Mme Guylène Pantel. Cet amendement vise à renforcer l’attractivité d’un outil existant depuis 2005, le compte courant rémunéré, lequel pourrait devenir un véritable produit populaire au service des ménages modestes et moyens.

À l’heure actuelle, son potentiel demeure largement sous-exploité. En dépit de taux atteignant 4 %, le prélèvement forfaitaire unique (PFU) grève lourdement son gain net, ce qui décourage son développement au sein des réseaux bancaires traditionnels.

Parallèlement, les banques placent les dépôts des ménages auprès de la Banque centrale européenne (BCE) et en tirent des intérêts considérables, s’élevant à près de 15 milliards d’euros entre la fin 2023 et la mi-2024. Exonérer du PFU les intérêts suscités par un dépôt plafonné à 5 000 euros assurerait un meilleur partage de ces bénéfices et offrirait aux ménages une petite source de revenus complémentaire.

Le coût pour l’État demeurerait modéré, tandis que cette disposition inciterait les banques à proposer davantage ces produits. Il s’agit d’une mesure simple, ciblée et utile pour redonner un peu de pouvoir d’achat aux classes moyennes et modestes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Un certain nombre de dispositifs existent déjà, et j’estime qu’un compte courant est un compte courant. Des produits d’épargne populaire, accessibles à tous, en général convenablement rémunérés, tels que le compte sur livret ou un certain nombre d’autres comptes à disponibilité immédiate répondent, me semble-t-il, à votre préoccupation, ma chère collègue.

L’avis de la commission demeure donc identique à celui de l’an dernier : c’est une demande de retrait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je partage l’avis de M. le rapporteur général sur le plan technique.

Au demeurant, pour quelle raison la France ne dispose-t-elle pas de comptes courants rémunérés, contrairement à d’autres États ? Cela s’explique par le fait que nous figurons parmi les rares pays où s’appliquent des taux fixes de crédit immobilier.

Notre équilibre, en France, réside dans la faculté de s’endetter à taux fixe sur vingt ou vingt-cinq ans pour l’immobilier. En contrepartie, les banques ne rémunèrent pas les comptes courants. Les pays où ces derniers sont rémunérés pratiquent, quant à eux, des taux variables sur les crédits immobiliers.

C’est pourquoi les banques ne développent pas les comptes courants rémunérés et ne sont pas incitées à le faire : ceux-ci ne correspondent pas à l’équilibre en vigueur.

Par ailleurs, nous disposons déjà de nombreux produits d’épargne garantis, liquides et exonérés de tout impôt. J’ai évidemment à l’esprit le livret A, le livret d’épargne populaire et le livret de développement durable. Il ne me semble pas qu’une demande très forte s’exprime aujourd’hui en ce sens ; l’usage demeure d’ailleurs très faible. Je juge donc préférable de maintenir l’équilibre actuel : taux fixe immobilier et compte courant non rémunéré.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.

M. le président. Madame Pantel, l’amendement n° I-251 rectifié est-il maintenu ?

Mme Guylène Pantel. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° I-251 rectifié est retiré.

L’amendement n° I-1495, présenté par MM. Canévet, Delcros et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le c du 4° bis de l’article 81 est ainsi modifié :

a) Le mot : « ou » est remplacé par le signe : « , » ;

b) Sont ajoutés les mots : « ou celle correspondant au montant des versements mentionnés au dernier alinéa de l’article 163 quinvicies du présent code » ;

2° La seconde phrase du dernier alinéa du 6 de l’article 158 est ainsi modifiée :

a) Le mot : « ou » est remplacé par le signe : « , » ;

b) Elle est complétée par les mots : « ou à ceux mentionnés au dernier alinéa de l’article 163 quinvicies du présent code » ;

3° L’article 163 quinvicies est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions des a bis, a ter et b bis du 18° et du 18° bis de l’article 81, du deuxième alinéa du 2° de l’article 83, du dernier alinéa du I de l’article 154 bis, du deuxième alinéa du I de l’article 154 bis-0 A, de l’article 163 bis AA et du d du 1 du I de l’article 163 quatervicies ne s’appliquent pas aux versements effectués par le titulaire du plan d’épargne retraite mentionné à l’article L. 224-1 du code monétaire et financier ou du sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code à compter du jour de son soixante-dixième anniversaire. »

II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2026.

