M. Pascal Savoldelli. Mon intervention porte sur les plateformes de location touristique de courte durée, secteur qui représente en 2023 8,5 milliards d'euros rien que pour l'hébergement, plus de 7 milliards d'euros de revenus bruts pour les hôtes et près de 5 milliards d'euros de recettes fiscales. Nous avons obtenu ces éléments par l'intermédiaire du cabinet Deloitte, qui – permettez-moi cette petite note d'humour – n'a pas de lien d'intérêt avec notre groupe, puisque nous avons été à l'origine de la commission d'enquête sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques…
Au sein de cet ensemble, la location de courte durée des résidences secondaires constitue l'activité la plus rentable et la plus destructrice pour le logement ordinaire. C'est pourquoi nous proposons de l'assujettir à la TVA.
Nous ne parlons ni des résidences principales ni de l'intégralité des locations ; est uniquement concernée l'exploitation des résidences secondaires comme une activité commerciale.
J'attire l'attention de Mme la ministre sur le fait que se priver d'une telle mesure équivaudrait à dédaigner un rendement de 1 milliard à 1,5 milliard d'euros par an, et ce sur une activité spéculative.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous demandons l'avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Nous poursuivons le débat sur la TVA.
Lorsque l'on assujettit un service à cette taxe, l'on donne à l'acteur économique concerné la capacité de la déduire de ses achats y afférents. Ainsi, au bilan, il n'est pas du tout certain que cela augmente les recettes globales. En effet, la personne qui applique la TVA à sa prestation de location pourra la déduire de tout ce qu'elle achète : produits d'entretien, fourniture de certains services, par exemple pour le linge, ou encore conciergerie. Au total, il semble possible que le montant de TVA déduite soit plus élevé que celui qui serait inclus dans la facturation au client final.
En termes d'équilibre des finances publiques, il arrive souvent que des acteurs nous demandent à pouvoir appliquer la TVA sur les factures afin de procéder à bien plus de déductions. En effet, on oublie souvent de considérer à la fois la TVA brute et la TVA nette des dégrèvements.
En 2023 et en 2024, les plus grandes pertes de recettes ont été dues au fait que les remboursements et dégrèvements de TVA ont explosé en valeur. Je souhaite donc que, pour la bonne tenue des comptes publics, nous soyons très vigilants sur cette mesure.
Aujourd'hui, même si je ne dispose pas d'une véritable étude d'impact, mes services m'indiquent que, a priori, le gain financier pour l'État n'est pas certain, et qu'il pourrait même être négatif. Autrement dit, nous pourrions être perdants. Je vous propose par conséquent de ne pas nous lancer dans cette opération, d'où un avis défavorable sur l'ensemble des amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-1530 rectifié bis et I-1782.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-2294 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° I-1532 rectifié ter, présenté par M. Brisson, Mme Canayer, MM. Piednoir, Burgoa et Séné, Mme Dumont, M. Belin, Mme Drexler et M. Genet, est ainsi libellé :
Après l'article 25
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article 242 bis du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La taxe sur la valeur ajoutée sur les opérations de location de meublés de tourisme effectuées par l'intermédiaire des opérateurs de plateforme mentionnés au premier alinéa est collectée par ces opérateurs et reversée au Trésor public. »
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Dès lors que l'assujettissement à la TVA que nous avons proposé avec les amendements précédents a été rejeté, le présent amendement n'a plus de sens.
Toutefois, je ne vous ai pas très bien comprise, madame la ministre. Aujourd'hui, des meublés de tourisme peuvent parfaitement être assujettis à la TVA. Nous jouons ainsi à un drôle de jeu dans lequel ceux qui fournissent l'ensemble des prestations hôtelières sont assujettis à la TVA, quand les autres, qui en retirent ne serait-ce qu'une seule, ne le sont pas. Nous sommes donc en train de favoriser toutes sortes de fraudes, de tricheries insupportables.
Ayant bien compris que nous serions battus, je n'ai pas insisté davantage, mais vous ne m'avez vraiment pas convaincu. Les évolutions législatives conduisent le Gouvernement à élargir largement l'assiette de la TVA ; dans le cas d'espèce, la résistance de Bercy me surprend quelque peu.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Monsieur le sénateur, le Sénat vient de voter la suppression de l'article 25, qui comprenait une mesure sur les franchises de TVA. Vous avez ainsi décidé qu'une activité ne dépassant pas un certain plafond, jusqu'à 85 000 euros pour la vente de biens et 37 000 euros pour les services, fait l'objet d'une franchise de TVA. Il n'est donc pas, dans ce cas, nécessaire de facturer cette dernière.
