Après l’article 24
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 220 sexies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le septième alinéa du f du 1 du III est ainsi modifié :
a) La première phrase est supprimée ;
b) La seconde phrase est ainsi rédigée : « Le taux mentionné au premier alinéa du présent 1 est porté à 25 % pour les œuvres cinématographiques d’animation et pour les œuvres cinématographiques autres que d’animation réalisées intégralement ou principalement en langue française ou dans une langue régionale en usage en France dont le budget de production excède 7 millions d’euros » ;
2° Le V est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au crédit d’impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit, qu’elles soient définitivement acquises par elles ou remboursables ».
II. – Les dispositions du présent article s’appliquent aux dépenses exposées à compter du 1er janvier 2026.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement de la commission des finances vise à appliquer les recommandations formulées par l’inspection générale des finances (IGF) dans sa revue de dépenses relative aux aides au cinéma de décembre 2024.
L’IGF conclut à l’inefficience partielle du crédit d’impôt cinéma (CIC) et du crédit d’impôt audiovisuel (CIA). Elle conclut notamment que « les soutiens du CNC ne sont pas ajustés pour tenir compte du dynamisme de la dépense fiscale » et que « seule une réforme des crédits d’impôt conduirait à une baisse sensible du taux de financement public dans la production française ».
En ce qui concerne le crédit d’impôt cinéma, l’IGF note également que son effet localisant est difficile à démontrer pour les œuvres dont le budget est inférieur à 7 millions d’euros.
En ce qui concerne le crédit d’impôt audiovisuel, elle indique qu’il a généré d’importants effets d’aubaine.
Le coût fiscal du CIC devrait avoir augmenté de 35 millions d’euros entre 2019 et 2026 et celui du CIA de 125 millions d’euros.
L’amendement de la commission met strictement en application les recommandations de l’IGF.
J’ajoute par ailleurs que le crédit d’impôt international (C2I), qui, lui, a fait ses preuves et contribue à l’attractivité internationale de la France, est préservé. La commission des finances ne propose donc pas, j’y insiste, de le modifier. En outre, elle donnera un avis favorable à l’amendement n° I-2350 de la commission de la culture, qui, avec cinq autres amendements identiques, tend à proroger le C2I jusqu’au 31 décembre 2028.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Le Gouvernement a fait le choix de privilégier la stabilité fiscale dans le soutien à l’industrie cinématographique. Par cohérence avec cette ligne, je suis défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Je voudrais d’abord remercier Mme la ministre de cet avis défavorable.
Monsieur le rapporteur général, même s’il s’agit d’un rapport de l’inspection générale des finances, nous sommes aujourd’hui en 2025 et le contexte géopolitique n’est plus le même. L’adoption de cet amendement entraînerait très clairement un risque de délocalisation intégrale ou partielle de projets vers des pays étrangers qui disposent de dispositifs fiscaux équivalents, voire plus attractifs.
Le passage du taux du CIC de 20 % à 30 % a permis de relocaliser des dépenses de manière très significative. Il est d’ailleurs contre-productif de cibler les films au budget de moins de 7 millions d’euros, car ils représentent 85 % de la production française. Ce ciblage affecterait les films de la diversité, qui assurent le renouvellement de la création ; ce serait un contresens vraiment incroyable en termes de politique publique.
Enfin, il ressort des évaluations menées que ces crédits d’impôt sont ceux qui permettent les meilleurs retours pour les finances publiques, puisqu’ils sont proches de l’autofinancement sur le plan fiscal. Pour le CIA, par exemple, 1 euro de dépense fiscale permet d’attirer 0,96 euro de recettes fiscales supplémentaires.
Par conséquent, mes chers collègues, je vous demande de ne pas voter cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.
M. Laurent Lafon. Je veux remercier le rapporteur général en ce qui concerne le crédit d’impôt international et pour l’avis favorable qu’il donnera dans quelques instants à nos amendements.
J’attire néanmoins votre attention sur les autres crédits d’impôt. Je ne suis personnellement pas favorable à la proposition de la commission des finances.
Je rappelle que, dans ce budget, tel qu’il existe aujourd’hui, les aides à l’audiovisuel public diminuent, ce qui pourrait avoir un impact direct sur la création, et un prélèvement de 45 millions d’euros est opéré sur le CNC. De plus, nous venons de voter une diminution du produit affecté à ce dernier.
