Mardi 22 novembre 2016

- Présidence de Mme Michèle André, présidente -

La réunion est ouverte à 14 heures.

Projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique - Demande de saisine et désignation d'un rapporteur pour avis

La commission demande à se saisir pour avis du projet de loi n° 19 (2016-2017) de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique et désigne M. Michel Canevet en qualité de rapporteur pour avis.

Propositions de résolutions européennes n° 123 (2016-2017) et n° 124 (2016-2017) - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne M. Albéric de Montgolfier en qualité de rapporteur sur la proposition de résolution européenne n° 123 (2016-2017), présentée au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement par Mme Fabienne Keller et M. François Marc, sur la phase I de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire.

La commission désigne M. Albéric de Montgolfier en qualité de rapporteur sur la proposition de résolution européenne n° 124 (2016-2017), présentée au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement par MM. Jean-Paul Emorine et Didier Marie, sur le premier bilan et les perspectives du plan d'investissement pour l'Europe.

Projet de loi de finances pour 2017 - Mission « Relations avec les collectivités territoriales » et compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » (et articles 59 à 62 quater) - Examen du rapport spécial

Puis la commission examine le rapport de MM. Charles Guené et Claude Raynal, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » (et articles 59 à 62 quater).

M. Charles Guené, rapporteur spécial. - Nous allons vous présenter rapidement les principales mesures relatives aux finances locales de ce projet de loi de finances, dont certaines relèvent de la première partie et ont déjà été exposées par le rapporteur général. Nous aborderons ensuite les articles rattachés à la présente mission ainsi que ses crédits.

Tout d'abord, la baisse des dotations se poursuit, avec une contribution au redressement des finances publiques de 2,64 milliards d'euros. Ce chiffre est certes moins important qu'initialement prévu, l'effort demandé au bloc communal ayant été diminué d'un milliard d'euros. La péréquation verticale est en hausse de 380 millions d'euros, avec une augmentation du même montant (180 millions d'euros) de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et de la dotation de solidarité rurale (DSR). Ces augmentations sont en réalité financées par les collectivités territoriales elles-mêmes, à travers la minoration des variables d'ajustement. Celle-ci atteint cette année un niveau inédit de plus de 750 millions d'euros. Cette ponction, qui n'est pas anodine, se fait dans une opacité complète. Le système est à bout de souffle et des territoires particulièrement vulnérables seront parmi les plus ponctionnés.

J'en viens maintenant aux articles rattachés à la mission. La réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) proposée l'an dernier et qui devait s'appliquer à compter de janvier prochain est abandonnée, conformément aux annonces du Président de la République. Nous vous avions exposé les difficultés qu'elle posait, mais la nécessité de réformer la DGF demeure.

Nos travaux du semestre dernier avaient identifié plusieurs améliorations à apporter à la DGF dès 2017. La principale d'entre elles - le rebasage - n'a pas été retenue par le Gouvernement et nous le regrettons. Nous allons donc continuer à nous débattre avec les DGF négatives, qui grippent le système. Certaines de nos propositions ont néanmoins été reprises : le plafonnement de l'écrêtement de la dotation forfaitaire est revu, l'enveloppe de la dotation d'intercommunalité des communautés d'agglomération est abondée de 70 millions d'euros et la DSU est réformée dans le sens que nous préconisions. En particulier, on renonce à supprimer la dotation nationale de péréquation (DNP).

Enfin, le projet de loi de finances propose une reconduction du fonds de soutien à l'investissement local (FSIL), le gel du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) à son niveau de l'an dernier et l'affectation d'une fraction de TVA aux régions.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteure pour avis de la commission des lois. - La commission des lois s'est principalement attachée aux conséquences de la refonte de la carte intercommunale, qui se traduit par une réduction du nombre d'intercommunalités, mais aussi par une évolution du nombre de collectivités par strate. La réforme de la DGF en est d'autant plus nécessaire.

Mme Marie-France Beaufils. - La question des variables d'ajustement est de plus en plus complexe et le champ des compensations concernées par les minorations est étendu. Sont touchées les collectivités qui comptent le plus de foyers fragiles, exonérés d'impôts. La décision de l'an dernier de prolonger les exonérations pour les personnes qui auraient dû les perdre, notamment du fait de la suppression de la demi-part des veuves, réduit nos recettes fiscales. Or je ne vois dans le projet de loi de finances pour 2017 aucune trace de compensation de cette mesure : à Saint-Pierre-des-Corps, commune de 16 000 habitants, j'ai appris en novembre que je perdais 200 000 euros de recettes, sans compensation. Pour 2017, quels sont les impôts concernés par les variables d'ajustement ? Comment traiter ce problème ?

M. Philippe Dallier. - 2017 sera l'année de la non-réforme de la DGF... Espérons qu'une solution sera trouvée à l'avenir.

La baisse des dotations aux communes est divisée par deux, le montant du FPIC est inchangé : c'est heureux. De même, on resserre le nombre de communes éligibles à la DSU, pour éviter le saupoudrage, et on répartit la hausse sur l'ensemble des communes éligibles. Sans doute est-ce la moins mauvaise solution, en attendant de remettre l'ouvrage sur le métier l'an prochain. Quel que soit le Président de la République, je crains fort qu'il y ait de nouvelles difficultés pour les collectivités territoriales... Vous voyez que je prends des précautions pour l'avenir !

Comme Marie-France Beaufils, j'ai appris tardivement que ma commune allait perdre 80 000 euros de produit fiscal. Que la dotation de compensation serve de variable d'ajustement pose problème. Encore un chantier à ouvrir l'an prochain.

M. Bernard Delcros. - Tout le monde dit souhaiter une réforme de la DGF, mais personne n'accepte que sa propre collectivité soit amenée à participer davantage à l'effort de solidarité ! L'article 150 de la loi de finances pour 2016 est abrogé, je m'en réjouis. Je regrette toutefois que la question des DGF négatives demeure. Les collectivités riches ne participent pas autant qu'elles le devraient.

L'écrêtement, plafonné à 3 % de la dotation forfaitaire, a été remplacé à l'Assemblée nationale par un plafonnement à 1 % des recettes réelles de fonctionnement. En a-t-on simulé les conséquences ?

Je me félicite que le FSIL ait été porté à 1,2 milliard d'euros.

S'agissant du FPIC, le projet de loi de finances reconduit la sortie « en sifflet » pour ceux qui perdent l'éligibilité. Quid de celles qui demeurent éligibles mais subissent une baisse importante ?

Pour contribuer au redressement des finances publiques, la DGF des départements baisse encore de 1,1 milliard d'euros cette année. Faute de péréquation et de mesures de soutien, certains départements vont au-devant de réelles difficultés, même avec l'aide exceptionnelle de 200 millions d'euros. Enfin, je me réjouis que la DSU et la DSR augmentent de 180 millions d'euros, quand le projet de loi de finances initiale prévoyait 117 millions. Il est indispensable de renforcer la péréquation si l'on veut limiter les inégalités territoriales.

M. Marc Laménie. - La dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) s'élève à un milliard d'euros, c'est un enjeu important pour les collectivités locales. Pouvez-vous nous préciser sa progression ?

M. Daniel Raoul. - Je me réjouis de voir la DSU augmenter de 9,4 % et la DSR de 14 %. La DETR aussi progresse.

Tout le monde veut une réforme de la DGF, mais personne ne veut se la voir appliquer. C'est le phénomène Nimby, Not in my back yard !

M. Didier Guillaume. - Pas faux.

M. Daniel Raoul. - Tant que les bases locatives n'auront pas été révisées, que le potentiel fiscal de chaque commune n'aura pas été recalculé, l'injustice perdurera. Par ailleurs, j'aurais aimé que soit mise en place une DGF territorialisée, pour pouvoir apporter des correctifs. Dans ma communauté urbaine, nous avons ainsi mis en place une dotation de solidarité, en prenant un logement de référence comme valeur moyenne pour réviser les bases.

M. Vincent Capo-Canellas. - J'ai moi aussi appris, fin octobre, que ma commune de 15 000 habitants allait perdre 175 000 euros de produit fiscal ; une lettre sibylline du directeur départemental des finances publiques avait annoncé une « incertitude » sur la taxe d'habitation... Cette absence de prévisibilité pose de vraies difficultés.

S'agissant du Grand Paris, les modalités de calcul du potentiel fiscal ont entraîné, l'an dernier, quelques effets d'aubaine. Le périmètre servant de base de calcul a changé, mais je crains, là encore, des effets inattendus. Vu les mécanismes extrêmement complexes de financement des établissements publics territoriaux (EPT), dépourvus de ressources fiscales propres, les communes de la petite couronne devront contribuer en cas de difficulté, quitte à augmenter leurs impôts. Je crains des mouvements erratiques tous les ans, avec des effets pervers sur les communes. La loi NOTRe a fait disparaître de la feuille d'impôt la colonne « intercommunalité », intégrée à la colonne « commune » : le contribuable comprend donc que la recette afférente va à la commune, et imagine donc, à tort, que celle-ci a augmenté les impôts - alors que la recette est reversée à la métropole ! Il faut absolument remettre à plat un système qui confine à l'absurde et qui finira par une révolte des contribuables !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - La Société du Grand Paris voit le financement de son volet transport sécurisé : l'affectation de 30 millions d'euros supplémentaires, pour un total de 213 millions, ira à la modernisation et à l'extension du réseau de transport ferré. Pour une fois, ce n'est pas la variable d'ajustement ! Le rapport transpartisan de la commission des finances a sans doute éclairé l'Assemblée nationale. Il faudra aller plus loin, dans le même sens, pour d'autres projets.

M. Charles Guené, rapporteur spécial. - Nous répondrons à ces différentes questions au fil de l'examen des articles. Quant à la problématique des variables d'ajustement, elle est traitée en première partie du projet de loi de finances.

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - Je vous renvoie en effet aux commentaires du rapporteur général sur l'article 14. Sur 788 millions d'euros de minoration des variables d'ajustement, 527 millions relèvent de la réintégration de l'exonération dite de la demi-part des veuves. Ce coût pèse notamment sur les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) et sur la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) des départements et des régions. Le débat à l'Assemblée nationale s'est concentré sur la réduction des efforts demandés aux départements, sachant que ce sont les départements les plus fragiles qui reçoivent la DCRTP la plus forte...

Philippe Dallier nous apprend que la baisse des dotations se poursuivra en 2018. Jusqu'à nouvel ordre, la loi s'arrête en 2017 !

Article 59

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - L'article 59 abroge la réforme de la DGF de l'an dernier, réduit le nombre de bénéficiaires de la DSU et répartit sa hausse sur l'ensemble des communes éligibles et non plus sur les seules communes cible. Il abonde l'enveloppe de la dotation d'intercommunalité des communautés d'agglomération pour tenir compte de l'évolution de la carte intercommunale, tout en plafonnant le gain pour les communautés de communes devenues communauté d'agglomération en 2016 ou en 2017. Enfin, il augmente le plafonnement de l'écrêtement de la dotation forfaitaire en faisant référence aux recettes réelles de fonctionnement.

Sur ce dernier point, nous avions regretté que les communes les plus riches ne contribuent plus à la péréquation verticale du fait de leur DGF négative. Il en résulte un report injuste sur les autres communes, qui représentait l'an dernier plus de 50 millions d'euros. Le choix de l'Assemblée nationale de relever le plafond de l'écrêtement devrait permettre de faire passer le nombre de communes plafonnées de 10 000 à moins de 6 000.

M. Bernard Delcros. - Ce ne sont pas forcément les mêmes.

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - En effet. Pour nous, la réponse passait par le rebasage, mais nous n'avons pas été suivis. La solution de l'Assemblée nationale ne nous satisfait pas totalement : nous souhaitons que les communes qui n'ont plus assez de DGF pour contribuer à la péréquation soient prélevées sur leur fiscalité. C'est l'objet de notre amendement n° 1.

M. Charles Guené, rapporteur spécial. - La problématique des DGF négatives reste entière : ce sont en général les communes les plus riches qui sont avantagées.

M. Vincent Capo-Canellas. - Quel sera l'impact réel ? On prétend mieux répartir l'effort, éviter les effets d'aubaine, mais les communes concernées sont déjà prélevées au titre de la DGF négative. J'ai l'impression que l'on navigue à l'aveugle.

Mme Marie-France Beaufils. - Même si les propositions vont dans le bon sens, notamment sur la DSU, nous nous abstiendrons, car nous sommes en désaccord sur le principe même de la participation des collectivités au redressement des finances publiques.

M. Charles Guené, rapporteur spécial. - Notre amendement concerne essentiellement les 168 communes qui avaient une DGF négative.

M. Vincent Capo-Canellas. - C'est cet « essentiellement » qui me fait peur !

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - S'il y avait rebasage, la question ne se poserait même pas, puisqu'il n'y aurait pas de communes à DGF négative !

M. Bernard Delcros. - Le critère des recettes réelles de fonctionnement est discutable. L'amendement revient à supprimer le plafonnement de l'écrêtement, ce à quoi je suis favorable : plafonner, c'est faire payer les autres !

M. Charles Guené, rapporteur spécial. - Le rebasage résolvait toutes les difficultés. La solution de l'Assemblée nationale n'est pas pleinement satisfaisante.

L'amendement n° 1 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 59, ainsi modifié.

Article 59 bis

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - Cet article porte sur les modalités de calcul du potentiel fiscal des communes de la métropole du Grand Paris. Il prévoit de calculer la richesse des communes de la métropole en référence à celle de leur établissement public territorial plutôt qu'en référence à celle de la métropole. Cet article nous paraît équilibré, même si nous n'avons pas été en mesure d'en évaluer précisément les effets, notamment sur les autres communes par le biais des différents dispositifs de péréquation.

M. Philippe Dallier. - Il est un peu ennuyeux que l'on nous demande d'adopter des dispositions dont on ne mesure absolument pas les conséquences ! Je crains qu'on n'ait de mauvaises surprises. A-t-on fait des simulations ?

M. Charles Guené, rapporteur spécial. - Nous n'avons pas de simulation, mais il nous semblait qu'il y avait une certaine logique à ne pas prendre en compte la richesse globale de la métropole, qui ne bénéficie pas forcément aux communes. Cela conduirait à augmenter de façon artificielle le potentiel fiscal de certaines communes défavorisées.

M. Vincent Capo-Canellas. - Nous faisons face à un phénomène de lessiveuse : les communes reçoivent le produit de l'impôt, sont prélevées au profit de la métropole, qui finance les territoires en reversant aux communes. Dès lors qu'on touche un des éléments du tout, on fragilise l'ensemble. Nous devons ainsi légiférer sans visibilité sur l'ensemble du système ! Pour l'heure, difficile de faire autrement, mais cette mesure nous laisse sceptiques.

M. Charles Guené, rapporteur spécial. - En tout état de cause, l'article peut fort bien ne pas être adopté.

La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter l'article 59 bis.

Article 59 ter

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - L'article 59 ter supprime la possibilité, pour les préfets, de proroger le délai de quatre ans au cours duquel les projets bénéficiant d'une subvention au titre de la réserve parlementaire doivent être achevés.

Si cet article, inséré par l'Assemblée nationale, part d'une bonne intention, celle de solder plus rapidement le versement des subventions, il pourrait pénaliser les gros travaux d'investissement financés par la réserve parlementaire qui s'étalent sur plusieurs années et qui rencontrent des difficultés juridiques - par exemple, des projets nécessitant l'acquisition d'un terrain pour laquelle, au dernier moment, le propriétaire ne donne pas son accord, ce qui oblige à passer par une procédure d'expropriation. Quelques projets peuvent dépasser les délais normaux, si le préfet l'accepte.

En outre, ces dispositions ne relèvent pas du domaine de la loi.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - En effet.

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - Nous vous proposons donc de ne pas adopter cet article.

M. Charles Guené, rapporteur spécial. - Une fois les fonds versés, les travaux doivent être engagés dans les deux ans. Une fois les travaux engagés, ils doivent être achevés dans un délai de quatre ans. Le préfet peut, pour des raisons motivées, prolonger ce délai de quatre ans. De fait, certains projets durent parfois dix ans, voire onze ans. En général, il s'agit de dossiers compliqués. Quelquefois, on constaterait une sorte de double peine : les dossiers sont complexes et, à la fin, les fonds ne seraient plus disponibles.

Mme Michèle André, présidente. - Le ministère de l'intérieur traite environ 10 000 dossiers de dotations d'action parlementaire par an, et les montants en jeu ne sont pas très importants. Il arrive toutefois que les aides soient parfois plus importantes, par exemple pour la remise en état d'un groupe scolaire. Les travaux peuvent durer, être compliqués. Le nombre de ces dossiers bénéficiant aujourd'hui d'un report est estimé à une trentaine ou une quarantaine sur 10 000. De toute façon, si cet amendement avait été examiné au Sénat, il lui aurait probablement été opposé l'article 41.

La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter l'article 59 ter.

Article 60

M. Charles Guené, rapporteur spécial. - L'article 60 modifie les modalités de répartition des enveloppes départementales de la DETR, notamment en faveur des départements les moins denses. Il fixe également les modalités de répartition du nouveau fonds de soutien à l'investissement local, qui serait divisé en quatre parts. En particulier, 150 millions d'euros seraient attribués aux métropoles, 216 millions d'euros pour les contrats de ruralité et 450 millions d'euros en faveur d'investissements ou d'aménagement prioritaires.

L'Assemblée nationale a précisé que la dotation pouvait se cumuler avec d'autres subventions et qu'elle ne pouvait être refusée en raison du faible nombre d'habitants des communes concernées ou du faible montant de l'opération.

Elle a également prévu que les parlementaires du département soient membres de la commission départementale qui participe à la répartition de la DETR. L'idée est d'éviter que les parlementaires deviennent « hors sol » avec l'application du non-cumul des mandats. Toutefois, nous avons quelques doutes quant à la mise en oeuvre pratique d'une telle disposition et à son caractère constitutionnel. Les parlementaires pourraient plutôt être invités à assister aux travaux de la commission départementale, sans voix délibérative. Toujours est-il que nous recommandons l'adoption de cet article.

M. Jacques Genest. - Une remarque qui ne concerne peut-être que l'Ardèche : la commission de répartition de la DETR ne sert absolument à rien, c'est un gadget ; chez nous, c'est le préfet qui décide des attributions !

M. Charles Guené, rapporteur spécial. - Tout dépend des départements : dans certains, il est tout à fait possible de discuter avec le préfet. En dessous de 150 000 euros, le préfet est libre de répartir la DETR comme il l'entend ; au-dessus, la commission est saisie, mais son avis n'est que consultatif.

Je vous indique au passage qu'en cas de rejet de l'article, vous rejetez non seulement le principe de la participation des parlementaires à cette commission, mais aussi les modalités du FSIL...

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 60.

Article 60 bis

M. Charles Guené, rapporteur spécial. - L'article 60 bis élargit les possibilités d'emploi des crédits de la dotation de compensation territoriale de la collectivité territoriale de Corse, qui n'est pas consommée en totalité. Le reliquat de crédits pourra être alloué à l'office des transports de Corse pour financer d'autres investissements en matière de transport. Nous vous proposons d'adopter cet article sans modification.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 60 bis.

Article 61

M. Charles Guené, rapporteur spécial. - L'article 61 porte modification des règles de répartition des dispositifs de péréquation horizontale. Il prévoit de geler le montant du FPIC à 1 milliard d'euros en 2017. L'objectif de 2 % des recettes fiscales des communes et des intercommunalités est repoussé à 2018.

L'Assemblée nationale a également proposé de relever le plafonnement du cumul du fonds de solidarité des communes de la région d'Île-de-France, le FSRIF, et du FPIC : la somme des deux ne pourra dépasser 14 % des dépenses réelles de fonctionnement, au lieu de 13 % actuellement.

Elle a également prévu d'exonérer de prélèvement les communes « pauvres » situées dans les EPCI contributeurs et de reconduire en 2017 le mécanisme exceptionnel de garantie sur trois ans en cas de perte d'éligibilité au FPIC. En effet, la garantie de droit commun ne s'applique que pour un an.

Nous avions envisagé de vous proposer de geler totalement les attributions et les prélèvements au titre du FPIC en 2017, faute de simulations des effets de la nouvelle carte intercommunale sur ce mécanisme de péréquation horizontale. Cela aurait eu deux inconvénients : figer le FPIC pour toujours et défavoriser les nouveaux EPCI qui ont intégré des territoires pauvres en 2017. Le Gouvernement a proposé de reconduire en 2018 la garantie exceptionnelle, créée en 2017, pour les EPCI qui cessent d'être éligibles au FPIC. Cette garantie conduit à lisser la perte sur trois ans au lieu d'un an avec la garantie de droit commun. Nous vous proposons un amendement faisant de cette garantie dégressive sur trois ans la garantie de droit commun, à partir de 2018.

De plus, pour éviter l'imprévisibilité du FPIC et ses effets déstabilisants sur les budgets locaux, nous vous proposons un amendement qui devrait permettre aux collectivités territoriales de recevoir les notifications de FPIC au plus tard au mois de février.

M. Francis Delattre. - Malgré les précautions prises par nos rapporteurs spéciaux, la cible est claire. En région parisienne, on est dans l'épaisseur du trait entre ceux qui payent et ceux qui reçoivent : la modification envisagée concernera ces villes moyennes qui ont été obligées d'intégrer des agglomérations de plus de 200 000 habitants. Ces collectivités nouvelles doivent faire face à beaucoup de dépenses. Ne vous en déplaise, les informations circulent et même dans les banlieues profondes, on maîtrise les algorithmes ! Mon agglomération était exonérée l'an dernier, ce qui signifie que nous sommes moyennement pauvres. Avec le passage de 13 % à 14 % des dépenses réelles de fonctionnement, nous aurons plus de 3 millions d'euros à payer ! Ce n'est pas rien pour une agglomération qui vient de naître.

Il est facile de jongler avec les chiffres, d'autant que le système est complexe. Nous avons l'impression d'être dans un jeu de quilles, de faire le joint entre ceux qui payent et ceux qui ne payent pas. Mon agglomération compte des quartiers difficiles, nous sommes obligés de construire des crèches, tout cela est très coûteux.

M. Charles Guené, rapporteur spécial. - Il y a deux choses différentes : le gel du montant du FPIC en 2017 d'une part, le relèvement du plafonnement du cumul du FSRIF et du FPIC d'autre part, qui permet que les collectivités les plus aisées contribuent davantage et donc d'en décharger d'autres.

M. Francis Delattre. - Ce n'est quand même pas Neuilly qui paie pour les autres !

M. Charles Guené, rapporteur spécial. - Alors proposons de supprimer le plafonnement.

M. Francis Delattre. - Ce serait justice.

M. André Gattolin. - On en parlera en séance !

L'amendement n° 2 est adopté.

M. Charles Guené, rapporteur spécial. - L'amendement n° 3 généralise sur trois ans la garantie exceptionnelle, prévue uniquement en 2016 et en 2017, dont bénéficient les ensembles intercommunaux et les communes isolées qui cessent être éligibles au FPIC.

M. Bernard Delcros. - J'ai bien compris qu'on garantissait à 90 % du montant perçu l'année précédente le versement aux communes qui ne sont plus éligibles au FPIC, mais pour celles qui le demeurent, peuvent-elles perdre 20 % ?

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - Si l'on garantit tout le monde, le FPIC serait totalement figé et n'augmenterait alors plus pour les territoires qui en ont le plus besoin.

Nous comprenons qu'on se pose la question ; nous-mêmes l'avons posée à l'administration.

Nous proposons que les ensembles intercommunaux et les communes qui cessent d'être éligibles au FPIC aient la garantie de percevoir les années qui suivent une part égale à 90 %, puis à 75 %, puis à 50 % du montant perçu la dernière année d'éligibilité.

M. Jean-Claude Boulard. - C'est un dispositif classique de garantie de sortie. On aurait pu imaginer d'étaler dans le temps les effets des changements de périmètre, qui seront très importants. Dire que le montant du FPIC est gelé à son niveau de 2016, soit 1 milliard d'euros, c'est une supercherie. Les simulations montrent des variations en dotations comme en prélèvements qui justifieraient non seulement un dispositif de garantie de sortie mais aussi d'étalement dans le temps de ces variations, dont on n'a pas encore pris la mesure.

Le Gouvernement est prêt à entendre ce message du moment que cela n'affecte pas l'équilibre général de la loi de finances. On a tout intérêt à prendre des mesures de sécurité, car on ne sait pas comment on sera traité. C'est pourquoi je plaide en faveur d'un étalement dans le temps des effets de l'évolution des périmètres. Puisque nous n'aurons pas l'occasion de le faire en séance publique, profitons au moins de l'examen de cet article en commission pour faire passer un message à l'Assemblée nationale !

M. Charles Guené, rapporteur spécial. - Nous avons indiqué dans notre rapport que nous avions envisagé de figer la répartition du FPIC en 2017, tant pour les contributeurs que pour les bénéficiaires, en faire une année de statu quo. Le Gouvernement n'est pas favorable à cette solution, par crainte qu'il soit ensuite difficile de « remettre la machine en marche ».

M. Jean-Claude Boulard. - Ce qui se passe sur les dotations et la péréquation va provoquer de grandes surprises ! Les élus locaux ne retrouveront pas dans leurs dotations les engagements du Président de la République devant le Congrès des maires. S'agissant du FPIC, nous souhaitions tous une année blanche, un gel du FPIC à 1 milliard d'euros. Le Gouvernement y étant hostile, avec une partie de l'Assemblée nationale, l'alternative était d'étaler dans le temps les effets de l'évolution des périmètres.

