- Lundi 2 juin 2025
- Mardi 3 juin 2025
- Proposition de loi relative à la protection sociale complémentaire des agents publics territoriaux - Désignation d'un rapporteur
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à réformer le mode d'élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille - Examen des amendements à la proposition de loi
- Mercredi 4 juin 2025
- Mission conjointe de contrôle sur l'aide sociale à l'enfance - Désignation des membres
- Proposition de loi relative à la composition des conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance - Examen du rapport et du texte de la commission
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, de simplification du droit de l'urbanisme et du logement - Examen de l'avis
- Proposition de nomination de M. Bernard Stirn, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président de la commission prévue au dernier alinéa de l'article 25 de la Constitution - Communication
- Audition de M. Bernard Stirn, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président de la commission prévue au dernier alinéa de l'article 25 de la Constitution
- Vote sur la proposition de nomination, par le président de la République, de M. Bernard Stirn aux fonctions de président de la commission prévue au dernier alinéa de l'article 25 de la Constitution
- Dépouillement sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Bernard Stirn aux fonctions de président de la commission prévue au dernier alinéa de l'article 25 de la Constitution
- Jeudi 5 juin 2025
Lundi 2 juin 2025
- Présidence de Mme Muriel Jourda, présidente -
La réunion est ouverte à 15 heures 45.
Projet de loi portant création de l'établissement public du commerce et de l'industrie de la collectivité de Corse - Examen des amendements au texte de la commission
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous examinons les amendements au texte de la commission sur le projet de loi portant création de l'établissement public du commerce et de l'industrie de la collectivité de Corse. Nous commençons par les amendements de la rapporteure.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DE LA RAPPORTEURE
Mme Olivia Richard, rapporteure. - L'amendement n° 2 vise à préciser que le président du conseil exécutif de Corse pourra assurer lui-même la présidence du nouvel établissement ou désigner un membre du conseil exécutif pour exercer cette fonction.
L'amendement n° 2 est adopté.
Mme Olivia Richard, rapporteure. - Afin de rendre le dispositif cohérent, l'amendement n° 3 tend à permettre à la collectivité de Corse de désigner, pour siéger au conseil d'administration du nouvel établissement public, en sus des conseillers à l'assemblée de Corse, les conseillers exécutifs qui président l'Agence de développement économique de la Corse (Adec), l'Office des transports de la Corse (OTC) et l'Agence du tourisme de la Corse (ATC).
L'amendement n° 3 est adopté.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Mme Olivia Richard, rapporteure. - L'amendement n° 1 du Gouvernement prévoit d'instaurer un délai de quatre ans pour la renégociation des accords en vigueur au sein de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Corse. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 1.
Les sorts des amendements du rapporteur examinés par la commission sont retracés dans le tableau suivant :
La commission a également donné l'avis suivant sur l'autre amendement dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :
Auteur |
N° |
Objet |
Avis de la commission |
Article 4 |
|||
Le Gouvernement |
1 |
Instauration d'un délai de quatre ans pour la renégociation des accords en vigueur au sein de la CCI de Corse |
Favorable |
La réunion est close à 15 heures 50.
Mardi 3 juin 2025
- Présidence de Mme Muriel Jourda, présidente -
La réunion est ouverte à 14 heures.
Proposition de loi relative à la protection sociale complémentaire des agents publics territoriaux - Désignation d'un rapporteur
La commission désigne Mme Catherine Di Folco rapporteur sur la proposition de loi n° 300 (2024-2025) relative à la protection sociale complémentaire des agents publics territoriaux, présentée par Mme Isabelle Florennes et plusieurs de ses collègues.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à réformer le mode d'élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille - Examen des amendements à la proposition de loi
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous examinons les amendements de séance déposés sur la proposition de loi visant à réformer le mode d'élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Je suis défavorable aux amendements nos 5, 10 rectifié, 1, 9 rectifié, 13 rectifié bis, 4, aux amendements identiques nos 3, 6, et 8 et aux amendements nos 22 et 2 en discussion commune, car ils sont contraires à la position de la commission. Je ne reviendrai pas sur les nombreuses difficultés soulevées par ce texte. Je l'ai déjà dit, le texte est insuffisant, lacunaire et problématique.
L'amendement n° 5 vise à appliquer la réforme uniquement à Marseille. Les amendements nos 10 rectifié et 13 rectifié bis tendent à exclure Lyon du champ de la réforme proposée.
S'agissant des amendements nos 1, 4 et 9 rectifié, ils prévoient d'organiser un scrutin unique pour l'élection des conseillers d'arrondissement et des conseillers municipaux, avec un bulletin unique où figureraient deux listes, l'une pour l'arrondissement, et l'autre pour la mairie centrale. Cette modification , n'a pas fait l'objet d'une concertation avec les parties prenantes. De plus, il importe d'élaborer une réforme globale abordant mode de scrutin et compétences.
Les amendements identiques nos 3, 6 et 8 prévoient une prime majoritaire de 50 % pour l'élection des conseillers de Paris et des conseillers municipaux, comme le prévoit le droit commun. Par cohérence avec l'avis de la commission sur l'ensemble du texte, j'y suis défavorable. Il en est de même pour l'amendement n° 22 du Gouvernement, qui tend à procéder à une clarification rédactionnelle.