Nous étions conscients, l’année dernière, qu’il y avait sans doute un ajustement des recettes à opérer du côté du CNC. Toutefois, soyons très vigilants à ne pas fragiliser ce système qui permet à la France de conserver un cinéma vivant, à la différence, par exemple, de l’Allemagne, de l’Italie ou de l’Angleterre.
En frappant trop durement les taxes affectées au CNC, nous prenons vraiment le risque de mettre tout cela en péril.
C’est la raison pour laquelle, personnellement, je ne voterai pas l’amendement de la commission des finances et que j’appelle mes camarades à ne pas le voter non plus.
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.
M. Cédric Vial. Je vais dans le sens de Laurent Lafon, et j’appelle, non pas mes camarades, mais mes compagnons (Sourires.) à faire de même.
Le contexte a changé. La filière audiovisuelle représente 270 000 emplois en France. Il y a une attrition des financements publics, alors que l’audiovisuel public représente 47 % du soutien à la production et qu’on va lui demander un effort supplémentaire.
Or nous avons besoin de soutenir cette filière. Il s’agit non pas d’augmenter les aides, mais de maintenir un dispositif qui a fait ses preuves.
Je veux prendre un exemple qui va dans le sens de ce que disait Sylvie Robert. Une coproduction franco-hongroise va réaliser un film sur Jean Moulin. Le film va être tourné en Hongrie, alors que toutes les scènes se déroulent en France. On va reconstituer la France en Hongrie, parce que ce pays pratique un véritable dumping !
Ce n’est pas le moment d’aller à contre-courant. C’est pourquoi je vous propose de ne pas modifier notre système.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.
Mme Laure Darcos. Les membres du groupe Les Indépendants suivront une bonne partie de l’hémicycle et voteront contre l’amendement du rapporteur général.
J’ajouterai deux arguments à ceux qui ont déjà été avancés.
La baisse du crédit d’impôt pour le cinéma et l’audiovisuel serait également contre-productive à deux titres.
Tout d’abord, elle interviendrait à contretemps du plan France 2030. En effet, les investissements publics substantiels engagés dans ce cadre, de plus de 220 millions d’euros, ont eu pour but d’encourager l’émergence de studios de tournage de premier plan et d’aider au développement d’une offre de formation adéquate. Or, si 85 % de la production nationale était incitée à délocaliser ses tournages, le risque serait grand que ces structures deviennent des éléphants blancs et que les étudiants ne trouvent pas de débouchés en France à l’issue de leur formation.
Ensuite, les mérites économiques de ces deux crédits d’impôt ont également été établis. Le CNC a fait réaliser en 2023, puis en 2025, une analyse indépendante de ces différents crédits d’impôt. Il en ressort qu’ils font partie des crédits d’impôt ayant le meilleur retour pour les finances publiques. Ils sont également proches de l’autofinancement d’un point de vue fiscal. Ainsi, pour le crédit d’impôt audiovisuel, 1 euro de dépense fiscale permettrait d’engranger 0,96 euro de recettes fiscales supplémentaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Les membres de la commission de la culture savent que je ne suis pas toujours d’accord avec Sylvie Robert, mais j’aurais pu ce soir dire à peu près la même chose qu’elle. (Mme Sylvie Robert manifeste sa gratitude.)
Monsieur le rapporteur général, cet amendement de la commission des finances me gêne. Le cinéma français est une exception en Europe. Beaucoup de pays européens n’ont plus de cinéma. Nous avons mis au point des dispositifs qui permettent aujourd’hui de financer le cinéma français et de produire des chefs-d’œuvre qui s’exportent parfois dans le reste du monde.
J’ai donc vraiment beaucoup de mal avec cet amendement, car il cible en particulier les films à petit budget, ce qui est une erreur. Dans le contexte de concurrence internationale qu’a rappelé Cédric Vial, nous avons l’obligation de protéger le cinéma français.
Par conséquent, je ne voterai pas votre amendement, monsieur le rapporteur général.
Mme la présidente. L’amendement n° I-2439 rectifié bis, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 24
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le quatorzième alinéa du 1 du III de l’article 220 sexies du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il est porté à 40 % pour les œuvres cinématographiques ou audiovisuelles produits dans les territoires dits d’outre-mer. »
II. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
… – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Cet amendement vise à mieux soutenir la production cinématographique, aujourd’hui très contrainte dans les territoires d’outre-mer. Pour cela, il vise à porter à 40 % le taux du crédit d’impôt cinéma pour les œuvres produites dans ces territoires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Même avis.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-2439 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements identiques.
