M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l'amendement n° II-1321.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. L'amendement est satisfait : le dispositif de soutien aux Jirs que vous souhaitez créer existe déjà. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. le président. Madame Goulet, monsieur Dossus, les amendements nos II-1255 et II-1321 sont-ils maintenus ?

Mme Nathalie Goulet. Non, je retire mon amendement, monsieur le président.

M. Thomas Dossus. Et moi le mien !

M. le président. Les amendements nos II-1255 et II-1321 sont retirés.

L'amendement n° II-862 rectifié, présenté par Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mmes Guillotin et Jouve et M. Roux, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local

dont titre 2

 

1 000 000

 

1 000 000

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

dont titre 2

 

 

 

 

Facilitation et sécurisation des échanges

dont titre 2

1 000 000

 

1 000 000

 

TOTAL

1 000 000

1 000 000

1 000 000

1 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont.

Mme Sophie Briante Guillemont. Cinq mots : plus de moyens pour Tracfin !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Les crédits de Tracfin ne relèvent pas du programme 302 « Facilitation et sécurisation des échanges ». L'amendement, qui cible ledit programme, est donc de fait inopérant.

Sur le fond, je rappelle que ce service a déjà bénéficié, ces dernières années, de moyens supplémentaires. La baisse apparente des crédits est due à des investissements très lourds consentis voilà deux ou trois ans.

Le budget de Tracfin paraît donc adapté : avis défavorable. (M. Guy Benarroche s'exclame.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Tracfin a déjà bénéficié, pour 2025, de 3 millions d'euros de crédits nouveaux, et cet amendement ne vise de toute façon pas le bon programme : avis défavorable.

Mme Sophie Briante Guillemont. Je retire cet amendement, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° II-862 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-1254 est présenté par Mme N. Goulet.

L'amendement n° II-1320 est présenté par MM. G. Blanc, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local

dont titre 2

 

 

 

 

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

dont titre 2

 

300 000 

 

 300 000

Facilitation et sécurisation des échanges

dont titre 2

 300 000

 

 300 000

 

TOTAL

 300 000

300 000 

 300 000

300 000 

SOLDE

 

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l'amendement n° II-1254.

Mme Nathalie Goulet. Cet amendement ne coûte pas cher, madame la ministre ! (Sourires.)

Il s'agit de renforcer les moyens dévolus à la Commission nationale des sanctions, dont le rôle est tout à fait important. Derechef, cette proposition est issue des travaux de notre commission d'enquête. Nous ne parlons que de 300 000 euros…

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l'amendement n° II-1320.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Je partage, mes chers collègues, votre constat sur le rôle essentiel joué par la Commission nationale des sanctions.

Toutefois, les crédits afférents ne sont pas retracés dans le programme 302, qui concerne le budget des douanes. Vos amendements sont donc peu opérants.

Sur le fond, il faut bien admettre que cette commission, qui ne se réunit pas très souvent, n'a pas besoin, à l'heure actuelle, de fonds supplémentaires.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Déjà sous enveloppe, déjà financé ! À défaut d'un retrait, l'avis serait défavorable.

M. le président. Madame Goulet, l'amendement n° II-1254 est-il maintenu ?

Mme Nathalie Goulet. Lorsque nous avons proposé de supprimer les commissions inutiles, cela nous a été refusé. Et on nous explique désormais qu'il existe une commission qui ne se réunit pas ?…

Je retire mon amendement.

M. le président. Monsieur Dossus, l'amendement n° II-1320 est-il maintenu ?

M. Thomas Dossus. Non, je le retire également, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos II-1254 et II-1320 sont retirés.

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Gestion des finances publiques », figurant à l'état B.

Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits sont adoptés.)

crédits non répartis

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Crédits non répartis », figurant à l'état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits non répartis

775 000 000

475 000 000

Provision relative aux rémunérations publiques

350 000 000

350 000 000

dont titre 2

350 000 000

350 000 000

Dépenses accidentelles et imprévisibles

425 000 000

125 000 000

M. le président. L'amendement n° II-16, présenté par M. Nougein, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Provision relative aux rémunérations publiques

dont titre 2

 

350 000 000

 

 

350 000 000

 

350 000 000

 

 

350 000 000

Dépenses accidentelles et imprévisibles

 

 

 

 

TOTAL

 

350 000 000

 

350 000 000

SOLDE

- 350 000 000

- 350 000 000

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Cet amendement vise à supprimer les crédits de la provision relative aux rémunérations publiques, qui s'élèvent à 350 millions d'euros pour 2026. En effet, une enveloppe de 125 millions d'euros est déjà prévue, ce qui semble raisonnable. En tout état de cause, ce montant de 350 millions d'euros n'apparaît pas justifié.