Enfin, l'amendement n° 2 prévoit une prime majoritaire de 33,3 % pour l'élection des conseillers municipaux. Ce taux dérogatoire au droit commun est de nature à créer une rupture d'égalité entre les collectivités territoriales.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 5, 10 rectifié, 1, 9 rectifié, 13 rectifié bis, 4, aux amendements identiques nos 3, 6 et 8, et aux amendements nos 22 et 2.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Je suis favorable à l'amendement n° 7 rectifié, qui vise à supprimer l'article 1er bis, par cohérence avec la position de la commission, qui vous invite à rejeter ce texte.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 7 rectifié.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement no 21 du Gouvernement vise à instaurer une prime majoritaire de 25 % pour l'élection des conseillers de la métropole du Grand Paris et de la métropole Aix-Marseille-Provence. Conformément à la position de la commission, j'y suis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 21.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement n° 11 rectifié prévoit d'actualiser le nombre de conseillers municipaux lyonnais dans chaque arrondissement pour tenir compte des évolutions démographiques, lesquelles n'ont pas été actualisées depuis 1983. Sur le fond, j'y suis favorable, mais par cohérence avec la position de la commission, j'émets un avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 11 rectifié.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement n° 12 rectifié vise à reporter l'entrée en vigueur de la réforme à 2032 en raison du caractère problématique de la réforme proposée. Je suis défavorable au report de l'entrée en vigueur de cette réforme dans la mesure où je considère qu'il faut reprendre le travail à zéro.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 12 rectifié.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement n° 23 du Gouvernement vise à clarifier le fonctionnement de la conférence des maires, qui serait instituée dans chacune des trois villes. Par cohérence avec la position de la commission, mon avis est défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 23.
La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :
La réunion est close à 14 h 10.
Mercredi 4 juin 2025
- Présidence de Mme Muriel Jourda, présidente -
La réunion est ouverte à 8 heures 30.
Mission conjointe de contrôle sur l'aide sociale à l'enfance - Désignation des membres
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nos collègues Agnès Canayer et Patricia Schillinger ont déjà été nommées rapporteurs de la mission conjointe de contrôle sur l'aide sociale à l'enfance menée avec la commission des affaires sociales. Je vous propose de désigner ce jour comme membres de la mission : Olivia Richard, Laurence Harribey, Dany Wattebled, Cécile Cukierman, Michel Masset et Mélanie Vogel.
Il en est ainsi décidé.
Proposition de loi relative à la composition des conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance - Examen du rapport et du texte de la commission
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous examinons le rapport de notre collègue Louis Vogel sur la proposition de loi relative à la composition des conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, déposée par Isabelle Florennes et plusieurs de ses collègues.
M. Louis Vogel, rapporteur. - La proposition de loi (PPL) déposée par notre collègue Isabelle Florennes vise à rétablir les présidents de conseil départemental parmi les membres de droit des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) et des conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD).
Les CLSPD et CISPD sont des instances précieuses pour animer la politique de prévention de la délinquance à l'échelle locale. Ils sont respectivement présidés par le maire ou le président de l'intercommunalité. L'instauration d'un CLSPD est obligatoire dans toutes les communes de plus de 5 000 habitants ; on en dénombre 1 041 à date. La création d'un CISPD est quant à elle facultative, de sorte que l'on n'en compte que 301, soit moins du quart des intercommunalités.
Les maires et les présidents des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) fixent, respectivement, la liste des membres des CLSPD et des CISPD. Le préfet et le procureur de la République en sont membres de droit, de même que, pour les CLSPD, le président de l'EPCI compétent en matière de dispositifs locaux de prévention de la délinquance.
Les CLSPD et CISPD peuvent également accueillir des membres facultatifs, ce qui rend le dispositif souple et adaptable aux circonstances locales. Peuvent ainsi être désignés membres de ces conseils des représentants de services de l'État compétents, les parlementaires ainsi que des représentants d'associations ou d'organismes pertinents.
Depuis la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, ces règles de composition sont fixées dans la loi et non plus au niveau réglementaire. Ce faisant, cette loi a retiré les présidents de conseil départemental de la liste des membres de droit : c'est sur cette évolution que la PPL entend revenir.
Au terme des auditions que j'ai conduites, je considère que ce rétablissement est une très bonne chose, et je vous proposerai donc d'adopter cette PPL.
Deux raisons principales motivent ma position.
En premier lieu, la mesure est cohérente avec les compétences des départements en matière d'action sociale. La loi prévoit expressément que les actions que ceux-ci conduisent dans ce cadre concourent à la prévention de la délinquance. De fait, les politiques qu'ils mènent dans les domaines de l'aide sociale à l'enfance (ASE), de la prévention spécialisée, de l'insertion ou encore de la prévention des violences intrafamiliales (VIF) apportent ainsi un complément précieux à ces politiques dans de nombreux territoires.