L’amendement n° I-1689 rectifié quater est présenté par MM. C. Vial, J.B. Blanc, Séné et Brisson, Mme V. Boyer, M. Khalifé, Mme Borchio Fontimp, MM. Bruyen, H. Leroy, Sido et Genet et Mme Berthet.
L’amendement n° I-2206 rectifié bis est présenté par Mme L. Darcos, MM. Malhuret et Capus, Mme Bourcier, MM. Brault, Chasseing, Grand, Laménie et V. Louault, Mme Paoli-Gagin, M. Wattebled et Mme Lermytte.
L’amendement n° I-2330 est présenté par Mmes S. Robert et Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mmes Matray et Monier et MM. Ros et Ziane.
L’amendement n° I-2334 est présenté par MM. Bacchi, Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° I-2433 rectifié bis est présenté par Mme Morin-Desailly, M. Levi, Mmes Billon et Saint-Pé et M. Gremillet.
L’amendement n° I-2546 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Guiol, Mme Pantel et M. Masset.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 24
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au c du 2 du VI de l’article 220 sexies du code général des impôts, le montant : « 3 000 € » est remplacé par le montant : « 6 000 € ».
II. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Cédric Vial, pour présenter l’amendement n° I-1689 rectifié quater.
M. Cédric Vial. Cet amendement, qui a pour objet la production des films d’animation, a été adopté l’année dernière dans les mêmes termes par notre assemblée, mais il n’a malheureusement pas passé le cap de la commission mixte paritaire, pour des raisons que j’ignore, et ce bien que l’Assemblée nationale n’ait pas eu de texte à opposer au nôtre.
Le crédit d’impôt cinéma constitue un enjeu important pour la filière de l’animation, qui, même si elle n’est pas une grosse filière en volume, est une filière d’excellence française. Nous sommes sur le podium avec les Américains et les Japonais ; le quatrième est très loin derrière nous.
Pourtant, cette filière est en difficulté, notamment parce que les plateformes, en particulier les grosses plateformes américaines, ont cessé d’investir dans la production d’animation. Elles ont même mis fin à d’importantes productions en cours de route et ainsi mis en danger la filière française, qui est une filière d’exception.
Cet amendement doit donc être adopté afin de permettre la relocalisation des tournages des films d’animation. Des centaines d’emplois sont concernées à long terme. Préservons donc l’excellence française !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, pour présenter l’amendement n° I-2206 rectifié bis.
Mme Laure Darcos. Nous allons consacrer un peu de temps à ces amendements – j’entends que certains soupirent – portant articles additionnels après l’article 24, seul et unique article consacré à la culture dans le texte.
Pour compléter ce que vient de dire Cédric Vial, je rappelle que, si le plafond du crédit d’impôt est plus bas pour les œuvres d’animation, c’est parce qu’il a été pensé à une époque où les dessins animés étaient surtout destinés aux enfants et financés principalement en Europe.
Or la situation a beaucoup changé.
Les plateformes commandent désormais des séries d’animation pour tous les publics, y compris les adultes, et disposent pour cela de budgets bien plus élevés qu’auparavant. Certaines séries familiales dépassent déjà largement les anciens plafonds et les séries pour adultes peuvent coûter plusieurs millions d’euros par heure.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l’amendement n° I-2330.
Mme Sylvie Robert. Cet amendement a été très bien défendu par mes collègues. J’ajoute que notre pays compte de très belles écoles d’animation ; pour cette seule raison, il est réellement important de voter cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Alexandre Basquin, pour présenter l’amendement n° I-2334.
M. Alexandre Basquin. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour présenter l’amendement n° I-2433 rectifié bis.
M. Pierre-Antoine Levi. Il est également défendu.
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° I-2546 rectifié bis.
Mme Maryse Carrère. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. J’entends votre engagement à tous et le soutien très sincère que vous apportez avec conviction à la filière du cinéma et de l’animation au travers de ces amendements.
Je vous le dis très sincèrement : j’adorerais pouvoir dire oui à ces amendements, mais nous n’en avons pas les moyens. Je vous rappelle que notre objectif, dans ce projet de budget, est de réduire le déficit. Par conséquent, si l’on augmentait ou doublait les plafonds chaque fois qu’une mesure fonctionne, nous ne serions pas cohérents.