La parole est à M. Michel Canévet.

M. Michel Canévet. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. J’estime que, s’agissant du plan d’épargne retraite, singulièrement de sa clôture, la logique commanderait l’existence d’une date butoir. Celle-ci correspondrait soit à un âge fixé contractuellement pour tous, soit à l’âge effectif du départ à la retraite, assorti d’un délai. Des aménagements sont certainement possibles en ce sens.

Toutefois, nous constatons que l’absence de liquidation du plan d’épargne retraite, une possibilité offerte aujourd’hui, procure des avantages dans certains cas. Cette situation suscite ainsi des différences de traitement, dans la mesure où les sommes demeurent abritées et jouissent d’une protection en matière de droits de succession.

J’appelle néanmoins à la vigilance. Une ouverture excessive a, selon moi, prévalu, au regard des dispositifs imaginés initialement, donnant lieu à une véritable embellie. Dès lors qu’il est question de retraite, la sortie en rente aurait dû, à mon sens, constituer la priorité. Or le maintien d’un système très ouvert suscite aujourd’hui un certain nombre d’incompréhensions.

Enfin, j’appelle notre attention sur un point : gardons-nous de modifier trop souvent, pour ne pas dire chaque année, tel ou tel aspect du dispositif. Cette instabilité nuit à la visibilité et à la bonne compréhension de ce type de produit que les Français utilisent, recherchent et attendent, comme en témoigne un niveau de souscription qui demeure très élevé.

Je sollicite donc l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Mon avis liera l’amendement n° I-1495 de M. Canévet à l’amendement n° I-158 rectifié de Mme Lavarde, qui viendra ensuite en discussion. En effet, il convient à mon sens d’envisager le débat à la lumière de ces deux propositions.

À l’instar de l’assurance vie pour la transmission, il arrive un moment où les avantages, ici en matière d’impôt sur le revenu, doivent cesser. Comme le soulignait le rapporteur général, le plan d’épargne retraite a vocation à préparer la retraite. Or il est difficile de concevoir que, au-delà de 70 ans, l’épargnant ne soit pas déjà retraité.

J’accueille donc favorablement votre proposition, monsieur Canévet. Toutefois, je le précise : ce soutien vaut si nous l’accompagnons de celle de Mme Lavarde visant à faciliter les versements avant 70 ans, au sujet de laquelle je m’en remettrai à la sagesse du Sénat.

Mme Lavarde ne suggère pas de relever le plafond. Si, une année donnée, le plafond de versement n’était pas atteint, le délai pour combler la différence entre ce plafond et la somme versée passerait de trois à cinq ans. Cela ne modifierait ni la nature de l’avantage ni les volumes potentiellement transférables. Cela permettrait aux intéressés dont les revenus sont inégaux de procéder de manière lissée.

Ces deux dispositions conjointes assurent ainsi un équilibre : suppression des avantages sur l’impôt sur le revenu après 70 ans, mais souplesse accrue avant cet âge.

Pour être tout à fait honnête, peu de personnes utilisent cette facilité, et il ne me semble pas que cette mesure réponde à un besoin populaire massif. Néanmoins, j’accueille cette proposition avec sagesse.

Sur cet amendement, je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-1495.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3.