Pour ne prendre qu'un exemple, plusieurs communes que j'ai auditionnées ont évoqué les enjeux liés à la lutte contre la prostitution des mineurs, phénomène lié à la criminalité organisée et qui monte en puissance dans de nombreux territoires. Pour endiguer ce phénomène, le concours des compétences sociales du département, notamment au titre de l'ASE, est essentiel.
En second lieu, la mesure favorise le développement des approches partenariales en matière de prévention de la délinquance.
Le département peut jouer un rôle fort utile dans l'animation de cette politique, notamment en orientant sa politique de soutien logistique et financier aux communes. Par exemple, certains départements financent des équipements de vidéoprotection, notamment au profit des communes rurales, qui ne pourraient acquérir seules de tels équipements.
L'intégration des départements au « tour de table » permet également une circulation plus complète des informations pertinentes. Ainsi, les politiques de l'ASE et de la prévention spécialisée, par-delà leur fonction d'action sociale, sont, par exemple, susceptibles de donner accès à des informations ou à des signaux faibles pouvant s'avérer extrêmement précieux pour les maires et pour les forces de sécurité intérieure.
Ainsi, la proposition de loi constitue à la fois une reconnaissance du rôle des départements et une invitation, pour ceux d'entre eux qui ne l'auraient pas fait, à pleinement investir les compétences en matière de prévention de la délinquance.
C'est d'ailleurs pour cette raison que je vous proposerai de ne pas retenir l'amendement qui a été déposé sur ce texte par notre collègue Audrey Linkenheld. Celui-ci prévoit que les départements sont bien membres de droit des conseils, mais que leur présence n'est pas requise pour la tenue de la réunion plénière annuelle du CLSPD. Il contredit l'esprit du texte, qui vise justement à favoriser la présence des départements au sein des CLSPD.
Les élus soulignent l'importance des pratiques locales et ont démontré un engagement et une expertise forte pour développer des stratégies locales de sécurité, toutes tendances politiques confondues. Les contributions que j'ai recueillies de la part des villes de Bordeaux, de Montpellier, de Vernon, ainsi que des conseils départementaux du Cher, et de la Seine-et-Marne ont été très intéressantes à cet égard.
Les auditions que j'ai menées m'ont permis de me rendre compte que le bon fonctionnement des CLSPD reposait trop souvent sur des relations interpersonnelles, ce qui constitue par définition une base fragile. Dès lors que la loi ferait des départements des membres de droit de ces instances, l'exercice de cette compétence ne serait plus une option.
Je précise que leur présence aux réunions plénières des CLSPD était déjà requise par le droit antérieur à la loi de 2024 - celui-ci était de portée réglementaire.
À ce sujet, je souhaite formuler une dernière remarque. Cette proposition de loi souligne aussi les difficultés auxquelles nous nous heurtons lorsque nous inscrivons dans la loi des dispositions auparavant fixées par voie réglementaire. Cela conduit à rigidifier fortement des dispositions qui sont en général de portée assez technique, comme ici la composition d'une instance locale. Nous sommes obligés de délibérer sur ce sujet pour remédier à une lacune, ce qui rend la correction beaucoup plus lourde, mais pas impossible si vous suivez ma recommandation.
Mme Audrey Linkenheld. - Nous souscrivons aux propos du rapporteur : nous devons prendre garde à ce que nous votons, pour éviter de devoir légiférer de nouveau. Nous avons tous envie de mettre notre énergie à faire autre chose que de défaire et refaire les lois. Mais les CLSPD sont importants pour nos territoires et il était donc important d'intervenir à nouveau sur ce point.
Je ne pense pas que l'amendement que j'ai déposé avec mes collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) soit contraire à l'esprit de la loi, car nous souscrivons à l'idée que les départements ont toute leur place dans les CLSPD. Nous avons eu tort de les en exclure. Je pense en particulier à la prévention spécialisée et à la protection de l'enfance, qui sont des sujets que l'on évoque avec les maires et les autres partenaires des CLSPD.
Avec cet amendement, nous avons essayé d'être pragmatiques. Aux termes de la version actuelle du texte, tous les membres de droit doivent être présents pour que le CLSPD puisse se réunir. Notre proposition emprunte une voie médiane : les départements sont membres de droit du conseil, mais nous souhaitons que ce dernier puisse quand même se réunir si leur représentant est dans l'impossibilité de venir.
Nous sommes à vos côtés pour réintégrer les départements dans les CLSPD.
Mme Isabelle Florennes, auteure de la proposition de loi. - Je tiens à remercier le rapporteur pour son travail très sérieux et complet.
Cette proposition de loi est issue d'une demande expresse d'un certain nombre de départements, ensuite relayée par Départements de France : l'association s'est rapidement émue de l'erreur commise lors de l'examen de la loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux. Tous, nous devons être vigilants, surtout lorsque nous inscrivons dans la loi des dispositions de portée réglementaire.
Au cours de ces travaux, nous avions été invités à intégrer d'autres acteurs en tant que membres de droit, mais nous n'avons pas souhaité nous engager dans cette voie, car nous devons faire montre de souplesse. Les maires doivent pouvoir convoquer les acteurs qu'ils souhaitent en fonction des problématiques territoriales, et la rédaction actuelle de la loi leur laisse déjà d'importantes latitudes en la matière. Je vous remercie donc, monsieur Vogel, d'avoir proposé d'adopter sans modification ma proposition de loi.
