C'était la conclusion, votée à l'unanimité, de la commission d'enquête sur les moyens mobilisés et mobilisables par l'État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France, donc certains de ses membres sont ce soir présents. Cet amendement a également été voté à une très large majorité, sinon à l'unanimité. Nous nous souvenons tous, émus, de Roger Karoutchi, qui avait été le président de la commission d'enquête, soutenant cet amendement.
Aujourd'hui, TotalEnergies est possédée majoritairement par des capitaux étrangers. Depuis le 8 décembre dernier, elle est autant cotée à New York qu'à Paris. Ce que nous craignions déjà il y a un an est donc en train d'advenir : un déplacement du capital, comme des activités, de TotalEnergies outre-Atlantique. Demain, le conseil d'administration peut décider que le siège social sera désormais à New York ou ailleurs, et non plus à Paris, en tout cas dans les Hauts-de-Seine.
La commission d'enquête avait donc souhaité que l'État puisse, au travers de cette action spécifique, intervenir au capital et dans les décisions stratégiques de cette entreprise qui fait partie de notre histoire – parfois pas forcément pour le meilleur.
Il s'agit, je le redis, d'un amendement d'appel, car nous avons déjà demandé l'année dernière au Gouvernement d'intégrer l'énergie dans les secteurs stratégiques qui peuvent faire l'objet d'une action spécifique.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement. À titre personnel, je réfléchis à cette question depuis longtemps et il me semble nécessaire qu'elle soit examinée.
Reste que la proposition nous paraît inadaptée pour garantir la préservation des intérêts stratégiques du pays en lien avec l'activité – c'est l'argument qui fonde cette demande d'achat.
L'État a évidemment la possibilité de créer une action spécifique, mais ce droit est assez strictement encadré et dépend des entreprises et des secteurs concernés.
D'une part, l'article 31-1 de l'ordonnance du 20 août 2014 encadre strictement le périmètre des entreprises pouvant donner lieu à la création d'une action spécifique. TotalEnergies ne remplit pas aujourd'hui les conditions requises, puisque cette entreprise ne figure pas à l'annexe du décret du 9 septembre 2004 au 1er janvier 2018 et que Bpifrance ne possède pas 5 % de son capital.
D'autre part, l'ordonnance prévoit que les actions spécifiques ne peuvent intervenir que pour les activités militaires, ainsi que pour les activités relatives à l'ordre public, à la sécurité publique et aux intérêts de la défense nationale. Pour autant, cette définition n'exclut pas le domaine énergétique, puisque l'on considère que ce secteur entre dans le champ des activités stratégiques lorsqu'il s'agit d'activités essentielles pour garantir l'intégrité, la sécurité ou la continuité de l'approvisionnement en énergie.
Je note d'ailleurs, et vous l'avez bien sûr relevé aussi, que l'État dispose d'une action spécifique au capital d'Engie, par exemple, anciennement Gaz de France. Toutefois, la situation est totalement différente, la part de l'État étant passée de 80 % à 24 % du capital. Il y avait déjà une action très forte de l'État dans Engie, qui conservait, au travers de cette participation au capital, un contrôle. Dans ce cas, l'idée de l'action spécifique est de ne pas laisser vendre des activités qui apparaîtraient stratégiques à l'État au sein d'Engie.
Nous savons donc mettre en œuvre ce mécanisme dans certains cas. Dans le cas de TotalEnergies, cela ne correspondrait pas à un système réellement positif comme vous le souhaiteriez, c'est-à-dire qui permettrait de contrôler l'usage que fait cette entreprise de ses moyens, donc de piloter ses projets.
Cela permettrait d'éviter la vente d'actifs stratégiques de TotalEnergies. Il s'agit là d'une autre vision.
Il faut savoir que, malheureusement – heureusement pour l'entreprise –, l'action TotalEnergies est extrêmement chère aujourd'hui. Acquérir 5 % des actions, ce qui permettrait de disposer d'un droit de regard, comme vous le souhaitez, coûterait environ 6 milliards d'euros au budget de l'État.
Telles sont les précisions que je souhaitais vous apporter pour expliquer que cette solution n'est pour l'instant pas envisageable, sauf décision stratégique de l'État. Puisqu'il s'agit d'un amendement d'appel, nous allons maintenant écouter ce qu'en pense le ministre.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. David Amiel, ministre délégué. M. Raynal a souligné qu'il s'agissait d'un amendement d'appel, mais il a aussi rappelé l'ensemble des difficultés juridiques que soulève cette demande d'action spécifique : la jurisprudence européenne comme l'absence de cas comparables. Tous les éléments techniques nécessaires vous ont donc été fournis, monsieur le sénateur.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.