Je rappelle que le programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques » constitue une dérogation au principe de spécialité budgétaire, dont il convient de ne pas abuser. Cette dotation n'a en aucun cas vocation à devenir une réserve de budgétisation.

Il s'agit donc d'un amendement de sincérisation plutôt que de refus ; je souhaite son adoption.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je serais ravie d'approfondir le sujet de la budgétisation des crédits ouverts à titre de provision ; j'ai notamment échangé à ce propos avec Mme Lavarde.

Vous connaissez mon engagement à la rigueur et à la bonne tenue des comptes. Or ces crédits sont utiles en prévision de réformes dont la montée en charge peut prendre du temps : certains besoins ne se déclarent qu'en cours d'année, car le déploiement des opérations de maîtrise des coûts n'est pas toujours immédiat. Je suis prête à vous donner à ce sujet tous les détails nécessaires, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le cadre d'une session de travail dédiée.

Avis défavorable : la mesure proposée rendrait difficile la gestion budgétaire de l'année 2026.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-16.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Crédits non répartis », figurant à l'état B.

Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des missions « Régimes sociaux et de retraite », « Transformation et fonction publiques », « Gestion des finances publiques » et « Crédits non répartis », ainsi que des comptes d'affectation spéciale « Pensions » et « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

Administration générale et territoriale de l'État

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE).

La parole est à Mme la rapporteure spéciale.

Mme Florence Blatrix Contat, rapporteure spéciale de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission dont nous examinons les crédits couvre deux domaines d'intervention, qui connaissent des évolutions budgétaires distinctes : celui de l'administration territoriale de l'État (ATE) et celui de la vie politique.

Je commence par l'ATE, dont les crédits sont inscrits, d'une part, dans le programme 354 « Administration territoriale de l'État », qui finance notamment le fonctionnement des préfectures, et, d'autre part, dans le programme support 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ».

À eux deux, ces programmes concentrent plus de 94 % des crédits de la mission, soit 4,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 4,8 milliards d'euros en crédits de paiement pour 2026.

Au-delà des chiffres, quelle est la réalité ? Si les crédits de paiement, hors pensions, du programme ATE augmentent de 64 millions d'euros, ceux du programme support baissent de 136 millions d'euros. La dotation allouée à certaines actions a donc été revalorisée au détriment d'autres actions.

Point positif, les économies budgétaires permettent de financer les missions prioritaires du programme ATE au titre du renforcement de la présence de l'État sur le territoire. L'administration territoriale de l'État bénéficie ainsi d'un schéma d'emplois en hausse de 50 ETP en 2026, au profit notamment des services des préfectures chargés des étrangers.

Autre bénéficiaire des augmentations de crédits : le numérique. La dotation inscrite à cet effet dans le programme support progresse de 46 millions d'euros. La mission AGTE fait à cet égard l'objet d'une stratégie ambitieuse autour de grands projets comme France Identité numérique et le réseau Radio du futur (RRF). Simplification, sécurisation des démarches administratives et efficience : tels sont les maîtres mots.

L'essor de l'État digital nous conduit néanmoins à la plus grande vigilance quant au renforcement de l'accompagnement des précaires numériques. Comment remettre de l'humain et de l'accessibilité dans le processus de digitalisation et de désincarnation de l'État ? En développant notamment l'implantation de France Services dans les sous-préfectures. Ce guichet unique a démontré son efficacité ; or il n'est aujourd'hui présent que dans 48 sous-préfectures et 5 préfectures, sur 2 804 structures labellisées.

Venons-en aux points négatifs : les réductions de crédits, dont celle qui touche le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) : –30 %. Agir, c'est d'abord prévenir, avant de punir. Dès lors, quel message envoyons-nous si le budget du FIPD diminue, alors que la tendance aux violences – tentatives d'homicide, violences sexuelles – est à la hausse ?

Autre point d'inquiétude : les schémas d'emplois sont insuffisants pour faire face aux besoins. Suppressions d'emplois, plafonds d'emplois bloqués, schémas d'emplois nuls ont dessiné, dans les années 2010 à 2020, une dynamique qui a non seulement mis à mal l'administration territoriale de l'État, mais hypothéqué son avenir.