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - Vous soulevez deux sujets : la minoration des variables d'ajustement, à hauteur de 750 millions d'euros, et le gel du FPIC.

Comme l'a dit Charles Guené, nous voulions initialement figer la répartition du FPIC tant pour les contributeurs que pour les bénéficiaires. Mais deux remarques de bon sens nous ont été faites : premièrement, des modifications importantes de périmètre sont déjà intervenues en 2015 et en 2016, lesquelles ont été suivies de changements dans la répartition du FPIC. Dès sa création, la métropole d'Aix-Marseille-Provence a perçu le bénéfice en matière de FPIC, pour des sommes considérables. Cela ne s'est pas vu parce qu'en même temps, le FPIC a augmenté : les communes qui payaient davantage n'ont pas su ce qu'elles payaient au titre de l'augmentation du FPIC d'une part, des changements de périmètre d'autre part. Celles qui ont été créées en 2015 et en 2016 ont bénéficié immédiatement des effets du regroupement sur leur FPIC ; si l'on devait figer sa répartition en 2017, cela exclurait celles qui devaient en bénéficier cette année. C'est donc une question d'équité.

Autre argument qui nous a été opposé : geler le montant de FPIC pour deux ans pourrait donner la tentation à certains de figer définitivement les choses. Il serait ensuite très compliqué de définir une règle d'évolution. Voyez le cas de la DGF.

M. Francis Delattre. - Un minimum de continuité serait appréciable. Il y a deux ans, on nous a obligés à nous transformer en agglomération, et l'on a eu les premiers résultats l'an dernier. Vous avez constaté que le FPIC était stable pour l'ensemble du pays, mais il fallait trouver une petite réserve pour démontrer qu'il y avait des possibilités d'augmentation. Le problème, c'est que c'est nous qui payons.

La réunion est suspendue à 15 h 10.

Projet de loi de finances pour 2017 - Mission « Relations avec les collectivités territoriales » et compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » (et articles 59 à 62 quater) - Suite de l'examen du rapport spécial

La réunion est reprise à 17 h 45.

Mme Michèle André, présidente. - Nous reprenons l'examen des articles rattachés à la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Nous en sommes parvenus à l'article 61 et à l'amendement n° 3.

L'amendement n° 3 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 61, ainsi modifié.

Article 61 bis

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - L'article 61 bis, introduit à l'Assemblée nationale par François Pupponi, porte le montant du Fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France (FSRIF), à 310 millions d'euros au lieu de 290 millions d'euros. Cette augmentation ne coûte rien à l'État et, compte tenu du relèvement de 13 % à 14 % du plafond prévu à l'article 61, elle ne devrait pas avoir de conséquence pour les collectivités territoriales hors Île-de-France. Cette question concerne exclusivement l'Île-de-France. Cette année, la péréquation horizontale n'augmente pas ; faut-il, dès lors, prévoir une dérogation pour l'Île-de-France ? Nous n'en sommes pas convaincus, mais peut-être nos collègues franciliens pourront-ils nous apporter leur éclairage.

M. Vincent Capo-Canellas. - Je me sens interpellé, en tant que Francilien !

S'agissant du FSRIF, il existe une difficulté récurrente : pour une commune située à la moyenne, être éligible ou non se joue à presque rien ! Paris, certes, contribuerait - mais les marges budgétaires de Paris ne sont pas infinies. D'autres communes d'Île-de-France seraient également contributrices. Faute de simulation, on a vraiment le sentiment de travailler à l'aveugle.

M. Charles Guené, rapporteur spécial. - Dans la mesure où le FPIC n'augmente pas, nous serions plutôt favorables au statu quo, c'est-à-dire au maintien du FSRIF à son niveau actuel, et donc nous vous proposerions de rejeter l'article.

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - C'est un peu délicat à trancher. Une petite augmentation annuelle du FSRIF nous paraît légitime - 20 millions d'euros de plus, dont 10 millions acquittés par la Ville de Paris et 10 millions pour les autres communes, pourquoi pas ? Dès lors qu'une telle augmentation ne se répercute pas sur les collectivités extérieures à l'Île-de-France, il nous semble difficile d'intervenir sur ce sujet.

M. Vincent Capo-Canellas. - Je ne voterai pas ce dispositif. La logique est de préserver les communes réputées les plus pauvres ; cependant nous n'avons aucune idée de l'effet sur les communes « moyennes ». Il y a toujours, en la matière, un effet pervers, affectant les communes qui sont à la limite de l'éligibilité. Je suis donc très prudent : en voulant aider les plus pauvres, on s'en prend toujours aux communes moyennes...

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. Par principe, puisque le FPIC reste inchangé, nous sommes plutôt pour ne pas toucher au FSRIF.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter l'article 61 bis.

Article 61 ter

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - Cet article crée une dotation communale d'insularité au profit des îles mono-communales, pour tenir compte des surcoûts qu'elles rencontrent du fait de leur insularité. Treize petites îles seraient concernées : Belle-Île-en-Mer, Aix, Bréhat, Batz, Molène, Ouessant, Sein, Arz, Groix, Hoedic, Houat, l'île aux Moines, Yeu.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Que de beaux endroits !

M. Richard Yung. - Nous y sommes favorables !

M. Jacques Chiron. - Très favorables !

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 61 ter.

Article 62

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - L'article 62 ajuste les dispositions relatives au transfert de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) des départements aux régions, afin de tenir compte des conditions particulières d'exercice des compétences relatives aux transports sur le territoire de l'Île-de-France et de la métropole de Lyon. En Île-de-France, c'est la région qui bénéficierait de la dynamique ; à Lyon, en revanche, l'effort se ferait en faveur de la métropole, Lyon étant à la fois métropole et département. Il s'agit d'un texte d'ajustement. Nous vous proposons de donner un avis favorable à l'adoption de cet article, sans modification.

M. Philippe Dallier. - C'est là, tout de même, une drôle de manière de boucler les budgets ! Les départements ne sont pas à la noce, c'est le moins que l'on puisse dire. Il s'agit d'un petit hold up. La méthode est particulière. C'est d'ailleurs ce que pensent aussi tous les présidents de conseils départementaux, de droite comme de gauche - ils se sont exprimés en ce sens.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 62.

Article 62 bis

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - Cet article prévoit d'affecter une fraction plus importante de la taxe sur les bureaux à la région Île-de-France, à hauteur de 30 millions d'euros. Aucun transfert direct n'est proposé : c'est la croissance du produit de la taxe qui est, pour partie, orientée vers le projet du Grand Paris Express.

M. Vincent Capo-Canellas. - Ce dispositif est utile, en effet, pour sécuriser son financement.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 62 bis.

Article 62 ter

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - L'article 62 ter vise à faciliter la révision des attributions de compensation, notamment en cas de fusion ou de changement de périmètre intercommunal, en simplifiant les règles de majorité. C'est un débat assez récurrent. La solution proposée permet, me semble-t-il, de stabiliser le dispositif en tenant compte de l'avis du Conseil d'État, qui a été saisi par le Gouvernement.

Pendant très longtemps, les attributions de compensation ne pouvaient être modifiées qu'à l'unanimité. Le mécanisme a ensuite été modifié, avec l'instauration d'une majorité des deux-tiers et un plafond de 15 %. Elles seraient désormais modifiables, pendant deux ans, via une délibération de l'EPCI à la majorité des deux tiers. La révision est en outre encadrée : elle ne peut s'écarter de plus de 30 % de l'attribution jusqu'alors perçue ; et la perte ne peut représenter plus de 5 % des recettes réelles de fonctionnement, cette dernière disposition étant l'ajout spécifique du Conseil d'État.

Sur ce sujet, il était bon de rouvrir un peu les portes. La règle de l'unanimité verrouillait toute évolution des attributions de compensation. Le Conseil d'État a simplement suggéré d'introduire un système classique de garantie.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 62 ter.

Article 62 quater

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - L'article 62 quater prévoit des ressources supplémentaires pour les régions afin qu'elles financent leurs dépenses en matière de développement économique. Il met en place un fonds de soutien exceptionnel pour 2017 et affecte aux régions, à compter de 2018, une fraction de taxe sur la valeur ajoutée.

Nous nous réjouissons que la France adopte cette logique, dont nous avons notamment observé les effets en Autriche et en Italie. Il s'agit d'affecter une fraction d'une imposition nationale aux collectivités territoriales. La Corse semble faire l'objet d'un traitement particulier : elle bénéficiera d'une recette dynamique sur un champ plus large que celui de sa seule dotation globale de fonctionnement, laquelle est relativement faible. Elle recevrait 6 % de la dynamique de TVA alors que sa population représente 0,5 % de la population nationale... Il conviendra de suivre dans le temps les effets de ce dispositif par trop dérogatoire.

L'article va cependant dans le bon sens, en remplaçant des dotations fixes par des recettes fiscales qui peuvent évoluer de façon plus dynamique. Nous vous proposons donc de donner un avis favorable à l'adoption de cet article, sans modification.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 62 quater.

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - S'agissant des collectivités territoriales, ce projet de loi de finances contient un certain nombre de mesures positives : la réduction de 1 milliard d'euros de la contribution au redressement des finances publiques ; la hausse de la péréquation verticale de 360 millions d'euros, également partagés entre la dotation de solidarité urbaine (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR) ; la réforme, dans le sens que nous souhaitions, de la DSU ; la création d'un fonds de soutien à l'investissement des communes et l'augmentation de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ; la création d'un fonds de soutien exceptionnel pour les régions et l'affectation aux régions d'une fraction de TVA à partir de 2018 ; l'augmentation de la dotation d'intercommunalité de 70 millions d'euros ; la création d'une dotation de 4 millions d'euros destinée aux îles mono-communales. Voilà un ensemble de mesures tout à fait intéressantes en faveur des collectivités !

M. Jean-Claude Boulard. - Il faut toujours nuancer une appréciation positive.

Dans ce projet de budget, il y a une première : le dégrèvement lié à la perte de la « demi-part des veuves » représente 500 millions d'euros, dont 200 millions seront financés par un prélèvement sur les compensations du bloc communal. 500 millions d'euros ! On a annoncé une réduction de 1 milliard d'euros sur l'effort demandé aux collectivités, mais faisons d'abord la somme des réductions de la réduction, avant de nous réjouir... Car en définitive, beaucoup de collectivités verront leur dotation diminuer, loin des annonces qui ont été faites ! L'ensemble des associations d'élus ont protesté, à juste titre. Au vu d'un tel décalage entre les discours et les actes, toutes majorités politiques confondues, ne nous étonnons pas si nos concitoyens, de temps en temps, nous rappellent à l'ordre.

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - La demi-part des veuves a un coût de l'ordre de 500 millions d'euros. Mais les collectivités en ont elles-mêmes demandé le rétablissement. Et avant sa suppression, près de la moitié de son financement était déjà à la charge des collectivités. Parler de 500 millions d'euros est exagéré : le montant réel est plutôt 250 millions.

M. Jean-Claude Boulard. - D'accord. Disons 250 millions d'euros.

M. Charles Guené, rapporteur spécial. - Claude Raynal a souhaité mettre en exergue les points positifs - il y en a quand même quelques-uns ! - et c'était bien légitime.

Deux réponses aux questions posées tout à l'heure par Marc Laménie. S'agissant de la DETR, l'augmentation, pour 2017, est de 184 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 56 millions d'euros en crédits de paiement. La DETR s'élèverait donc à 1 milliard d'euros en autorisations d'engagement et à 723 millions d'euros en crédits de paiement.

Pour ce qui concerne les crédits des travaux divers d'intérêt local, autrement dit la réserve parlementaire, si, pour le moment, ils n'apparaissent pas, c'est qu'ils sont traditionnellement inscrits au cours du débat parlementaire. Nous avons toutes les raisons de penser qu'ils le seront.

Mme Michèle André, présidente. - Nous passons à l'examen des crédits de la mission et du compte de concours financiers.

M. Charles Guené, rapporteur spécial. - En 2017, les crédits de la mission, qui s'élèvent à 3,1 milliards d'euros en crédits de paiement et de 3,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement, sont en hausse de 262 millions d'euros en crédits de paiement et en réduction de 37 millions en autorisations d'engagement, les modalités de financement du fonds de soutien à l'investissement local ayant été modifiées.

La mission retrace les crédits de la DETR et - en partie - du fonds de soutien à l'investissement local. Au cours de l'examen à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a porté la dotation de la politique de la ville de 100 millions à 150 millions d'euros ; il a en outre abondé les crédits de 4 millions d'euros au titre de la dotation d'insularité.

Le Gouvernement a également abondé les crédits pour financer le fonds de soutien aux régions : 200 millions d'euros en crédits de paiement et 450 millions en autorisations d'engagement. En seconde délibération, il a diminué les crédits de 9 millions d'euros, dont 8 sur le fonds de soutien à l'investissement local, « sur la base des résultats anticipés de la gestion de 2016 ».

Quant au compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales », il retrace les douzièmes versés par l'État aux collectivités territoriales au titre des impositions locales. Il s'élève, pour 2017, à 105,7 milliards d'euros.

Nous vous proposons de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission et du compte de concours financiers, sans modification.

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - Je partage cet avis.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».

Mme Michèle André, présidente. - Merci à nos deux rapporteurs spéciaux, qui ont travaillé en tenant compte d'un certain nombre de contraintes.

M. Jacques Chiron. - Hélas, ce travail restera au placard !

M. Jean-Claude Boulard. - Tout en saluant le travail de nos rapporteurs, je regrette que l'absence de débat budgétaire nous empêche de discuter des excellents amendements qui ont été adoptés à l'unanimité. Ce rôle de correction fait pourtant la force du Sénat.

Projet de loi de finances pour 2017 - Mission « Travail et emploi » - Programmes « Accès et retour à l'emploi », « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail » et « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail » - Compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » Examen du rapport spécial

La commission examine le rapport de MM. François Patriat et Jean-Claude Requier, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Travail et emploi » et sur le compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ».

Mme Michèle André, présidente. - Nous vous prions d'excuser l'absence de François Patriat, qui a dû subir une intervention chirurgicale à la suite de son accident. Nous lui souhaitons un prompt rétablissement. Il a donné délégation au rapporteur spécial Jean-Claude Requier avec qui il a travaillé en bonne intelligence.

M. Jean-Claude Requier, rapporteur spécial. - En 2017, la mission « Travail et emploi » sera dotée de 16,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 15,5 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une progression record de 5 milliards d'euros et 3,8 milliards d'euros respectivement.

Hors mesures de périmètre et de transfert, qui seront importantes - la mission « Travail et emploi » portant, à partir de 2017, les crédits consacrés à la compensation aux organismes de sécurité sociale de certains dispositifs d'exonérations de charges patronales - les crédits de la mission augmenteront à hauteur de 3 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 1,8 milliard d'euros en crédits de paiement, prolongeant l'effort considérable en faveur de l'emploi observé depuis 2012. Sur la durée du quinquennat, les crédits de paiement de la mission auront augmenté de plus de 50 %.

Les priorités de ce budget sont claires : maintenir l'effort en faveur des personnes les plus éloignées du marché du travail et des jeunes, favoriser l'emploi dans les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), rénover les instances du dialogue social, lutter contre le travail illégal et améliorer les conditions de travail. Le plan d'urgence pour l'emploi décidé par le président de la République en janvier 2016 sera prorogé.

D'un montant de 4 000 euros maximum, l'aide « Embauche PME », qui ne devait à l'origine concerner que les contrats débutant entre le 18 janvier 2016 et le 31 décembre 2016, sera ainsi maintenue. Le succès est important : 580 000 aides sollicitées par les entreprises à fin août 2016.

Deuxième versant du plan d'urgence pour l'emploi, le plan « 500 000 formations supplémentaires » sera également poursuivi. Dix-sept régions ont accepté de prendre part à ce dispositif qui s'adresse aux demandeurs d'emploi pas ou peu qualifiés et aux chômeurs de longue durée. Il ne s'agit pas de diminuer artificiellement les chiffres du chômage, comme cela a pu être dit ici ou là, mais bien de proposer des formations qualifiantes dans des secteurs en tension ou porteurs.

Les crédits consacrés aux structures d'insertion par l'activité économique seront en outre stabilisés.

Ces dispositifs, qui s'adressent aux personnes les plus éloignées du marché du travail, jouent un rôle majeur en permettant à ces personnes de conserver un lien avec le monde du travail. Il était important d'en préserver les moyens.

La dépense consacrée à ces dispositifs s'élèvera à plus de 800 millions d'euros, soit près de 66 000 aides au poste.

Afin de consolider l'amélioration du marché du travail prévue pour 2017, l'enveloppe consacrée aux contrats aidés sera maintenue à un haut niveau. En particulier, les contrats aidés dans le secteur non marchand (CUI-CAE), destinés aux personnes les plus éloignées du marché du travail, et les emplois d'avenir seront maintenus à leur niveau de 2016.

En revanche, le nombre des contrats aidés dans le secteur marchand diminuera, passant de 60 000 à 45 000, car les personnes concernées rencontrent des difficultés moins grandes d'insertion dans l'emploi.

L'expérimentation visant à résorber le chômage de longue durée instaurée par la loi du 29 février 2016 débutera en 2017. La liste des dix territoires sélectionnés a été arrêtée hier : Collombelles, dans le Calvados ; Collombey-les-Belles, en Meurthe-et-Moselle ; Jouques, dans les Bouches-du-Rhône ; Mauléon, dans les Deux-Sèvres ; la métropole de Lille ; la communauté de communes Nièvre et Forêts, dans la Nièvre ; le XIIIe arrondissement de Paris ; Pipriac, en Ille-et-Vilaine ; Thiers, dans le Puy-de-Dôme ; et Villeurbanne, quartier Saint-Jean, dans le Rhône.

L'effort en faveur des jeunes, priorité du quinquennat, sera également poursuivi et même amplifié. Conformément à l'article 46 de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, la Garantie jeunes sera généralisée : 150 000 jeunes devraient intégrer ce dispositif en 2017, contre un peu moins de 60 000 fin 2016. Il s'agit donc d'un effort considérable, mais justifié car les résultats sont extrêmement positifs.

L'action du Gouvernement en faveur de la jeunesse se traduira en outre par la poursuite de l'effort en matière d'apprentissage. L'objectif de 500 000 apprentis d'ici la fin de l'année 2017, fixé dans le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi, est maintenu. Cet objectif est réaliste, le nombre d'apprentis en 2016 devant être proche de 450 000, contre un peu plus de 400 000 deux ans plus tôt ; 80 millions d'euros sont en outre inscrits dans le budget de la mission « Travail et emploi » pour l'aide au pouvoir d'achat des apprentis, de 250 euros à 400 euros pour les moins de vingt-et-un ans, en conformité avec la promesse du Premier ministre du 11 avril dernier.

L'année 2017 constituera une année charnière en matière de dialogue social. Les résultats du deuxième cycle de mesure de l'audience des organisations syndicales devraient être promulgués en mars 2017. Le scrutin dans les très petites entreprises (TPE), initialement prévu du 28 novembre au 12 décembre 2016, devrait finalement se tenir entre le 30 décembre 2016 et le 13 janvier 2017. Ce report ne devrait pas remettre en cause l'échéance de mars. Il existait un contentieux lié à la participation du Syndicat des travailleurs corses (STC) au scrutin. Un syndicat a porté l'affaire devant les tribunaux. Le Gouvernement a préféré attendre que l'affaire soit jugée pour lancer des élections qui, autrement, auraient pu être annulées.

En 2017 aura lieu le premier renouvellement des conseillers prud'hommes selon les nouvelles modalités de désignation fondées sur l'audience des organisations syndicales et patronales ; 14 512 juges prud'homaux seront désignés.

La lutte contre le travail illégal constituera également un axe fort. Je veux ici saluer l'action de la ministre, Myriam El Khomri, qui s'est particulièrement investie dans ce dossier. Le nombre de contrôles mensuels réalisés par l'inspection du travail a triplé depuis 2015, passant de 500 à 1 500 en 2016. Au total, le montant cumulé des amendes acquittées atteindra 4 millions d'euros fin 2016.

En 2017, l'accent sera plus particulièrement mis sur la lutte contre la fraude à la prestation internationale de service avec, par exemple, un suivi permanent des 500 opérations de BTP les plus importantes.

Le budget 2017 se traduira par d'importantes hausses - nécessaires - en faveur de l'emploi, du dialogue social et de la lutte contre le travail illégal. Il n'en est pas moins un budget responsable. D'importants efforts seront consentis par le ministère avec la suppression de 150 postes après une baisse de 192 équivalents temps plein en 2016.

Cette diminution des effectifs limite l'impact des mesures de revalorisation importantes prévues, avec la mise en oeuvre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » ou du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (Rifseep).

Les dépenses de fonctionnement du ministère diminueront de 3 %.

En 2017, les moyens consacrés à la mission « Travail et emploi » seront donc à la hauteur des ambitions affichées par le Gouvernement. Ce budget consolide les axes forts poursuivis depuis 2012. Je vous propose donc, en accord avec François Patriat, d'adopter sans modification les crédits de la mission « Travail et emploi » et du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ».

Je n'aurai certainement pas l'occasion de m'exprimer dans l'hémicycle sur ce sujet...

M. Richard Yung. - Vraiment ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - La discussion générale nous donnera à tous l'occasion de nous exprimer en séance publique.

J'exprimerai le même regret que chaque année. La majorité sénatoriale a déposé des amendements dans le cadre de l'examen des projets de loi de finances pour 2015 et 2016 visant à accorder plus de crédits aux contrats aidés dans le secteur marchand et à diminuer le nombre de contrats aidés dans le secteur non-marchand. Les statistiques prouvent en effet que dans le secteur marchand le taux de retour à l'emploi, à l'issue du contrat, est plus élevé. Ce sont les entreprises qui créent les emplois, non les administrations ni les collectivités, victimes de la diminution de leurs ressources. Le secteur associatif a également des capacités d'accueil limitées.

Le secteur marchand, lui, a des besoins en emplois non qualifiés. Les statistiques sont claires : le taux de retour à l'emploi durable est quasiment le double de ce qu'il est dans le secteur non-marchand. Pourquoi alors diminuer les crédits dans le secteur concurrentiel, où les contrats débouchent sur des emplois durables ? Pourquoi une telle prévention à l'encontre des entreprises ? Le risque de concurrence avec les autres contrats n'est pas réel, car les emplois aidés sont réservés à un public beaucoup plus éloigné de l'emploi et en grande difficulté, qui ne serait pas embauché via des contrats normaux.

M. Michel Forissier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - J'aimerais vous faire part de deux points d'inquiétude.

Le maintien du chômage à un niveau élevé et l'échec des négociations entre les partenaires sociaux pour conclure une nouvelle convention d'assurance chômage en mai dernier rendent très inquiétantes les perspectives financières de l'Unédic, surtout en cas d'augmentation des taux d'intérêt. La dette s'élevait à 25,7 milliards d'euros en 2015, elle devrait atteindre, selon les prévisions du budget pour 2016, 41,4 milliards d'euros en 2019, à réglementation inchangée, soit treize mois de recettes. Si cette dette avait été cantonnée à 5 milliards d'euros pendant la crise économique de 1993 et avait avoisiné 14 milliards d'euros en 2006, elle ne cesse de se creuser depuis 2009.

Les partenaires sociaux souhaitent faire jouer un rôle contracyclique à l'assurance chômage. Or aujourd'hui cette stratégie n'est plus tenable, car même si notre pays retrouvait une croissance forte, il faudrait une dizaine d'années d'excédents conjoncturels pour apurer la dette. La laisser filer, c'est interdire toute marge de manoeuvre à l'assurance chômage, c'est confier le fardeau de son remboursement aux générations à venir et c'est s'exposer à des frais importants le jour où les taux d'intérêt remonteront.

J'ai l'impression que nos collègues de l'Assemblée nationale n'attachent pas assez d'importance à ces points. J'ai alerté la ministre, qui m'a répondu que les services de l'Unédic « ont la capacité de faire face ». Dans une stratégie globale de désendettement de l'État, il me semble pourtant que le Gouvernement doit « booster » les partenaires sociaux et mobiliser la réflexion pour résorber la dette, ou du moins stopper sa progression.

Mon autre sujet d'inquiétude - la Cour des comptes l'évoque, ce n'est pas une lubie de ma part - concerne l'accès des jeunes à l'emploi. S'agissant de la Garantie jeunes, j'étais en faveur d'une année supplémentaire d'expérimentation, non pour retarder la généralisation du dispositif, mais pour le parfaire. Car il entraînera des dépenses supplémentaires pour les collectivités locales. Or elles ne peuvent à elles seules pallier les carences de l'école républicaine. À en croire le dernier rapport du Conseil national d'évaluation du système scolaire, l'école ne lutte pas contre les inégalités sociales et familiales, elle les renforce à chaque étape de la scolarité. On ne peut guère parler de réussite...

Le défi est donc majeur pour notre pays car, selon les données du Gouvernement, plus d'un million de jeunes entre 18 et 25 ans ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation. Pire, le dernier panorama de la société que l'OCDE consacre à la France, publié en octobre dernier, a démontré que le pourcentage des jeunes âgés de 19 à 29 ans qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation, est passé 14 % en 2008 à 16,6 % en 2015. L'Allemagne, au même niveau que nous en 2005, a vu son taux baisser à 9 % en 2015.

Notre pays compte aujourd'hui 1,8 million de jeunes sans emploi et sortis du système éducatif, soit 270 de plus qu'en 2008. L'OCDE estime le coût de l'inactivité des jeunes à 1 % du PIB en France. C'est un sujet qui doit donc être au coeur de nos préoccupations.