M. Yannick Jadot. Je tiens à rappeler que le Sénat et ses services juridiques ont évalué cette option, laquelle constituait la principale recommandation de la commission d'enquête. Il importe que la position de notre assemblée s'inscrive dans une forme de continuité.
En substance, le compromis auquel la commission d'enquête est parvenue est un compromis de patriotisme industriel. C'est la raison pour laquelle il a recueilli l'unanimité en son sein et a été voté, il y a un an, à la quasi-unanimité sur ces travées.
J'y insiste, nous sommes face à un enjeu de patriotisme. Comme l'a rappelé Claude Raynal, cette démarche exige, à un moment donné, une action de l'État pour intégrer TotalEnergies dans le champ des entreprises susceptibles de faire l'objet d'une action spécifique.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.
M. Olivier Rietmann. Monsieur Jadot, je veux vous répondre en trois points.
D'abord, il faut arrêter avec cette histoire de déménagement de TotalEnergies ! Nous savons bien que le groupe est situé en France, qu'il est coté à l'Euronext à Paris et qu'il n'a aucune intention de transférer ses activités. Sa seule volonté est de capter des capitaux privés américains pour pouvoir se développer.
Ensuite, s'il était adopté, cet amendement produirait l'effet inverse de celui que vous escomptez, mon cher collègue. Nous adresserions le signal que l'État peut, à tout instant, utiliser la possibilité de prendre une action spécifique au sein d'un grand groupe, d'un fleuron national tel que TotalEnergies. Une telle initiative enverrait un message négatif dans un secteur hyperconcurrentiel, qui nuirait à la valorisation boursière de l'entreprise et l'exposerait au péril de prédateurs étrangers susceptibles de la racheter et de la délocaliser.
M. Yannick Jadot. C'est l'inverse !
M. Olivier Rietmann. Enfin, plusieurs d'entre nous ont en effet voté cet amendement l'année dernière. Churchill disait que ceux qui ne changent jamais d'avis ne feront jamais rien. Cette année, nous allons changer d'avis.
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », figurant à l'état D.
Je n'ai été saisie d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
compte de concours financiers : accords monétaires internationaux
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux », figurant à l'état D.
ÉTAT D
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Accords monétaires internationaux |
0 |
0 |
Relations avec l'Union monétaire ouest-africaine |
0 |
0 |
Relations avec l'Union monétaire d'Afrique centrale |
0 |
0 |
Relations avec l'Union des Comores |
0 |
0 |
Je n'ai été saisie d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
compte de concours financiers : prêts et avances à divers services de l'état ou organismes gérant des services publics
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics », figurant à l'état D.
ÉTAT D
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics |
9 295 000 000 |
9 295 000 000 |
Avances à l'Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune |
9 000 000 000 |
9 000 000 000 |
Avances à des organismes distincts de l'État et gérant des services publics |
210 000 000 |
210 000 000 |
Prêts et avances à des services de l'État |
30 000 000 |
30 000 000 |
Avances à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de l'indemnisation des victimes du Benfluorex |
15 000 000 |
15 000 000 |
Prêts aux exploitants d'aéroports touchés par la crise de covid-19 au titre des dépenses de sûreté-sécurité |
0 |
0 |
Prêts destinés à soutenir Île-de-France Mobilités à la suite des conséquences de l'épidémie de la covid-19 |
0 |
0 |
Prêts destinés à soutenir les autorités organisatrices de la mobilité à la suite des conséquences de l'épidémie de la covid-19 |
0 |
0 |
Prêts à FranceAgriMer au titre des préfinancements de fonds européens |
40 000 000 |
40 000 000 |
Je n'ai été saisie d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
remboursements et dégrèvements
Mme la présidente. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », figurant à l'état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Remboursements et dégrèvements |
145 463 361 429 |
145 463 361 429 |
Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État (crédits évaluatifs) |
140 845 361 429 |
140 845 361 429 |
Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux (crédits évaluatifs) |
4 618 000 000 |
4 618 000 000 |
Mme la présidente. L'amendement n° II-2086, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État (crédits évaluatifs) |
70 998 687 |
70 998 687 |
||
Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux (crédits évaluatifs) |
192 000 000 |
192 000 000 |
||
TOTAL |
262 998 687 |
262 998 687 |
||
SOLDE |
-262 998 687 |
-262 998 687 |
||
La parole est à M. le ministre délégué.
