vise à encadrer en toute urgence la financiarisation d’un secteur dont la vocation, je le répète, est d’accueillir des publics vulnérables. Les grands groupes profitent de la crise de l’offre pour capter la demande la plus solvable, celle qui peut payer, faisant de ce service – par principe non lucratif – un marché.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : nous avons marchandisé l’accompagnement des personnes en situation de vulnérabilité !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour présenter l’amendement n° 1669.
Mme Corinne Féret. Cet amendement vise à encadrer la financiarisation des établissements accueillant des publics fragiles – qu’il s’agisse des Ehpad, des crèches ou de toute autre structure privée à but lucratif –, en conditionnant leur financement public au respect d’une recherche raisonnable du bénéfice.
Les faits récents ont montré que certains acteurs privés à but lucratif mettaient la rentabilité du capital avant la qualité du service rendu, parfois au détriment de la dignité des personnes âgées ou des enfants. Je ne reviendrai pas sur le scandale Orpea, qui a éclaté en 2022…
Dans ce secteur, l’économie sociale et solidaire (ESS) joue un rôle protecteur, en plaçant l’intérêt des bénéficiaires au cœur de son modèle et en garantissant un service de qualité.
Face aux dérives constatées, nous proposons une mesure immédiate d’encadrement. Dans un premier temps, le financement public ne pourra bénéficier qu’aux opérateurs respectant le principe de lucrativité raisonnable. Dans un second temps, nous pourrons réfléchir à réserver ces filières aux acteurs engagés, c’est-à-dire relevant du secteur public ou de l’ESS, afin de garantir pleinement les droits et la protection des personnes vulnérables.
Le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire (CSESS) serait saisi afin de définir les modalités concrètes de ce conditionnement et de construire un cadre clair et opérationnel avec tous les acteurs concernés.
En somme, cet amendement a pour objet de protéger à la fois les publics fragiles et l’intérêt général, tout en reconnaissant et en soutenant le rôle exemplaire de l’économie sociale et solidaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Chantal Deseyne, rapporteur. La commission partage l’objectif de notre collègue Lermytte, qui est de garantir l’efficience de la dépense dans les structures médico-sociales. Néanmoins, le dispositif proposé serait source d’une certaine insécurité pour ces structures, qui demandent de la visibilité concernant leur financement, d’autant que certaines d’entre elles sont en grande difficulté.
Ma chère collègue, la rédaction de votre amendement est très large : il est prévu que le financement des prestations dans les ESMS puisse être modulé pour assurer la maîtrise des dépenses, selon des conditions fixées par décret.
Dans le cas où les financements publics sont utilisés à mauvais escient, voire détournés dans le cadre d’une fraude, c’est au moyen des contrôles réalisés par les inspections et par la DGCCRF, qui disposent d’un pouvoir de sanction, qu’il convient d’agir.
Dans le cas où le manque d’efficience de la dépense provient d’une organisation inefficace de la structure, les corrections ont vocation à intervenir dans une logique incitative et concertée, notamment par le biais des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM).
Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 819 rectifié.
Quant aux amendements identiques nos 1341 et 1669, ils visent à conditionner le versement des prestations de sécurité sociale aux ESMS privés à but lucratif à une recherche raisonnable du bénéfice. Le Sénat s’est déjà opposé à cette mesure l’année dernière.
Il me semble qu’il faut cesser de dresser les différents secteurs les uns contre les autres. (Mme Raymonde Poncet Monge ironise.) Nous avons besoin du privé à but lucratif pour répondre à la demande.
Je rappelle qu’environ 80 % des établissements privés sont aujourd’hui en difficulté financière. Si nous coupons le financement des prestations dans ces établissements, ce sont les résidents qui en pâtiront les premiers. Je ne vois pas en quoi une telle mesure permettra de lutter efficacement contre la financiarisation des établissements et services sociaux et médico-sociaux.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Madame Lermytte, nous partageons entièrement votre objectif, qui est d’encourager l’efficience de ces établissements. Simplement, nous proposons une autre méthode de mise en œuvre des indicateurs d’efficience.
De tels indicateurs doivent être utilisés avec précaution. Si nous n’en retenions qu’un, à l’exclusion des autres, certains établissements pourraient très bien s’organiser pour s’y conformer, sans être efficients eu égard à d’autres critères. Bref, un travail en profondeur doit être mené à bien sur les indicateurs.
Du reste, nous proposons d’élaborer des standards de gestion, afin d’accompagner les établissements dans la recherche de performance et d’efficience. Vous l’aurez compris, nous sommes favorables à une approche par l’accompagnement des établissements.
Pour ces raisons, le Gouvernement sollicite le retrait de l’amendement n° 819 rectifié, en raison des risques d’insécurité juridique que son adoption emporterait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Sur les amendements identiques nos 1341 et 1669, j’émets un avis défavorable, comme Mme la rapporteure, dont je partage l’argumentaire : elle a notamment rappelé l’ensemble des dispositions qui existent d’ores et déjà pour garantir le bon contrôle des établissements.