Celle-ci en subit encore aujourd'hui l'impact négatif. Elle a trop souvent recours à la contractualisation, voire à l'externalisation de certaines de ses prestations. Ces procédés emportent des risques majeurs, financiers et opérationnels, pour le fonctionnement des services.

Agir, c'est également anticiper l'avenir. Or les efforts constatés dans le cadre de cette mission ne sont pas à la hauteur des enjeux. Les diagnostics sont posés, mais les moyens se font toujours attendre dans certains domaines.

Ainsi, France Titres, l'ex-Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), a vu ses missions s'étendre au-delà de la production des titres sécurisés. Or sa trajectoire budgétaire ne lui permet pas de réaliser l'ensemble des projets dont elle est chargée, comme le renouvellement des cartes nationales d'identité et celui des permis de conduire pliants « trois volets », prévus respectivement pour 2031 et 2033, dont le coût est estimé à 220 millions d'euros.

Autre chronique d'un risque annoncé : la rénovation du parc immobilier préfectoral. Les efforts effectués jusqu'à présent ne permettent pas de stopper la dégradation physique des bâtiments. En effet, les dépenses nécessaires en la matière sont parfois victimes d'un effet d'éviction au profit de grands projets tel le regroupement sur un site unique, en 2029, des services centraux de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), pour un coût total de 1,2 milliard d'euros.

Enfin, pour ce qui est du second périmètre d'intervention de la mission, le programme 232 « Vie politique » regroupe les crédits destinés à l'aide publique aux partis politiques, à l'organisation des élections et au fonctionnement de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

Sa dotation est triplée pour 2026, en vue de l'organisation des scrutins nationaux ; elle atteint environ 300 millions d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement. Le coût prévisionnel des élections municipales est de 193,7 millions d'euros, contre 3,7 millions d'euros pour les élections sénatoriales.

Conclusion : les sujets de satisfaction sont aussi nombreux que les sujets d'inquiétude. Sous toutes ces réserves, la commission des finances vous propose d'adopter les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». (Mme Audrey Linkenheld et M. Marc Laménie applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur le cœur opérationnel de cette mission, l'administration territoriale de l'État, et, plus particulièrement sur les moyens humains qui lui sont dédiés.

Après plus d'une décennie de réduction continue des effectifs, la création de 50 ETP en 2026 constitue un signal positif. Pour cette raison, la commission des lois a émis un avis favorable sur les crédits de la mission.

Cependant, cet avis est assorti de réserves majeures, qui sont même de véritables avertissements dans la perspective des exercices à venir. Ces évolutions budgétaires demeurent en effet largement insuffisantes au regard des fragilités accumulées par l'État territorial ces dernières années.

Les tensions restent aujourd'hui particulièrement vives dans les services les plus exposés. Je pense notamment à ceux qui sont chargés des titres de séjour : les délais de délivrance se sont allongés de plus de 25 % en 2024.

Les plans de renfort se succèdent et se ressemblent, mais ils sont loin de pallier les insuffisances du schéma d'emplois. Pas moins de 430 contrats infra-annuels doivent ainsi être conclus chaque année, simplement pour garantir le fonctionnement courant des services de délivrance des titres. Cette dépendance chronique aux renforts temporaires n'est plus l'expression d'une souplesse de gestion ; elle est devenue le symptôme d'une administration gérant en permanence l'urgence et la pénurie. C'est bien là toute la fragilité de notre administration territoriale, qui est pourtant si indispensable.

Cette situation pèse directement sur l'attractivité des services, laquelle est fortement dégradée. Les trois quarts des préfectures connaissent ainsi des taux de vacance de poste supérieurs à 3 %.

À cela s'ajoutent des dysfonctionnements concrets, quotidiens, qui nourrissent chez les agents un véritable sentiment de déclassement.

La mise en place des secrétariats généraux communs départementaux, à laquelle j'ai souhaité porter une attention toute particulière, en offre une illustration éclairante. Certes, une forme de stabilisation semble enfin se dessiner après cinq années d'existence. Mais il est pour le moins surprenant de constater la persistance de difficultés élémentaires de gestion. Dans les services des ressources humaines, par exemple, les agents ne disposent toujours pas d'une interface informatique unique pour accomplir leurs missions.

L'état de la formation continue est un autre révélateur tout aussi préoccupant. En quelques années, le volume des formations proposées aux agents du ministère et de l'administration déconcentrée a diminué d'un tiers. Dans ce contexte, la hausse de 5 % des crédits prévue pour 2026 ne doit pas faire illusion : elle ne traduit en rien un réel investissement dans la montée en compétences ; elle correspond simplement à un ajustement des coûts logistiques.