J'ignore quel sera l'impact de la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, mais il est clair que les dispositifs d'accompagnement intensif des jeunes éloignés du marché de l'emploi seront toujours un pis-aller tant que l'on n'aura pas réformé en amont et en profondeur l'école et la formation professionnelle. Je regrette que ma proposition de loi sur la refondation de l'apprentissage n'ait pas été reprise dans la loi « El Khomri ».

Pour conclure, je salue l'excellent rapport de nos collègues. Je partage, dans leurs grandes lignes, ses analyses.

M. Bernard Lalande. - On pense que les entreprises embaucheront mécaniquement si on leur accorde un certain nombre de facilités. C'est un raccourci, ou alors c'est mal connaître l'entreprise !

Une entreprise n'embauche que si elle peut créer de la richesse. Il faut favoriser l'investissement et non le dividende, c'est ainsi que l'Allemagne a réussi à maintenir des emplois industriels. La France, elle, a opéré le choix contraire : elle a favorisé le dividende et a subi la désindustrialisation. Avant l'apprentissage, réfléchissons à une politique industrielle, qui aura des résonnances sur l'apprentissage. Mettons en avant les investissements, car quand les entreprises investissent, elles créent des emplois.

Quoi qu'il en soit, le plan en faveur de l'apprentissage est un vrai succès. J'approuve les remarques du rapporteur général sur les emplois marchands. Les collectivités territoriales servent depuis très longtemps de variables d'ajustement pour tous les emplois aidés, ce qui crée dans les collectivités territoriales une zone de précarité. À chaque nouveau plan, les collectivités locales réembauchent les mêmes personnes sous un nouveau type de contrat précaire... Si l'on veut favoriser l'emploi durable, il est important de faire le lien entre les différentes catégories d'emplois aidés. Surtout, l'apprentissage doit être possible tout au long de l'existence et ne doit pas être réservé uniquement aux jeunes. Il serait utile que des travailleurs, tout en conservant leur salaire, puissent apprendre de nouveaux métiers et s'adapter aux évolutions économiques.

M. Jean-Claude Requier, rapporteur spécial. - Pour répondre au rapporteur général, le Gouvernement a souhaité concentrer son effort sur les publics les plus éloignés de l'emploi. Les personnes ciblées par les contrats aidés dans le secteur marchand ont une plus grande « employabilité » que celles ciblées par des contrats aidés dans le secteur non-marchand. Voilà pourquoi l'enveloppe des contrats aidés a été maintenue dans le secteur non-marchand.

Je dirai à Michel Forissier que je n'ai pas non plus de solution pour lutter contre l'endettement de l'Unédic. La convention d'assurance chômage de 2014 a été prorogée par un décret de juin 2016. La future convention devra prendre en compte la situation financière de l'Unédic.

En ce qui concerne la Garantie jeunes, le bilan est plutôt positif : 57 726 jeunes bénéficiaires à fin 2016. L'expérimentation de cette Garantie jeunes a permis de faire passer le taux d'emploi des intéressés de 30 % à 40 % : ils ont été embauchés en emploi durable.

Enfin, parmi les bénéficiaires, 94 % n'étaient ni étudiants, ni en emploi, ni en formation, et près de 80 % étaient très peu qualifiés ou n'avaient aucun diplôme ; 21 % résidaient dans un quartier prioritaire de la politique de la ville et 18 % n'étaient pas connus des missions locales, ils ont été orientés par l'aide sociale ou la protection judiciaire de la jeunesse.

Je répondrai à Bernard Lalande que l'apprentissage est un succès. L'objectif est de 500 000 apprentis d'ici à la fin de 2017, après 450 000 en 2016, et 400 000 deux ans plus tôt. L'aide exceptionnelle apportée cette année n'est pas très élevée, mais constituera un complément de revenu appréciable pour ses bénéficiaires. Pour espérer que les artisans dans les zones rurales trouvent des successeurs, il faut des apprentis.

Mme Michèle André, présidente. - En milieu urbain aussi !

M. Daniel Raoul. - Le rapporteur général a évoqué la baisse des crédits consacrés aux contrats aidés dans le secteur marchand. Avez-vous une idée de la consommation passée et actuelle des crédits ? La baisse ne résulte-t-elle pas simplement d'un ajustement entre niveau de consommation et besoins estimés pour 2017 ?

M. Jean-Claude Requier, rapporteur spécial. - Nous regarderons ce point plus avant et je vous transmettrai une réponse écrite.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Travail et emploi » et du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ».

La réunion est close à 18 heures 45.

Mercredi 23 novembre 2016

- Présidence de Mme Michèle André, présidente -

Projet de loi de finances pour 2017 - Mission « Égalité des territoires et logement » - Examen du rapport spécial

La réunion est ouverte à 9 heures.

La commission examine tout d'abord le rapport de M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, sur la mission « Égalité des territoires et logement ».

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - Dans les deux dernières lois de finances, la mission « Égalité des territoires et logement » a connu d'importants changements de périmètre, avec le départ, regretté, de la politique de la ville vers la mission « Politique des territoires » et surtout la rebudgétisation de la partie des aides personnelles au logement (APL) auparavant financée par la branche famille de la sécurité sociale. Son budget était ainsi passé d'un peu plus de 7 milliards d'euros à 18 milliards d'euros. Pour 2017, les crédits de la mission sont stabilisés avec 18,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 18,4 milliards d'euros en crédits de paiement, soit environ 4 % du budget général initial.

Toutefois, derrière cette apparente stabilité, on constate d'importants mouvements sur certains programmes : les crédits du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » augmentent de 15 %, quand le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » voit ses autorisations d'engagement baisser de 36,7 % et ses crédits de paiement de 13,5 %.

Les crédits inscrits au sein de la mission doivent être vus dans un ensemble plus vaste de financements en faveur de la politique du logement. Ainsi en est-il des ressources issues d'Action logement, qui soutient la construction de logements mais aussi des programmes de rénovation urbaine. C'est le cas aussi de la Caisse des dépôts et consignations, avec, en particulier, la gestion des fonds d'épargne qui lui permettent de proposer des prêts de longue durée à faible taux pour le financement du logement social. L'encours des prêts ne cesse de progresser : 153 milliards d'euros en décembre 2015, dont 21 milliards d'euros de nouveaux prêts sur l'année, preuve du dynamisme de la construction de logements sociaux.

Il faudra rester vigilants sur l'avenir de ces fonds d'épargne : le niveau actuel de rémunération du livret A, déconnecté de ceux du marché, renchérit le coût des prêts servis aux bailleurs sociaux et conduit les banques à faire remonter leurs encours vers la Caisse des dépôts et consignations. Prudence donc, même si, selon la Caisse des dépôts et consignations, les équilibres fondamentaux des fonds d'épargne ne devraient pas être menacés à cinq ans.

Le coût des dépenses fiscales reste important, à 12,8 milliards d'euros, mais les effets produits par l'extinction des dispositifs les plus anciens sont visibles. Notons que le dispositif d'incitation fiscale à l'investissement locatif intermédiaire, dit « Dispositif Pinel » a vu ses crédits multipliés par cinq entre 2015 et 2017.

Ce budget comprend d'incontestables avancées qui ne peuvent, pour autant, occulter ses limites et surtout les incertitudes pour l'avenir.

Le budget proposé est bien plus sincère qu'il ne l'était par le passé, en particulier pour l'hébergement d'urgence et la veille sociale. Les crédits du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » progressent de près de 230 millions d'euros. Certes, 40 millions d'euros tiennent à la rebudgétisation de l'allocation ALT 1, aide versée aux organismes logeant à titre temporaire des personnes défavorisées, dont le financement était initialement partagé entre l'État et les régimes sociaux. Mais le rebasage devrait régler les difficultés de gestion rencontrées par les services déconcentrés de l'État et les associations locales. Cette progression profite à l'ensemble du secteur « Hébergement, accueil, intégration » mais surtout à l'hébergement d'urgence - en hausse de 28 % - et à la veille sociale - en hausse de 35 %. En neutralisant la rebudgétisation du dispositif ALT 1, le logement adapté voit sa dotation augmenter de 6 %.

Certes, ce rebasage ne devrait couvrir que l'équivalent de la dépense attendue pour 2016 ; une dizaine de millions d'euros pourrait déjà manquer, mais nous revenons de loin... En 2016, l'écart entre la prévision et l'exécution devrait s'élever à environ 240 millions d'euros d'ici la fin de l'année, dont 80 millions d'euros qui étaient quasi certains au regard de l'exécution de l'année précédente.

Espérons surtout que la dépense ne poursuivra pas sa tendance à la hausse, en tout cas dans les mêmes proportions. Au regard de la situation économique de notre pays et de la crise migratoire, peu d'éléments laissent croire à une réduction de la demande. Même une stabilisation est difficile à envisager.

En outre, le programme 303 « Immigration et asile » de la mission « Immigration, asile et intégration » demeure sous doté pour couvrir les besoins des demandeurs d'asile, d'où un report sur l'hébergement d'urgence généraliste. Roger Karoutchi a estimé à 80 millions d'euros, rien que pour l'Île-de-France, les crédits supportés par la mission.

Le parc d'hébergement généraliste est passé de 82 000 places à plus de 112 500 entre 2012 et 2015, soit une augmentation de 37 %. Toutefois, la plus forte hausse concerne les nuitées d'hôtel : 38 000 places en 2015, soit une hausse de 83 % par rapport à 2012 et de 300 % en dix ans ! Le plan de réduction des nuitées hôtelières du Gouvernement ne parvient qu'à limiter cette progression. Cette situation n'est satisfaisante ni pour le contribuable - le coût s'élève à 240 millions d'euros - ni pour les personnes hébergées, souvent des familles, car l'accompagnement social y est rare et il est difficile d'y faire à manger notamment. Aussi suis-je personnellement favorable au projet de développement de résidences hôtelières à vocation sociale pour les personnes hébergées d'urgence. Deux marchés publics sont en cours, l'un pour l'hébergement d'urgence généraliste, l'autre pour les demandeurs d'asile ; un projet porté par la Société nationale immobilière (SNI) et Adoma est en bonne voie, fondé sur le rachat d'hôtels à bas prix. À la clé, des économies pour l'État puisque pour moins de 20 euros par jour, on assurera à la fois l'hébergement et l'accompagnement.

Au-delà de la sincérité budgétaire, se pose la question de la soutenabilité financière du programme, comme l'a déjà relevé la Cour des comptes. J'y reviendrai lorsque je vous présenterai les résultats de mon contrôle sur les dispositifs d'hébergement d'urgence. D'importants chantiers restent à mener pour obtenir à la fois un meilleur pilotage, des données plus fiables sur l'offre et la demande et une meilleure maîtrise des coûts, dans le cadre d'une politique de convergence tarifaire.

Au sein du programme 109 « Aide à l'accès au logement », la prévision pour la subvention d'équilibre que l'État verse au Fonds national d'aide au logement (Fnal) pour les aides personnelles au logement reste stable, à 15,4 milliards d'euros. Des efforts de prévisions budgétaires ont été réalisés et la sous-budgétisation passée n'est plus manifeste. En 2016, l'enveloppe initiale devrait permettre de couvrir les besoins constatés sur l'année et même de réduire la dette du Fnal - qui était de 400 millions d'euros fin 2015 - vis-à-vis des régimes sociaux. Mais encore faut-il que le Gouvernement ne fasse pas comme l'an dernier, en n'utilisant pas les crédits disponibles pour respecter la norme de dépense...

Toutefois, la dépense liée aux aides personnelles au logement continue de progresser, d'un peu plus de 1 % par rapport à 2015. Une nouvelle fois, les mesures d'économie des dernières lois de finances ne font que contenir la hausse. Ces dépenses dépendent aussi de la conjoncture économique et de la situation financière des demandeurs.

Les aides personnelles au logement représentent un budget de 18,3 milliards d'euros, toutes recettes confondues. À elle seule, la subvention de l'État au Fnal représente 8 % du total des dépenses d'intervention de l'État et 30 % des transferts aux ménages en 2017.

Des réformes restent à faire. L'an dernier, j'avais défendu deux pistes, sur lesquelles le Sénat m'avait suivi : la prise en compte d'un véritable taux d'effort minimal des ménages et l'établissement d'une base de données « logements » commune aux caisses d'allocations familiales, au ministère du logement et à la direction générale des finances publiques. Cela permettrait d'introduire ensuite la notion de plafond de loyer par mètre carré ou de plafond de surface par occupant, et de renforcer la lutte contre la fraude.

Si la contribution de l'État reste stable, c'est aussi parce que le Fnal bénéficie de l'affectation d'une partie du produit de la taxe sur les bureaux en Île-de-France, soit 146 millions d'euros dans le projet de loi de finances initial. Cela se fait au détriment d'Action logement, alors que l'État lui a demandé chaque année des efforts supplémentaires pour financer des aides à la pierre... Les 133 millions d'euros par an dont bénéficiait Action logement venaient compenser la perte de recettes découlant du relèvement du seuil d'assujettissement à la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC). Cette compensation est supprimée, sans contrepartie. C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase ! Certes, la contrainte budgétaire impose de réduire autant que possible la contribution de l'État. De même, le Fnal doit pouvoir bénéficier de ressources pérennes, ce que permet l'affectation de taxes. Reste que c'est un mauvais coup porté à Action logement.

Le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat », principalement dédié aux aides à la pierre, porte également l'enveloppe allouée au dispositif dit des « maires bâtisseurs ». Sur le principe, je soutiens ce type de mesure mais, compte tenu de son champ limité aux communes à très faible potentiel financier, cette aide ne profite qu'à peu de communes. 532 communes en 2016, pour 45,2 millions d'euros et un peu plus de 34 000 logements.

Avec seulement 200 millions d'euros inscrits en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, les aides à la pierre sont désormais majoritairement portées par les bailleurs sociaux, dont la contribution est pérennisée à son montant de 2016, soit 270 millions d'euros par an. Par ailleurs, l'État prélève à nouveau 50 millions d'euros sur le fonds de roulement de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), un choix de court terme alors que celle-ci devrait, d'ici 2019, connaître une situation financière plus tendue. Selon les bailleurs sociaux, la parité promise entre les aides à la pierre venant de l'État et leur effort n'est pas respectée.

La création du Fonds national des aides à la pierre (Fnap) devrait rendre les modalités de financement et de gestion plus saines et plus transparentes. Je m'étais prononcé en faveur de ce nouveau mode de gouvernance qui associe l'ensemble des acteurs et les responsabilise. En outre, le Fnap devrait protéger davantage les aides à la pierre des « coupes » budgétaires en cours d'année.

Je resterai toutefois vigilant sur les règles qui régiront la territorialisation des crédits. Comment répartir les crédits selon les besoins ? Le président du conseil d'administration du Fnap souhaiterait pouvoir favoriser les communes réalisant le plus d'effort. Pourquoi pas ? Mais il veut aussi pénaliser celles qui n'auraient pas fait suffisamment d'efforts dans le passé. Logique étonnante et paradoxale que de moins financer les nouveaux dossiers de communes soumises à l'article 55 de la loi SRU ! D'autant que je vois mal comment cela pourrait être retenu pour la détermination d'enveloppes régionales. J'espère que le Fnap évitera d'appliquer ce type de critères et qu'il restera dans l'application de ses compétences.

Les prêts dits de « haut de bilan », distribués par la Caisse des dépôts et consignations, devraient constituer une modalité de financement utile pour les bailleurs sociaux. La demande est d'ailleurs forte : les projets présentés représentent 6,5 milliards d'euros pour 2 milliards d'euros disponibles. Pour autant, même à conditions intéressantes, il s'agit d'emprunts, qui devront être remboursés. Ce n'est pas la même chose que des subventions !

Parmi les opérateurs du programme 135, l'Agence nationale de l'habitat (Anah) connaît une situation financière très préoccupante. L'année 2016 sera difficile à boucler, malgré le financement complémentaire d'Action logement. Les hypothèses retenues pour le budget de 2017 ne permettent pas de couvrir les besoins. Les objectifs fixés à l'agence, en particulier la rénovation thermique de 100 000 logements financés en 2017, semblent démesurés au regard de ses moyens. En outre, le produit des cessions de quotas carbone est trop volatile pour constituer sa principale ressource. Le manque de ressources a des conséquences sur le terrain : des dossiers, qui ont été longs à monter, sont bloqués faute de crédits pour engager les travaux ; six mois plus tard, il faut tout reprendre à zéro. Cette politique de stop and go est catastrophique.

L'an dernier, je vous avais proposé de rejeter les crédits de la mission compte tenu, en particulier, du manque de crédits sur le programme 177 et du risque d'accentuation de la dette de l'État vis-à-vis des organismes liquidateurs des aides personnelles au logement. Cette année, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement » en raison de l'effort de rebasage et de la meilleure budgétisation. Ce qui ne veut pas dire que je ne reste pas vigilant sur le niveau des crédits !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - C'est une mission extrêmement large, qui connaît une sous-budgétisation chronique. La loi de finances rectificative prévoit d'ailleurs d'ouvrir encore des crédits pour l'hébergement d'urgence.

Je suis favorable à ce qu'un opérateur public ou para-public rachète des hôtels, vu le coût et la faible qualité de l'hébergement actuel dans des hôtels qui ne sont parfois guère plus que des marchands de sommeil - ne serait-ce que pour des questions de suivi et de sécurité.

Je regrette la situation de l'Anah. Les dispositifs de défiscalisation, souvent baptisés du nom d'un ministre, coûtent très cher et ne sont pas forcément bien ciblés. En revanche, on néglige la rénovation du parc ancien. L'effet de levier de l'Anah sur ces opérations de rénovation thermique ou de mise aux normes est réel, avec un impact positif sur le secteur du bâtiment. Plutôt que de se concentrer sur les besoins en neuf, pensons au parc existant, où les vacances tiennent souvent à l'état des logements.

M. Jean-Marie Morisset, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Je suis d'accord avec le rapporteur spécial, le programme 177 est sous tension permanente. En 2015, 225 millions d'euros ont été ajoutés en cours d'année, le Gouvernement s'étant trompé de 16 %, et en 2016, de 239 millions d'euros, soit 17 %. Pour 2017, pour la première fois, le budget proposé est équivalent à celui de l'année n-1 : on aura juste ce qu'il faut. Selon Jean-Martin Delorme, directeur régional et interdépartemental de l'hébergement et du logement en Île-de-France (Drihl), il manquera 100 millions d'euros pour boucler son budget en 2016. Nous n'arrivons pas à sortir d'une logique d'urgence. Malgré le plan de résorption des nuitées d'hôtels, on dépasse désormais les 40 000.

Nous peinons à gérer les flux migratoires : les 5000 places dans les centres d'accueil et d'orientation devront être financées sur le programme 177. L'Union européenne nous demande d'accueillir 30 000 demandeurs d'asile. Quelles seront les conséquences sur le budget 2017 ? Le Samu social de Paris n'arrive à traiter que 1 700 appels par jour, sur 4 500. Les lignes sont saturées. Dans les Deux-Sèvres, le nombre d'appels est passé de 1 600 à 3 000 en un an. Il faut sortir de la gestion d'urgence, donner des moyens suffisants aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Or cette ligne n'augmente que de 1 %.

Donnons davantage de lisibilité aux opérateurs et aux services déconcentrés. La grande région Nouvelle Aquitaine rassemble treize départements, qui n'affectent pas les crédits selon les mêmes critères... et voient leurs moyens en personnel réduits dans le cadre des restructurations. Enfin, les opérateurs s'inquiètent des difficultés à recruter des travailleurs sociaux, dans tous les départements.

Ce budget est certes indispensable, mais il y a beaucoup d'inconnues. Beaucoup repose sur la solidarité, l'installation des centres d'accueil et d'orientation (CAO) le prouve.

M. Yvon Collin. - Élus locaux, nous savons que les dispositifs d'incitation fiscale à l'investissement locatif, du type « Duflot » et autres « Pinel » favorisent plus les effets d'aubaine que l'appropriation et le suivi du patrimoine. Des propriétaires de Lorient ou de Metz ont ainsi fait construire à Caussade... Ce patrimoine ne fait l'objet d'aucun suivi. Dans les opérations des offices publics de l'habitat (OPH) ou de l'Anah, en revanche, les propriétaires sont de vrais partenaires.

Y a-t-il eu un vrai bilan de cette politique ? Il est temps de la réorienter.

M. Michel Canevet. - Le logement est une préoccupation permanente dans notre pays. Les promesses du président de la République de construire 500 000 logements par an sont loin d'être réalisées. On ne cesse de déplorer le manque de logements. Or je doute que les mesures contraignantes des lois « Alur » et « SRU » apportent des réponses là où les besoins se font sentir.

Les crédits de l'Anah sont insuffisants pour répondre aux demandes. La rénovation de logements est pourtant la meilleure façon de réduire la consommation foncière. Les objectifs assignés sont loin d'être atteints.

À l'heure où nous débattons de l'imposition contemporaine, il est étonnant qu'il faille remonter deux ans en arrière pour évaluer les ressources des bénéficiaires des aides personnelles au logement. Pourquoi un tel décalage ? Il faut une réponse immédiate à la situation financière réelle des familles.

M. Jean-Claude Boulard. - Lors du dernier congrès HLM, les participants ont dénoncé le projet de prise en compte du patrimoine des bénéficiaires pour le calcul des aides personnelles au logement. Le seuil serait fixé à 30 000 euros ; la question n'est pas sur le principe mais y seront compris les livrets A et livrets d'épargne populaire. Pour certains, c'est l'épargne d'une vie. Cette mesure choque.

L'aide à la pierre a toujours été financée par le budget de l'État. Lorsqu'on prend 50 millions d'euros de plus sur la CGLLS, on demande aux locataires des logements sociaux de financer la construction ! Ce sujet ne suscite qu'indifférence, mais le principe de faire financer l'aide à la pierre par les plus modestes me choque.

M. Marc Laménie. - Avec 18,4 milliards de crédits, cette mission est importante aussi pour soutenir l'investissement et le secteur du bâtiment. Je m'étonne en passant que le taux de réponse aux questionnaires budgétaires ne soit que de de 21 %, quand il est de 95 % voire 100 % pour d'autres missions...

Les dépenses fiscales sont un vrai dilemme : certes, leur montant est important, mais les artisans demandent des taux réduits de TVA, pour limiter le travail au noir.

La délégation aux droits des femmes a demandé, dans un récent rapport d'information, davantage d'hébergement d'urgence pour les femmes victimes de violences conjugales. Un volet spécifique est-il prévu ?

Enfin, quelle peut être la pérennité de l'Anah, qui connait de grandes difficultés financières ?

M. Antoine Lefèvre. - Les nouvelles règles de calcul des aides personnelles au logement depuis octobre 2016 vont restreindre les aides pour de nombreux foyers : seront pris en compte la composition du foyer, le montant du loyer, la valeur du patrimoine du demandeur, livret A et livret d'épargne populaire compris. En outre, l'aide est supprimée au-delà de certains plafonds. De nombreux locataires, jeunes ou retraités, sont pénalisés, ainsi que des personnes en situation de handicap disposant d'une rente survie ou d'un contrat épargne handicap. Il est anormal que des rentes sociales entraînent la baisse de l'aide personnelle au logement pour des personnes ayant des difficultés à accéder au logement.

Concernant les prêts aux bailleurs sociaux, je partage la prudence du rapporteur. Et il faut des critères d'équité territoriale dans la répartition des enveloppes des prêts de « haut de bilan ».

M. Michel Bouvard. - Les « décotes Duflot » n'apparaissent ni dans les crédits budgétaires, ni dans les dépenses fiscales, alors qu'elles représentent un trou significatif dans les recettes de l'État. Elles portent principalement sur des opérations de logement de la Ville de Paris. Il est anormal que l'État se prive de recettes alors que, dans le même temps, la Ville de Paris réalise des cessions foncières à plein tarif, sans décote.

Le montant des dépenses fiscales est d'un ordre de grandeur comparable à celui des crédits de la mission, ce qui pose la question de leur efficacité et de la stratégie consolidée du ministre du logement entre dépenses fiscales et crédits budgétaires. Le gouvernement a-t-il bien pris en compte ces deux volets dans la construction de son budget ?

Les opérateurs ne perçoivent pas de crédits budgétaires, mais des recettes affectées. Où en est-on dans la mise en oeuvre et le suivi des conventions entre l'État et ces opérateurs ?

M. Bernard Delcros. - Les 230 millions supplémentaires du programme 177 seront-ils suffisants pour éviter la sous-budgétisation des années précédentes ?

Je partage l'avis du rapporteur général : trouvons des solutions pour donner à l'Anah les moyens de remplir ses missions. Comment accepter de voir pousser des constructions neuves à côté de logements vacants non rénovés faute de financement ?

Si la priorité donnée aux zones tendues est compréhensible, on ne peut pour autant supprimer toute construction dans les zones non tendues. Il faut tenir compte de la typologie des foyers, du nombre de personnes âgées et de familles monoparentales - sans compter que la construction soutient les emplois dans le secteur du bâtiment.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - Je partage le point de vue du rapporteur général sur l'Anah. Il faut remplacer les quotas carbone par des crédits budgétaires ou trouver une recette pérenne.

Monsieur Morisset, vous êtes bien indulgent de dire que l'État s'est trompé en loi de finances initiale : l'État savait très bien qu'il sous-budgétisait en 2015 et 2016, et qu'il faudrait abonder les crédits en cours d'année ! 2017 est la première année où l'on constate un rebasage bienvenu des crédits - à défaut d'être suffisant en raison de la crise migratoire.