M. David Amiel, ministre délégué. Cet amendement vise simplement à tirer les conclusions de l'actualisation des prévisions réalisées dans le cadre du projet de loi de fin de gestion pour 2025. Il s'agit de réduire de 71 millions d'euros les crédits de paiement du programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État (crédits évaluatifs) » et ceux du programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux (crédits évaluatifs) » de 192 millions d'euros.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° II-2334, présenté par Mme Lavarde et MM. Delahaye, Darnaud et Marseille, est ainsi libellé :
Amendement n° II-2086
Dans les autorisations d'engagement et les crédits de paiement du programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État (crédits évaluatifs) » figurant dans l'amendement n° II-2086, remplacer les deux occurrences du montant :
70 998 687
par le montant :
1 930 190 220
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Ce sous-amendement vise à assurer la sincérité des crédits du programme « Remboursements et dégrèvements de l'État (crédits évaluatifs) » pour 2026. Nous demandons de retrancher 2 milliards d'euros de ce programme pour tenir compte de la suppression de la surtaxe d'impôt sur les sociétés votée par le Sénat.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° II-2334 et sur l'amendement n° II-2086 ?
M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial. La commission a émis un avis favorable sur l'amendement du Gouvernement.
En revanche, ce sous-amendement a été déposé à minuit vingt-quatre. Dans ces conditions, la commission n'a pas eu le temps de mener une expertise complète. Je ne doute pas que le Gouvernement pourra nous éclairer, puisque les auteurs du sous-amendement posent la question de la sincérité budgétaire. (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est donc l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° II-2334 ?
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Je reprends un instant ma casquette de président de la commission des finances. Madame la présidente, lorsqu'un sous-amendement visant à minorer de 1,9 milliard d'euros les crédits est déposé de cette manière, la moindre des choses est de prendre un peu de temps pour l'examiner.
Le Gouvernement proposait une réduction de crédits de 70 millions d'euros ; pour leur part, nos collègues proposent une réduction de 1,9 milliard. Il me semble qu'il y a là un petit problème…
La commission n'a évidemment pas eu le temps d'examiner ce sous-amendement. Certes, je pourrais lui demander de se réunir,…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. Nous sommes à peine assez nombreux !
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. … mais j'apprécierais surtout que ce sous-amendement soit retiré.
Mes chers collègues, je vous le dis très calmement : du point de vue de la commission des finances, il y a un problème de méthode, ce qui est d'autant moins acceptable que deux des signataires de ce sous-amendement sont membres de cette commission.
En outre, permettez-moi d'ajouter que proposer de modifier un amendement réduisant les crédits de 70 millions d'euros par un sous-amendement les réduisant de 2 milliards d'euros, c'est un peu n'importe quoi !
Enfin, nous savons très bien quel est l'objet de ce sous-amendement : il vise à rééquilibrer le solde final de manière factice, après que le Sénat a supprimé 8 milliards d'euros de recettes.
M. Thierry Cozic. Exactement !
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Soyons clairs : de telles méthodes ne sont ni sérieuses ni à la hauteur de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. David Amiel, ministre délégué. Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, d'apporter quelques éléments techniques au sujet de ce sous-amendement déposé il y a quelques minutes.
Les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements » sont liés non pas au bénéfice fiscal de 2026, mais à celui de 2025, via le mécanisme d'acompte.
Par conséquent, quelles que soient les décisions du Parlement quant à l'imposition des sociétés en 2026, elles ne peuvent remettre en cause la sincérité de cette prévision.
C'est pour cette raison que le Gouvernement émet un avis défavorable sur ce sous-amendement.
Mme la présidente. Monsieur Delahaye, le sous-amendement n° II-2334 est-il maintenu ?
M. Vincent Delahaye. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Des provocations, jusqu'au bout ! C'est n'importe quoi !
M. Thierry Cozic. Ce n'est pas sérieux !
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° II-2334.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 115 :
| Nombre de votants | 341 |
| Nombre de suffrages exprimés | 321 |
| Pour l'adoption | 187 |
| Contre | 134 |
Le Sénat a adopté.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Voilà qui fera un beau titre dans la presse : « le ridicule tue ».
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-2086 rectifié, modifié.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », figurant à l'état B.
Je n'ai été saisie d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État », du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics », ainsi que de la mission « Remboursements et dégrèvements ».
9
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, vendredi 12 décembre 2025 :
À neuf heures quarante, l'après-midi, le soir et la nuit :
Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, de financement de la sécurité sociale pour 2026 (texte n° 193, 2025-2026) ;
Suite du projet de loi de finances pour 2026, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale (texte n° 138, 2025-2026) :
Mission « Culture » ;
Mission « Justice » et article 78 ;
Mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ;
Compte spécial « Développement agricole et rural ».
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 12 décembre 2025, à zéro heure quarante.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
JEAN-CYRIL MASSERON