Mme Émilienne Poumirol. Ça ne marche pas très bien !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ne vous inquiétez pas, le Gouvernement « partage notre intention »…
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Nous arrivons à un moment intéressant de ce projet de loi. Vous avez allongé le temps de travail et augmenté les franchises médicales, vous allez geler les prestations de solidarité, comme le RSA. Jamais les profits, eux, ne sont gelés…
La financiarisation de la santé et du médico-social est un fait si objectif, si évident, que vous ne pouvez pas le nier : vous êtes bien obligés d’en accepter le constat. Cela ne vous empêche pas de refuser toutes nos propositions en matière de lutte contre cette financiarisation, cette lutte qui, aujourd’hui, telle qu’elle est menée, ne permet pas de récupérer le moindre euro. Il y a là, pourtant, un gisement de recettes considérable, mais vous préférez balayer tous nos amendements.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Raymonde Poncet Monge. Je le rappelle, nous visons en tout et pour tout cinq groupes qui, comme chacun le sait, se gavent – ce n’est pas pour rien que l’on parle d’« or gris » –, grâce à des mécanismes de profitabilité que vous ne voulez pas enrayer !
La profitabilité de ces groupes n’est pas simplement excessive, elle est carrément indigne et inacceptable et sera un jour reconnue comme telle.
Mme la présidente. Madame Lermytte, l’amendement n° 819 rectifié est-il maintenu ?
Mme Marie-Claude Lermytte. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1341 et 1669.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 1342 rectifié est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L’amendement n° 1731 rectifié est présenté par Mmes Féret, Le Houerou, Conconne et Poumirol, M. Kanner, Mme Canalès, MM. Jomier et Fichet, Mmes Lubin, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Féraud, Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 36
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 314-8 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 314-8-… ainsi rédigé :
« Art. L. 314-8-… – I. – Le financement par l’État ou les organismes de sécurité sociale des établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés à l’article L. 312-1 du présent code est interdit si la rémunération d’un de ses salariés ou de ses associés dépasse un plafond de rémunération correspondant à neuf fois la rémunération moyenne du décile de ses salariés disposant de la rémunération la plus faible.
« II. – Pour les sociétés gérant plusieurs établissements et services sociaux et médico-sociaux, le respect du plafond de rémunération défini au I tient compte de la rémunération de l’ensemble des associés et salariés de la société. »
II. – Le I du présent article entre en vigueur le 1er juillet 2026.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 1342 rectifié.
Mme Raymonde Poncet Monge. À l’occasion du scandale Orpea, de nombreux articles ont mis au jour les dysfonctionnements du secteur, de la pratique des transferts d’autorisation à la maltraitance institutionnelle des pensionnés.
Dans le même temps était affiché le salaire du directeur préféré des actionnaires du groupe : 1 million d’euros par an, assorti d’une prime de départ de 2,6 millions d’euros. Il a rapporté si gros aux actionnaires qu’il le mérite, ce bonus !
Comparons : le salaire médian d’une auxiliaire de vie n’est que de 1 328 euros par mois chez Orpea. Il faut bien admettre que ces travailleurs, eux, ne font rien pour le bonheur des pensionnaires…
Il est difficilement concevable que les fonds publics versés aux établissements des grands groupes privés à but lucratif – arrêtez de nous opposer la situation des petits Ehpad familiaux ! – contribuent à de tels écarts de salaire.
Ces écarts démontrent quelles sont les réelles préoccupations de certains de ces établissements, souvent prompts à valoriser les aspects purement financiers au détriment des soins et de l’accompagnement.
Un écart salarial maximal de 1 à 9 constitue un plafond raisonnable. Accepter qu’il puisse être dépassé, c’est cautionner un modèle où la vulnérabilité devient le support de revenus disproportionnés, alors même que ces groupes prospèrent grâce aux fonds publics.
La puissance publique ne peut accepter que l’argent des contribuables finance, même indirectement, de telles dérives, alors que les équipes sont épuisées, que la qualité de vie au travail se dégrade et que les familles peinent à trouver des places dignes pour leurs proches et des restes à charge supportables.
Les beaux discours ne suffisent pas : c’est bien d’applaudir ces professionnels, mais il faut aussi les payer !
Pour toutes ces raisons, le présent amendement vise à conditionner le financement public en le réservant aux établissements privés à but lucratif qui acceptent de plafonner les écarts de rémunération.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour présenter l’amendement n° 1731 rectifié.
Mme Corinne Féret. Cet amendement, comme le précédent, vise à interdire le financement public des Ehpad et des établissements médico-sociaux lorsque les écarts de salaire dépassent un rapport de 1 à 9.
L’actualité récente a mis en lumière les dérives de certaines entreprises lucratives, pour lesquelles la recherche du profit l’emporte sur la qualité du service rendu et sur la dignité des personnes vulnérables.
À l’inverse, l’économie sociale et solidaire place les bénéficiaires au cœur de son modèle et assure un partage plus équitable de la valeur.
La puissance publique, lorsqu’elle finance ces établissements, a la légitimité et la responsabilité de conditionner son soutien à un partage raisonnable des ressources, garantissant que les rémunérations restent proportionnées et compatibles avec l’objectif social qui doit être celui de telles structures.
Nous proposons, par cet amendement, une démarche progressive : encadrer immédiatement les rémunérations excessives, puis réfléchir à réserver ces filières, à terme, aux acteurs engagés dans la qualité du service et le bien-être des publics, ceux que distingue par exemple l’agrément Esus (Entreprise solidaire d’utilité sociale) destiné aux entreprises de l’économie sociale et solidaire.
En somme, il s’agit de protéger les publics fragiles, de valoriser les acteurs responsables et de mettre fin aux dérives lucratives dans des secteurs financés par l’argent public.