Ce budget est-il soutenable ? D'année en année, on augmente les crédits pour ouvrir de nouvelles places d'hébergement d'urgence. Le système est embolisé, car il n'y a pas de sortie de l'hébergement vers le logement. En Île-de-France, 50 % des personnes hébergées dans les résidences que nous avons visitées étaient à « droits incomplets », c'est-à-dire en situation irrégulière, et ne pouvaient donc prétendre à un logement. D'où cette fuite en avant.

Il n'y a pas encore de bilan du « dispositif Pinel », trop récent. Cela dit, la commission des finances s'était penchée sur les dispositifs précédents, dénonçant notamment le zonage insuffisamment restrictif : des investisseurs imprudents se sont retrouvés avec un logement mal localisé, sans locataire... Avec le « dispositif Pinel », le zonage est resserré. Certains territoires sont attractifs, d'autres moins. Ainsi, le « dispositif Pinel » est peu utilisé en Seine-Saint-Denis.

Près de 410 000 logements seront construits en 2016, c'est un regain significatif après la dramatique période où Cécile Duflot était ministre. Les objectifs de construction de logements sociaux vont être atteints cette année et dans le privé, le « dispositif Pinel » a contribué à la relance de la construction. Les experts sont partagés sur le chiffrage des besoins : certains estiment qu'il faudrait 500 000 logements par an, d'autres, 330 000. Aujourd'hui, le rythme de construction est satisfaisant.

Le calcul des aides personnelles au logement se fait sur la base de l'année n-2, mais des dispositifs permettent de prendre en compte une éventuelle chute des ressources. Les personnes nouvellement embauchées et les étudiants ont également un régime à part.

Jean-Claude Boulard, les règles de prise en compte du patrimoine dans le calcul des aides personnelles au logement sont les mêmes que pour l'obtention du RSA. Personnellement, j'y suis favorable ; attendons le bilan.

Je crains que la tendance à la débudgétisation des aides à la pierre ne se poursuive. Je doute qu'un gouvernement agisse différemment, donc je reste prudent !

Un taux de réponse au questionnaire budgétaire de 21 % est effectivement lamentable. J'en ignore les causes.

En effet, il y a besoin de places d'hébergement spécifiques pour les femmes battues ou les personnes sortant de psychiatrie. J'essaie de trouver des solutions dans ma commune, mais les places sont rares et les services départementaux de l'État sont réticents à spécialiser les places d'hébergement.

Oui, il faut des crédits budgétaires pour l'Anah, je le redis.

Antoine Lefèvre, les personnes qui bénéficient de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ne devraient pas être concernées par la prise en compte du patrimoine dans le calcul des aides personnelles au logement. Une disposition dans le projet de loi de finances rectificative devrait confirmer cette exception.

Les prêts de « haut de bilan » doivent davantage bénéficier à la rénovation du patrimoine. La Caisse des dépôts et consignations est attentive à la territorialisation.

Je rejoins Michel Bouvard sur la « décote Duflot ». Les opérations parisiennes coûtent une fortune ! L'État devrait arbitrer entre crédits budgétaires et dépenses fiscales. On a vu, sous l'ère de Cécile Duflot, ce qu'il en coûtait à la construction quand on modifiait les règles.

Certes, le « dispositif Pinel » coûte cher, mais les précédents dispositifs sont en cours d'extinction. Il faut calibrer, territorialiser : nous avons appris des erreurs passées, et tout futur ministre du logement y sera attentif.

Je n'ai pas de réponse sur le suivi des conventions des opérateurs.

L'avenir dira si les crédits du programme 177 sont suffisants, avec la crise migratoire. En tout état de cause, il y a bien un rebasage.

Le débat sur la territorialisation des crédits entre zones tendues et zones détendues est récurrent. L'Île-de-France, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, la Savoie - notamment à la frontière suisse - ont des besoins très importants.

M. Michel Bouvard. - Pas seulement à la frontière !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - Cela ne signifie pas qu'on abandonne les zones moins tendues, et des efforts continuent d'être faits en leur direction.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Égalité des territoires et logement ».

Projet de loi de finances pour 2017 - Mission « Enseignement scolaire » - Examen du rapport spécial

La commission examine ensuite le rapport de MM. Gérard Longuet et Thierry Foucaud, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Enseignement scolaire » (et articles 55 octies et 55 nonies).

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. - La mission « Enseignement scolaire » sera dotée en 2017 de 70 milliards d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement, soit une augmentation de plus de 4 % de ses crédits, correspondant à 3 milliards d'euros, par rapport à 2016. Formidable !, direz-vous. Mon jugement est plus nuancé.

Parmi les points positifs, l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves (ISAE) versée aux enseignants du premier degré est revalorisée. Actuellement, les instituteurs ne perçoivent que 400 euros, les enseignants du secondaire, 1 200 euros. Le budget propose un alignement, qui bénéficiera à 300 000 enseignants. Cette mesure a un effet symbolique et matériel considérable ; j'y suis favorable.

Les moyens en faveur de l'enseignement technique agricole continuent de croître. Le programme 143 verra ses crédits augmenter de 2,5 % par rapport à 2016. Le coût unitaire de formation par élève devrait être contenu ; on optimise les heures d'enseignement, notamment en réduisant le nombre d'enseignements en très petits groupes qui coûtent cher.

Je salue l'effort entrepris en matière de scolarisation des élèves handicapés. En 2015-2016, ils étaient près de 280 000 à être scolarisés.

Enfin, le niveau de crédits alloués au fonds de soutien aux activités périscolaires, fixé à 373 millions d'euros, apparaît plus sincère que l'an dernier - il était alors de 319 millions d'euros.

Mais ce budget ne s'attaque pas au vrai problème, à savoir la diminution constante de la performance de l'enseignement français, selon les enquêtes nationales et internationales. Ainsi, seuls 82 % des élèves entrant en sixième maîtrisent la compétence 1 du socle commun (la maîtrise de la langue française) et 72 % la compétence 3 (principaux éléments de mathématiques et culture scientifique et technologique).

L'enquête PISA de 2012 montre que le fossé se creuse entre une élite scolaire dont le niveau continue de progresser et une part croissante d'élèves rencontrant des difficultés. Ces écarts s'expliquent notamment par le poids des déterminismes sociaux en France, pays de l'OCDE où le milieu d'origine a le plus d'influence sur les résultats scolaires.

Face à ce diagnostic, et conformément à ses engagements électoraux, le Gouvernement n'offre d'autre réponse que le dogme des effectifs.

M. Didier Guillaume. - C'est une des réponses...

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. - En 2017, 11 802 postes seront créés. Si les schémas d'emplois pour 2016 et pour 2017 étaient respectés, l'objectif de 55 000 créations de postes sur le quinquennat serait atteint. Mais la statistique est la forme suprême du mensonge ! En réalité, ces créations de postes mélangent différentes catégories de personnels : les assistants d'éducation pour 2 150 postes, les accompagnants aux élèves en situation de handicap pour 4 251 postes, les assistants de vie scolaire individuels pour 195 postes. En outre, près de la moitié de ces créations de postes concerne des stagiaires, qui n'enseignent qu'à mi-temps. Par ailleurs, les postes ouverts ne sont pas nécessairement pourvus. Entre 2012 et 2015, 4 075 postes sont ainsi restés vacants, qui plus est dans les matières les plus fondamentales - français, mathématiques et langues vivantes étrangères. C'est inquiétant et souligne le déficit d'attractivité de la profession.

Le Gouvernement a choisi une politique du chiffre dangereuse.

D'une part, les niveaux attendus aux concours de recrutement risquent de diminuer. Certains jurys de CAPES indiquent avoir pris en compte le nombre de postes ouverts dans la fixation des seuils d'admission et d'admissibilité plutôt que les capacités des impétrants. D'autre part, pour combler les vacances, le ministère a recours, dans l'urgence, à un nombre important de contractuels, recrutés parfois par simple appel téléphonique.

Le rééquilibrage en faveur du premier degré demeure insuffisant. L'augmentation de 3 milliards d'euros des dépenses de personnel résulte dans une large mesure de la mise en oeuvre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), général à la fonction publique. L'effort n'est donc pas ciblé sur le primaire.

Il n'y a pas non plus d'effort de maîtrise des dépenses non salariales. Ainsi, le coût du système d'information de gestion des ressources humaines Sirhen a explosé, passant d'une prévision de 80 millions d'euros à 323 millions d'euros. À l'heure actuelle, seuls 18 000 agents sont gérés par ce système d'information.

Le plan numérique à l'école se traduira par une dépense de 190 millions d'euros alors que les professionnels doutent de l'efficacité pédagogique de cette mesure. Les opérateurs de l'éducation nationale ne participent en rien à l'effort d'économie globale de fonctionnement. La subvention pour charges de service public des opérateurs augmentera de plus de 3 millions d'euros en 2017.

L'article 55 octies, introduit à l'Assemblée nationale, tire les conséquences de la pérennisation de la dérogation pour les communes qui organisent la semaine scolaire sur huit demi-journées, et concentrent toutes les activités périscolaires sur la neuvième demi-journée : elles pourront continuer à percevoir les aides du fonds de soutien aux activités périscolaires.

L'article 55 nonies prend en compte la suppression de l'échelonnement indiciaire spécifique dont bénéficiaient les enseignants bi-admissibles à l'agrégation, et qui leur rappelait le souvenir de leur double échec. Cette mesure adoptée par l'Assemblée nationale est bienvenue.

Parce que les 3 milliards d'euros mobilisés pour l'enseignement scolaire ne servent pas à opérer un rééquilibrage en faveur du primaire et, plus généralement, ne permettront pas de répondre aux vrais défis de l'éducation nationale, je vous propose de rejeter les crédits de la mission « Enseignement scolaire », même si je reconnais que sur certains points, il y a eu des gestes responsables.

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. - Avec 70 milliards d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement en 2017, la mission « Enseignement scolaire » constitue, de loin, le principal poste du budget de l'État. Cet effort, qui traduit le choix de notre pays de consacrer une part importante de ses dépenses publiques à la formation de sa jeunesse, constitue globalement un motif de satisfaction.

Le budget 2017 de la mission, en augmentation de près de 3 milliards d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, apporte certaines réponses. À la différence de Gérard Longuet, j'estime qu'il poursuit le chantier de reconstruction d'un vivier de personnels plus nombreux et mieux formés, après les coupes drastiques opérées sous le précédent Gouvernement : 80 000 postes avaient été supprimés en raison du non remplacement d'un départ sur deux à la retraite. Les effets de cette politique se font encore sentir, alors que les créations de postes annoncées concernent pour la moitié des enseignants stagiaires qui ne passent que la moitié de leur temps à enseigner, le reste étant consacré à la formation.

Il fallait augmenter les effectifs pour répondre à la hausse de la démographie scolaire - entre 2011 et 2015, le nombre d'élèves a augmenté de 7,7 % - mais aussi pour renforcer certains dispositifs en faveur des élèves rencontrant des difficultés particulières. Je pense aux réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté.

Les 11 802 créations de postes prévues étaient nécessaires mais seront insuffisantes pour répondre aux besoins de notre système éducatif.

Nous constatons tous, sur le terrain, la faiblesse du taux de remplacement des courtes absences, les difficultés des chefs d'établissement à mettre un enseignant devant chaque classe.

Le nombre élevé de postes vacants ou pourvus par des enseignants stagiaires contraint de nombreux établissements, souvent situés dans les académies les moins favorisées, à recourir à des enseignants contractuels qui ne sont généralement pas formés. Ce n'est pas acceptable, sachant que notre système scolaire figure parmi les plus inégalitaires de l'OCDE.

Cette situation doit s'analyser au regard de la faible attractivité du métier d'enseignant, liée à la dégradation des conditions de travail et de la condition matérielle des enseignants.

Un effort significatif en matière de rémunération a certes été entrepris ces dernières années avec la création de l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves versée aux enseignants du premier degré depuis 2013 ou encore la revalorisation des indemnités pour les enseignants de l'éducation prioritaire. Cet effort sera amplifié en 2017.

Le premier degré demeure cependant le parent pauvre de notre système, alors que les difficultés scolaires se cristallisent à cette période. Les études nationales et internationales montrent que la proportion d'élèves ne maîtrisant pas les compétences fondamentales en fin de CE1, de l'ordre de 20 %, est à peu près la même en fin de troisième. L'effort de rééquilibrage en faveur du primaire mérite d'être poursuivi.

Plus généralement, la mise en oeuvre du protocole « Parcours professionnel, carrières et rémunérations » (PPCR), dont le coût pour 2017 est estimé, contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » comprise, à plus de 780 millions d'euros, se traduira par des hausses de revenu significatives pour les enseignants. Ce geste, bien que trop tardif, était attendu.

Néanmoins, comme Gérard Longuet, je pense qu'un effort plus soutenu aurait pu être fait en faveur des enseignants les plus jeunes, alors que le protocole « Parcours professionnel, carrières et rémunérations » se concentre sur la fin de carrière.

Le plan en faveur de la jeunesse annoncé en avril 2016 par le Premier ministre, dont le coût est estimé à 72 millions d'euros en 2017, comporte différentes mesures qui vont dans le bon sens.

L'aide à la recherche du premier emploi (ARPE) destinée aux jeunes de moins de vingt-huit ans permettra d'assurer la transition entre l'école et la vie professionnelle. Je regrette cependant que l'Assemblée nationale ait voté un amendement du Gouvernement visant à diminuer de 47,5 millions d'euros les crédits consacrés à ces dispositifs.

L'an dernier, je m'étais inquiété de la réforme annoncée des bourses de lycée. Le dispositif qui nous est proposé devrait se traduire par une simplification des conditions d'attribution et par une augmentation de l'ordre de 10 % des montants, soit 25 millions d'euros supplémentaires. Attention toutefois à ce que les nouvelles modalités d'attribution ne se traduisent pas par une diminution du nombre de bénéficiaires.

Si le budget 2017 de la mission « Enseignement scolaire » présente certains points de satisfaction, il me semble manquer d'ambition face, par exemple, au déficit d'attractivité du métier d'enseignant, lié notamment à la faiblesse des salaires en début de carrière.

Par ailleurs, l'effort de 100 millions d'euros consacré à la formation continue en 2017 est un minimum compte tenu de la mise en oeuvre de la réforme du collège et de la volonté de développer l'usage du numérique dans les établissements. Aussi je vous proposerai de vous abstenir sur ce budget.

Je considère que les dérogations prévues par le décret « Hamon », puis le décret du 1er août 2016, tendent purement et simplement à revenir sur la réforme des rythmes scolaires. Néanmoins, la suppression de l'article 55 octies aurait pour conséquence de pénaliser financièrement les communes ayant mis en oeuvre ces dérogations. Aussi, je m'abstiendrai sur cet article.

S'agissant de l'article 55 nonies, il me semble relever du domaine règlementaire. Le ministère m'a cependant indiqué que l'inscription au niveau législatif permettrait d'en asseoir le fondement juridique. Je m'abstiendrai donc également sur cet article.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Merci à nos rapporteurs, dont le constat ressemble étrangement à celui de l'année dernière. Les choses n'ont pas beaucoup changé. Malheureusement, dans le classement PISA, la France recule. Plus inquiétant, la France est, en matière d'éducation, de plus en plus inégalitaire, avec d'un côté un enseignement élitiste et, de l'autre, une frange de la population scolaire écartée des savoirs fondamentaux. Je regrette que le Gouvernement ait mis fin à des expériences utiles, comme les internats d'excellence devenus « internats de la réussite » ou d'autres solutions à destination des élèves en très grande difficulté, en décrochage ou exclus du système scolaire.

Nous consacrons beaucoup de moyens à l'enseignement, mais notre système scolaire laisse de côté beaucoup d'élèves. La France consacre plutôt moins de moyens au primaire que les autres pays, au profit du secondaire, qui se disperse, propose beaucoup trop d'options. Pour ma part, dans mon lycée du centre de Paris, j'avais choisi l'option menuiserie...

Concentrons les moyens sur les savoirs fondamentaux, sur le primaire, où la France est en retrait, et essayons d'offrir des solutions adaptées aux élèves les plus en difficulté. L'augmentation des effectifs n'est pas la réponse et ne se traduit pas par une réduction des inégalités ; le classement PISA est à cet égard très inquiétant.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis de la commission de la culture. - Ce budget connaît il est vrai une hausse importante : 3 milliards d'euros, c'est trois fois le budget de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Mais les deux tiers de cette augmentation sont dus aux augmentations de salaires et de pensions : seulement 1,2 milliard d'euros sont consacrés aux politiques éducatives, ce qui n'est pas négligeable, je l'admets.

Comme l'a dit Gérard Longuet, ce budget ne s'attaque pas à la vraie cause de l'échec scolaire, à savoir l'échec dans le premier segment du primaire - dernière année de maternelle, CP et CE1, ce « premier cycle » prévu par la loi « Jospin » mais jamais appliqué. L'avenir scolaire d'un jeune est quasiment scellé le jour de son septième anniversaire. Sur les 140 000 jeunes qui sortent sans diplôme ni qualification du système scolaire, un sur deux avait soit redoublé le CP, soit connu des difficultés au cours de ce premier cycle, dans un pays où le déterminisme social est total. Il faut donc faire porter les efforts sur ce cycle. Des crédits ont été redéployés mais ils demeurent largement insuffisants et l'on accorde trop peu de moyens aux pédagogies qui permettraient aux enseignants, pour peu qu'ils y soient formés, de tenter d'améliorer les choses.

En outre, le métier de professeur des écoles n'est pas assez attractif ; leur rémunération est inférieure de 20 % à celle des professeurs du secondaire ; sur une carrière, elle est inférieure de 30 % à celle de leurs homologues allemands. L'inflation budgétaire n'est manifestement pas la réponse, puisque le budget de l'enseignement scolaire a doublé ces vingt dernières années.

À son arrivée au ministère de l'éducation nationale, Jack Lang lancé un plan de création de 185 000 postes d'enseignant sur cinq ans. Or selon l'enquête PISA de 2010, qui portait sur les enfants qui avaient bénéficié de ces moyens supplémentaires, les résultats ne se sont pas améliorés. Il faut donc redéployer les moyens vers le primaire, former les enseignants à des pédagogies adaptées pour rattraper les jeunes décrocheurs.

C'est pourquoi je proposerai à la commission de la culture de proposer au Sénat de rejeter les crédits de la mission, sans nier les efforts qui ont été faits dans certains domaines, mais qui restent insuffisants.

M. Maurice Vincent. - La majorité sénatoriale a décidé qu'il n'était pas souhaitable de débattre du budget. Je le regrette d'autant plus que nos rapporteurs spéciaux ont bien travaillé - en particulier pour parler d'autre chose que du budget ! Le Gouvernement a encore mieux travaillé en présentant un budget que nous aurions eu plaisir à défendre. Peut-être est-ce pour cela, d'ailleurs, que vous avez décidé de ne pas en discuter. Nous ne sommes pas d'accord avec la proposition de notre rapporteur Gérard Longuet de rejeter les crédits. C'est un budget à mettre sous verre, quand on entend ce qui, peut-être, nous arrivera l'année prochaine.

M. Vincent Delahaye. - Année après année, les moyens par élève sont plus élevés que la moyenne tandis que les résultats et le niveau sont inférieurs à la moyenne, de même que la rémunération des enseignants, et l'on ne consacre pas suffisamment de moyens au premier degré.

Le diagnostic est clair, mais rien ne change. Ce projet de budget ne marque aucune inflexion, et ne propose que de poursuivre les créations de postes.

J'aimerais disposer d'un tableau synthétique retraçant l'évolution du nombre d'élèves, du nombre de classes et du nombre d'enseignants.

La réforme des rythmes scolaires reste contestée et contestable. J'aimerais qu'on en dresse le bilan. L'État y consacre 373 millions d'euros, somme jugée plus sincère par nos rapporteurs. Mais si l'on ajoute le coût pour les collectivités locales, quel est son coût global en année pleine ? Il faudra qu'un prochain gouvernement revienne sur cette réforme.

Le groupe de l'UDI-UC s'associera à la proposition de Gérard Longuet de rejeter ce projet de budget.

M. Éric Bocquet. - Je suis toujours réservé sur l'emploi du terme de « performance » à propos du système éducatif.

Le déterminisme social est malheureusement une réalité ; la catégorie sociale de l'élève détermine son bagage culturel et lexical à l'entrée en CP, et même en maternelle. Un élève qui réussit en CP dispose de deux fois plus de mots qu'un élève en difficulté. La situation se dégrade. Si notre pays est encore capable de former l'élite dont il a besoin, il laisse malheureusement de côté beaucoup trop d'élèves.

Les inégalités sociales croissent dans notre pays. Comment vit un enfant dont la famille fréquente les Restaurants du coeur ? Quelle est son appétence pour l'éducation, pour l'école, quel est son projet, sa motivation, son avenir ? Sans tomber dans le misérabilisme, il faut avoir cela en tête.

Les écarts s'accroissent au fil de la scolarité, jusqu'à doubler. Les moyens humains ne régleront certes pas tout et l'école ne pourra pas résorber seule ces inégalités - il faut en parallèle poser la question du chômage, des inégalités de revenus, etc. -, mais ils sont quand même essentiels : une classe de vingt-quatre élèves autonomes ou une classe de quinze élèves en difficulté, ce n'est pas la même chose et la réussite n'est pas la même au bout.

M. Dominique de Legge. - On note une progression importante des effectifs d'élèves en situation de handicap : plus 53 415 élèves, soit 23 %. Faut-il y voir un meilleur accueil et une meilleure intégration des enfants en situation de handicap en milieu ordinaire ou bien une augmentation du nombre de personnes en situation de handicap ? Dans ce cas, quelle est la nature du handicap ?

M. Marc Laménie. - Il s'agit là du premier budget de la nation - plus de 70 milliards d'euros. Les moyens humains sont indispensables, mais, en dépit du dévouement des enseignants, les difficultés rencontrées sont nombreuses et cruelles.

Entre 1980 et 2015, les dépenses engagées par l'État, les collectivités territoriales et les ménages sont passées de 66 milliards d'euros à 130 milliards d'euros. Comment se répartissent les personnels entre l'administration centrale et les classes d'enseignement ? Les programmes sont de plus en plus denses alors que les fondamentaux - l'écriture, la lecture, le calcul - sont trop souvent laissés de côté. C'est réellement sur le premier degré que devraient porter les efforts.

Mme Marie-France Beaufils. - N'en déplaise à Gérard Longuet, l'éducation prioritaire a démontré que le travail en petits groupes, particulièrement dans le primaire, avait bien souvent permis à des enfants d'entrer au collège mieux armés. C'est un point sur lequel il ne faut pas céder.

L'enseignement agricole a également su, avec des petits groupes, aider des élèves à rattraper leurs difficultés et obtenir de très bons résultats. Malheureusement, ces classes spécifiques n'ont pas été maintenues.

Par ailleurs, je sais que le ministère de l'éducation a engagé un travail d'audit et d'analyse des nouveaux rythmes scolaires. Ma ville a été partie prenante à ce travail d'appréciation. A-t-on eu quelques échos ?

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. - Je partage l'analyse du rapporteur général : le qualitatif et l'orientation vers des procédures de succès sont absentes de ce projet de budget. C'est pourquoi nous considérons que les moyens ne sont pas mobilisés en faveur de ce qui est le plus important : l'enseignement primaire et le soutien aux pédagogies qui marchent.

Pour répondre à Marie-France Beaufils, le travail en petits groupes permet incontestablement de remettre dans le « droit chemin » des élèves qui s'en éloigneraient. Ce que nous reprochons au système, c'est l'absence de détection en amont : on ne prête pas assez d'attention aux difficultés constatées ab initio chez les très jeunes enfants dont le vocabulaire est trop limité - on en revient au déterminisme social - parce qu'ils sont issus d'un milieu où le vocabulaire est insuffisamment étendu, différencié, adapté. Si nous portions un regard plus attentif sur le tout début du primaire, nous éviterions les sessions de rattrapage.

Le coût budgétaire des petits groupes pose essentiellement problème dans l'enseignement secondaire et dans l'enseignement professionnel. En tant qu'élus locaux, nous sommes comptables : nous voulons toujours maintenir les établissements et récusons des regroupements qui seraient pertinents. Je parle d'expérience, élu d'une région de tradition industrielle où les lycées professionnels ont repris les formations d'organismes créés grâce à des initiatives privées patronales, consulaires ou paternalistes. Chaque établissement cultive sa singularité ; il s'ensuit une grande dispersion des moyens avec un ratio enseignant par élève très faibles. Cela coûte très cher et n'a guère d'utilité.

Quand il s'agit de rattraper un retard en lecture, le travail en petits groupes peut être pertinent, mais on évitera d'en arriver là si l'on décèle les difficultés en amont.

La commission a demandé à votre rapporteur spécial de travailler sur les heures supplémentaires dans le second degré. Ce travail, qui sera restitué début décembre, sera l'occasion d'aborder la question de la durée du travail de l'enseignant, problème à peu près sans solution statistique car nous ne sommes pas dans une logique comptable comparable aux minutes de production dans la confection ou dans l'emboutissage.

Je ne réponds pas à Jean-Claude Carle, dont je partage entièrement le point de vue.

À Maurice Vincent, je répondrai que nous aurons un débat non pas sur le budget, mais sur les heures supplémentaires, lors de la restitution du travail que j'ai mené le 7 décembre. Quand un budget est consacré essentiellement aux salaires, on peut demander si le temps de travail est utilisé pertinemment. Vous avez raison de souligner la nécessité d'un effort quantitatif et nous avons raison de dire que cet effort, s'il n'est pas doublé une réflexion qualitative sur l'utilisation de cette masse d'heures considérable, risque de nous faire perdre un peu d'argent.