Nous avons eu de nombreux débats sur de multiples sujets, d’aussi nombreux amendements ont déjà été votés qui ont eu pour effet d’accroître le déficit. J’ai l’impression depuis quelques heures que nous agissons parfois comme si nous étions anesthésiés face à l’enjeu du redressement des comptes publics.
J’ai donc très envie de vous dire oui, mesdames, messieurs les sénateurs, mais je suis contrainte, compte tenu de la réalité, de vous dire que nous n’avons pas les moyens d’aller au-delà de ce qui existe. Ne rabotons pas le plafond de ce crédit d’impôt, n’y touchons pas, contentons-nous de conserver l’existant.
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.
M. Cédric Vial. Madame la ministre, remettons les choses en ordre : si ce crédit d’impôt ne fonctionne pas, il ne coûtera rien, par définition.
Le but est d’attirer la fabrication de films d’animation internationaux en France. Ce sont des Français qui créeront les dessins animés, dans nos studios français. Par la suite, ils paieront des charges sociales pendant des mois. Je rappelle que la création d’un film d’animation prend des mois, quand un film de cinéma ne nécessite que dix semaines de tournage. Le retour sur investissement sera très élevé pour nous.
Si le dispositif fonctionne bien, il coûtera entre 3 millions et 3,5 millions d’euros. S’il ne fonctionne pas, il coûtera zéro, tout simplement. Allons-nous sacrifier une filière d’excellence française pour 3 millions d’euros ?
Cette filière produira des recettes sociales, ainsi que des recettes dans nos cinémas sans commune mesure avec l’investissement réalisé. Sinon, nous ne vous proposerions pas cet amendement.
J’indique enfin que le prix d’une minute d’animation en France aujourd’hui étant compris entre 3 000 et 6 000 euros, nous ne sommes plus compétitifs par rapport aux autres pays dans le monde.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-1689 rectifié quater, I-2206 rectifié bis, I-2330, I-2334, I-2433 rectifié bis et I-2546 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 24.
L’amendement n° I-2438 rectifié, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 24
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le VII de l’article 220 sexies du code général des impôts, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« ….– Sont exclues du bénéfice du crédit d’impôt les entreprises qui, au cours des trois dernières années assumaient les fonctions d’entreprise de production déléguée pour la production d’une œuvre cinématographique, audiovisuelle ou multimédia où des faits constitutifs d’atteinte à l’intégrité physique ou psychique de la personne mentionnée aux articles 222-22 à 222-33-1 du code pénal se sont déroulés lors de la production et ont fait l’objet d’une condamnation pénale, dès lors que cette entreprise n’a pas respecté ses obligations résultant des articles L. 1153-1 à L. 1153-6 du code du travail. »
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Cet amendement vise à exclure du bénéfice du crédit d’impôt cinéma les entreprises de production qui, du fait de leur négligence, ont laissé perdurer des violences sexuelles et sexistes ayant donné lieu à des condamnations au cours des trois dernières années.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je serai très claire : nous ne sommes pas opposés à la lutte contre les violences sexuelles, les viols ou le harcèlement dans le cinéma, mais sur un sujet aussi grave, il faut en passer par le juge et les sanctions pénales.
Par ailleurs, il est assez choquant au fond de dire que la seule sanction que l’on infligerait à une personne pénalement condamnée, au-delà de sa condamnation sur le papier, serait un coup de rabot sur un crédit d’impôt.
Il faut que nous soyons beaucoup plus durs et que des sanctions pénales soient mises en œuvre. Y ajouter l’exclusion d’un bénéfice fiscal semble ridiculement disproportionné par rapport à la gravité des faits, contre lesquels il nous incombe de nous mobiliser collectivement.
Sur ce sujet, le levier fiscal ne me semble pas être le bon. Aussi je demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Madame de Marco, l’amendement n° I-2438 rectifié est-il maintenu ?
Mme Monique de Marco. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° I-2438 rectifié est retiré.