En définitive, mes chers collègues, les évolutions budgétaires prévues pour 2026 relèvent avant tout d'un expédient nécessaire. Elles ne sauraient, en l'état, être assimilées à un véritable renforcement de l'État territorial, en dépit du vernis du discours ministériel.

Si nous acceptons, cette année, d'accorder au Gouvernement le bénéfice du doute, nous ne pourrons durablement nous satisfaire d'un simple effort de rattrapage, l'État territorial demeurant l'un des piliers de l'action publique de proximité dans nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Annie Le Houerou et MM. Marc Laménie et Michel Masset applaudissent également.)

Organisation des travaux

M. le président. Mes chers collègues, avant de donner la parole aux orateurs des groupes, et pour la bonne information de tous, je vous indique que onze amendements sont à examiner sur cette mission.

La conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à une heure et quinze minutes. Au-delà, conformément à l'organisation de nos travaux décidée par la conférence des présidents et en accord avec la commission des finances, la suite de l'examen de cette mission sera reportée à demain, dimanche.

Administration générale et territoriale de l'État (suite)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». Celle-ci traite à la fois du fonctionnement de notre démocratie et de la présence de l'État dans les territoires.

Elle rassemble, en effet, trois programmes portant respectivement sur le financement de l'administration territoriale, la vie politique et le pilotage et le support des politiques du ministère de l'intérieur.

Dans un contexte de nécessaire redressement des finances publiques, on pourrait se satisfaire que la mission AGTE affiche malgré tout une hausse globale de ses crédits : +7,13 % en autorisations d'engagement et +3,41 % en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2025.

Pourtant, cette progression est surtout conjoncturelle. En effet, le programme 232 « Vie politique », dont les crédits évoluent en fonction du calendrier électoral, absorbe 60 % de la hausse des crédits de la mission, en raison des élections municipales et sénatoriales de l'année à venir.

Si l'on neutralise ce programme, les moyens du reste de la mission AGTE diminuent en réalité de 0,7 %, soit 72 millions d'euros en moins. Cela représente un écart de plus de 10 % avec la trajectoire prévue pour 2026 par la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi). Cet effort pèse clairement sur les fonctions pilotage et support.

Oui, le programme 354, qui concentre l'essentiel de l'action des préfectures et des sous-préfectures, connaît, lui, une progression sensible de 2,4 % de ses crédits, due principalement à la hausse des dépenses d'investissement orientées vers l'immobilier et la modernisation numérique.

Ce sont là des efforts nécessaires, notamment pour augmenter la résilience numérique de l'État territorial, mais la logique générale est plus réparatrice que consolidatrice.

En ce qui concerne les moyens humains, il est regrettable que l'augmentation des effectifs ne comble pas les déficits cumulés sur dix ans et répare à peine les situations difficiles résultant des contractions antérieures.

La création de 50 ETP est annoncée pour 2026. C'est mieux que le schéma d'emplois de 2025, mais un tel progrès reste très insuffisant, car ces renforts ont surtout deux objets.

Il s'agit, d'une part, d'accompagner l'entrée en vigueur, en janvier 2026, de la nouvelle condition de maîtrise minimale de la langue française pour l'attribution d'une carte de séjour pluriannuelle. Faute d'un accompagnement efficient, cette mesure va mécaniquement accroître le nombre de demandes de renouvellement temporaire à traiter.

Ces renforts sont destinés, d'autre part, à la montée en charge des centres d'expertise et de ressources des titres (CERT), qui sont déjà sous tension, à l'heure où se profile le remplacement du permis de conduire à trois volets.

Alors que le nombre de ses missions augmente, l'agence France Titres sera rapidement confrontée, à n'en pas douter, à un problème de soutenabilité. Les rapporteures spéciale et pour avis le disent clairement : la contractualisation et l'externalisation fragilisent la santé financière et opérationnelle de ses services.

J'en viens au programme 232 « Vie politique », qui connaît, comme à chaque fin de cycle municipal et sénatorial, une forte hausse de ses crédits : en l'espèce, +200 %.

Cette hausse s'explique notamment par l'explosion du coût de l'acheminement de la propagande électorale, qui a crû de 25 % depuis 2020. Elle s'explique aussi par les conséquences de la loi PLM (loi du 11 août 2025 visant à réformer le mode d'élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et de Marseille) et par le renforcement des missions de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Il y a là, toutefois, une contradiction notable avec l'évolution à la baisse des crédits de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), dont l'activité dépend aussi du cycle électoral. Nous aurons l'occasion d'en reparler la semaine prochaine, à propos d'autres missions.