Pour répondre à la remarque de Vincent Delahaye, une synthèse des statistiques sur les élèves, les classes et les enseignants manque en effet, il s'agit de l'une des recommandations que je formule dans mon rapport sur les heures supplémentaires.

L'association des maires de France évalue le coût global du périscolaire à un montant compris entre un milliard d'euros et 1,2 milliard d'euros ; la contribution de l'État représente donc un petit tiers du coût total. Le problème, c'est le secondaire, notamment son deuxième cycle : les moyens sont trop importants par rapport aux performances.

Éric Bocquet a malheureusement raison d'évoquer le déterminisme social et la reproduction des inégalités sociales. L'action des collectivités locales pour essayer d'impliquer les élus, les associations et les parents devrait constituer une réponse. Si l'on considère l'éducation nationale comme un producteur et les parents comme de simples consommateurs, on va l'échec. Je constate, y compris dans des quartiers difficiles, le développement de l'enseignement privé sous contrat. Cela résulte de l'engagement des parents. Toute action d'enseignement qui ne mobilise pas les parents, qui ne les oblige pas à s'intéresser à l'éducation de leurs enfants est condamnée à perpétuer le déterminisme social. C'est aussi l'occasion de mettre les parents à niveau.

Les chiffres évoqués par Dominique de Legge traduisent une meilleure compréhension des élèves en situation de handicap. Le handicap est-il, comme l'horizon, une ligne qui recule à mesure qu'on avance ? Je pense en effet que le handicap « traditionnel » s'efface au profit d'un handicap psychologique plus subtil mais réel. Où situer la frontière entre le handicap structurel et le handicap déterminé par l'environnement ? On s'aperçoit que les inadaptations traditionnelles diminuent en nombre grâce aux progrès de la médecine, mais qu'en revanche les inadaptations à la vie collective s'accroissent, pour des raisons plus sociales que somatiques.

Pour répondre à Marc Laménie, l'enseignement est supporté par l'État mais aussi par les collectivités locales et par les familles. Les défaillances de l'un sont-elles compensées par les autres ? Non. Il faudrait un partage des responsabilités et des engagements. Je constate que les ménages dépensent plus et n'hésitent pas, quitte à « se saigner », à s'adresser à l'enseignement hors contrat, dans le secondaire comme dans le supérieur : c'est une réponse, pas toujours pertinente, à une inquiétude. Pour nous tous qui avons la passion du service public et de la réussite publique, c'est un peu décevant. Bien que libéral, je n'ai pas envie pour autant de « marchandiser » complètement l'enseignement. Il suffit d'ailleurs d'observer les publicités dans les transports en commun pour les services de soutien scolaire.

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. - Je vais me situer peut-être un peu plus dans l'idéologie...

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. - Dans la conviction !

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. - Il me semble que les difficultés rencontrées par notre système scolaire résultent de choix politiques.

Nous avons rencontré à la fois les organisations enseignantes, les parents d'élèves, qui ont évoqué ces problèmes et proposé des solutions. Peut-être faudrait-il faire une synthèse de toutes ces propositions pour introduire de l'efficacité dans notre système scolaire.

On croit détenir la vérité ; or je crois plutôt que c'est la vérité qui nous tient.

S'agissant des rythmes scolaires, peut-être faut-il aborder les choses autrement pour satisfaire les aspirations des Françaises et des Français. Parents d'élèves, organisations d'enseignants ou personnels de l'éducation nationale, le premier reproche qu'ils peuvent nous faire, c'est de ne pas les écouter.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des articles 55 octies et 55 nonies.

Projet de loi de finances pour 2017 - Mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » - Compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » - Examen du rapport spécial

Puis la commission examine le rapport de MM. Alain Houpert et Yannick Botrel, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et sur le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

M. Alain Houpert, rapporteur spécial. - Nous examinons le dernier budget agricole de la législature, ou plutôt le budget agricole de la dernière année de la législature. Le collectif de fin d'année représente à lui seul un petit budget agricole puisqu'il demande l'ouverture de 889 millions d'euros d'autorisations d'engagement nouvelles, soit 32 % des autorisations d'engagement ouvertes en loi de finances initiale pour 2016. C'est dire si celle-ci était sincère !

Le projet que nous examinons ne paraît pas l'être davantage puisqu'il est marqué par une série de sous-dotations. Je veux parler des risques de refus d'apurement, qui, quant aux refus passés, ne sont toujours pas complètement réglés quand d'autres risques, estimés à plus de 600 millions d'euros, ne sont nullement provisionnés. On pourrait aussi évoquer les suites des contentieux avec les vétérinaires en mission, qui ne sont budgétées que partiellement, l'impasse totale sur les conséquences budgétaires de certaines situations, comme celles que connaissent certains laboratoires d'analyses, ou des hypothèses de budgétisation favorables, par exemple sur le cours du bois, qui permet de minorer les besoins de financement de l'Office national des forêts.

La programmation budgétaire assure-t-elle une traduction suffisante des annonces que le Gouvernement a multipliées ces deux dernières années ? Force est de regretter que les plans successifs ne font l'objet d'aucun suivi circonstancié dans les documents budgétaires, si bien qu'il est impossible d'en mesurer la portée, tant pour les finances publiques que pour les exploitants. Cela appelle des progrès de transparence, d'autant que ces plans recourent à des mesures, souvent indirectes, susceptibles d'applications très diverses selon la mobilisation des services.

Bref, on voit clair sur les sous-budgétisations, mais pas sur la budgétisation des mesures d'urgence qui ont rythmé la vie agricole de ces deux dernières années. Plus généralement, les mécanismes d'amortissement des crises doivent être moins discrétionnaires et d'application plus simple. Des propositions utiles ont été formulées sur ce point, en particulier la proposition de loi de Jean-Claude Lenoir, qui aurait mérité un autre sort à l'Assemblée nationale. Nous devrons revenir sur ce dossier. Le collectif chiffre à 193,3 millions d'euros les autorisations d'engagement rattachables au plan annoncé le 4 octobre dernier. En réalité, cette imputation est invérifiable. Surtout, se pose la question de l'adéquation entre les transferts prévus et les pertes de revenu prévisibles.

L'agriculture française subit des crises très graves : les végétaux, la viticulture sont touchés à leur tour, alors que la crise laitière persiste. La production agricole, déjà en baisse en 2015, devrait chuter en 2016 avec la combinaison de la baisse des prix et de l'effondrement des rendements. Une baisse de 1 % des revenus, c'est 140 millions d'euros en moins. Or la variation risque d'être bien supérieure. Une baisse de 5 % de la valeur de la production, c'est 700 millions de pertes de revenu. La baisse pourrait être de 30 % dans certains cas. Cela mérite une plus grande clarté budgétaire mais aussi opérationnelle et davantage de moyens que ceux retracés ici.

Certains choix de budgétisation défient l'entendement. Alors qu'on ouvre près de 200 millions d'euros en collectif au titre de la gestion des crises et des aléas de production, les crédits figurant sous ce chapitre s'élèvent à 5,5 millions d'euros. Autant dire que la programmation budgétaire pour 2017 fait le pari, pour le moins audacieux, de l'absence de crises.

Depuis 2010, nous avons perdu 10 % de nos exploitations. L'emploi agricole baisse, l'excédent commercial fond. Les crises conjoncturelles frappent une agriculture structurellement fragilisée et qui n'investit plus. En volume, l'investissement agricole est en 2015 au même niveau qu'en 1980 ! Au cours de cette période, les prix de l'investissement ont presque triplé : les exploitants n'ont pas les moyens de suivre. Cette crise de l'investissement fait à l'évidence partie du défi plus large de redresser l'agriculture française.

Certains ne manqueront pas de voir dans la progression des crédits du budget 2017 une contribution en ce sens. De fait, les masses budgétaires de la mission s'accroissent de 24,9 % en crédits de paiement, et même de 40,3 % pour le programme 149 qui finance les actions structurelles. Évolution largement optique, qui découle de la budgétisation, pour 480 millions d'euros, d'une compensation au titre de la réduction du taux de cotisation sociale d'assurance maladie - une mesure certes utile, mais qui s'applique depuis 2016. Bref, cela ne change pas la situation des exploitants.

Au demeurant, si l'on intègre les dotations demandées dans le collectif, ce n'est plus la hausse affichée qu'il faut retenir, mais, au contraire, une baisse des dotations, illustration de la relativité des communications budgétaires.

Pour redresser l'agriculture, il faut assurer un revenu rémunérateur aux agriculteurs. La nouvelle politique agricole commune (PAC) présente des failles de ce point de vue. Compte tenu de notre contribution au budget européen, le compromis agricole aurait pu mieux tenir compte de l'exposition aux crises d'une agriculture très diversifiée, mais aussi, plus largement, de la nécessité de défendre l'Europe agricole dans un contexte de concurrence internationale croissante. Au demeurant, la PAC n'est pas à l'abri des pratiques peu loyales de certains de nos partenaires en matière de coût du travail et de fiscalité.

La France, toujours présentée comme la première bénéficiaire de la PAC, n'arrive en réalité qu'au onzième rang des pays de l'Union quand on rapporte les versements au nombre d'habitants. Preuve que notre agriculture est remarquablement productive, mais aussi que nous pourrions négocier des enveloppes plus élevées.

Encore faudrait-il que nous en profitions réellement. J'ai parlé des refus d'apurement qui amputent nos retours en provenance du budget européen. Le refus de l'Union européenne de nous déléguer nos enveloppes dans le cadre de la nouvelle PAC nous oblige par surcroît à recourir à un système d'apports de trésorerie remboursables qui ne recueille pas les suffrages de nos agriculteurs. Le nombre de demandes déposées entre la précédente et l'actuelle campagne a chuté d'un tiers, de près de 100 000 dossiers, ce qui témoigne de l'insatisfaction des bénéficiaires. Surtout, il est temps que les enveloppes européennes soient réellement accessibles !

Quelques observations pour conclure.

Les moyens de notre politique agricole sont de plus en plus sollicités par la récurrence des crises et par la perte de compétitivité. La mission devient une sorte de second volet du premier pilier de la PAC, au risque de délaisser le développement rural qui est pourtant son objet même. Le report de la montée en charge du paiement distributif, que le Gouvernement avait présenté comme un choix fort de gestion de l'enveloppe européenne de la France agricole au service d'une agriculture diversifiée, est de ce point de vue emblématique.

L'inclusion de l'indemnité compensatrice de handicap naturel (ICHN) dans la base du régime du micro-bénéfice agricole se traduit par une surcharge fiscale, problème qu'il faudra surmonter car il n'entrait pas dans nos intentions qu'il en aille ainsi quand nous avons accepté, à la va-vite, le « micro-BA » dans le collectif de fin d'année 2015. De même, il nous faudra tirer les conséquences des difficultés que suscitent une série de petites taxes, dont la taxe sur les farines. Nous allons peut-être revenir à 1775, quand Turgot a provoqué le premier mouvement social contre le libéralisme ! L'Assemblée nationale a supprimé cette taxe l'an dernier sans proposer de solution pour financer les 67 millions d'euros qui devaient aller à la Mutualité sociale agricole.

Enfin, nous devrons consolider les instruments de la politique de sécurité sanitaire et développer le volet international de notre action.

Le budget agricole se caractérise par un empilement indigeste de mesures d'urgence, sans solutions structurelles. Les propositions, pourtant, ne manquaient pas : je vous renvoie à la proposition de loi de Jean-Claude Lenoir. Plutôt que des micromesures, il aurait fallu une réponse globale transpartisane, à la hauteur de la situation. L'éleveur et l'agriculteur sont les derniers remparts à la friche !

Je vous propose de rejeter les crédits de cette mission.

Quant à elle, la programmation financière du compte d'affectation spéciale (CAS) « Développement agricole et rural » laisse perplexe, avec des prévisions de recettes très surévaluées et des mesures d'annulation de crédits en gestion récurrentes pour des montants élevés. Des programmes sont en cours et une évaluation de la contribution des dépenses du CAS aux innovations dans l'agriculture sera présentée dans les mois à venir. Dès lors, je vous propose d'adopter ses crédits.

Je conclurai en évoquant l'interdiction du diméthoate, dont on pulvérise les cerises notamment. Nous avons tous voulu donner à notre agriculture une orientation bio. Les résultats sont paradoxaux avec, d'un côté, l'augmentation des surfaces agricoles en bio mais, de l'autre, le plan Écophyto qui n'obtient pas suffisamment de résultats.

M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. - Je partage nombre des analyses de mon corapporteur, mais je n'en tire pas toujours les mêmes conclusions. Pour ma part, j'invite nos collègues à adopter les crédits de cette mission.

Il est exact que la budgétisation de la réduction de la cotisation d'assurance maladie des exploitants agricoles explique pour une bonne part l'évolution des crédits. Elle équivaut en moyenne à près de 1 000 euros transférés aux exploitants, pour une dépense totale de 480 millions d'euros. Il est également exact qu'elle ne constitue pas une mesure réellement nouvelle puisqu'elle s'applique depuis le début de 2016. Il s'agit d'une mesure pérenne de baisse des charges qui améliore le revenu net agricole et la compétitivité de nos exploitations. Elle répond à une revendication ancienne de la profession agricole.

Malgré l'adoption successive de plusieurs plans d'urgence, qui démontrent la grande attention du Gouvernement pour un monde agricole fortement éprouvé par les dérèglements de marché et par les aléas climatiques, les interventions plus classiques du budget ont été préservées et même amplifiées.

Les aides au titre de l'ICHN, des mesures agroenvironnementales et climatiques et des filières d'outre-mer sont revalorisées.

Quant aux difficultés d'exécution du budget européen, elles ont des prolongements potentiellement défavorables pour la France. Les refus d'apurement réduisent considérablement les « retours » dont notre pays aurait dû bénéficier.

Je remarque d'abord que cette situation est largement un héritage du passé, puisque la période considérée va de 2008 à 2012. J'observe aussi que le Gouvernement a pris des mesures vigoureuses : un plan complet a été mis en oeuvre, avec une indispensable refonte du registre parcellaire. Par ailleurs, nous devons être attentifs aux opérations de cartographie des zones simples défavorisées qui conditionnent l'éligibilité à certaines aides. Interrogé au Sénat, le ministre a fait part de toute sa vigilance et de celle de ses services.

Enfin, il semble que la France soit un des pays les moins pénalisés en proportion au titre des apurements. Comme son enveloppe est large, de l'ordre de 9 milliards d'euros, le total apparaît plus élevé que pour d'autres. Cependant, les entreprises agricoles concurrentes des nôtres bénéficient beaucoup plus que les nôtres de paiements indus, ce qui constitue pour elles un avantage concurrentiel peu loyal. Il faudra être vigilant, d'autant que le secteur agricole peut être pénalisé par des pratiques concurrentielles déloyales comme le recours aux travailleurs détachés dans certaines industries agroalimentaires.

Le retard pris dans le versement des aides directes au titre de la PAC a plusieurs causes. Le système d'identification des parcelles agricoles a dû être refondu à la suite de l'apurement de la période 2008-2012. Autre cause, le passage à la nouvelle PAC et le passage des droits à paiement unique aux droits à paiement de base, qui a suscité un certain nombre de difficultés dans les directions départementales.

L'Agence de services et de paiement (ASP) a nettement sous-estimé le développement informatique à mettre en oeuvre afin de traiter les dossiers PAC : clairement, les retards constatés dans le versement des droits sont largement imputables à cette erreur. Je sais que cette question fait l'objet de toute la vigilance du ministère et qu'un effort budgétaire est prévu dans le collectif de fin d'année.

Dans ces conditions, la mise en place des aides de trésorerie remboursable s'est avérée le moyen le plus efficace de soutenir les exploitations, même si le système a pu présenter des insuffisances, en particulier en ce qui concerne les mesures agroenvironnementales et climatiques ou les aides versées aux producteurs bio.

Par ailleurs, il ne me parait pas utile d'inscrire au budget des crédits représentant des risques sanitaires dont le montant n'est par définition pas connu. Cela n'a du reste jamais été fait. Comment alors intenter au Gouvernement un procès en insincérité ?

Sur la forêt, les crédits proposés sont plus stables. Cela témoigne plutôt d'un certain redressement et doit être apprécié en fonction des économies liées à l'achèvement des travaux consécutifs à la tempête Klaus. Les économies rendues possibles par les travaux déjà réalisés sont recyclées pour soutenir l'investissement forestier et réhabiliter les terrains montagneux.

L'Office national des forêts se porte mieux. Son nouveau contrat d'objectifs et de performances, négocié avec l'État et les communes forestières, préserve ses moyens tout en lui fixant des objectifs de mobilisation de la ressource plus élevés qu'on n'aurait pu le craindre.

Reste que l'économie forestière est vulnérable au cours du bois, variable clef du budget. Nous devrons reboiser si nous voulons concilier l'ensemble des usages, dans le contexte de l'application de la loi sur la transition énergétique et de nos engagements internationaux. Le fonds stratégique devra sans doute trouver des moyens supplémentaires. Nous devons aussi encourager l'ONF à mener à terme ses réformes internes, qui sont en bonne voie.

Nous vous rendrons bientôt compte de notre mission de contrôle sur la sécurité sanitaire des aliments, composante capitale dans ses aspects sanitaire, économique et budgétaire. Le collectif demande ainsi 158 millions d'euros au titre de la compensation des pertes de revenu liées à la crise de l'influenza aviaire. Le suivi de terrain peut être défaillant dans certaines zones compte tenu du manque de vétérinaires libéraux, qui font le lien avec les administrations de l'État.

Les sujets d'inquiétudes ne manquent pas, liées à la fièvre catarrhale ovine ou à la résurgence de certaines maladies comme la tuberculose bovine. Si nous devons solder l'affaire des vétérinaires en mission et de leurs droits à retraite, le Gouvernement n'est pas revenu sur son engagement de créer 180 postes d'inspection dans les abattoirs. Inutile de vous dire combien ces moyens sont nécessaires. L'engagement est tenu et en trois ans, les 180 postes auront été créés.

Je conclus en vous recommandant l'adoption des crédits de la mission et du compte d'affectation spéciale pour 2017. Dans un contexte éprouvant pour les filières et pour les exploitations, alors qu'il a fallu faire face à des dépenses exceptionnelles pour répondre à des exigences qui avaient été peut-être négligées dans le passé, le budget 2017 témoigne du sérieux avec lequel le Gouvernement a réagi aux graves difficultés des producteurs et de la continuité de son action au service d'un développement rural durable.

M. Michel Bouvard. - Je suis sensible à la mention des problèmes que rencontre Osiris, source de difficultés sur le terrain pour les agriculteurs qui ne reçoivent pas les fonds attendus.

La Cour des comptes a regretté, dans sa dernière note d'exécution budgétaire, que beaucoup de dépenses fiscales relatives à la politique forestière n'aient pas été renseignées. J'ai consulté le bleu : six dépenses fiscales relatives aux politiques forestières ne le sont toujours pas. Ce n'est pas admissible : ces dispositifs ont été votés par le Parlement pour soutenir la filière forêt or nous ne savons rien de leur efficacité et des progrès qu'ils sont censés favoriser. On se moque du Parlement !

Nous examinerons dans quelques jours l'acte II de la loi Montagne. Encore faut-il que cela se traduise en actes. Je veux alerter sur la grande misère du service de restauration des terrains en montagne, la RTM. Le réchauffement climatique accroît les risques d'érosion, les problèmes hydrauliques, or dans le même temps, on réduit les effectifs du service de la RTM, qui a l'expertise sur les dangers et les risques. Comment entretient-on 20 000 ouvrages avec 9,686 millions d'euros en crédits de paiement ? Cela fait 484 euros par ouvrage. Rapporté à la superficie, cela fait 22 euros par hectare. Ces sites sont sensibles et dangereux : c'est pourquoi, sous le Second Empire, des acquisitions foncières ont été réalisées dans les Alpes et les Pyrénées et le service de la RTM créé. Notre incapacité à entretenir ces ouvrages pose un problème de sécurité et d'environnement.

M. Alain Houpert, rapporteur spécial. - Il faudra faire la lumière sur ce logiciel Osiris, qui a suscité semble-t-il des retards de paiement des apports de trésorerie remboursables : on compte 100 000 dossiers de moins. Preuve que le système des ATR ne fonctionne pas.

M. Michel Bouvard. - Il y a un problème d'information.

M. Alain Houpert, rapporteur spécial. - Vous connaissez bien, monsieur Bouvard, les aspects fiscaux de la forêt en montagne. Il est vrai que la forêt est obscure ; je souhaite que, prochainement, elle soit traversée de rais de soleil...

M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. - S'agissant de l'ASP, des crédits sont prévus au budget de l'année 2017. Plus qu'un problème informatique, il y a eu une erreur d'appréciation quant à l'importance des moyens qu'il aurait fallu déployer.

J'ai également consulté le bleu budgétaire, et ne peux que souscrire à votre constat. Toujours est-il que les dépenses fiscales les plus significatives sont renseignées ; les autres n'ont sans doute pas la même importance qu'un certain nombre d'exonérations sur les droits de mutation ou sur les investissements en forêt, qui pèsent davantage dans la gestion forestière.

Il y a un véritable conflit d'intérêts entre les propriétaires forestiers et les scieries. Depuis des années, il est demandé de restreindre les exportations de bois, en particulier à destination de la Chine. Un certain nombre de mesures environnementales ont été prises, avec l'exigence de traitement des grumes.

Pour un certain nombre d'essences, les cours sont bas, même s'ils fluctuent. On peut espérer que les résineux verront leur cours remonter, entraînés par le redémarrage de l'activité dans le bâtiment. Le chêne, essentiellement destiné à la tonnellerie et à l'exportation, se vend bien. Les autres essences, moins bien. Les propriétaires forestiers s'insurgent donc contre la limitation des exportations, qui étaient pour eux un moyen de soutenir les cours.

Quant au service de la RTM, je prends acte de vos propos. Cette question sera davantage prise en considération. En tout cas, je partage les préoccupations d'un parlementaire élu d'une région de montagne qui sait parfaitement de quoi il parle.

Mme Michèle André, présidente. - Je remercie les deux rapporteurs spéciaux pour leur rapport qui permet de disposer d'une vision très complète des interventions publiques au service de l'agriculture que nous devons soutenir.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Elle décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

Projet de loi de finances pour 2017 - Mission « Administration générale et territoriale de l'État » (et article 52) - Examen du rapport spécial

La commission examine le rapport de M. Hervé Marseille, rapporteur spécial, sur la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (et articles 52 bis et 52 ter).

M. Hervé Marseille, rapporteur spécial. - Le budget de l'administration générale et territoriale de l'État pour 2017 est un budget de circonstances, d'abord parce que la programmation budgétaire pour 2017 porte la trace de modifications importantes du périmètre budgétaire, avec le rattachement pour plus de 80 millions d'euros du fonds interministériel de prévention de la délinquance, mais aussi en raison du cycle électoral à venir.

Le projet de budget, qui voit ses dotations croître de plus de 15 % pour un supplément de crédits de 386 millions d'euros, ne s'alourdit plus que de l'ordre de 3,3 % à 4,3 %, selon la conception qu'on choisit du périmètre constant, lorsqu'on neutralise ces éléments ponctuels.

Cette progression reste élevée et conduit à dépasser les plafonds de la loi de programmation des finances publiques. La hausse des charges résulte essentiellement des mesures de revalorisation des rémunérations. C'est l'effet indice de la grille de la fonction publique, avec la revalorisation du point et la mise en oeuvre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR). Par ailleurs, des mesures spéciales sont prévues pour accompagner l'application du « Plan préfectures nouvelle génération », le PPNG.

Le budget de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » pour 2017 nous laisse de ce point de vue au milieu du gué. Il enregistre le moins difficile du PPNG et laisse entiers les problèmes les plus délicats. Le PPNG est, en réalité, un plan de restructuration du réseau préfectoral. Il s'agit de délester les préfectures des missions d'accueil au guichet pour renforcer le contrôle de légalité et la mission de conseil aux collectivités territoriales, la coordination stratégique des administrations locales de l'État et les prestations d'ingénierie au service des collectivités.

Le budget programme les suppressions d'emplois de guichet, mais ne finance pas clairement le renforcement des ambitions annoncées.

La rationalisation de la fonction de délivrance des titres sécurisés, au coeur du PPNG, pose question. Les seuls guichets qui demeureront dans le réseau préfectoral seront ceux qui concernent les accueils des étrangers, dans le cadre de la délivrance des titres de séjour ou des demandes d'asile. Cela peut susciter des crispations d'autant que le ministère compte amplifier la dématérialisation du circuit des titres.

Pour la carte nationale d'identité comme pour les permis de conduire ou les certificats d'immatriculation, quelques dizaines de centres d'expertise et de ressources (CERT) traiteront les dossiers adressés par quelque deux mille mairies sélectionnées, comme pour le passeport biométrique, pour procéder au recueil des données.

Dans cette affaire, l'État donne le sentiment de s'éloigner du local. Il faudra mettre à niveau les compensations qu'appellent les suppléments de charges devant peser sur les communes d'accueil des stations de recueil de données.

Enfin, les problèmes de sécurité informatique sont cruciaux et des besoins de renforcement déjà identifiés.

Des financements croisés marquent l'équilibre financier de l'Agence nationale des titres sécurisés, le passeport biométrique finançant d'autres productions. Ce n'est pas satisfaisant. Les dépenses paraissent mieux maîtrisées, mais le monopole de l'Imprimerie nationale doit être pris en considération.