Ainsi, dans le cadre d'une activité non professionnelle, telle la location d'un bien de manière temporaire, quelquefois dans l'année, les franchises de TVA s'appliquent.
Si vous souhaitez que, pour de telles locations, la facturation soit assujettie à la TVA, le taux de cette dernière doit être fixé à 10 %. Ainsi, les personnes concernées, alors que ce n'est pas leur activité professionnelle, pourront déduire la TVA des biens et services qu'elles achètent, pour lesquels le taux est 20 %. Je vous laisse comparer les deux taux et faire la comptabilité avec moi : à la fin, l'État perd de l'argent.
Je propose donc que l'on ne change pas ce régime : soit on est sous le régime des franchises, lequel, pour des activités ponctuelles ou de petits revenus, ne prévoit ni assujettissement ni déductibilité de la TVA ; soit, s'agissant d'une activité professionnelle, comme l'hôtellerie, la TVA s'applique, mais l'on rentre alors dans un autre cadre.
Tel était le sens de mon argumentation, compréhensible au vu des intérêts de l'État, que je dois défendre.
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour répondre à Mme la ministre.
M. Max Brisson. Je comprends parfaitement votre raisonnement, madame la ministre.
Le problème est que nous assistons au fait que des personnes qui ont de nombreux meublés de tourisme en font une véritable activité professionnelle sans être assujetties à la TVA et sans être soumises aux mêmes règles de concurrence que les hébergeurs professionnels. C'est bien là la difficulté à laquelle nous sommes confrontés depuis des années.
M. Albéric de Montgolfier. Il faut ajouter ce point à la réunion du 5 janvier !
Mme la présidente. L'amendement n° I-2683, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 25
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 273 septies D du code général des impôts, il est inséré un article 273 septies E ainsi rédigé :
« Art. 273 septies E. – Les biens et services utilisés pour des publicités ne font l'objet d'aucune exclusion ou restriction du droit à déduction. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Oui, monsieur de Montgolfier, nous pourrons y revenir.
Cet amendement aurait été très apprécié par M. Delahaye au titre du bureau d'abrogation des lois anciennes et inutiles (Balai), puisqu'il s'agit de nettoyage. En effet, les publicités pour l'alcool n'existent plus, donc les exonérations de TVA qui y sont liées non plus.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 25.
L'amendement n° I-961 rectifié bis, présenté par MM. Jacquin, Gillé, Ros, Devinaz et Redon-Sarrazy, Mmes Matray et Conway-Mouret, M. Ziane, Mme Bélim, MM. P. Joly et Vayssouze-Faure, Mme Monier et M. Bourgi, est ainsi libellé :
Après l'article 25
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L'article 278-0 bis est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …. – Les billets de train pour le transport des voyageurs. » ;
2° Le b quater de l'article 279 est complété par les mots : « , à l'exception des billets de train pour le transport des voyageurs ».
II. – La perte de recettes résultant pour l'État du II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Audrey Bélim.
Mme Audrey Bélim. Cet amendement de mon collègue Olivier Jacquin vise à abaisser le taux de TVA sur les billets de train. C'est une mesure de bon sens, en ce qu'elle favorise le report modal et l'avantage compétitif du train vis-à-vis de la voiture individuelle.
Trois effets sont attendus : diminuer les prix ou, du moins, limiter leur hausse ; amortir l'augmentation du coût de l'électricité et du diesel pour les opérateurs ; enfin, donner des marges de manœuvre budgétaires à ces derniers pour développer l'offre.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable sur cette proposition, qui ne nous avait d'ailleurs plus été soumise au cours des deux dernières années.
Il faut que nous prenions garde aux pertes de recettes publiques, dans ce domaine comme dans d'autres. En règle générale, ce n'est pas une réduction de la TVA qui accroît la fréquentation ; le levier est plutôt celui de l'offre de services, au moyen d'une bonne desserte et d'un bon cadencement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-961 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vais lever la séance.
Nous avons examiné 558 amendements au cours de la journée ; il en reste 825 à examiner sur ce texte.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
2
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mardi 2 décembre 2025 :
À neuf heures trente :
Questions orales.
L'après-midi, le soir et la nuit :
Suite du projet de loi de finances pour 2026, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale (texte n° 138, 2025-2026) :
Examen des articles de la première partie (suite).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 2 décembre 2025, à zéro heure vingt-cinq.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
JEAN-CYRIL MASSERON