Mme Catherine Di Folco. - Je vais faire mon mea culpa, car j'étais rapporteur de la loi précitée. J'assume l'entière responsabilité de cette erreur !
Mme Muriel Jourda, présidente. - L'erreur est humaine, mais persévérer est diabolique !
M. Louis Vogel, rapporteur. - Madame Linkenheld, nous partageons le même objectif : rétablir les présidents de conseil départemental en tant que membres de droit des CLSPD et CISPD. Je considère qu'à l'aune des compétences que la loi leur confie à cet égard, ils ont vocation à être des membres de droit à part entière, au même titre que les autres, et par conséquent avec les mêmes obligations. Leur président n'aura pas plus de difficultés à y siéger ou à s'y faire représenter que le préfet ou le procureur de la République.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que ce périmètre inclut les dispositions relatives au fonctionnement et à la composition des conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous avons déjà échangé sur l'amendement COM-1, sur lequel le rapporteur a émis un avis défavorable.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté sans modification.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article unique |
|||
Mme LINKENHELD |
1 |
Absence d'obligation de participation des départements aux réunions plénières annuelles des CLSPD et CISPD. |
Rejeté |
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, de simplification du droit de l'urbanisme et du logement - Examen de l'avis
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous poursuivons nos travaux avec l'examen du rapport pour avis de notre collègue Marc-Philippe Daubresse sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, de simplification du droit de l'urbanisme et du logement.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis. - Il me revient ce matin de présenter le rapport pour avis sur la proposition de loi de simplification de l'urbanisme et du logement déposée par Harold Huwart, député du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (Liot), soutenue par le Gouvernement et plus particulièrement par la ministre du logement, notre ancienne collègue Valérie Létard.
Ce texte vise à répondre à la crise sans précédent que traverse aujourd'hui le secteur du logement : crise à la fois structurelle et conjoncturelle, crise de la demande suivie d'une crise de l'offre, chute brutale des volumes des constructions neuves. Les chiffres à notre disposition sont hallucinants : nous n'avons jamais connu une situation aussi terrible, même dans les pires moments, comme lors de l'appel de l'hiver 1954.
À titre d'exemple, de février 2024 à janvier 2025, un peu plus de 330 000 permis de construire ont été délivrés, soit environ 43 000 de moins que lors des douze mois précédents, représentant une chute d'environ 30 % par rapport aux chiffres d'avant la crise sanitaire, et de 50 % par rapport aux années fastes qui ont suivi le plan Borloo !
Cette crise historique trouve son origine dans une multitude de facteurs désormais connus et analysés, mais la complexité de nos normes est incontestablement aujourd'hui l'un des principaux freins à la production rapide de logements.
Le législateur a multiplié, pour chaque projet, les consultations, les autorisations et les études obligatoires, avec un résultat prévisible et un inconvénient majeur : aujourd'hui, en France, les délais pour construire n'ont jamais été aussi longs : il faut sept ans pour construire un lotissement en France, contre trois en Belgique. Les recours n'ont jamais été aussi nombreux, la construction de logements n'a jamais été aussi compliquée, le nombre de logements neufs construits n'a jamais été aussi bas et le nombre de Français en attente d'un logement n'a jamais été aussi élevé.
Nous sommes forcés de constater, en tant qu'élus locaux ou anciens maires, qu'il y a dans toutes ces procédures auxquelles nous avons été confrontés des délais et des coûts qui ne sont plus justifiables et dont nous pourrions faire l'économie, sans remettre en cause aucune des garanties de notre droit.
Face à cette crise, les axes prioritaires de simplification sont donc parfaitement identifiés.
Premièrement, faciliter l'évolution des documents d'urbanisme, pour réaffirmer le rôle de la planification sans que celle-ci soit perçue comme un obstacle et donner de la souplesse aux procédures, pour soutenir l'émergence et la réalisation des projets.
Deuxièmement, faciliter l'accès à l'ingénierie, enjeu majeur pour nos petites communes, notamment rurales.
Troisièmement, améliorer et accélérer l'instruction des projets et la délivrance des permis, mais aussi les délais du contentieux, qui restent très longs, voire continuent d'augmenter. J'avais déjà travaillé sur ce sujet en tant que rapporteur de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique dite « Élan ».
Prenant acte de l'absence de projet de loi consacré à l'urbanisme et au logement, qui aurait permis au Parlement de disposer d'une étude d'impact et de l'analyse du Conseil d'État, Harold Huwart et les députés du groupe Liot ont répondu aux attentes des élus locaux et du secteur de la construction en déposant une proposition de loi concentrée en quatre articles, qui a été sensiblement étoffée lors de l'examen par l'Assemblée nationale.
Sur les dix-neuf articles de la proposition de loi qui nous a été transmise, trois entrent directement dans le champ de compétence de la commission de lois en ce qu'ils ont trait au contentieux de l'urbanisme. Il s'agit des articles 4, 5 et 7, qui nous ont été délégués au fond par la commission des affaires économiques.