L'autre dimension du PPNG doit être le retour de l'État dans les territoires par un recentrage du réseau préfectoral sur les missions stratégiques. Le budget n'en porte pas la trace, sinon par les emplois créés pour répondre à la crise des migrants et aux demandes d'asile ce qui n'est pas négligeable. Pour le reste, ni le contrôle de légalité, ni le conseil aux collectivités territoriales, ni l'ingénierie territoriale ne sortent renforcés du budget. Les modifications apportées à l'administration décentralisée de l'État appelleront d'autres prolongements. Quant à la restructuration de la présence infradépartementale de l'État, elle demeure marquée par l'ouverture de maisons de l'État et de maisons d'accès du public aux services publics, sans que l'impact sur le réseau des sous-préfectures soit clairement exposé. Il est intéressant de mieux cartographier les sous-préfectures en tenant compte des intercommunalités nouvelles, mais n'oublions pas les territoires ruraux.

Élément majeur de ce budget, les élections prévues en 2017. La programmation tient compte du projet de dématérialiser la propagande électorale pour les élections présidentielles et législatives - objet d'un article rattaché qui a été supprimé par l'Assemblée nationale. La décision relève traditionnellement de l'assemblée concernée. Il est d'autant plus sage de stabiliser les conditions de la propagande électorale que la réception des documents de propagande sous forme papier provoque un effet-signal qui joue pour la participation électorale. Je vous proposerai donc de confirmer le vote de l'Assemblée nationale.

Les circonstances historiques ont laissé au règlement le soin de préciser les règles d'organisation de la propagande électorale pour l'élection présidentielle, curiosité regrettable. Les dotations aux formations politiques sont maintenues, comme l'an dernier. On constate une lente érosion de leur valeur réelle.

Enfin, je souhaite que les frais élevés que supporte le budget au titre de l'administration centrale du ministère fassent l'objet d'audits à la mesure de leur volume, que les actifs immobiliers estimés à plus de 2,5 milliards d'euros soient gérés plus activement de même que les locations du ministère.

Pour finir, les dépenses de contentieux, qui résultent de choix d'action discutables, doivent être plus sincèrement évaluées en loi de finances initiale.

Le rapport que je vous présente ne manque pas de relever quelques points de perplexité mais il faut aussi tenir compte d'autres considérations. Un certain nombre de conditions sont réunies pour améliorer les services rendus aux collectivités territoriales par le réseau préfectoral. À la prochaine législature d'aller plus loin. Nous pouvons aboutir à une solution satisfaisante pour ménager les mairies qui désirent continuer à jouer un rôle de proximité dans la délivrance des titres sécurisés.

Par ailleurs, il faut tenir compte des circonstances. Les services sont fortement sollicités du fait de la crise migratoire et de l'état d'urgence.

Enfin, le Gouvernement a entendu le Parlement en renonçant à des projets quelque peu précipités de réorganisation de la propagande électorale. Il va, c'est à noter, au-delà des conséquences budgétaires du vote de l'Assemblée nationale, qui ne concernait que les élections législatives, en l'étendant à l'élection présidentielle.

Dans ces conditions, je vous recommande l'adoption des crédits de la mission pour 2017.

M. Gérard Longuet. - Merci d'avoir évoqué un sujet qui préoccupe les élus locaux, à savoir le déploiement de l'administration préfectorale, entre changement et continuité.

Je connais relativement bien le territoire, étant d'ailleurs moi-même issu du corps préfectoral, et je peux vous dire que la réduction de nombre des préfectures de région n'est pas sans inconvénient. Je pense au Grand Est : le préfet de région réside à Strasbourg, ville qui a beaucoup de charme et de rayonnement, mais qui est inaccessible pour huit des dix départements de la région. Difficile, pour les responsables territoriaux, d'établir des relations avec l'État quand la préfecture de région est distante de plus de 200 kilomètres. Cela s'apparente à une véritable démission de l'État. Les élus peuvent devoir gérer une crise industrielle ponctuelle ou un conflit autour d'un équipement majeur ; à cet égard, la diminution du nombre des préfectures de région, l'incompréhension que suscite l'organisation territoriale des services extérieurs de l'État, mettent à mal le fonctionnement du système. Ajoutez l'instabilité chronique du corps préfectoral, et l'on peut considérer que la présence de l'État sur le territoire au niveau stratégique n'est pas satisfaisante, quelle que soit la bonne volonté des préfets de région.

Au niveau infradépartemental, il faut distinguer l'accueil du public et la présence de l'État. On peut comprendre que la numérisation rende moins indispensable la présence physique de fonctionnaires. Le numérique, s'il se double d'un déploiement de la fibre optique, apporte une réponse satisfaisante en qualité de service.

Les sous-préfets sont en général de hauts fonctionnaires compétents, qui assurent une fonction de conseil ou d'intermédiation entre les responsables territoriaux élus et l'administration de l'État. La suppression des sous-préfectures serait absurde, sauf si l'État renonce à s'occuper du territoire. Auquel cas on pourrait envisager des regroupements plus importants encore. Mais si l'État, qui gère plus de 55 % de la richesse nationale, prétend apporter à ceux qui exercent des responsabilités un service d'écoute, d'information et de conseil, comment supprimer la présence physique du sous-préfet ? Certes, il est souvent seul, mais il a l'expérience, le niveau et les relations au sein de l'administration pour apporter une véritable réponse, surtout si le préfet de département lui confie des missions au niveau départemental qui lui permettent d'échapper à l'isolement.

Vous citez dans votre rapport l'expérimentation menée en Alsace-Lorraine. En Alsace et en Moselle, nous avons hérité du système allemand de quadrillage intense, et sans doute excessif, du territoire. C'est pourquoi l'Alsace et la Moselle comptaient beaucoup de sous-préfectures. Mais on ne peut transposer cette expérimentation dans la France de l'intérieur.

L'État veut-il exister sur le territoire ? Si oui, qu'il conserve des moyens humains de qualité : il ne peut pas à la fois prétendre s'occuper de tout et être absent de nos territoires.

M. Marc Laménie. - Il n'est pas simple pour les élus locaux d'obtenir des conseils. Les petites sous-préfectures ont vu leurs heures d'ouverture sensiblement réduites ; vont-elles être remplacées par des maisons de services au public ? La dématérialisation des actes a été une source d'économie pour les communes - mais nous restons attachés à la propagande électorale sur papier, essentielle pour la participation électorale.

M. Michel Canevet. - La dématérialisation de la propagande électorale mérite d'être expérimentée avant d'être généralisée : la fracture numérique est une réalité, attention à ne pas exclure les plus défavorisés de l'exercice de la démocratie.

Le déploiement des titres sécurisés a été très rapide. Les communes concernées par l'expérimentation ont été avisées très récemment ; la mienne doit être prête au 1er décembre. Or avec une compensation de 3 500 euros, on est loin de la réalité des coûts qu'entraînent les stations de recueil de données.

Je sais que les comptes de l'agence nationale des titres sécurisés (ANTS), dont le fonds de roulement baisse, ne permettent pas d'abonder les dotations au profit des collectivités. Quelles propositions pour que ces dernières, confrontées à ces charges nouvelles, ne soient pas pénalisées ?

M. Antoine Lefèvre. - Nous avions déjà abordé l'an dernier la question de la dématérialisation de la propagande électorale, sujet d'actualité avec les échéances électorales qui se profilent. Où en est-on de la concertation annoncée avec les associations d'élus locaux et la commission des lois ?

Il faut réorganiser rapidement les sous-préfectures, dont certaines ne comptent guère plus que le chauffeur, la cuisinière et la secrétaire. C'est peu pour venir en appui aux élus locaux. Dans ma ville de Laon, la préfecture de l'Aisne est désormais fermée tous les après-midi. Cela fait mauvais effet, croyez-moi !

M. Éric Doligé. - Je travaille avec Marie-Françoise Perol-Dumont à un rapport, au nom de la délégation aux collectivités territoriales, sur l'adaptation des missions de l'État à la réorganisation du territoire. À entendre le ministère et les préfectures, tout va bien. Ce que démentent les collectivités : à Limoges, on n'a jamais vu le préfet de région depuis qu'il est parti pour Bordeaux. Quant au préfet de département, il n'a pas de délégation. Il y a un vrai manque de proximité. Les collectivités estiment donc que, compte tenu de ses moyens restreints, l'État devrait se recentrer sur ses missions régaliennes, plutôt que sur la culture ou le sport.

Mme Michèle André, présidente. - Les directions départementales ne dépendent pas des préfectures, elles n'entrent pas dans le périmètre de la mission.

M. Éric Doligé. - Drac, Dreal et autres sont tout de même autour du préfet, qui est le chef de l'administration.

Mme Michèle André, présidente. - Il est le représentant du Gouvernement sur le territoire.

M. Éric Doligé. - Justement, il est contourné par l'administration, qui s'adresse directement au ministère. Or les collectivités se sentent perdues sans une vraie autorité locale. Les citoyens, les élus s'interrogent. Cette analyse est partagée, par-delà les clivages politiques !

M. Vincent Éblé. - S'il est une mission qui répond à l'exigence de sobriété de l'État, c'est bien celle-ci. Encore faut-il que l'action générale et territoriale de l'État soit conduite avec efficacité. La question n'est pas tant celle du montant des crédits que de la bonne adaptation des dispositifs. Après les phases actives de décentralisation des compétences, une réforme plus poussée de la présence, y compris symbolique, de l'État dans les territoires doit être envisagée. Le regroupement des collectivités permettra une représentation adaptée, à condition que le préfet de région prenne en compte la diversité des territoires sous son autorité. On peut mener une action efficace sans forcément découper le territoire : le temps n'est plus aux sous-préfets des champs et aux sous-préfets des villes, au train de vie grandiose, mais à la présence, partout, d'un État moderne, à moindre coût. Les frais de maison, les hôtels particuliers historiques sont devenus difficile à justifier.

Si je prône la mobilisation autour du développement des usages numériques, notamment pour la transmission d'informations, encore faut-il distinguer entre une élection emblématique comme la présidentielle et une élection de proximité, où la propagande papier est nécessaire, ne serait-ce que pour savoir qui est candidat.

Mme Michèle André, présidente. - Nous sommes tous d'accord.

M. Vincent Éblé. - Cela dit, on peut faire des économies. On pourrait imaginer, par exemple, que seuls les citoyens qui le souhaitent aient accès à la propagande papier.

Efforçons-nous d'être modestes dans les dépenses d'administration générale et dans la structuration des administrations territoriales. Si l'on ne parvient pas à faire des économies ici, où en fera-t-on ?

M. Francis Delattre. - On a déshabillé les préfectures de tous les moyens d'ingénierie qui leur permettaient de porter une vision positive de l'aménagement. Désormais, elles ne se préoccupent plus que de contrôle et de sécurité. La réforme Perben est une catastrophe pour les départements de la région parisienne, qui a fait exploser les délais. Or les petites et moyennes communes ont besoin de soutien logistique. Chez moi, le carrefour les autoroutes A15 et A115 est particulièrement accidentogène, du fait de problèmes d'aquaplaning - mais la gestion du problème relève d'une administration située à Créteil ! Un vrai bazar !

Après le gros investissement sur les passeports, le réseau sera-t-il le même pour les cartes nationales d'identité ? Et serons-nous enfin indemnisés à la hauteur des dépenses ?

Enfin, la délivrance des cartes d'immatriculations et des permis dans un même garage fait courir un risque de distorsion de concurrence entre les gros concessionnaires et les autres - sans parler du risque de traficotage... Avec cette privatisation croissante, l'État abandonne toute velléité de contrôle !

M. Vincent Capo-Canellas. - Le financement des partis politiques est maintenu à son niveau antérieur - mais cette stabilisation vient après des années de baisse. C'est une érosion en valeur réelle. Cela signifie des moyens en moins pour la démocratie. Le rattachement financier des parlementaires mériterait d'être modernisé : il pourrait intervenir une fois pour toutes, au moment de l'élection, plutôt que de devoir être renouvelé chaque année.

La question des emprises immobilières appelle aussi une rationalisation, car la contribution des cessions au budget opérationnel n'est pas mince : 14,4 % du produit ! Comment l'expliquer ?

M. Jean-Claude Boulard. - Dans certains départements, dont le mien, le préfet de département reçoit délégation du préfet de région pour instruire les dossiers. En outre, il applique l'instruction émise il y a quelques mois par le Premier ministre ordonnant de faire une interprétation facilitatrice des normes. Car pour les normes comme pour la Bible ou le Coran, on peut en avoir une lecture intégriste ou une lecture ouverte... ce qui change tout !

Mme Michèle André, présidente. - Instruction à annexer au rapport !

M. Jean-Claude Boulard. - C'est une proposition que nous avons formulée avec Alain Lambert. Tous les maires devraient avoir cette instruction dans leur poche ! Un exemple : un immeuble situé dans le périmètre des 500 mètres autour d'un édifice classé ou inscrit ne peut faire l'objet d'aucuns travaux « de nature à en affecter l'aspect ». Une lecture facilitatrice de ces termes débloque bien des dossiers ! Preuve qu'il sort beaucoup de choses intéressantes de la Sarthe...

M. Thierry Carcenac. - La commission consultative d'évaluation des charges (CCEC) du Comité des finances locales peut être saisie pour évaluer les transferts de compétences et de charges.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Merci de le rappeler. Mais quels sont les prolongements effectifs ?

M. Thierry Carcenac. - Pas de sanction, mais certaines collectivités sont parvenues à obtenir une indemnisation.

Mme Michèle André, présidente. - Je me dois de rappeler que le non-respect par les partis politiques de la loi sur la parité leur coûte 5,6 millions d'euros en pénalités.

M. Antoine Lefèvre. - C'est pourquoi on fait la quête dimanche prochain !

M. Michel Canevet. - Parfois, on ne trouve pas de candidates...

M. Vincent Capo-Canellas. - L'année prochaine, les amendes vont tripler.

M. Hervé Marseille, rapporteur spécial. - Je partage pour l'essentiel les observations et témoignages de nos collègues. C'est pourquoi je dis que nous sommes au milieu du gué : il faut un accompagnement des collectivités locales dans les secteurs plus ruraux. Or l'instabilité préfectorale va de pair avec l'instabilité territoriale. Avec la modification des périmètres, l'administration de l'État doit se conformer à de nouvelles cartes qui se superposent. Sur les 238 sous-préfectures, soixante comptent moins de dix employés. Une rationalisation s'impose. Certes, outre la perte de standing, la fermeture d'une sous-préfecture peut entrainer des anomalies fiscales : cela a été le cas à Guebwiller, qui a perdu du coup un supplément de dotation...

La compensation prévue pour les cartes nationales d'identité est clairement insuffisante. Le ministre de l'intérieur a proposé une rallonge de sorte que finalement les compensations aux communes pourraient atteindre entre 40 et 50 millions d'euros. Il faut continuer la négociation. Les grandes associations d'élus sont consultées par le Gouvernement sur l'ensemble de ces sujets.

Oui, le coût des élections est important. C'est pourquoi le Gouvernement propose la dématérialisation de la propagande. Un tirage au sort serait encore moins coûteux, mais répondrait-il à nos exigences démocratiques ? Il est heureux qu'on soit revenu à plus de raison.

En effet, Éric Doligé, la réorganisation territoriale complique le redéploiement des services de l'État.

Vincent Eblé souhaite un État sobre et numérique, j'en prends acte.

Pour les cartes nationales d'identité, le réseau sera le même, avec peut-être un peu plus de points d'entrée. L'indemnisation est clairement insuffisante, je l'ai dit. La présidente Michèle André a alerté par le passé sur le risque de destruction du tissu rural. Il faut une discussion avec les associations d'élus et les petites communes pour parer aux difficultés financières et en termes de proximité.

Les cessions font l'objet d'un versement au budget général, qui reverse - après avoir prélevé une fraction. D'où le différentiel.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». Elle décide en outre de proposer de confirmer la suppression de l'article 52 et d'adopter les articles 52 bis et 52 ter.

La réunion est close à 12 h 40.

Projet de loi de finances pour 2017 - Mission « Justice » - Examen du rapport spécial

La réunion est ouverte à 15 h 40.

La commission examine le rapport de M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial, sur la mission « Justice » (et article 57).

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. - Les crédits de la mission « Justice » concernent les moyens de la justice judiciaire, de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse. Le Garde des Sceaux semble avoir pris la mesure du désarroi, notamment matériel, dans lequel se trouvent les juridictions. Il propose de renforcer leurs moyens et de créer plus de 2 000 postes, dont des postes de magistrats ou de greffiers. Il a également annoncé en octobre un ambitieux plan de construction d'établissements pénitentiaires.

Malgré des crédits de paiement (CP) de 8,6 milliards d'euros, en hausse d'environ 5 %, par rapport à 2016, je ne peux souscrire à ce projet de budget.

En effet, cette augmentation significative des moyens doit être replacée dans son contexte. Depuis 2012, alors que le Parlement avait adopté un budget ambitieux, les dépenses effectives sont restées en deçà des crédits votés : il s'agit moins d'une maîtrise réelle des dépenses que de tentatives pour respecter la norme de dépenses, comme le montre l'augmentation continue des charges à payer. Ainsi, si les charges à payer sont de la même ampleur en 2016 qu'en 2015, leur résorption absorberait la quasi-totalité de l'augmentation des crédits prévue en 2017.

Par ailleurs, la hausse des CP de la mission correspond à l'évolution tendancielle des dépenses, et en particulier au coût de l'augmentation des effectifs en 2016 et en 2017, ce qui est normal. Ce qui l'est moins, c'est que les mesures nouvelles, les annonces, ne sont pas financées.

C'est notamment le cas de la construction de places de prison. Le Gouvernement propose d'en construire plus de 6 000 sans dégrader le déficit public grâce à un tour de passe-passe : il ouvre 1,2 milliard d'euros d'autorisations d'engagement (AE), afin que l'administration pénitentiaire commence les recherches de terrain et engage les dépenses afférentes. Charge au prochain Gouvernement de trouver les moyens pour les financer ! Certes, vu l'état de nos prisons et vu la surpopulation carcérale, une action volontariste est indispensable - même s'il ne faudrait pas oublier de s'interroger sur l'efficacité de la réponse pénale. Mais est-ce bien raisonnable, à six mois des élections, d'initier de tels chantiers et de laisser la facture à la majorité suivante ?

Ce projet de budget arrive donc un peu tard.

J'ai comparé les moyens de la justice judiciaire avec ceux de la justice administrative : la différence de traitement entre les deux ordres de juridiction se creuse.

Pour savoir si un budget est prioritaire, nous étudions souvent son évolution par rapport à celle des autres budgets. Les ordres de grandeur sont également significatifs : en 2017, les moyens de la justice judiciaire sont inférieurs aux crédits accordés à l'audiovisuel public.

Le Gouvernement propose d'augmenter les effectifs, notamment de magistrats et de greffiers, dans les juridictions ; la pyramide des âges rend ces recrutements nécessaires. C'est d'autant plus important qu'il faut anticiper ses effets, puisque la formation d'un magistrat dure 31 mois. Malgré ces recrutements, en hausse depuis 2015, le taux de vacance des magistrats affectés en juridictions atteint 6 %, ce qui est préoccupant.

La budgétisation des frais de justice me laisse sceptique. Le rapporteur général nous a présenté à la rentrée un projet de décret d'avance qui ouvrait des crédits en leur faveur. Le Gouvernement avait indiqué que ce dérapage résultait des attentats. Toutefois, selon le ministère de la justice, les économies prévues dans la précédente loi de finances n'ont pas pu être réalisées, notamment en raison du décalage du déploiement de la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ). C'est désormais cette plateforme que doivent utiliser les enquêteurs pour réaliser les écoutes ordonnées par le juge. Cependant, selon les syndicats de policiers, elle n'est pas fiable et n'offre pas les mêmes fonctionnalités que le matériel qui était jusqu'à présent loué à des prestataires privés.

Par conséquent, les économies de 35 millions d'euros environ sur les frais de justice que devrait générer le déploiement de la PNIJ me paraissent assez peu crédibles. Les reports de crédits risquent de repartir à la hausse.

La décision de créer une telle plateforme a été prise en 2005 ; onze ans plus tard, elle n'est toujours pas pleinement opérationnelle. Les bénéfices en termes de rapidité et l'automatisation des réquisitions auprès des opérateurs de téléphonie sont indéniables. Le problème concerne les écoutes elles-mêmes. Ce projet, dont le coût total s'élève à 121 millions d'euros, ne doit pas être abandonné car il devrait entraîner des économies significatives. À titre de comparaison, les frais d'interceptions judiciaires ont coûté plus de 110 millions d'euros en 2015.

Toutefois, il me semble indispensable de renforcer la coordination interministérielle, de mieux piloter le projet avec Thalès, qui a été sélectionné pour réaliser la PNIJ, et le cas échéant, de continuer à travailler avec les prestataires privés loueurs de matériel, qui proposent des fonctionnalités différentes.

Je me suis également intéressé à l'indemnisation des victimes du terrorisme. Le fonds de garantie qui remplit cette mission est financé par un prélèvement de 4,30 euros sur les contrats d'assurance. Comme sa trésorerie était particulièrement abondante, il a vu ses missions étendues et l'indemnisation des victimes du terrorisme ne correspond qu'à une très faible part de ses activités. Aujourd'hui, grâce à 1,4 milliard d'euros de trésorerie, il peut faire face aux demandes d'indemnisation des victimes des attentats de janvier et novembre 2015 et de juillet 2016. Toutefois, son modèle de financement ne paraît pas adapté à des attaques terroristes de l'ampleur de celles de novembre 2015 ou de juillet dernier. Un fonds abondé par des crédits budgétaires, susceptibles d'être mobilisés à tout instant, serait plus pertinent. Il éviterait de créer des réserves en vue d'une dépense par nature volatile - et que l'on souhaite nulle.

Le volet pénitentiaire du budget est principalement marqué par le plan de construction de nouvelles places de prison, mais aussi par le recrutement de 1 255 surveillants pénitentiaires. L'attractivité du recrutement reste un enjeu majeur, alors que les conditions d'exercice du métier sont difficiles, notamment à cause de la surpopulation carcérale.

Depuis le début de l'année, plus 30 000 téléphones portables ont été saisis en prison. Les brouilleurs dont disposent certains établissements n'ont pas évolué avec la technologie. Ils brouillent la 2G mais pas la 4G. Certains détenus utilisent donc des téléphones portables pour contacter leurs proches, voire leurs victimes, pour prendre en photo les surveillants ou leur véhicule et les menacer. C'est inacceptable. À Osny, où un surveillant a été violemment agressé, des détenus ont pu ensuite intimider les familles du personnel, alors même que celles-ci résident dans un autre département. Nous devons trouver une solution à tout prix. Je l'ai dit hier au ministre, qui m'a indiqué avoir lancé un dialogue compétitif avec plusieurs entreprises pour trouver un moyen de brouillage efficace et adaptable sur le temps long.

Les extractions judiciaires sont depuis 2012 de la responsabilité de l'administration pénitentiaire et non plus des forces de sécurité intérieure. Au 31 juillet 2016, le taux d'impossibilité de faire était de l'ordre de 20 %, c'est-à-dire que, par exemple, lorsqu'un magistrat demande à voir un détenu, l'administration pénitentiaire indiquait, dans 20 % des cas, qu'elle n'en était pas capable. L'organisation de cette mission par le ministère de la justice n'est donc pas satisfaisante et doit être revue. De plus, le recours à la visioconférence devrait être facilité.

Le Gouvernement a procédé, en seconde délibération, au coup de rabot habituel et diminué de 42 millions d'euros le budget.

Compte tenu de ces remarques, surtout sur le financement du programme immobilier pénitentiaire, je vous propose de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Justice ». Quant à l'article 57, qui augmente le montant de l'unité de valeur utilisée pour le calcul de la rétribution de l'avocat au titre de l'aide juridictionnelle, j'y suis favorable. Il s'agit de la traduction d'un engagement pris par le ministère envers les représentants des avocats.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je partage votre analyse de ce budget. La nouvelle organisation des extractions judiciaires, si elle répond à une volonté compréhensible de décharger la police et la gendarmerie de missions qui ne relèvent pas de la sécurité publique en les confiant progressivement au ministère de la justice, ne donne pas satisfaction. Le procureur de la République dans mon département me signalait la semaine dernière que certains détenus doivent être remis en liberté car leur audition n'a pu avoir lieu dans les délais. Il y a là un vrai dysfonctionnement. Le développement de l'usage de la visioconférence diminuerait le nombre d'extractions, mais il faut, pour y avoir recours, l'accord de la personne incarcérée, et tous les avocats le refusent. Pourtant, cela éviterait des extractions dangereuses, sans parler de leur coût : dans un département où il n'y a plus de maison d'arrêt, il faut faire 160 kilomètres aller-retour.

Antoine Lefèvre a raison d'émettre un avis défavorable à ce budget. Il le fait d'ailleurs pour les mêmes raisons qui nous poussent à déposer une question préalable : c'est un budget d'affichage, construit autour d'effets d'annonce. En ouvrant des autorisations d'engagement sans crédits de paiement, on peut annoncer toutes les places de prison que l'on veut - après des années d'un blocage imposé par Christiane Taubira - en reportant l'impact budgétaire sur les années suivantes. Vouloir accroître le nombre de places est une bonne chose, mais le Gouvernement a discrètement repoussé l'obligation d'encellulement individuel. Le taux d'occupation de certaines maisons d'arrêt dépasse les 200 %, des détenus dorment sur des matelas posés à même le sol... Je salue donc l'inflexion du discours, mais déplore qu'elle n'ait aucune traduction budgétaire.