L’amendement n° I-158 rectifié, présenté par Mme Lavarde, M. Darnaud, Mme Aeschlimann, MM. Anglars, Bacci, Bazin et Belin, Mmes Bellamy, Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc et J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonnus, Mmes Borchio Fontimp et V. Boyer, MM. Brisson, Bruyen, Buffet, Burgoa, Cadec et Cambon, Mmes Canayer, Carrère-Gée et Chain-Larché, MM. Chaize, Chatillon et Chevrollier, Mme Ciuntu, M. Daubresse, Mme de Cidrac, MM. de Legge, de Nicolaÿ et Delia, Mmes Demas, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumas, Dumont, Estrosi Sassone, Eustache-Brinio et Evren, MM. Favreau et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, M. Gueret, Mmes Imbert, Jacques, Josende et Joseph, M. Klinger, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Le Gleut, Le Rudulier et H. Leroy, Mmes Lopez et Malet, MM. Mandelli et Margueritte, Mme P. Martin, M. Meignen, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mmes Mouton et Muller-Bronn, M. Naturel, Mme Nédélec, MM. Panunzi, Paul, Paumier, Pernot, Perrin et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Primas et Puissat, MM. Rapin et Reynaud, Mme Richer, MM. Rietmann, Rojouan, Saury, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Séné, Sido, Sol, Somon et Szpiner, Mmes Valente Le Hir et Ventalon et MM. C. Vial et J.P. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – À la fin du b du 2 du I de l’article 163 quatervicies du code général des impôts, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq ».

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Christine Lavarde.

Mme Christine Lavarde. Mme la ministre a parfaitement présenté cet amendement. Il est défendu et j’ai bon espoir qu’il sera adopté, puisqu’il a reçu deux avis favorables !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. J’ai donné un avis de sagesse !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. J’avais prévu de solliciter l’avis du Gouvernement, mais Mme la ministre a répondu avant même que je le demande. Nous nous rangeons donc à son avis favorable.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. J’ai dit : avis de sagesse !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je vous concède une sagesse favorable. (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-158 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° I-1292, présenté par MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 91 du code général des impôts est ainsi rétabli :

« Art. 91. – Lorsque le titulaire d’un plan d’épargne retraite mentionné à l’article L. 224-1 du code monétaire et financier décède après l’échéance mentionnée au premier alinéa du même article, les sommes perçues au titre de ce plan sous forme de rente ou de capital par ses ayants droit et correspondant à des versements déduits de l’assiette de l’impôt sur le revenu conformément aux articles 154 bis, 154 bis-0 A et 163 quatervicies du présent code sont soumises à l’impôt sur le revenu.

« Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué sur la part de chaque ayant droit un abattement d’un montant équivalent aux sommes acquittées en application de l’alinéa précédent. »

II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2026.

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Pierre Barros.

M. Pierre Barros. L’amendement que nous présentons vise à corriger une anomalie fiscale qui, bien qu’elle n’ait jamais été véritablement assumée, représente un coût réel pour les finances publiques.

Comme vous le savez, les versements effectués sur un plan d’épargne retraite (PER) sont déductibles du revenu imposable. Ce sursis d’imposition apparaît parfaitement légitime dans son principe : l’impôt du moment de l’épargne est décalé vers celui de la retraite, lors de la liquidation du plan sous forme de rente ou de capital. Jusque-là, nulle difficulté !

Toutefois, un problème essentiel survient en cas de décès du titulaire : l’impôt sur le revenu ne fait alors l’objet d’aucune récupération. Les sommes transmises aux héritiers, qu’elles soient versées en capital ou en rente, y échappent totalement, alors même qu’elles ont ouvert droit à un avantage fiscal initial.

Il s’agit non pas d’une optimisation marginale, mais d’une non-récupération définitive de l’impôt différé. Cet avantage, réservé aux titulaires de PER fortement alimentés, représente un coût de 3 milliards à 4 milliards d’euros pour les finances publiques, ce qui n’est pas rien.