L'article 4 poursuit un double objectif : d'une part, il vise à réduire les délais contentieux par la diminution du délai de recours administratif et la suppression du caractère suspensif de celui-ci ; d'autre part, il institue une amende administrative et renforce l'astreinte à disposition des maires pour mieux lutter contre les phénomènes de « cabanisation ».
L'article 5, quant à lui, institue une procédure d'admission préalable des recours formés contre les décisions d'urbanisme tandis que l'article 7 réduit de six à dix mois les délais de recours contentieux pour la construction de logements sociaux.
Notre commission s'est saisie pour avis de l'ensemble des autres articles, mais j'ai choisi de concentrer mes travaux sur les articles pour lesquels nous pouvions apporter une plus-value, à savoir les articles 1er A, 1er, 2 et 3.
Ces articles permettent le recours à la procédure de modification simplifiée des documents d'urbanisme lorsque les possibilités de construction sont majorées. Ils renforcent les possibilités de dérogation au plan local d'urbanisme (PLU) pour construire des logements dans les zones tendues. Ils facilitent les constructions dans les zones d'activité économique (ZAE). Enfin, ils élargissent le champ du permis d'aménager multisites. Bref, nous voulons introduire de la rapidité et de la souplesse lors de l'instruction des documents d'urbanisme.
Partant d'un constat partagé avec les acteurs du logement et les élus locaux, je vous propose d'approuver les objectifs poursuivis au travers de cette proposition de loi. Ce texte ne révolutionnera pas la politique du logement, mais nous pouvons intervenir sensiblement sur les outils d'urbanisme - notamment les schémas de cohérence territoriale (Scot), les PLU et les plans locaux d'urbanisme intercommunal (PLUi) - dans trois domaines : la complexité, les délais et le coût.
Ce texte constitue non pas le Grand Soir, mais des mesures de simplification, qui apporteront aux collectivités territoriales - en particulier, aux maires - une souplesse et une latitude bienvenues pour mener à bien leurs projets, aux côtés de tous les partenaires et de tous les acteurs de la construction, et pour gagner du temps. Car le temps, c'est de l'argent et des emplois sauvés dans le secteur du bâtiment ! Le président de la Fédération française du bâtiment (FFB) m'indiquait que le secteur avait perdu 30 000 emplois l'an dernier. Au cours du premier semestre, ce chiffre s'élèverait à 70 000 emplois !
Je vous propose néanmoins dix-sept amendements tant sur les articles qui nous sont délégués au fond, que sur les autres articles de la proposition de loi, afin d'améliorer et de compléter le texte. Ces amendements s'articulent autour de trois axes.
En premier lieu, il est souhaitable d'enrichir les dispositifs de simplification proposés en élargissant leur champ d'application souvent inutilement réduit par des critères trop restrictifs. Nos collègues députés ont prévu des dérogations aux dérogations, source de complexifications : j'ai essayé de revenir à l'esprit de simplification.
Ainsi, je vous propose d'étendre à l'ensemble des communes - et non plus aux seules communes en zone tendue - la faculté ouverte aux maires d'accorder une autorisation d'urbanisme dérogeant aux règles des documents d'urbanisme. La crise du logement est présente partout en France, y compris dans les zones rurales et dans les petites communes, ces dernières ne disposant pas toujours des outils nécessaires pour y faire face. Je souhaite que la souplesse prévue par ce texte profite à tous.
Dans la même logique, je souhaite simplifier la procédure visant à faciliter la construction de logements au sein des ZAE, lorsque le règlement du plan local d'urbanisme l'interdit, permettant ainsi de disposer d'un foncier de plus en plus rare pour construire, sans remettre en cause les zones agricoles ou naturelles.
Enfin, dernier assouplissement : il m'apparaît essentiel de rendre plus efficace la généralisation du permis d'aménager multi-sites en supprimant, d'une part, la condition de demandeur unique et, d'autre part, le critère d'unicité du projet, conformément aux attentes des acteurs du logement exprimées lors des auditions.
Deuxième axe de travail : la suppression des évolutions contreproductives et créatrices de nouvelles complexités. Comme vous le savez, en matière de simplification, le mieux est souvent l'ennemi du bien.
Ainsi, s'agissant plus particulièrement des mesures visant à limiter les recours abusifs, les articles 5 et 7 présentent d'importantes difficultés opérationnelles, sans bénéfice tangible quant à l'accélération des délais de recours. Nous avons échangé avec les services des ministères de la justice et du logement, mais aussi avec les tribunaux administratifs : ces articles sont de fausses bonnes idées, qui risquent d'accroître les délais plutôt que de les raccourcir.
En effet, instituer une procédure d'admission préalable des recours formés contre les décisions d'urbanisme alourdirait inutilement les procédures et pourrait, contrairement aux objectifs ainsi poursuivis, allonger les délais de traitement de ces recours.
De la même manière, il n'apparaît ni réaliste ni souhaitable, eu égard au droit au recours et à la nécessité de respecter une procédure contradictoire, de maintenir l'article 7, qui vise à réduire de dix à six mois les délais de traitement des contentieux en matière de logement locatif social. Je vous proposerai donc la suppression de ces deux articles.