M. Philippe Dallier. - Le rapport évoque le manque d'attractivité de l'Île-de-France. De fait, le tribunal de Bobigny avait défrayé la chronique au printemps dernier car plusieurs affaires avaient été abandonnées, faute d'avoir pu être jugées dans les temps. Le ministre a depuis annoncé l'octroi de postes supplémentaires. Les dossiers concernés ont-ils pu être traités ?

M. Jean Pierre Vogel. - Après une prise d'otage le 4 août dernier, et une tentative en septembre, les parlementaires de mon département ont décidé d'aller visiter la maison d'arrêt des Croisettes au Mans. Les organisations syndicales étaient unanimes à nous faire part d'énormes difficultés de fonctionnement dans cette prison, pourtant quasi-neuve : surpopulation - 400 détenus pour 300 places -, violences envers les surveillants... Il y a des téléphones portables dans toutes les cellules, apportés par des mules, tout comme la drogue, des outils ou des armes blanches, puisque les fouilles à corps sont désormais interdites. Les surveillants se font cracher dessus, insulter. La règle est que, dans ce cas, le détenu soit déplacé dans un autre établissement. Comme les autres prisons sont pleines, elle n'est jamais appliquée. Je ne suis certes pas un spécialiste des prisons, n'y ayant jamais séjourné...

M. Gérard Longuet. - Il ne faut pas insulter l'avenir !

M. Jean Pierre Vogel. - Il me semble que les maisons d'arrêt sont faites pour les condamnés à moins de deux ans d'emprisonnement.

Mme Michèle André, présidente. - Ainsi que pour les personnes attendant d'être jugées.

M. Jean Pierre Vogel. - Le centre pénitentiaire le plus proche est celui d'Argentan. Les condamnés à plus de deux ans devraient y être placés, mais il est plein ! Les conditions de travail pénibles engendrent un fort absentéisme, ce qui impose pour compenser nombre d'heures supplémentaires, qui ne sont jamais récupérées : certains agents font des burn-out. Bref, il faut renforcer les moyens humains et matériels pour leur assurer de meilleures conditions de travail.

M. Philippe Dominati. - Le rapporteur a évoqué l'une de mes préoccupations : le transfert des transfèrements à l'administration pénitentiaire. Le nouveau système ne fonctionne pas, et les forces de l'ordre en sont pénalisées, puisque malgré la budgétisation de 30 000 heures de gendarmes supplémentaires, les magistrats continuent à réquisitionner les forces de l'ordre pour des tâches indues.

L'augmentation des frais de personnel s'accompagne-t-elle d'une hausse des crédits de fonctionnement et d'investissement, ou se fait-elle à leur détriment ?

M. Roger Karoutchi. - Les problèmes de financement de l'achèvement des travaux de la cité judiciaire, porte de Clichy, sont-ils réglés ? Cette cité judiciaire pourra-t-elle ouvrir en 2017 ? Le retard est-il tel qu'il faille attendre 2018 ? Cela poserait des problèmes dans l'ancien palais de Justice, et pour les aménagements qui lui sont liés.

Mme Marie-France Beaufils. - Nous connaissons tous le problème du manque de places dans les prisons : celle de Tours est aussi en surcharge. Si les jugements étaient prononcés plus rapidement, les maisons d'arrêts seraient désengorgées. Cela renvoie au manque de magistrats. Et former un magistrat demande du temps !

Vous n'avez guère évoqué la protection judiciaire de la jeunesse. Pourtant, ses moyens baissent depuis des années, ce qui se ressent douloureusement sur le terrain. Or son action est indispensable pour faire en sorte que ceux qui ont eu un premier accident dans leur comportement évitent un emprisonnement plus long.

M. Vincent Capo-Canellas. - L'administration pénitentiaire souffre du malaise carcéral. Le problème n'est pas tant l'insuffisance des crédits que le gel par Bercy, en cours d'année, des dépenses les plus visibles, comme les petits travaux d'amélioration ou d'aménagement. C'est un signal déplorable, et la Chancellerie en est bien consciente. Pouvez-vous passer le message à Bercy ?

M. Gérard Longuet. - Tous les centres de détention ne sont pas saturés. Dans la Meuse, nous avons des places, mais les familles des détenus récusent certaines destinations pour des raisons de commodité. Quelle autorité régule les affectations entre les centres ?

La clientèle, si j'ose dire, des maisons d'arrêt, est-elle segmentée ? Elle comporte aussi bien des prévenus que des condamnés à de très courtes peines, ou en fin de peine, qui n'exigent certes pas le même type d'encadrement que d'autres types de détenus. L'administration pénitentiaire réfléchit-elle à diversifier les conditions de détention entre les détenus qui exigent un isolement absolu et, par exemple, les dangereux récidivistes du permis de conduire ? Ceux-ci travaillent dans la journée, dorment en prison, mais ne justifient pas du même traitement qu'un criminel lourdement condamné.

Quel est le coût unitaire de séjour ? Je suis sidéré par ces coûts. En termes de fonctionnement, les coûts unitaires annuels les plus élevés se trouvent dans les centres éducatifs fermés, où ils peuvent dépasser les 100 000 euros. Ailleurs, le coût moyen doit être de 30 000 euros par an. Il serait bon que la commission dispose des chiffres exacts.

M. Charles Guené. - Je m'intéresse à la centrale de Clairvaux, qui est vouée à la destruction, pour des raisons qui nous échappent, comme elles semblent échapper au ministre, puisque celui-ci a demandé un nouvel audit. Les prisons ne pourraient-elles pas être un vecteur d'aménagement du territoire ? Celle-ci fonctionnait bien, si ce n'est que ses cellules sont un peu exiguës. Avez-vous eu accès au dossier ? A l'heure où les places manquent, n'est-il pas un peu léger de détruire cette centrale ?

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. - Certes, le système des extractions judiciaires ne donne pas satisfaction. La commission des lois devrait chercher des voies d'amélioration de la procédure. Le Garde des Sceaux a évoqué hier ce problème devant elle.

L'Île-de-France souffre en effet d'un déficit d'attractivité, que ce soit en juridictions ou dans l'administration pénitentiaire. À Bobigny, la durée moyenne en poste est d'un an et six mois. La direction des services judiciaires nous a dit vouloir limiter le turn-over. Beaucoup des magistrats qui sont affectés au TGI de Bobigny sortent à peine de l'ENM.

Jean Pierre Vogel a témoigné du malaise carcéral. Les portables sont effectivement monnaie courante en prison. Certains détenus sortent même de leur cellule le téléphone à l'oreille pour aller à la douche, avant de se rappeler que c'est interdit.

Depuis la mise en place du plan antiterroriste, le dispositif du coût du « sac à dos » a permis de lier l'évolution des crédits de fonctionnement des juridictions et de l'administration pénitentiaire à celle des effectifs.

J'ai visité le chantier de la cité judiciaire, quelques jours avant l'annonce du report de sa mise en service. Avec les attentats, de nouvelles normes de sécurité ont été imposées. Ce décalage présente toutefois un intérêt, car les moyens de transports n'ont pas encore été adaptés : le métro n'arrive pas encore, et je m'inquiète du faible nombre de places de parking. La RATP a toutefois été sollicitée pour prévoir des renforts de bus dès l'ouverture. En tous cas, la mutualisation des moyens sur de site devrait avoir un réel impact.

La protection judiciaire de la jeunesse figurait en bonne place dans mes deux précédents rapports. Sa directrice, Catherine Sultan, fait un travail remarquable, et ses moyens ont été renforcés depuis 2012, ce qui se justifie pleinement au vu des résultats. Dans les centres éducatifs fermés, il y a quasiment un éducateur par mineur, ce qui accroît effectivement le coût de séjour unitaire.

Le taux de mise en réserve des crédits de paiement est de 8 %, ce qui explique les difficultés relevées par Vincent Capo-Canellas dans la gestion, en cours d'exercice, pour l'administration pénitentiaire. Le ministre a engagé une réforme du secrétariat général du ministère de la Justice, ce qui pourra améliorer la situation.

Concernant les affectations entre centres, l'orientation se fait en fonction de critères géographiques et familiaux. Quant à la différenciation entre les détenus, je n'ai pas d'information précise sur ce point. Mais je sais qu'on évite de mélanger des détenus pour infractions au code de la route avec d'autres...

Enfin, la centrale de Clairvaux suscite des réactions fortes en raison de l'histoire de ce site. Le ministre a demandé un audit supplémentaire - est-ce pour gagner du temps ? Une bonne moitié des prisons sont vieilles d'un siècle ou plus. C'est un problème.

M. Gérard Longuet. - L'administration pénitentiaire adhère-t-elle à La demeure historique ?

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. - À l'Union des Maisons Françaises !

M. Bernard Lalande. - Quid des bracelets électroniques à l'ère des objets connectés ? Et pourquoi n'est-on pas capable de brouiller les conversations téléphoniques, au 21e siècle ?

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. - Je n'ai pas eu le temps de mener des investigations approfondies sur le brouillage, mais je sais qu'en Allemagne, Siemens assure un brouillage complet des prisons. C'est un enjeu de sécurité : un condamné pour agression sur son épouse peut continuer à la harceler par téléphone. Cela dit, des informations récoltées en écoutant les conversations téléphoniques tenues en prison peuvent constituer des renseignements utiles dans la lutte contre le terrorisme. Les téléphones sont introduits en prison par les parloirs, ou par parachutage. Certains détenus ont quatre ou cinq portables... Quant au déploiement du bracelet électronique, il se heurte notamment aux réticences des juges.

Mme Michèle André, présidente. - Le centre pénitentiaire pour femmes de Rennes est un lieu historique et qui répond parfaitement aux attentes. Présidente de la délégation aux droits des femmes, j'avais fait un rapport sur la question. Les femmes ne représentent que moins de 5 % de la population carcérale, et l'éloignement des familles peut poser problème. Nous pouvons nous inspirer de ce qui se passe en Espagne : allez à Aranjuez !

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Justice ». Elle décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 57.

Projet de loi de finances pour 2017 - Mission « Conseil et contrôle de l'État » - Examen du rapport spécial

La commission examine ensuite le rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial, sur la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - La commission avait décidé de réserver, le 25 octobre dernier, sa position sur les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'Etat », en attente d'investigations complémentaires s'agissant des crédits relatifs au Conseil économique, social et environnemental.

J'ai rencontré le président du Conseil économique, social et environnemental, M. Patrick Bernasconi, et son secrétaire général le 9 novembre dernier qui m'ont apporté des précisions sur ce qui nous interrogeait, à savoir la hausse des crédits de personnel. Cette hausse d'1,7 million d'euros correspond à des créations de postes de catégorie A+ et A, mais ces créations sont compensées, de façon concomitante, par une suppression de 10 postes de catégorie C. On supprime ainsi des emplois moins qualifiés pour créer des postes d'administrateurs notamment. Il s'agit de renforcer les fonctions d'expertise afin d'améliorer, notamment, la qualité des avis rendus par le Conseil économique, social et environnemental. Le plafond global d'emploi, fixé à 150 ETPT, reste donc inchangé.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale, en seconde délibération, a minoré, au titre d'un « rabot » général, les crédits de la mission de 3 millions d'euros dont 0,2 million sur les crédits de titre 2 du Conseil économique, social et environnemental.

Les crédits des autres programmes de la mission - Conseil d'Etat et autres juridictions administratives, Cour des comptes et autres juridictions financières ainsi que le Haut conseil des finances publiques - n'ayant pas suscité d'interrogations, je vous propose d'adopter les crédits de la mission.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

Projet de loi de finances pour 2017 - Communication de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur les articles non rattachés de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2017

La commission entend ensuite une communication de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur les articles non rattachés de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2017.

Mme Michèle André, présidente. - Le calendrier habituel d'examen du projet de loi de finances nous aurait conduits à examiner le 6 décembre prochain le rapport du rapporteur général sur les articles non rattachés de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2017. Compte tenu de la perspective de dépôt d'une question préalable, le rapporteur général a souhaité nous présenter dès à présent une analyse des votes émis à l'Assemblée nationale sur ces articles.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - L'adoption par notre commission du principe du dépôt d'une question préalable rend nécessaire, de mon point de vue, une présentation des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale sur les articles non rattachés.

L'Assemblée nationale a ajouté 38 articles aux 23 articles de seconde partie non rattachés aux missions budgétaires. Ils vous ont été distribués et je me contenterai de vous donner des éclairages sur ceux d'entre eux qui appellent des observations particulières. L'Assemblée nationale a adopté l'article 38 instaurant le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, en l'ajustant sur un certain nombre de points que j'avais soulevés dans mon rapport d'information. La naissance d'un enfant sera ainsi mieux prise en compte, la pénalité pour modulation excessive du taux de prélèvement sera assouplie voire supprimée en cas de bonne foi, la grille de taux par défaut a été affinée, et un acompte de  30 % au titre des crédits d'impôt pour services à la personne et garde d'enfants sera versé au 1er mars de chaque année.

M. André Gattolin. - Cet article est aussi long que tous les autres réunis !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Vous soulignez ainsi la complexité du dispositif. Le Gouvernement aurait pu s'abstenir d'embêter les entreprises en leur imposant de nouvelles missions fiscales en retenant, comme je le proposais, un prélèvement mensuel contemporain. Le prélèvement à la source, mécanisme individuel, est en effet à mon sens incompatible avec le caractère familialisé de l'impôt sur le revenu.

Les articles 38 bis et 38 ter soumettent à l'impôt sur le revenu, respectivement, les indemnités de fonction des parlementaires et des membres du Gouvernement.

L'article 40 proroge d'un an le dispositif « Pinel » en faveur de l'investissement locatif privé. Le coût total des dispositifs « Duflot » et « Pinel » est élevé : 360 millions d'euros en 2017. Ils ne sont en outre pas très efficaces ; leur but est de soutenir la construction immobilière, et non de loger nos concitoyens, ce qui conduit à construire dans les zones qui ne sont pas forcément les plus tendues. L'article 41 proroge d'un an le dispositif « Censi-Bouvard », à l'exclusion de son volet consacré aux résidences de tourisme pour lesquelles est créée une réduction d'impôt plus ciblée.

L'article 44 porte le taux du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) de 6 % à 7 % à compter de l'exercice 2017. Nous en avons déjà parlé : la hausse du taux du CICE consolide un dispositif qui aurait dû prendre la forme d'une baisse de charges. Le coût budgétaire - nul en 2017 - ira croissant puisqu'il passera de 1,6 milliard d'euros en 2018 à 3,1 milliards d'euros en régime de croisière à compter de 2021. Bref, ces annonces sont faites à crédit...

M. François Marc. - Vous allez donc supprimer le CICE ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - ... sur la prochaine majorité, de même que le crédit d'impôt de taxe sur les salaires pour les employeurs qui ne bénéficient pas du CICE - associations, fondations, mutuelles - qui figure à l'article 49 bis.

M. François Marc. - C'est bien !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Oui, mais cela coûte 600 millions d'euros et, lorsque vous l'aviez proposé, le Gouvernement avait répondu qu'il n'en avait pas les moyens ! Bizarrement, la veille des élections se prête aux cadeaux fiscaux...

M. Jacques Chiron. - C'est que l'économie va mieux !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Christian Eckert, ancien professeur de mathématiques, s'amusait l'an passé à calculer le surcoût des amendements sénatoriaux : à notre tour de sortir la calculatrice ! Autre exemple : l'article 47 étend le crédit d'impôt pour l'emploi à domicile à l'ensemble des contribuables, pour un coût estimé à 1,1 milliard d'euros en 2018 ; le Trésor, lui, l'a évalué à 2 milliards d'euros en 2014...

Les députés ont aussi, avec les articles 46 sexies et 46 septies, accru les avantages fiscaux du crédit d'impôt en faveur des entreprises de jeux vidéo ; avec l'article 46 octies, ils ont abaissé de 1 million d'euros à 250 000 euros le montant minimum des dépenses éligibles au crédit d'impôt cinéma international, mesure qui n'est pas plus financée que les autres. Par ailleurs, mais cela me semble plus raisonnable, l'article 39 proroge le crédit d'impôt pour les métiers d'art et l'étend aux restaurateurs de patrimoine, pour un coût supplémentaire estimé à 3 millions d'euros en 2018.

L'article 46 quater reconduit le crédit d'impôt au titre des dépenses supportées par les exploitants agricoles afin d'assurer leur remplacement par des tiers dans les périodes de congé. Vu l'état de stress professionnel de nombreux agriculteurs, cette disposition s'impose. L'article 51 undecies demande au Gouvernement un rapport sur la pertinence et les impacts de la révision de la carte des zones défavorisées simples.

Les soutiens sectoriels ne se limitent pas aux crédits d'impôts d'État. L'article 39 ter rend obligatoire l'exonération facultative de cotisation foncière des entreprises et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en faveur des diffuseurs de presse - ou kiosquiers -, ce qui concerne 11 500 points de vente et coûterait 7,5 millions d'euros. L'article 50 decies procède à une exonération facultative de cotisation foncière des entreprises en faveur des exploitants de petites salles de spectacle vivant. L'article 46 bis étend à la presse spécialisée en ligne le bénéfice du régime de provision pour investissement déductible applicable aux entreprises de presse d'information politique et générale (IPG). L'article 51 quater met en application le protocole d'accord du 15 novembre 2016 sur la modernisation du réseau des buralistes.

J'en viens aux enjeux de compétitivité. Nous entendions à l'instant Gérard Mestrallet sur les conséquences du Brexit, dans le cadre des travaux du groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. Il nous a mis en garde contre l'envoi de signaux contradictoires sur l'attractivité de la place de Paris. La taxe sur les transactions financières « intraday », que nous serions seuls au monde à instaurer, n'est pas un signal positif... L'article 43, lui, propose un dispositif en faveur des impatriés pour huit ans, et non plus cinq ans, ce qui coûtera environ 85 millions d'euros à l'État et 68 millions d'euros à la sécurité sociale. Ce dispositif est bienvenu mais ne suffira pas à redresser l'image de Paris comme place financière dans la compétition avec Francfort, Dublin ou Amsterdam.

L'article 45 proroge jusqu'au 31 décembre 2019 la dépense fiscale en faveur des jeunes entreprises innovantes. Ce dispositif permet à de jeunes PME réalisant des dépenses de recherche et développement de bénéficier d'exonérations d'impôt sur les sociétés et, sur délibération des collectivités, d'impôts directs locaux. Pour l'impôt sur les sociétés, le coût de ce dispositif est limité à 11 millions d'euros par an, pour 500 bénéficiaires. De même, l'article 46 porte de 20 % à 30 % le crédit d'impôt pour certains investissements réalisés et exploités en Corse pour les TPE, ce qui coûtera 54 millions d'euros par an. En matière environnementale, l'article 42 augmente le plafond de déduction fiscale dont bénéficient les entreprises lors de l'acquisition ou la prise en location de véhicules de tourisme propres. Le plafond d'amortissement sera réduit pour les véhicules les plus polluants, dont la définition s'élargira chaque année. Cette mesure aurait un coût très limité de 1 million d'euros en 2018 puis serait neutre budgétairement en 2020.

L'article 48 supprime des taxes à faible rendement. Malgré l'avis défavorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé la taxe « farine ». Cette suppression avait déjà été votée par le Sénat lors du projet de loi de finances rectificative pour 2015. Il n'en reste pas moins que le produit de 66 millions d'euros allait à la mutuelle sociale agricole et qu'il faudra le compenser...

L'article 48 bis supprime définitivement l'écotaxe poids lourds. Quelle erreur ! Son abandon unilatéral et sans concertation entraînera une perte estimée à 969,2 millions d'euros. Il faudra y revenir un jour : nous ne pouvons demeurer le seul pays traversé par des poids lourds à refuser de les faire contribuer fiscalement à l'entretien du réseau.

L'article 49 procède à une réforme des minima sociaux qui va dans le sens d'une simplification et d'une harmonisation mais on peut regretter qu'il s'agisse d'une réforme a minima, beaucoup moins ambitieuse que celle envisagée.

Au-delà d'un grand nombre de crédits d'impôts et réductions diverses au-delà de 2018, il y a certaines hausses de fiscalité qui interviendront, elles, dès 2017 mais n'ont pas d'incidence sur le budget de l'État et sont donc retracées en seconde partie. L'article 50 bis prévoit ainsi une hausse du plafond des taux de versement transports ; l'article 50 nonies donne la possibilité pour les communes situées en zone tendue de moduler la surtaxe d'habitation sur les résidences secondaires entre 5 % et 60 %, contre 20 % actuellement, ce qui apparaît comme particulièrement excessif pour les contribuables qui seront concernés par le taux plafond. L'attractivité de la place de Paris en souffrira également...

Plusieurs articles relatifs aux finances locales sont techniques et n'appellent pas d'observations particulières. L'article 50 undecies fixe à 0,4 % l'actualisation des valeurs locatives des locaux d'habitation en 2017 et prévoit qu'à partir de 2018, celles-ci seront indexées sur l'inflation constatée l'année précédente, ce qui n'est pas tout à fait neutre en fin de législature...

L'article 50 sexies ouvre la possibilité pour les collectivités territoriales ayant plus de 25 % de logements sociaux de refuser l'application d'exonérations et d'un abattement de taxe foncière. L'article 50 septies exclut également d'exonérations de taxe foncière certaines opérations de démolition-reconstruction. Ces deux articles présentent des imperfections rédactionnelles. L'article 50 octies procède à une exonération systématique de taxe d'habitation en cas de vacances involontaires dans les HLM.

Trois articles appellent des observations particulières compte tenu des travaux déjà menés par notre commission sur ces sujets. L'article 46 quinquies crée un impôt sur les bénéfices détournés. Il s'agit de réintégrer à la base taxable en France les bénéfices réalisés par des multinationales qui n'y disposent pas d'établissement stable ; les bénéfices seraient soumis à l'impôt sur les sociétés en France dès lors qu'elles agissent via un agent commissionnaire, mais aussi qu'elles disposent d'un site de stockage ou d'un site internet de mise en relation. Or les notions d'établissement stable et d'agent commissionnaire sont définies par les conventions fiscales internationales - à l'article 5 du modèle OCDE - qui priment sur la loi française, ce qui rend le présent article inutile, voire source d'insécurité juridique ; il ne s'applique pas aux entreprises établies au sein de l'Union européenne, sauf si cette domiciliation a pour objet exclusif d'éluder ou d'atténuer l'impôt, critère très difficile à établir ; enfin la DGFiP dispose déjà d'outils juridiques, certes encore insuffisants, pour effectuer des redressements.

L'article 51 septies, introduit à l'initiative de Valérie Rabault, permet à l'administration fiscale, à titre expérimental et pour une durée de deux ans, d'indemniser toute personne étrangère aux administrations publiques, dès lors qu'elle lui a fourni des renseignements ayant amené la découverte d'un manquement à une obligation fiscale liée à la fraude fiscale internationale - et seulement celle-ci, il ne s'agit pas d'encourager la délation entre voisins. Sous réserve d'une expertise complémentaire, cette disposition me semble bienvenue, d'autant que l'indemnisation est pratiquée dans d'autres pays européens, notamment en Allemagne. Il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'un revirement notable du Gouvernement par rapport à 2013 puisqu'il s'y était alors opposé dans le cadre des débats sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, alors même que notre commission des finances le proposait.

Enfin, toujours en matière de lutte contre la fraude, l'article 51 ter, adopté à l'initiative de Valérie Rabault, René Dosière et Pierre-Alain Muet, crée une obligation pour tous les assujettis à la TVA de signaler à l'administration fiscale dans les vingt-quatre heures et par télédéclaration les achats de biens ou les prestations de services réalisés auprès d'un autre assujetti. Cette procédure serait obligatoire à compter du 1er janvier 2018 pour les achats excédant 863 000 euros. L'intention des auteurs est louable, mais la fraude à la TVA ne concerne pas forcément des transactions importantes et cette disposition créerait une charge administrative importante pour les quelques dizaines de milliers d'entreprises concernées alors même que le secrétaire d'État au budget a indiqué que l'administration fiscale ne serait pas en mesure de traiter la masse d'informations qui lui serait transmise.

L'Assemblée nationale n'a donc introduit aucune disposition de nature à modifier la décision de principe de la commission des finances d'opposer la question préalable à l'ensemble du projet de loi de finances, bien au contraire : ce budget semble davantage encore une addition d'effets d'annonce et de cadeaux non financés.

M. Claude Raynal. - Je ne partage pas vos conclusions. On sent d'ailleurs dans vos propos le regret de ne pouvoir apporter votre touche au budget. Nous regrettons pour notre part de ne pas pouvoir faire notre travail ; nous aurions pu, sur de nombreux articles, améliorer ce budget.

L'article 41 prolonge d'un an le dispositif « Bouvard-Censi » et en change complètement le rôle, puisque ce n'est plus seulement l'immobilier neuf qui est visé, mais l'ancien. Il est dommage que le dispositif ne soit pas maintenu en l'état en 2017. Dans les Pyrénées, par exemple, certaines opérations sont en cours depuis un an ou deux ; il est parfois plus difficile de trouver un exploitant que de construire - le problème se pose sans doute moins dans les Alpes, chez Michel Bouvard - de sorte que j'aurais aimé amender le dispositif en séance. Malheureusement, nos collègues de droite m'en empêcheront.