Dans tout autre dispositif, une telle situation serait qualifiée pour ce qu’elle est : un défaut de symétrie fiscale. La déduction est autorisée à l’entrée, mais l’imposition est abandonnée à la sortie, à condition que le titulaire décède avant de liquider son plan. Dans ces conditions, le sursis d’imposition se transforme en dégrèvement permanent, ce qui n’est absolument pas conforme à l’objectif originel du PER.

Notre amendement, simple, tend donc à instaurer, lors de la liquidation du PER au décès du souscripteur, un prélèvement au taux du PFU, afin que la collectivité recouvre l’avantage fiscal initial.

M. le président. L’amendement n° I-395, présenté par MM. Delcros, Canévet et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 91 du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. 91. – Lorsque le titulaire d’un plan d’épargne retraite mentionné à l’article L. 224-1 du code monétaire et financier décède après l’échéance mentionnée au premier alinéa du même article, les sommes perçues au titre de ce plan sous forme de rente ou de capital par ses ayants droit et correspondant à des versements déduits de l’assiette de l’impôt sur le revenu conformément aux articles 154 bis, 154 bis-0 A et 163 quatervicies du présent code sont soumises à l’impôt sur le revenu.

« Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué sur la part de chaque ayant droit un abattement d’un montant équivalent aux sommes acquittées en application du premier alinéa. »

II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2027.

La parole est à M. Bernard Delcros.

M. Bernard Delcros. Notre groupe présente chaque année un amendement similaire, afin de cibler une anomalie issue de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, concernant le PER.

La souscription d’un PER ouvre droit à un certain nombre d’avantages fiscaux ; au moment où ce plan est liquidé, l’impôt est acquitté.

Or une faille dans le système permet aux épargnants n’ayant pas besoin de liquider leur PER durant leur vie, c’est-à-dire probablement aux plus aisés d’entre eux, de l’intégrer dans une succession : il est alors exonéré et, finalement, nul ne paie d’impôt sur ce plan. Les avantages fiscaux ne sont jamais rattrapés.

Cet amendement vise donc à rectifier ce qui constitue aujourd’hui une anomalie qui n’existait pas avant la loi Pacte pour les PER. Et il s’agit tout de même d’un rendement de plusieurs milliards d’euros.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. J’ai déjà eu l’occasion d’aborder le sujet soulevé par M. Delcros. Le dispositif proposé prévoit une rétroactivité ; dès lors, chacun comprendra qu’il se heurte à une impossibilité constitutionnelle.

Ensuite, nous constatons non pas de simples effets de bord, mais de véritables effets de débordement, auxquels il convient évidemment d’apporter des réponses. C’est la raison pour laquelle j’avais exposé tout à l’heure l’ensemble des problématiques, reconnaissant que le dispositif initial issu de la loi Pacte présentait des manques et des carences.

Ainsi, il aurait fallu accorder davantage de liberté, notamment à la sortie, puisque la logique demeure celle d’une rente. De même, la survenue d’une perte d’autonomie après la souscription aurait dû ouvrir la possibilité d’une rente. Cette option n’avait pas été retenue à l’époque.

De mon point de vue, ces différents sujets méritent un travail de concertation avec les acteurs concernés, afin d’examiner et, le cas échéant, de faire évoluer le dispositif. Toutefois, une telle évolution ne saurait passer, me semble-t-il, par un amendement comme ceux qui nous sont proposés.

Je le répète, en raison principalement de leur défaut de constitutionnalité, je sollicite le retrait de ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Les propos de M. le rapporteur général pourraient fort bien nourrir une mission ou un travail collectif de votre commission, une fois le budget adopté. Cela occuperait votre 5 janvier ! (Sourires.)

Plus sérieusement, la proposition que portent les auteurs de ces deux amendements doit s’interpréter à la lumière de ce que vient de déclarer de M. le rapporteur général. Je souhaite toutefois lancer une alerte : leurs dispositifs sont rédigés de manière à s’appliquer aux contrats en cours.