Par ailleurs, je vous proposerai de supprimer ou de réduire la portée de certaines dérogations en matière d'évolution des documents d'urbanisme. Celles-ci complexifient davantage le droit existant, vidant de leur portée les règles d'évolution des documents d'urbanisme au lieu de les simplifier. Elles semblaient, de ce fait, mal comprises par les élus locaux. Ainsi de la dérogation au seuil de majoration des constructions dans une zone déterminée du PLU au-delà duquel le recours à une enquête publique est nécessaire - et les enquêtes publiques sont longues, très longues !
Troisième et dernier axe de travail : compléter la proposition de loi par des mesures de simplification consensuelles et appelées de leurs voeux par les acteurs du logement.
Mon travail en la matière s'est concentré sur deux aspects : d'une part, utiliser l'ensemble des gisements d'accélération et de diminution des recours en matière d'urbanisme ; d'autre part, compléter la proposition de loi par des simplifications en matière de documents d'urbanisme.
Je vous proposerai ainsi cinq amendements à l'article 4 pour accélérer le traitement des recours contentieux afin d'activer les constructions et de sécuriser les maires ; ceux-ci ont été élaborés avec l'aide des ministères du logement et de la justice. Ils visent à rétablir la réduction de deux à un mois du délai de recours gracieux en matière d'urbanisme, à faire évoluer le régime de la police administrative de l'urbanisme en permettant au préfet d'intervenir - j'y reviendrai.
Enfin, je vous proposerai cinq autres amendements visant à renforcer le souffle simplificateur de ce texte. Les mesures proposées sont circonscrites, pragmatiques et permettent de répondre à des situations locales spécifiques ; par exemple, les maires pourront recourir plus facilement à la procédure de participation du public par voie électronique.
Pour conclure, je vous invite à approuver cette proposition de loi qui répond de manière pragmatique à des difficultés concrètes rencontrées par les élus locaux et qui sont préjudiciables à nos concitoyens. Ce texte devrait sécuriser les maires, que notre droit place souvent en situation de vulnérabilité juridique ou face à des difficultés injustifiées pour conduire des projets d'intérêt général.
Je forme le voeu que l'implication de nos collègues rapporteurs de la commission des affaires économiques, Sylviane Noël et Guislain Cambier, ainsi que l'engagement sans faille de la ministre du logement, nous permettent de trouver ensemble des mesures consensuelles, tout en rappelant que le périmètre du texte décidé par la présidente de la commission des affaires économiques réduit singulièrement le champ de ce qu'il est possible de faire.
Mme Audrey Linkenheld. - Une fois n'est pas coutume, je suis globalement d'accord avec Marc-Philippe Daubresse, dont je salue le travail.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain partage son constat sur la situation du logement dans notre pays : le secteur connaît une crise profonde et durable. Le mal-logement touche nombre de nos concitoyens. On ne peut pas dire que ces derniers ont été beaucoup aidés par les politiques nationales ces dernières années...
Je partage le constat du rapporteur sur la question des délais et des recours : c'est pourquoi nous sommes globalement en phase avec les articles de ce texte et avec les amendements qu'il propose.
Toutefois, ne tombons pas dans la facilité consistant à dire que tous les maux frappant le logement s'expliqueraient par l'excès de normes, par l'attitude des maires, puisqu'une partie des délais leur incombe, ou par celle de nos concitoyens, au motif que ceux-ci déposent des recours. L'excès de normes, c'est souvent le prétexte pour ne rien changer en profondeur à la politique du logement. Une véritable politique publique du logement s'impose, à l'instar de celles ayant pu être menées en d'autres temps - on ne peut pas dire que cela soit le cas depuis 2017.
Cette proposition de loi contient des dispositions utiles, que nous voterons. Il en va de même pour les amendements visant à revenir aux simplifications prévues initialement par le texte : comme l'a dit Marc-Philippe Daubresse, veillons à ne pas complexifier la simplification.
Pour autant, je ne sais pas si l'on peut vraiment parler d'un souffle simplificateur, comme l'a dit le rapporteur. À force de souffler, je crains qu'on ne rende le code de l'urbanisme et le code de la construction et de l'habitation (CCH) particulièrement illisibles.
Dès lors, nous sommes favorables à un texte resserré, et non à la version adoptée par l'Assemblée nationale, qui compte une vingtaine d'articles. Nous voterons les amendements proposés par le rapporteur aux articles 4, 5 et 7, de même que certains de ceux qui ont été déposés sur les autres articles.
Nous réservons notre position quant au vote final en fonction de l'évolution du texte. Vous l'aurez compris, nous soutiendrons toute mesure visant à faciliter la construction et la rénovation de logements pour un coût abordable dans notre pays.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis. -Nous partageons avec Audrey Linkenheld la volonté de produire plus de logements et d'accorder plus de souplesse aux élus locaux, sans remettre en cause les fondements de cette politique.
Je me suis bien gardé de dire que les normes étaient les seuls responsables de la situation actuelle, qui s'explique par de nombreux facteurs.