L’amendement n° I-2171, présenté par MM. Gay, Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 24
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 220 terdecies du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« VIII. – 1° Le bénéfice du crédit d’impôt créé par le présent article est également subordonné, pour les entreprises soumises à l’obligation de déclaration de performance extra-financière prévue à l’article L. 225-102-1 du code de commerce, à l’absence de licenciements économiques pour les entreprises qui réalisent des bénéfices en France ou au niveau mondial, ou pour motif personnel sans cause réelle et sérieuse lors des exercices pour lesquels l’entreprise bénéficie du présent crédit d’impôt.
« 2° La liste des entreprises recevant des aides mentionnées au I du présent article est rendue publique chaque année, avant le dépôt du projet de loi de finances pour l’année.
« 3° En cas de non-respect des obligations prévues au présent article, il est instauré une sanction financière d’un montant égal à celui des avantages mentionnés au I, majoré de 10 %. ».
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement vise les entreprises nationales et étrangères de développement, d’édition et de distribution de jeux vidéo, qui représentent environ 12 000 salariés.
Depuis la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, ce secteur est soutenu par un crédit d’impôt égal à 30 % du montant total des dépenses éligibles, dans la limite de 6 millions d’euros par exercice, afin de préserver la compétitivité des entreprises de jeux vidéo.
Cette aide publique, comme d’autres, n’est pas conditionnée ; aucune contrepartie sociale n’est prévue. Or, comme vous avez pu le constater, de nombreux salariés du secteur du jeu vidéo multiplient les luttes et les mobilisations pour dénoncer leurs conditions de travail au sein de ces grands groupes de développement, d’édition et de distribution.
Ainsi, vous le savez, les salariés d’Eugen Systems ont fait grève pour protester contre divers manquements de l’entreprise, qu’il s’agisse de l’absence de salaire minimum, de paiement des cotisations ou de médecine du travail.
Peut-être le savez-vous également, de nombreux projets disparaissent, et ce malgré les aides publiques. Certaines personnes ne savent pas manager, être patron d’entreprise et font n’importe quoi. La boîte coule, l’avenir des salariés est compromis.
Vous aurez aussi entendu parler du plan social déguisé d’Ubisoft ou, plus récemment, de l’annonce du plan de licenciement de 69 des 300 salariés du studio français de production de jeux vidéo Don’t Nod Entertainment.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le sénateur Savoldelli, je vais vous donner mon avis à titre personnel.
Auprès de certains, je passe pour un homme qui s’intéresse peu à la culture. (M. Pascal Savoldelli s’exclame.)
Mme Sylvie Robert. Ce n’est pas vrai !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Pour certains, ai-je dit… Je sais ce que j’ai entendu. Permettez tout de même que l’on dise parfois ce que l’on a sur le cœur.
Ce que vous dites sur ce crédit d’impôt, à mon avis, est vrai. J’ai alerté sur ce sujet il y a deux ans et plus encore l’année dernière.
Mme Sylvie Robert. C’est exact !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je partage l’avis du rapporteur général. Nous constatons une forme de détournement de notre mécanisme fiscal par des entreprises qui captent l’argent puis font réaliser le travail très loin. Ayant moi aussi été alertée, j’ai travaillé avec mon équipe sur la manière d’encadrer ce crédit d’impôt. Il semble en fait qu’il faille exercer un contrôle.
Je prends votre amendement comme un amendement d’appel, monsieur le sénateur, car il n’est pas opérant. Je m’engage toutefois à ce que l’on vous communique les comptes rendus des contrôles qui seront effectués, monsieur le rapporteur général, et que l’on vous informe de la manière dont nous allons nous assurer que l’argent public que notre pays investit bénéficie à des productions françaises, réalisées par des salariés français.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le rapporteur général, je peux être dans le débat d’idées, mais je n’ai jamais d’a priori sur la sincérité des uns et des autres.
Cet amendement est un amendement d’appel, c’est vrai. De ce fait, il n’est pas parfait.
Pour ma part, j’ai rencontré des salariés de ces entreprises du secteur du jeu vidéo. C’est la jungle ! Et il est inacceptable que cela se passe alors que de l’argent public leur est versé. Il faut donc que nous instruisions la question.
Nous n’avons pas trouvé d’autre solution que de prévoir une sanction d’un montant égal à celui de l’exonération d’impôt, majoré de 10 %. Je ne vous dis pas que c’est satisfaisant, mais cela me paraît être une bonne chose que les salariés des entreprises du jeu vidéo reçoivent ce signal de la part du Sénat. Il faut toutefois trouver une autre solution que celle que nous proposons.