M. Bernard Lalande. - Tandis que la droite sénatoriale crie aux cadeaux fiscaux, Les Echos d'aujourd'hui indiquent que certains candidats de droite à la présidentielle souhaitent alléger les prélèvements sur les ménages de 10 milliards d'euros. Sont-ce aussi des cadeaux ? Selon le même article, le candidat bien placé pour l'emporter dit vouloir pérenniser le CICE et augmenter son coût de 40 milliards d'euros. Ce budget n'est pas si mauvais puisqu'il est repris par les adversaires politiques du Gouvernement pour relancer la croissance...

M. Vincent Capo-Canellas. - Je partage l'analyse du rapporteur général, surtout sur les cadeaux non financés, les reports de charges sur les années à venir et le prélèvement à la source. La question préalable ne rend pas d'un coup la copie du Gouvernement plus sympathique : nous nous prononçons sur celle-ci, pas sur le texte de la question préalable...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Claude Raynal, je ne voulais pas seulement améliorer le texte du Gouvernement sur le prélèvement à la source mais le réécrire ! Je suis opposé à l'idée de faire reposer de nouvelles charges sur les entreprises. Nous avons une administration fiscale qui fonctionne, dotée d'outils modernes, comme la déclaration préremplie ou certains mécanismes de prélèvement automatique. N'introduisons pas les entreprises dans le système ! Nous sommes également favorables à un prélèvement contemporain, mais sans passer par un tiers, car cela sera trop complexe et posera un problème de confidentialité.

Le ministre a rappelé en séance que le dispositif « Censi-Bouvard » s'arrêterait le 31 décembre 2016 : ce n'est donc une surprise pour personne. L'article 41 le proroge et le réoriente sur les travaux de réhabilitation du parc existant pour les résidences de tourisme.

Bernard Lalande, la question n'est pas de savoir si le CICE est une bonne ou une mauvaise chose. La majorité sénatoriale, qui préférait le système de la TVA compétitivité, entend toutefois ce que disent les entreprises et n'a pas proposé de le supprimer. Nous reprochons surtout au budget 2017 de n'avoir pour seule mesure fiscale qu'une baisse de l'impôt sur le revenu d'un milliard d'euros. Toutes les autres mesures n'auront d'effet budgétaire qu'après 2017, pour un coût avoisinant la vingtaine de milliards d'euros jusqu'en 2021. Un budget pluriannuel, cela se présente en début, non en fin de législature ! Le véritable budget de la France, quelle que soit la majorité, sera le collectif de juillet 2017. Nicole Bricq, alors rapporteure générale, défendant une question préalable sur le premier projet de loi de finances rectificative pour 2012, arguait qu'on ne pouvait préempter l'avenir avec un texte de loi : je fais mienne sa formule.

La commission donne acte au rapporteur général de sa communication sur les articles non rattachés de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2017.

La réunion est close à 16 h 05.

Jeudi 24 novembre 2016

- Présidence de Mme Michèle André, présidente -

Projet de loi de finances pour 2017 - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire

La réunion est ouverte à 9 h 35.

La commission désigne les candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2017, sous réserve de sa transmission.

La commission soumet au Sénat la nomination de M. Albéric de Montgolfier, Mme Michèle André, MM. Philippe Dallier, Francis Delattre, Vincent Delahaye, Maurice Vincent et Éric Bocquet comme membres titulaires, et de MM. Roger Karoutchi, Serge Dassault, Philippe Dominati, Vincent Capo-Canellas, Richard Yung, François Marc et Jean-Claude Requier comme membres suppléants pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2017, sous réserve de sa transmission.

Projet de loi de finances pour 2017 - Examen définitif de l'équilibre, des missions, des budgets annexes, des comptes spéciaux et des articles rattachés de la seconde partie

La commission procède enfin à l'examen définitif de l'équilibre, des missions, des budgets annexes, des comptes spéciaux et des articles rattachés de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2017 (M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général), sous réserve de sa transmission.

Mme Michèle André, présidente. - Depuis le 19 octobre, nous avons examiné en commission l'ensemble des missions du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux. Nous avons examiné tous les articles rattachés dont nous avions connaissance à la date de notre réunion.

Le rapporteur général nous a présenté son analyse des articles de la première partie et en a conclu qu'il convenait de proposer au Sénat de rejeter le projet de loi de finances pour 2017 en lui opposant la question préalable. La commission en a adopté le principe.

Il nous a également hier, par anticipation, présenté son analyse générale des articles non rattachés de deuxième partie et en a conclu qu'ils ne comportaient pas d'éléments de nature à revenir sur la position de principe prise par la commission.

L'Assemblée nationale a adopté mardi soir le projet de loi de finances, qui nous a été transmis ce matin. Nous disposons donc du texte définitif de ses délibérations.

Notre réunion de ce matin a pour objet de prendre connaissance des modifications apportées par l'Assemblée nationale aux crédits des missions et aux articles rattachés postérieurement aux dates d'examen de ces crédits et articles par notre commission.

Traditionnellement, l'analyse des modifications apportées par l'Assemblée nationale nous conduit à confirmer ou à modifier nos positions, ou bien à statuer sur les articles que nous n'avons pas examinés avant.

Ce matin, je suis saisie d'une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de finances pour 2017. Je vous propose donc de donner la parole au rapporteur général afin qu'il nous livre son analyse des votes de l'Assemblée nationale sur les missions, les articles rattachés et leurs conséquences éventuelles sur l'équilibre.

Si cette analyse le conduit à maintenir sa proposition de voter une question préalable, je vous propose que nous statuions prioritairement sur la motion, plutôt que de nous livrer à l'exercice artificiel de voter à nouveau sur chaque mission avant de, peut-être, voter une question préalable qui équivaut, je le rappelle, à un rejet de l'ensemble du texte.

Il en est ainsi décidé.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Noël approchant, je me permets de vous signaler en préambule la parution de mon rapport d'information intitulé Cinq années sans modération fiscale. Titre alternatif : Une politique fiscale ne devrait pas faire ça...

M. Richard Yung. - Chez Gallimard ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Il y est démontré que les augmentations d'impôts n'ont pas pesé seulement sur les classes moyennes et supérieures, mais bien sur l'ensemble des Français, à travers la hausse des impôts indirects. Le taux de prélèvements obligatoires pour les ménages est passé de 14,5 % en 2011 à 16 % en 2016. Une récente étude de la direction générale du Trésor arrive à la même conclusion. Certes, les entreprises bénéficient d'une baisse globale de 12,5 milliards d'euros de prélèvements sur l'ensemble du quinquennat, mais le total voté par la majorité précédente et qui devait entrer en vigueur en 2013 avant d'être annulé par le premier collectif budgétaire, était de 13,2 milliards d'euros.

Si le temps vous presse, vous trouverez un résumé de cet ouvrage en première page du feuillet économique du Figaro.

M. Daniel Raoul. - Tout est dit !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Le texte définitif voté en première lecture par l'Assemblée nationale nous ayant été transmis, nous sommes réunis pour passer en revue les modifications apportées au projet de loi de finances depuis notre examen des articles et des missions en commission.

Les recettes fiscales nettes, hors prélèvements sur recettes, ont été augmentées de 266 millions d'euros. Cette hausse résulte de plusieurs mouvements en sens contraire : le relèvement du taux de taxe sur les transactions financières et l'extension de son champ d'application, qui augmentent son produit de 540 millions d'euros, et l'affectation de 270 millions d'euros du produit de la taxe sur les transactions financières à l'Agence française de développement (AFD), ce qui minore les recettes perçues par l'État à due concurrence.

Les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales ont été majorés de 70 millions d'euros : 31,5 millions d'euros d'augmentation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) correspondant à la moitié de l'augmentation de la dotation de solidarité rurale (DSR) et 38,5 millions de hausse de l'ensemble des dotations et compensations faisant partie du périmètre des variables d'ajustement soumises à minoration.

Au total, les recettes étaient donc en hausse de 196 millions d'euros à l'issue des votes de l'Assemblée nationale sur la première partie du projet de loi de finances.

Les amendements adoptés par l'Assemblée nationale sur la seconde partie du texte ont conduit à une augmentation des dépenses du budget général d'environ 150 millions d'euros. En première délibération, les dépenses avaient été augmentées de 239 millions d'euros dont 214 millions d'euros sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et 15 millions d'euros sur la mission « Politique des territoires ».

Le Gouvernement a demandé une seconde délibération et ouvert à cette occasion 495 millions d'euros de crédits supplémentaires afin de tirer les conséquences des amendements adoptés en première délibération. Cette hausse est notamment liée au rejet de la dématérialisation de la propagande électorale - le statu quo supprimant 169 millions d'euros d'économies - et à la mise en oeuvre du plan pour la sécurité publique annoncé le 26 octobre 2016, pour un coût de 100 millions d'euros.

L'Assemblée nationale a également adopté, en seconde délibération, des annulations de crédits pour un total de 588 millions d'euros : c'est le « rabot », appliqué à la quasi-totalité des missions du budget général. Comme à l'accoutumée, il vise les dépenses d'intervention et les dépenses pilotables ou discrétionnaires.

Au total, les dépenses de l'État ont augmenté de 150 millions d'euros par rapport au projet de loi de finances initial et les recettes ont été majorées de 196 millions d'euros.

Je ne reviendrai pas en détail sur les missions pour lesquelles les votes de l'Assemblée nationale ont déjà été pris en compte dans la présentation des rapporteurs spéciaux, ou qui n'ont fait l'objet d'aucune modification à l'Assemblée nationale en dehors du rabot général en seconde délibération pour compenser les hausses de crédits adoptées en première délibération.

Les missions dont l'examen en commission s'est tenu après la fin de la première lecture du texte par l'Assemblée nationale sont les suivantes : « Administration générale et territoriale de l'État », « Agriculture », compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », « Conseil et contrôle de l'État », « Égalité des territoires et logement », « Enseignement scolaire », « Justice », « Relations avec les collectivités territoriales », compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales », « Travail et emploi », et enfin le compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ».

Je ne reviendrai pas non plus sur les missions qui n'ont fait l'objet d'aucune modification à l'Assemblée nationale depuis leur examen par la commission des finances. Pour mémoire, en voici la liste : « Défense », compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale », « Investissements d'avenir », compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », « Pouvoirs publics », compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce », compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux », compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics », compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », compte d'affectation spéciale « Pensions », compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », budget annexe « Publications officielles et information administrative », compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs », compte d'affectation spéciale « Aides à l'acquisition de véhicules propres », compte d'affectation spéciale « Transition énergétique », compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » et enfin compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

Certaines missions n'ont été modifiées que par le rabot adopté en seconde délibération. Ont ainsi été revues à la baisse les missions « Action extérieure de l'État », pour 26 millions d'euros ; « Anciens combattants », pour 3 millions d'euros ; « Engagements financiers de l'État », pour 23,5 millions d'euros ; « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », pour 49,9 millions d'euros ; « Médias », pour 2,5 millions d'euros ; « Outre-mer », pour 13 millions d'euros ; « Recherche et enseignement supérieur », pour 68,6 millions d'euros ; « Régimes sociaux et de retraite », pour 122 605 euros et « Santé », pour 2 millions d'euros.

Enfin, certaines missions ont fait l'objet de modifications significatives par l'Assemblée nationale depuis leur examen par notre commission des finances.

Pour ce qui concerne les crédits, les modifications les plus importantes ont porté sur les missions « Sécurités » et « Immigration, intégration et égalité des chances ». En effet, en seconde délibération, l'Assemblée nationale a majoré les crédits de la mission « Sécurités » de 89,8 millions d'euros via une augmentation des crédits de 100 millions d'euros au titre du plan pour la sécurité publique annoncé le 19 octobre 2016, partiellement compensée par une minoration des crédits de 10,2 millions d'euros au titre du rabot général.

L'Assemblée nationale a également majoré les crédits de la mission « Immigration » de 11,5 millions d'euros, produit d'une augmentation de 25 millions d'euros au titre du démantèlement du campement de la lande de Calais couplé à une diminution de 13,5 millions d'euros au titre du rabot général.

Sur la dotation « Crédits non répartis », 146 millions d'euros ont été budgétés en seconde délibération au titre de la dotation d'action parlementaire.

De façon plus marginale, les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements » ont été minorés de 4 millions d'euros en première délibération, conséquence de la suppression de la hausse exceptionnelle de 1 euro de la contribution pour l'audiovisuel public (CAP).

L'Assemblée nationale a adopté les crédits de la mission « Économie » après en avoir modifié la répartition à hauteur de 500 000 euros entre les actions 1 et 22 afin d'augmenter le budget consacré à l'économie sociale et solidaire.

Dans la mission « Direction de l'action du Gouvernement », 357 000 euros ont été ajoutés en première délibération pour permettre à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), dotée d'un périmètre d'action élargi, de réaliser au plus tôt dans l'année les recrutements prévus.

L'Assemblée nationale a également adopté les crédits de la mission « Solidarité » tels que modifiés par un amendement visant à corriger la répartition des crédits entre titre 2 et titre 3 afin que certains agents contractuels à durée indéterminée puisse être rémunérés en contrat à durée indéterminée directement sur les crédits de titre 2.

Des modifications sont également intervenues sur les articles rattachés. L'Assemblée nationale a adopté cinq articles additionnels rattachés à la mission « Solidarité », quatre à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », trois articles à la mission « Écologie, développement et mobilité durables », trois à la mission « Aide publique au développement », deux à la mission « Économie », un à la mission « Politique des territoires », un à la mission « Sport, jeunesse et vie associative » et un à la mission « Culture ».

L'Assemblée nationale a enfin modifié l'article 64 rattaché au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

Les rapporteurs spéciaux, qui auront joué tout leur rôle, tant dans leur fonction législative que dans leur fonction de contrôle, pourront apporter des éclairages sur ces nouveaux articles rattachés dans le cadre de leurs rapports budgétaires.

Le Sénat aura ainsi procédé, en commission, à un examen complet, et produit des rapports exhaustifs, y compris celui que je viens de mentionner sur la politique fiscale à cinq ans, et celui sur le prélèvement à la source, ce dernier dispositif ayant été profondément amendé par l'Assemblée nationale, alors qu'à notre sens, il n'est pas amendable et qu'il nous semble préférable d'avoir recours à une autre solution.

M. Richard Yung. - De quoi discutons-nous aujourd'hui ? Depuis trois semaines, notre commission ressemble à un vélo dont la chaîne n'entraîne pas la roue arrière. Certes, nous avons travaillé, adoptant 70 % des missions - preuve que vous ne trouvez pas ce projet de loi de finances si mauvais... - mais pour un résultat nul. C'est regrettable. Sans y souscrire, notre groupe n'en était pas moins prêt à débattre de votre proposition de mensualisation contemporaine pour remplacer le prélèvement à la source. La taxe sur les transactions financières, introduite par un amendement de l'Assemblée nationale, aurait elle aussi pu être discutée. Mais vous avez tiré l'échelle, nous laissant un sentiment d'inutilité, voire d'amertume.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je propose la question préalable après avoir été conforté dans mon analyse par l'examen des missions. Certes, nous avons approuvé certaines missions. On peut se réjouir de l'augmentation de certains budgets, mais il faut considérer ensemble les recettes et les dépenses. Or les prévisions de recettes sont artificielles car fondées sur des prévisions de croissance irréalistes. Pourquoi le produit de la TVA augmenterait-il spontanément alors que la croissance est quasiment nulle ? Et, coïncidence, les baisses de prélèvements, pour 7 milliards d'euros, ne prendront pas effet en 2017, mais en 2018... Quant aux dépenses, la sous-budgétisation en reporte la charge sur les exercices suivants.

M. Philippe Dominati. - Vous vous dites, Richard Yung, prêt à débattre ; mais sur quelles mesures financières le Sénat a-t-il obtenu satisfaction dans la discussion, par le passé ?

M. Vincent Delahaye. - Jamais !

M. Philippe Dominati. - Quant à l'insincérité du budget, elle s'est avérée au cours de notre examen : dans la plupart des cas, les recettes sont inférieures aux attentes et les dépenses des missions sont minorées.

M. Didier Guillaume. - Alors votons la question préalable chaque année...

M. Claude Raynal. - Vous avez le droit d'opposer la question préalable. On comprend bien pourquoi vous le faites : empêtrés dans vos débats internes, vous êtes incapables de présenter un contre-projet clair reflétant les options du futur candidat. Nous en saurons davantage à l'issue du débat de ce soir... Restons-en là, et votons.

M. Philippe Dallier. - La question préalable est en effet un droit. L'examen des missions et nos débats en commission n'ont pas modifié notre appréciation sur ce budget profondément insincère. Quant à nous renvoyer aux primaires, c'est amusant...

M. Didier Guillaume. - Cela n'amuse pas tout le monde, semble-t-il...

M. Philippe Dallier. - ...mais nous préférerions des arguments plus sérieux.

M. François Marc. - J'ai dit la semaine dernière ce que je pensais de la question préalable. Je me placerai sur le terrain technique. Le rapporteur général a évoqué hier des modifications votées par l'Assemblée nationale sur les articles non rattachés, lesquelles reflètent des amendements défendus l'an dernier au Sénat. C'est la preuve de l'utilité de notre assemblée. Ainsi, la disposition faisant bénéficier l'économie sociale et solidaire d'un dispositif équivalent au CICE - qui représente tout de même 6 et bientôt 7 % de la masse salariale - reprend un amendement déposé l'an dernier par notre groupe. Autre avancée, le dispositif de rémunération des fournisseurs d'informations sur la fraude fiscale, que notre commission des finances avait défendu en 2013 contre l'Assemblée nationale et notre propre commission des lois. Le débat est utile et pertinent.

En nous empêchant de défendre des amendements fondés et légitimes, la question préalable nuit à la qualité de la loi de finances et aux perspectives d'évolution positive pour l'avenir.

M. Michel Bouvard. - Je comprends les arguments du rapporteur général ; mais je regrette que nous n'examinions pas entièrement ce texte, quelles que soient ses faiblesses. Certes, les projets de loi de finances en année pré-électorale sont rarement sincères ; nous n'y avons pas pour autant toujours opposé la question préalable. Je regrette que nous nous privions ainsi de notre capacité d'amender le texte, et de faire valoir la position du Sénat. Chaque année, certains de nos amendements sont repris dans le texte définitif. Je ne voterai pas la question préalable qui nous prive de la possibilité de défendre notre point de vue.

M. Marc Laménie. - Dans notre commission et dans les autres, les rapporteurs ont effectué un travail considérable, mission après mission, qui mérite notre respect et notre attention. Je le dis d'autant plus librement que je ne suis candidat à rien. Certaines missions ont été votées - parfois à l'unanimité - d'autres ont été rejetées. C'est le travail démocratique.

La question préalable est elle aussi un moyen légitime, et je respecte la position du rapporteur général, à laquelle je me rallierai même si le débat en séance aurait été bienvenu.

M. Vincent Capo-Canellas. - La question préalable est justifiée par le travail de fond des rapporteurs, et l'analyse des propositions du Gouvernement et des modifications votées par l'Assemblée nationale. Le Haut Conseil des finances publiques avait déjà émis des doutes sur le texte initial ; la version votée par l'Assemblée, comme le rapporteur général l'a très bien montré, le dégrade et introduit des incohérences, en particulier en matière de compétitivité. Le travail mené par le Sénat sur le prélèvement à la source et le bilan fiscal méritent d'être souligné.

Je ne sais pas si c'est la chaîne qui a sauté ou l'échelle qui s'est dérobée ; quoi qu'il en soit, j'ai le sentiment que ce gouvernement n'arrive plus à entraîner la croissance.

Mme Marie-France Beaufils. - La question préalable est prévue par le règlement. Néanmoins, les préconisations sous-jacentes qui transparaissent dans son exposé des motifs ne peuvent emporter mon adhésion. Je lis ainsi que « le Gouvernement a [...] choisi de n'actionner aucun des leviers d'une maîtrise de la masse salariale de l'État comme la redéfinition de ses missions, le développement de la mobilité et l'augmentation de la durée du travail, afin de réaliser des économies pérennes ». Vous ne vous étonnerez pas que mon groupe ne partage pas ce type d'arguments. Je n'ai pas lu Le Figaro, ce matin, mais j'ai en revanche lu un article dans Les Échos qui apporte des éclairages intéressants sur la durée du travail des personnels de l'État, des collectivités territoriales et d'autres. Je vous recommande la lecture de telles analyses, pleines d'enseignements.

Vous insistez, monsieur le rapporteur général, sur le fait que les mesures contenues dans ce texte engagent les budgets à venir. Élue depuis 2001, j'ai toujours eu à examiner des budgets qui engageaient les exercices à venir... Ainsi, il est logique que l'effet des mesures en faveur de l'environnement se fasse sentir sur plusieurs années ! Comment mener, sinon, une politique efficace dans la durée ?

Vous envisagez, à la place du CICE, un allégement des cotisations sociales, dans l'idée dogmatique que la masse salariale est un frein à la compétitivité ; la question du poids du capital dans l'entreprise, en revanche, n'est jamais abordée. Pour toutes ces raisons, notre groupe ne peut voter la question préalable.

M. Vincent Delahaye. - Je constate que nous en sommes déjà aux explications de vote. La question préalable offre une argumentation particulièrement complète et solide. Je n'ai pas l'expérience parlementaire et le recul de mon collègue Michel Bouvard, mais je ne suis pas sûr que nous ayons déjà eu à examiner un budget aussi insincère...

M. Michel Bouvard. - En 2002 ?

M. Didier Guillaume. - Et en 2012 !

M. Vincent Delahaye. - Je serais disposé à poursuivre la discussion si nous avions été entendus par ce gouvernement dans le passé récent.

M. Didier Guillaume. - Cela ira mieux l'an prochain !

M. Vincent Delahaye. - Mais le secrétaire d'État au budget s'est toujours montré très fermé, même à nos propositions qui relevaient du simple bon sens. L'UDI-UDC votera sans hésitation la question préalable.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Si j'étais paresseux, j'aurais tout simplement plagié Nicole Bricq, sans pour autant partager ses opinions politiques. Dans la question préalable qu'elle avait déposée sur le projet de loi de finances rectificative pour 2012...

M. Didier Guillaume. - Rectificative, il est bon de le préciser...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - ... elle relevait qu'il était malvenu de préempter les résultats des élections à venir, que le texte parachevait un quinquennat d'improvisation fiscale permanente et d'insécurité juridique, et qu'il était inutile, puisque la campagne avait déjà débuté et que celui qui serait élu déposerait un projet de loi de finances rectificative.

Quel que sera le gouvernement issu des élections, le véritable budget de la France pour 2017 sera celui du collectif budgétaire de l'été prochain.

M. André Gattolin. - La mesure de TVA sociale du projet de loi de finances rectificative déposé par le gouvernement Fillon en février 2012 devait prendre effet au 1er octobre 2012. Il s'agit ici d'élaborer le budget de la France, qui prendra effet au 1er janvier 2017. Le nouveau Président de la République ne sera pas élu dans l'intervalle : aussi importante que soit la primaire qui se déroule actuellement, gardez-vous d'oublier que tel n'est pas son objet. Comparons ce qui est comparable.

Nous ferions mieux, hors de toute chamaillerie partisane, d'étudier l'exécution du budget dans les premiers mois des années électorales. A-t-on vidé la caisse avant l'échéance ? Ce travail comparatif sur plusieurs mandatures serait intéressant à mener.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Une autre majorité au Sénat a rejeté d'autres budgets.

Mme Michèle André, présidente. - Ce qui nous a valu une réputation exceptionnelle.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je n'appartenais pas à cette majorité, madame la présidente.

EXAMEN DE LA MOTION TENDANT À OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Résumons cette motion tendant à opposer la question préalable, s'agissant d'abord des grands équilibres du projet de loi de finances. Je ne reviens pas sur la prévision de croissance, nous nous en sommes expliqués. Nous ne pouvons pas non plus approuver la politique fiscale qui se traduit là aussi par une surestimation des recettes et une série d'annonces dont le coût sera répercuté sur les années suivantes.

Sur le volet dépenses, le Gouvernement renonce à une maîtrise qu'il présentait comme l'alpha et l'oméga. Plus un mot des 50 milliards d'euros d'économies annoncés.

M. Didier Guillaume. - On verra pour les 100 milliards...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - La masse salariale de l'État augmente de 4 %, dans une période d'inflation et de croissance quasiment nulles. Est-ce raisonnable ?

En matière de finances locales, en effet, de vraies économies sont réalisées puisque les collectivités territoriales ont contribué, pour l'essentiel, à la réduction des dépenses.

Surtout, ce projet de budget préempte les exercices futurs. Ainsi, la baisse de l'impôt sur les sociétés représente plus de 7 milliards d'euros à compter de 2018. Quant aux charges supplémentaires, elles dépassent 25 milliards d'euros d'ici à 2021.

En conclusion, le Sénat ne peut débattre d'un projet de loi de finances qui s'apparente à un budget de campagne, contraire au principe d'annualité budgétaire, qui obère les marges de manoeuvre de la prochaine majorité gouvernementale. Le cadre fixé par la Constitution et la loi organique relative aux lois de finances empêche le Sénat de remédier par voie d'amendement à ses défaillances structurelles. Nous y reviendrons en séance.

La commission adopte la motion présentée par M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, tendant à opposer la question préalable au projet de loi de finances pour 2017.

Mme Michèle André, présidente. - Puisque la commission propose un rejet en bloc du projet de loi de finances, elle ne déposera pas les quelques amendements proposés par les rapporteurs spéciaux, qui pourront développer dans leurs rapports les raisons pour lesquelles ces amendements ont été adoptés. Ils pourront présenter leurs observations sur l'ensemble des votes de l'Assemblée nationale.

La réunion est close à 10 h 20.