Or le PER existe depuis cinq ans au maximum, et il est impossible de modifier rétroactivement les conditions de sortie d’un contrat déjà signé. Une application aux nouveaux contrats serait envisageable, mais telle n’est pas la rédaction retenue. En tout état de cause, il sera difficile de changer les règles pour 2026.

Pour l’avenir, ce sujet est intéressant. Il convient sans doute, en effet, de clarifier la nature de ce produit : il s’agit bien d’un contrat et d’un produit d’épargne retraite, et non d’un instrument de transmission défiscalisé.

Conceptuellement, l’idée de l’inscrire dans le paquet général qu’évoque M. le rapporteur général me paraît intéressante. Je réitère néanmoins mon alerte, avec beaucoup de calme : le dispositif proposé est inapplicable, car le Conseil constitutionnel ne validera pas votre proposition en raison de son caractère rétroactif sur les contrats déjà signés.

Vous le savez, lors des modifications apportées à l’assurance vie, nous n’avons pu agir que sur les contrats nouvellement signés.

Je sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, sa censure par le Conseil constitutionnel serait quasi certaine.

M. le président. Monsieur Delcros, l’amendement n° I-395 est-il maintenu ?

M. Bernard Delcros. Je suis très hésitant, car voilà quatre ou cinq ans que nous présentons un amendement similaire. Et j’entends encore les mots du ministre, l’année dernière : celui-ci concédait l’existence d’un véritable problème, mais réclamait un examen plus attentif et affirmait souscrire à l’ouverture d’une concertation à cette fin…

Je serais tenté de retirer mon amendement si je croyais tout ce que l’on m’a dit ! Mais, chaque année, depuis quatre ou cinq ans, la même réponse nous est opposée. Je préfère donc ne pas le retirer.

Par ailleurs, vous indiquez que cet amendement est inconstitutionnel, mais la navette parlementaire suivra son cours. L’adoption de cette mesure permettrait au moins d’approfondir le sujet.

Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Barros, l’amendement n° I-1292 est-il maintenu ?

M. Pierre Barros. J’exprime mon accord avec le camarade Delcros ! (Exclamations amusées sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Emmanuel Capus. Enfin des révélations ! Il s’agit donc d’un converti ! (Sourires.)

M. Pierre Barros. Ce qualificatif s’applique uniquement sur ce sujet-là et à propos des propos qu’il vient de faire valoir. Pour le reste, il y a encore du travail ! (Nouveaux sourires.)

Certes, si nous reportons la mesure chaque année, la question de la rétroactivité s’effondre. Nous finissons par nous heurter à un problème de sens et de cohérence. J’entends l’explication de vote de Mme la ministre et je la partage.

En revanche, il conviendra, à un moment donné, de nous fixer, de poser les choses et d’y travailler. À défaut, cette situation risque de perdurer des années sans que nous réglions le problème.

Je retire donc mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° I-1292 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° I-395.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° I-1429, présenté par MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 3 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 est abrogé.

La parole est à M. Pierre Barros.

M. Pierre Barros. Le plan d’épargne avenir climat (Peac) a été présenté l’année dernière comme une innovation majeure. Nous avions alors exprimé notre opposition, car nous avions déjà identifié les risques qu’il comportait : un dispositif supplémentaire sans cohérence d’ensemble, venant s’ajouter à un paysage d’épargne, presque une constellation, déjà illisible pour la plupart des ménages.

Un an plus tard, les faits s’imposent : ce plan constitue, malheureusement, un échec. Il crée un effet d’éviction au détriment des autres livrets d’épargne réglementés, tout en suscitant de la confusion pour les épargnants.

Nous proposons donc tout simplement de l’abroger.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La mesure proposée par les « camarades » – je me permets de reprendre ce terme, puisque vous en avez vous-même usé – suscite en moi un certain étonnement.