Il est à noter également – notre collègue Cécile Cukierman l'a souligné et nous le faisons chaque année – que la subvention pour frais d'assemblée électorale versée par l'État aux communes reste insuffisante, faute d'être réévaluée depuis 2006. Ce remboursement ne couvrirait en effet que 6 % du total des dépenses effectives, ce qui justifie pleinement la proposition de loi de mes collègues socialistes Éric Kerrouche et Sebastien Pla visant à mieux indemniser et à simplifier l'organisation des élections pour les communes.

Le parent pauvre de la mission AGTE est le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ». Il est le seul à connaître une baisse de ses crédits et celle-ci est significative : le décrochage est de 17 % par rapport à la Lopmi.

Ce décrochage tient notamment à l'achèvement de l'opération Universeine, mais révèle un désengagement global. Or ce programme finance les affaires juridiques et le contentieux, les secrétariats généraux, la transformation numérique et le fonds interministériel de prévention de la délinquance.

C'est sur ce dernier point que le signal est particulièrement préoccupant : la baisse des crédits, qui est de 10 millions d'euros, marque un véritable désarmement de la prévention de la délinquance. Chacun sait pourtant qu'il s'agit d'un des leviers les plus efficaces à long terme pour renforcer la sécurité et lutter en amont contre le narcotrafic, qui mine nos territoires urbains et ruraux.

C'est pourquoi, afin de corriger autant que faire se peut ces insuffisances sur des sujets clefs, le groupe socialiste a déposé différents amendements : maintien du FIPD ; renforcement des moyens humains en préfecture ; réarmement territorial ; hausse du nombre d'inspecteurs du permis de conduire. Nous verrons quel sort leur sera réservé.

À ce stade, notre groupe a prévu de s'abstenir sur le vote des crédits de la mission AGTE, considérant la situation budgétaire générale et le réarmement seulement palliatif du programme 354. Il faudrait au contraire intervenir en profondeur sur la capacité de l'État à agir, à se moderniser et à accompagner les collectivités. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – MM. Marc Laménie et Michel Masset applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat.

M. Ian Brossat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un chiffre résume bien les difficultés rencontrées par l'État territorial – il a été évoqué tout à l'heure : en 2024, les délais de traitement des demandes de titre de séjour ont augmenté de 27 % pour les premières demandes et de 25 % pour les renouvellements.

C'est d'autant plus inacceptable que l'on sait, grâce à l'excellent rapport de Mme la rapporteure spéciale, que les services de l'administration territoriale ont longtemps souffert d'un épuisement chronique des effectifs : alors que les besoins ont augmenté entre 2010 et 2020, 14 % des postes ont été supprimés.

Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit la création de seulement 50 ETP pour les préfectures, ce qui est totalement insuffisant au regard du retard accumulé et des besoins réels.

De plus, ce déficit d'effectifs s'accompagne d'une précarisation des recrutements, d'une perte de sens pour de nombreux agents et d'un manque de reconnaissance inquiétant de leur mission pourtant essentielle.

Ces agents tirent d'ailleurs la sonnette d'alarme quant à leurs conditions de travail, à l'attractivité de leurs métiers et à la capacité de ces services à remplir leur rôle.

Le recours aux agents contractuels au sein de l'administration déconcentrée ne cesse de croître, année après année, pour atteindre 16 % en 2025. Cette tendance est particulièrement notable dans les services chargés des étrangers, dont les effectifs sont à 39 % contractualisés.

En somme, on précarise en masse et, au bout du compte, c'est aussi l'usager qui paie. Travailleurs, étudiants, familles, personnes fragiles ou handicapées, toutes ces personnes se voient retirer d'un seul coup des droits fondamentaux : accès à l'emploi, au logement, aux aides sociales ou encore à la santé. Cette dynamique est constitutive d'un recul des droits et d'une atteinte manifeste au principe de continuité du service public.

Il ne suffit plus de reconnaître le problème ; il faut agir. Nous ne pouvons plus accepter que des vies soient suspendues en raison d'une administration fragilisée. Nous ne pouvons plus accepter que l'on sacrifie des droits essentiels sur l'autel des réductions budgétaires. Nous ne pouvons plus accepter non plus que l'on précarise toujours davantage les agents de notre service public.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST. – M. Michel Masset applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche.