Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Chantal Deseyne, rapporteur. Je vous reconnais constance et persévérance, mes chers collègues. Vous aviez déposé des amendements similaires l’an dernier et déjà le Sénat les avait rejetés, car le dispositif envisagé n’aurait aucun effet sur la qualité du service rendu aux résidents des Ehpad. Or c’est bien cette question qui nous préoccupe : tel est notre premier objectif.
En outre, nous considérons que le législateur n’a pas à s’immiscer dans les modalités de rémunération des salariés du secteur privé lucratif. (Mme Émilienne Poumirol proteste.)
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Même avis : les questions de rémunération des salariés relèvent avant tout des partenaires sociaux.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Puisque nous sommes constants, madame la rapporteure, nous soutiendrons ces amendements.
Lorsque nous l’avions auditionné, le président-directeur général d’Orpea nous avait révélé son salaire. Je m’en souviens comme si c’était hier : le montant nous avait tous effarés. C’est calculette à la main que mon ancienne collègue Laurence Cohen et moi-même avions tenté de nous le représenter, tant les zéros s’accumulaient.
Nous étions tous effondrés à la lecture du livre de Victor Castanet sur les dérives des Ehpad privés, comme nous le serions quelque mois plus tard en découvrant les révélations du même auteur sur les crèches privées. Les mêmes causes produisaient les mêmes effets, dans les établissements pour personnes âgées comme dans le secteur de la petite enfance !
Personne ne peut nier désormais les dégâts que provoque la recherche du profit à tout-va, qui se fait au détriment des résidents des Ehpad. Engranger des profits, encaisser de l’argent public, échapper à l’impôt : tout cela fait système. On crée une holding, puis une filiale, des sous-filiales : c’est un jeu sans fin ! C’est ce système qu’il faut arrêter.
Vraiment, madame la ministre, il est temps de prendre des mesures ; cela fait des années que nous discutons de ce sujet.
Des mesures ont été prises, certes, mais elles se sont révélées insuffisantes pour faire payer les groupes dont il est question, qui encaissent de l’argent public sans jamais rembourser leur dû, comme l’a très bien rappelé Raymonde Poncet Monge.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Heureusement que nous faisons preuve de persévérance, madame la rapporteure : le scandale est si manifeste ! Alors que nous évoquons ces problèmes chaque année, nous restons incapables d’y répondre : il y a de quoi se poser des questions.
Dans la plupart des Ehpad, l’écart maximal de salaire de 1 à 9 est très largement respecté. Nous parlons de certains groupes qui versent à leurs dirigeants des rémunérations annuelles de 1 million d’euros, quand une aide-soignante touche péniblement 1 350 euros par mois. Un tel écart est totalement inacceptable.
Comment tolérer que l’argent public finance de telles pratiques ?
Il est bien évident que les salaires relèvent des discussions entre syndicats. Nous ne disons pas le contraire, madame la ministre, et ces discussions auront bien lieu. En revanche, dès lors que l’écart de salaire au sein d’un groupe excède un rapport de 1 à 9, le financement public n’apparaît ni nécessaire ni acceptable : l’argent public n’est pas destiné à financer des salaires de plus de 1 million d’euros par an !
J’ajoute que l’adoption de ces amendements nous donnerait un levier de contrôle supplémentaire. Tel est le sens de toutes les propositions que nous présentons depuis tout à l’heure : dans les secteurs dont nous parlons, le contrôle, la transparence et la visibilité sont plus que jamais nécessaires.
Mes chers collègues, vous savez très bien, à votre heure, être particulièrement exigeants en matière d’utilisation de l’argent public, lorsqu’il s’agit de prestations sociales : nous en avons entendu, des choses, à ce propos, lors de l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes !
Il serait tout de même assez déconcertant que nous n’arrivions pas à trouver une solution pour mettre fin à ces dérives totales.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Bourguignon, pour explication de vote.
Mme Brigitte Bourguignon. Mes chers collègues, je ne peux pas tout entendre ; je me dois de recontextualiser les propos que vous avez tenus, madame Poncet Monge. Vous parlez de l’affaire Orpea comme s’il ne s’était rien passé, comme si tout le monde – sauf vous – s’en fichait, comme si l’audition dont vous avez parlé avait été laissée sans suite.
Excusez-moi de vous rappeler – j’étais à l’époque ministre déléguée chargée de l’autonomie – que nous avions saisi pour la première fois deux inspections, l’Igas et l’IGF, car nous souhaitions traiter le volet sanitaire de l’affaire tout en répondant à la question de savoir si un système économique donnant lieu à des dérives financières avait bel et bien été mis en place. (Mme Raymonde Poncet Monge s’exclame vivement.)
Laissez-moi terminer, madame Poncet Monge, cela fait des heures que nous vous écoutons parler !
Mme Céline Brulin. Oh !
Mme Brigitte Bourguignon. Je n’avais, quant à moi, ni « convié » ni simplement auditionné le président-directeur général d’Orpea et le directeur général d’Orpea France : je les avais convoqués !
Et, pour la première fois, nous avons porté plainte au nom de l’État contre le groupe. Cela lui a causé des dégâts sérieux, je vous le rappelle, et, par la suite, des contrôles ont été diligentés dans tous ses établissements :…
Mme Cathy Apourceau-Poly. Encore heureux !
Mme Brigitte Bourguignon. … c’était bien la moindre des choses, mais cela n’avait jamais été fait, ma chère collègue – cela mérite donc d’être salué.
Arrêtez de raconter des histoires et de prétendre que vous incarnez nécessairement le camp des vertueux face à ceux qui ne le seraient pas !
Je suis bien placée pour connaître ce dossier : j’étais chargée du secteur dans le gouvernement de l’époque. Croyez bien que j’avais œuvré à la mise en place de grilles de tarification et, surtout, de grilles de transparence. (Mme Émilienne Poumirol s’exclame.) Certains groupes avaient d’ailleurs très mal accepté l’idée qu’on allait désormais les contrôler si souvent.
Je voudrais que, de temps en temps, on débatte dans la nuance. Il n’y a pas d’un côté ceux qui pensent le bien et, de l’autre, ceux qui pensent le mal et qui n’ont que faire du sort des personnes âgées ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Madame la rapporteure, vous prétendez qu’il ne nous appartient pas de nous immiscer dans les salaires du secteur privé. Ah bon ? Vous n’arrêtez pas, mes chers collègues, depuis quarante-huit heures !
Lorsque vous décidez d’augmenter le temps de travail sans augmenter les salaires, vous vous mêlez des rémunérations du privé : les salaires médians, les salaires moyens, les petits salaires ! Lorsque vous décidez d’augmenter les cotisations sociales des apprentis, vous vous mêlez de leur rémunération, car, vous le savez, cela a une conséquence sur leur feuille de paie ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
La conséquence que nous pouvons en tirer, c’est que vous ne vous occupez pas des salaires du privé quand il s’agit des hauts revenus ; pour ce qui concerne en revanche les petits salaires du privé, vous ne vous privez de rien ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Je souhaite préciser encore l’intention qui est la nôtre.
Notre préoccupation première est d’agir dans l’intérêt des résidents des Ehpad, en veillant à la qualité de leur prise en charge et à leur bien-être.
Cela dit, on ne peut évidemment pas ignorer non plus la question de la qualité des conditions de travail de tous ceux qui interviennent auprès de ces résidents.
Nous proposons d’interdire tout financement public des établissements privés à but lucratif lorsque les écarts de salaire excèdent un rapport de 1 à 9. Multipliez le Smic par 9 : le résultat avoisine les 12 000 euros mensuels. Vous semblez considérer que c’est peu…
Voilà pourtant une proposition raisonnable, qui n’a rien de scandaleux, et qui laisse une marge pour des rémunérations différentes, au sein d’un même établissement, selon les fonctions exercées.
Ce qui est scandaleux, c’est de considérer qu’il ne serait ni possible ni nécessaire de limiter les écarts de salaire au sein de ces établissements.
Ce qui est choquant, c’est d’apprendre que les femmes qui y travaillent – car il s’agit en majorité de femmes – touchent des salaires vingt fois ou cinquante fois inférieurs – on ne sait plus, tant les chiffres sont inconcevables – à ceux que perçoivent les dirigeants du groupe. Ces derniers font de l’accompagnement de nos aînés un commerce : ce qui les intéresse, c’est le profit qu’ils peuvent tirer de cette activité.
Ce qui n’est ni scandaleux ni choquant, dans ces conditions, c’est la proposition que nous vous soumettons : encadrer – limiter – le niveau des rémunérations versées par les établissements privés à but lucratif qui bénéficient de financements publics.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je peux confirmer ce qu’explique ma collègue Brigitte Bourguignon : ayant rencontré les représentants d’Orpea à deux reprises, j’ai constaté qu’à l’issue de tous ces contrôles ils avaient fait le ménage chez eux – cela doit être dit.
Par ailleurs, puisqu’il en a été question, j’ai bel et bien défendu un amendement visant à augmenter le temps de travail, mais ce travail supplémentaire sera évidemment rémunéré : cette augmentation signifie des salaires en hausse pour le personnel.
Mme Corinne Féret. Et la journée de solidarité, ce n’est pas du travail gratuit ?
M. Daniel Chasseing. Ce surcroît d’heures travaillées servira aussi, indirectement, à financer les retraites, la sécurité sociale et à pérenniser nos acquis sociaux.
Pour ce qui est de ces amendements identiques, je les voterai : de 1 à 9, il y a tout de même de quoi faire…
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Si beaucoup de choses ont été faites, c’est seulement parce qu’un scandale a éclaté. Le problème est que l’on rebondit de scandale en scandale : après les Ehpad, il y a eu les crèches !
Certes, des contrôles ont été réalisés, notamment par l’Igas. Mais les mécanismes qu’il s’agit de contrer sont puissants, et les grands groupes sont très agiles. Nous parlions la semaine dernière de la fraude, qui se redéploie et se reconfigure en permanence : c’est la même chose dans tous les domaines !
Cinq groupes font aujourd’hui des profits énormes…
M. Olivier Rietmann. Les salauds !
Mme Raymonde Poncet Monge. … et vous ne vous demandez pas d’où viennent ces profits. Je l’ai dit : si vous ne vous posez pas la question, c’est que vous ne cherchez pas la réponse !
La disposition que nous vous soumettons figurait déjà dans la contribution que j’avais fait inscrire, au nom du groupe écologiste, dans le rapport d’information de notre commission des affaires sociales sur l’affaire Orpea : vous y trouverez des propositions que j’avais élaborées, à l’époque, avec un expert anglais.
Je peux d’ores et déjà vous annoncer qu’un scandale éclatera dans les cliniques privées psychiatriques.
Le moment venu, vous réagirez, je n’en doute pas !
Quant au secteur sanitaire, je n’en parle même pas, vu les profits que réalisent les grands groupes du secteur. Mais, là encore, vous refusez de poser cette question simple : d’où viennent ces profits ?
Vous refusez d’instaurer les mécanismes qui permettraient d’enrayer ou d’entraver la réalisation de profits scandaleux par ces grands groupes privés, dont les dirigeants se gavent, quand les professionnels qu’ils emploient doivent se contenter de salaires indignes ! Cette situation est insupportable. (M. Olivier Rietmann manifeste son agacement.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1342 rectifié et 1731 rectifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 55 :
| Nombre de votants | 345 |
| Nombre de suffrages exprimés | 344 |
| Pour l’adoption | 114 |
| Contre | 230 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 1739 rectifié, présenté par Mmes Lubin, Le Houerou et Conconne, M. Kanner, Mmes Féret et Canalès, MM. Jomier et Fichet, Mmes Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 36
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 313-7 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :
« Les autorisations des établissements et services à caractère expérimental mentionnés au 12° du I de l’article L. 312-1 sont accordées pour une durée déterminée, qui ne peut excéder cinq ans. Elles peuvent être renouvelées sur la base des résultats positifs d’une évaluation, dans la limite d’une durée totale de dix ans. À l’issue de cette période expérimentale et sous réserve d’une nouvelle évaluation positive, l’établissement ou le service peut être autorisé dans les mêmes conditions et pour la durée prévue au I de l’article L. 313-1. »
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Nous voulons, par cet amendement, sortir de l’impasse juridique dans laquelle se trouvent les structures médico-sociales pour personnes handicapées ou pour personnes âgées qui bénéficient actuellement d’un statut expérimental, au sens du code de l’action sociale et des familles.
Ces structures sont en effet autorisées par les conseils départementaux et les agences régionales de santé, à la suite d’appels à projets, pour une durée maximale de dix ans.
Nous proposons d’autoriser les établissements et services à caractère expérimental à se prévaloir du I de l’article L. 313-1 du code de l’action sociale et des familles, afin qu’ils puissent bénéficier d’un renouvellement de leur autorisation pour une durée de quinze ans, sans renoncer à leur statut expérimental.
Les expérimentations en matière sociale et médico-sociale jouent un rôle déterminant dans le cadre de l’innovation territoriale et de la transformation de l’offre, lesquelles sont nécessaires pour améliorer la réponse aux besoins des personnes concernées et de leurs aidants.
Les autorités de contrôle et de tarification, agences régionales de santé et départements, ont recours au statut de structure expérimentale lorsqu’elles ne trouvent pas d’autre catégorie d’établissements ou de services médico-sociaux adéquate.
Dans les faits, l’attribution de ce statut dérogatoire, permise par les textes, s’avère très fréquemment une impasse au terme des dix ans d’expérimentation, car ces structures innovantes, une fois leur pertinence constatée, n’ont d’autre sort que de basculer dans une autre catégorie, alors même qu’elles n’entrent pas dans le cadre normatif existant.
Parmi les belles expériences qui n’entrent pas dans les cases juridiques en vigueur, on peut ainsi citer Les bobos à la ferme, les maisons de répit, les résidences de répit partagé, les Maisons de Vincent et, bien entendu, dans mon territoire, le Village landais Alzheimer Henri-Emmanuelli.
L’assouplissement et la clarification que nous proposons sont donc nécessaires pour permettre à ces structures, lorsqu’elles ont donné toute satisfaction au bout de dix ans, de garder leur statut expérimental pendant une nouvelle période de quinze ans, durée d’autorisation de droit commun pour tous les ESMS de France.
Il s’agit aussi d’éviter qu’elles ne perdent leur spécificité, leur caractère innovant, sans pour autant devoir, pour chaque cas particulier, créer dans le code de l’action sociale et des familles de nouvelles catégories d’établissements, car la simplification, en cette matière comme dans d’autres, est souhaitable et souhaitée.
Mme Chantal Deseyne, rapporteur. La commission avait initialement émis une demande de retrait, mais, ma chère collègue, quelques subtilités m’avaient échappé et vous avez bien voulu nous apporter des explications complémentaires.
Je partage, comme sans doute tous nos collègues, votre volonté de faciliter la pérennisation des structures expérimentales qui ont fait leurs preuves.
La difficulté est, comme vous l’avez très bien expliqué, qu’au bout de dix ans leur statut expérimental prend fin sans que rien soit prévu : ces établissements ne peuvent être agréés, faute d’entrer dans les critères. Or, par définition, s’agissant d’une expérimentation, il n’y a pas de critères ! On tourne donc en rond, si je puis dire.
Au nombre de ces expérimentations mises en œuvre selon des modalités innovantes, on compte notamment le Village landais Alzheimer, dont vous nous avez souvent parlé en commission, ma chère collègue.
Nous devons encourager ces initiatives, qui nous montrent l’une des voies à suivre pour transformer le secteur médico-social en accord avec les souhaits des personnes accompagnées.
La commission n’ayant pas pu réexaminer son avis, c’est à titre personnel que je vous invite, mes chers collègues, à voter massivement pour cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Je remercie Mme la sénatrice Lubin pour cet amendement qui, s’il est adopté, permettra en effet à certaines structures qui n’entrent dans aucune case de continuer à bénéficier de leur statut expérimental, statut ô combien nécessaire, comme vous l’avez souligné, pour accompagner la transformation de l’offre dans le secteur médico-social.
Le Gouvernement émet donc, comme Mme la rapporteure, un avis favorable sur cet amendement. (Très bien ! sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Madame la rapporteure, madame la ministre, je vous remercie de nous avoir entendus, car l’adoption de cet amendement représente un nouveau souffle non seulement pour notre Village landais Alzheimer, mais aussi pour toutes les structures – j’en ai cité certaines, mais il en existe bien d’autres – qui apportent des réponses novatrices en matière d’accueil des personnes dépendantes, qu’elles soient âgées ou en situation de handicap. De belles choses, de beaux projets, émergent un peu partout dans notre pays.
En votant cet amendement – présumant d’une issue heureuse, j’en remercie par avance mes collègues –, nous donnerons une bouffée d’air pur à toutes ces structures, et nous permettrons leur pérennisation.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1739 rectifié.
(L’amendement est adopté à l’unanimité.) – (Applaudissements.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 36.
L’amendement n° 1751, présenté par Mmes Canalès et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 36
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 2324-3 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 2324-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2324-3-…. – I. – Dans des conditions fixées par décret après avis du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, les établissements et services relevant du présent chapitre transmettent périodiquement à la Caisse nationale des allocations familiales des informations relatives à leur capacité d’accueil, permanente et temporaire, le nombre, le niveau de qualifications et la masse salariale des personnels affectés à l’accueil.
« II. – Sont également fixées par décret après avis du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge les modalités de publication, par la Caisse nationale des allocations familiales, d’indicateurs applicables aux établissements et aux services relevant du présent chapitre, dans un format clair et accessible aux familles. Ces indicateurs portent notamment sur l’activité et le fonctionnement de ces établissements et de ces services, y compris en termes budgétaires. Ils portent également sur l’adéquation entre les besoins quantitatifs et qualitatifs de personnels et les personnels effectivement recrutés et affectés, ainsi que sur le taux annuel de rotation de ces personnels. Ces indicateurs portent par ailleurs sur la qualité de l’accueil, notamment sur la proportion de repas servis respectant les dispositions de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.
« III. – Après une mise en demeure dont la durée ne peut être inférieure à trois mois, la Caisse nationale des allocations familiales peut suspendre les financements alloués aux établissements et les services relevant du présent chapitre ne respectant pas les I et II du présent article. »
La parole est à Mme Marion Canalès.
Mme Marion Canalès. La qualité et la sécurité de la prise en charge sont au cœur des priorités de notre système d’accueil des jeunes enfants. Reste à traduire en actes cet objectif, qui est largement partagé dans notre hémicycle.
À cette fin, une évolution partielle du mode de financement des établissements d’accueil pourrait constituer un levier d’amélioration continue.
L’idée que nous vous soumettons, mes chers collègues, consiste à calquer dans le domaine de la petite enfance un dispositif qui existe déjà dans les établissements de santé, à savoir le mécanisme d’incitation financière à l’amélioration de la qualité (Ifaq), dont nous avons déjà discuté à l’occasion de débats précédents.
Ainsi conviendrait-il, sur le modèle de l’Ifaq, de produire des indicateurs relatifs à la qualité de la prise en charge des enfants, à la qualité de vie au travail et à la prévention de la maltraitance.
Ces indicateurs permettraient à la CAF de vérifier que les groupes se conforment à leurs obligations de qualité, comme l’ARS le fait pour les établissements de santé. Si tel n’était pas le cas, la CAF pourrait, après avertissement, suspendre provisoirement les financements accordés aux établissements concernés, jusqu’à leur mise en conformité.
Vous le voyez, chers collègues de la majorité sénatoriale, l’objectif n’est pas de taxer. Ce n’est pas le levier fiscal que nous vous proposons d’activer – celui-ci, nous l’avons compris, n’est guère incitatif. Notre objectif est simplement d’améliorer la qualité de la prise en charge des jeunes enfants dans les crèches.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Je regrette de devoir briser la belle unanimité qui s’est exprimée à propos de l’amendement précédent.
La question de la qualité mérite d’être posée, nous ne le nions pas. Laurence Muller-Bronn, Émilienne Poumirol et moi-même avons d’ailleurs pu le vérifier en élaborant notre rapport d’information Pour un contrôle des crèches au service de la qualité de l’accueil des enfants.
La commission considère cependant qu’il ne serait pas opportun d’adopter un tel amendement, car le financement des crèches relève d’un circuit financier indépendant de la publication d’indicateurs, lesquels requièrent, au demeurant, la production d’une nomenclature précise et un travail d’expertise – il y va de l’objectivité des mesures.
Si cette discussion a le mérite d’ouvrir le débat, les mesures proposées ne relèvent pas du financement de la sécurité sociale ; elles devraient plutôt faire l’objet d’une proposition de loi spécifique.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. La loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi a d’ores et déjà prévu que les établissements d’accueil du jeune enfant font l’objet tous les cinq ans d’une évaluation et qu’ils publient des indicateurs relatifs à leur activité et à leur fonctionnement.
Il est également possible d’aller jusqu’à supprimer l’autorisation accordée à l’établissement en cas de non-respect de ses obligations, ce qui suspend les versements de la CAF. Votre amendement est donc satisfait, madame la sénatrice : demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.
Mme Marion Canalès. Qu’un texte prévoie déjà l’obligation de publier des indicateurs, je l’entends, madame la ministre.
Cela étant, des auditions organisées par nos collègues Henno, Poumirol et Muller-Bronn dans le cadre de la préparation de leur rapport ressort une forte demande de production d’indicateurs clés – j’y insiste –, dont la mobilisation permettrait à nos CAF locales d’adresser des demandes précises aux établissements.
Je pense par exemple à la mesure du taux d’encadrement dans les pouponnières de la protection de l’enfance, qui sont sous tension : le décret pris récemment pour améliorer l’accueil des enfants de moins de trois dans ces établissements était très attendu.
Notre amendement vise, quant à lui, les établissements d’accueil du jeune enfant. La mesure que nous proposons n’est absolument pas coercitive. Il s’agit simplement de prévoir la mise en place d’indicateurs clés, afin que les CAF puissent repérer les difficultés et, le cas échéant, avertir les établissements concernés, avant éventuellement de suspendre les financements accordés.