En effet, elle porte sur un objet qui avait retenu l’attention de notre collègue Christine Lavarde lorsque celle-ci était rapporteure de la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte. Je la cite : « Malgré les réserves que j’ai émises, le plan d’épargne avenir climat peut présenter un intérêt. » Elle ajoutait : « Nous verrons si ce nouveau plan sera à la hauteur des espérances du Gouvernement. Mme la ministre nous éclairera certainement sur ce point. »

Il convient, me semble-t-il, d’accorder un peu de temps au dispositif. Certes, ce produit entre quelque peu en concurrence avec ceux que nous évoquions précédemment. Mais il me semble répondre aux attentes des jeunes générations en matière de rémunération, via des comptes souvent alimentés par les parents ou les grands-parents, autour d’un objectif d’action en faveur du climat.

Une certitude demeure : à force de vouloir créer des produits très ciblés, nous perdons beaucoup en lisibilité. Pour tout dire, je m’en tiens à ce que j’affirme depuis des années : les politiques liées aux enjeux du réchauffement climatique doivent revêtir un caractère bien plus transversal. Leur cantonnement au sein d’un produit spécifique ne s’impose pas nécessairement, d’autant que la rémunération s’aligne peu ou prou sur celle d’autres supports.

Il importe néanmoins de laisser s’écouler un délai de trois à cinq ans pour juger. Par la suite, le marché opérera de lui-même la régulation si ce produit ne rencontre pas un nombre de souscripteurs suffisant.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Les dispositions de votre amendement présentent un intérêt, monsieur le sénateur, mais je ne saisis pas votre intention : vous supprimez les avantages fiscaux sans pour autant supprimer le produit d’épargne. Ce faisant, vous tuez le produit ! Dans ce cas, mieux vaudrait assumer d’aller au bout de la démarche et le supprimer tout court.

Quel était l’objectif du Peac ? Il s’agissait de disposer de plans d’épargne en actions (PEA), c’est-à-dire d’outils d’épargne, pas nécessairement réservés aux jeunes, mettant en avant la possibilité d’investir pour des causes porteuses de sens. Il s’agissait de redonner du sens à l’investissement et à la mobilisation de l’épargne.

Ce produit manque encore d’historique ; il demande à se développer et devra faire l’objet d’une évaluation en temps voulu. Je vous invite toutefois soit à vous montrer plus radical, soit à retirer votre amendement. Supprimez-le totalement si vous le souhaitez ; mais cet entre-deux, où il subsisterait sans avantage fiscal, envoie, selon moi, un message qui manque de clarté.

Je sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.

M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.

M. Grégory Blanc. Nous savons tous que l’élaboration de ce dispositif constituait, en toute franchise, une opération de communication.

Je souhaite vous interpeller sur un point, madame la ministre : afin de réellement agir pour le climat, j’avais déposé des amendements tendant à mieux orienter l’assurance vie, singulièrement les fonds en euros. L’objectif était de créer un effet de levier en s’inspirant des préconisations du rapport de Paul Midy sur les jeunes entreprises innovantes.

Il me semblait que nous devions nous montrer capables de flécher une partie des fonds en euros de l’assurance vie vers des opérations ou des emprunts publics, afin de financer le fonds vert ou d’autres dispositifs, en nous inspirant notamment de l’écolabel, reconnu à l’échelle européenne.

Cet amendement n’a pas été retenu, car il avait été considéré comme un cavalier législatif, faute d’accroche dans le texte. Je le regrette.

Toutefois, j’estime que la question de l’épargne et de la mobilisation de sommes considérables, qui fuient à l’étranger alors que notre pays éprouve d’importants besoins, exige une réflexion autrement plus sérieuse que celle qui a débouché par le passé sur ce gadget, dont j’ignore s’il est sorti de Bercy ou d’un bureau ministériel.

Adoptons enfin une approche sérieuse, à la hauteur des enjeux et, notamment, du dérèglement climatique.