EXAMEN DES ARTICLES POUR AVIS
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-107 offre à l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête publique prévue dans le cadre des procédures d'élaboration et d'évolution des documents d'urbanisme la possibilité de recourir, en lieu et place de l'enquête publique, à la procédure de participation du public par voie électronique (PPVE). Le recours à cette possibilité demeurera facultatif ; les autorités compétentes en apprécieront la pertinence en fonction des situations locales.
Dans les grandes métropoles, il est relativement facile d'organiser des consultations par voie électronique. C'est moins aisé dans les zones rurales, mais il faut toutefois octroyer cette possibilité aux collectivités qui souhaiteraient mettre en oeuvre cette procédure.
Mme Audrey Linkenheld. - Nous serons globalement favorables aux amendements du rapporteur, même si ce ne sera pas systématique.
En l'espèce, il nous semble que cet amendement, en faisant disparaître complètement l'enquête publique, rend plus difficile la participation de nos concitoyens. Certes, nous avons nous-mêmes recours à la participation par voie électronique, mais nous considérons qu'il s'agit d'un complément intéressant, et non un substitut à l'enquête publique. Nous ne voterons donc pas cet amendement.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis. - Je rappelle qu'il s'agit d'une faculté, et non d'une obligation.
L'amendement COM-107 est adopté.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-108 prévoit d'inscrire dans la partie législative du code de l'urbanisme les dispenses figurant actuellement dans sa partie réglementaire, pour davantage de clarté et par cohérence avec les autres prescriptions qui relèvent de dispositions législatives.
L'amendement COM-108 est adopté.
Après l'article 1er A (nouveau)
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-109 vise à ouvrir la possibilité de recourir à la consultation du public par voie électronique en lieu et place de l'enquête publique classique, comme cela est déjà le cas pour les opérations d'intérêt national (OIN), au bénéfice notamment des territoires d'accélération pour le logement, en vue de raccourcir la durée totale de ces consultations.
L'amendement COM-109 portant article additionnel est adopté.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-110 vise à rétablir la suppression de la caducité automatique des Scot, prévue par le texte initial de la proposition de loi, tout en conservant l'obligation de bilan périodique. La caducité automatique met en difficulté beaucoup de communes qui se retrouveraient alors sans document d'urbanisme.
L'amendement COM-110 est adopté.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-111 vise à simplifier les procédures d'établissement des documents d'urbanisme pour les cas où le Scot serait établi sur le périmètre d'un seul et unique EPCI à fiscalité propre, en autorisant l'adoption d'un document unique valant à la fois Scot et PLUi. Ce document unique facilitera grandement la vie des communes, notamment en zone rurale.
L'amendement COM-111 est adopté.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-112 tend à limiter l'augmentation du seuil de majoration des constructions. Nos collègues députés sont allés, à notre avis, trop loin, puisqu'ils proposaient de fixer à 50 % le seuil de majoration des constructions dans une zone déterminée du PLU au-delà duquel le recours à une enquête publique est nécessaire lors de la procédure de modification du plan.
Cela entraînerait des difficultés réelles pour les habitants. Je propose de conserver le principe de cette disposition, mais d'en limiter le taux à 30 %.
L'amendement COM-112 est adopté.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis. - Avec l'amendement COM-113, il est proposé de laisser à l'autorité compétente pour délivrer les autorisations d'urbanisme la possibilité d'accorder le permis, en dépit des règles applicables au moment de la demande, afin de favoriser les surélévations et les transformations, si celui-ci lui semble pertinent au regard de la situation locale. Cette disposition serait particulièrement utile en zone de montagne.
L'amendement COM-113 est adopté.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-114 vise à étendre la possibilité pour l'autorité compétente en matière d'autorisations d'urbanisme de déroger au cas par cas aux règles du PLUi à l'ensemble des communes du pays, et non plus aux seules zones tendues. Nombre de nos collègues de zones rurales m'ont dit que les problèmes auxquels nous faisons face dans les grandes métropoles se posent avec autant d'acuité chez eux.
L'amendement COM-114 est adopté.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-115 tend à rendre plus efficace la disposition, qui figure dans le texte initial, facilitant la transformation des ZAE, notamment les zones commerciales d'entrée de ville. Nous avons besoin de foncier : tous les maires vous le diront, quelle que soit leur tendance politique. Cette disposition sera utile et fera gagner du temps ; elle offrira aussi l'occasion d'améliorer l'environnement de ces zones.
L'amendement COM-115 est adopté.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-116 vise à rendre plus efficace le dispositif du permis d'aménager multi-sites pour les lotissements, en supprimant à la fois la condition de demandeur unique et le critère d'unicité du projet, peu compréhensible, dès lors qu'il s'agit précisément de permettre la délivrance de l'autorisation sur des unités foncières non contiguës.
L'amendement COM-116 est adopté.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous passons à l'examen des articles qui nous ont été délégués au fond.
Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que ce périmètre inclut, pour les dispositions relevant des articles 4, 5 et 7 de la proposition de loi, les dispositions relatives au contentieux de l'urbanisme.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES DÉLÉGUÉS AU FOND
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis. - Avec l'amendement COM-72, nos collègues du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires (GEST) souhaitent supprimer l'article 4, qui vise à lutter contre les constructions illégales, la « cabanisation ». Supprimer cet article serait de nature à créer des situations difficiles, notamment sur le plan sanitaire : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-72.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis. - En réponse aux difficultés rencontrées par les collectivités territoriales et leurs groupements à se saisir des outils de police administrative de l'urbanisme aux fins de lutter contre les phénomènes tels que la « cabanisation » dans les zones rurales et agricoles, l'amendement COM-117 prévoit une double évolution du régime de la police administrative de l'urbanisme.
En premier lieu, il est proposé de mettre fin au caractère suspensif de l'opposition, devant le juge administratif, à l'état exécutoire pris en application de l'amende ou de l'astreinte ordonnée.
En second lieu, il permet au représentant de l'État dans le département, en cas de constatation d'une irrégularité constatée, d'inviter l'autorité compétente à se saisir des outils de police administrative, et à défaut, de mettre en oeuvre directement ces outils.
L'amendement COM-117 est adopté.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-118 vise à limiter l'intérêt à agir des personnes recevables à introduire un recours contre un document d'urbanisme en conditionnant cette recevabilité à leur participation antérieure aux procédures de participation du public, qui sont, au demeurant, renforcées et diversifiées par un autre amendement du rapporteur à l'article 1er A.
Mme Audrey Linkenheld. - Nous sommes dubitatifs quant à cet amendement, vraisemblablement inconstitutionnel. Contrôler la participation effective d'un requérant à la consultation, tant en présentiel qu'en distanciel, nous semble très délicat.
Voilà quelques années, grâce au rapport de Daniel Labetoulle ou aux ordonnances prises à l'initiative de la ministre Cécile Duflot, nous avons déjà beaucoup avancé sur la question des recours, notamment sur la question de l'intérêt à agir et de la participation. Cependant, il me semble délicat de lier la capacité à agir à la participation à une consultation. Nous ne voterons pas cet amendement, à la fois pour des raisons de fond, mais aussi pour des raisons juridiques.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis. - J'ai oublié de préciser que j'ai conduit cette réflexion avec Alexandra Borchio Fontimp.
L'amendement COM-118 est adopté.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-119 prévoit de rétablir la version initiale de l'article 4, qui visait à réduire de deux à un mois le délai du recours gracieux formé à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire.
L'amendement COM-119 est adopté.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis. - Aux fins de limiter les recours abusifs à l'encontre des décisions d'urbanisme et d'accélérer le contentieux de l'urbanisme, l'amendement COM-120 vise à limiter les demandes de substitution de motifs dans le cadre des recours formés à l'encontre de refus d'autorisation d'urbanisme en enserrant cette faculté d'un délai de deux mois.
L'amendement COM-120 est adopté.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis. - Prenant acte de la jurisprudence du Conseil d'État Fédération des finances et des affaires économiques de la CFDT du 18 mai 2018, l'amendement COM-121 tend à supprimer une disposition du droit de l'urbanisme qui, si elle a été précurseure à l'époque, est aujourd'hui moins favorable que la jurisprudence.
Mme Audrey Linkenheld. - Nous sommes assez hésitants sur ce sujet. Je ne suis pas sûre qu'il faille systématiquement nettoyer la loi ou le code en raison d'une jurisprudence. Certes, je comprends la jurisprudence générale applicable aux actes réglementaires, mais les PLU sont des actes réglementaires d'une complexité particulière. Ne pourrait-on pas maintenir la version actuelle du code et ainsi offrir la possibilité aux tribunaux de choisir entre le code et la jurisprudence ? Nous ne voterons pas cet amendement.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis. - Nous avons eu l'idée de cet amendement à la suite d'échanges avec les services du ministère de la justice.
Une précision : l'amendement vise à supprimer une disposition du code de l'urbanisme qui fait échec à une jurisprudence du Conseil d'État visant à exclure l'invocation des vices de forme et de procédure par voie d'exception. Le dispositif de l'amendement est bien ciblé !
Mme Audrey Linkenheld. - J'ai bien compris, mais je tenais à faire part de mes doutes sur cet amendement.
L'amendement COM-121 est adopté.
La commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter l'article 4 ainsi modifié.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis. - Avec l'amendement COM-41, notre collègue Daniel Fargeot souhaite que le juge administratif puisse rejeter par ordonnance un recours contre une autorisation d'urbanisme dès lors que cette dernière est dilatoire et sans réel objet. Cet amendement me semble satisfait par l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Inutile de complexifier les choses en ajoutant des dispositions qui existent déjà par ailleurs : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-41.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-15 de Daniel Fargeot tend à supprimer la procédure contradictoire lors de la procédure d'arrêté interruptif de travaux.
Si j'en comprends l'intention, cet amendement manque sa cible en prévoyant une conciliation déséquilibrée entre pouvoirs du maire et respect des droits de la défense, et serait de nature à mettre en difficulté les maires en ce qu'ils pourraient être déjugés à l'occasion de recours judiciaires. Dès lors, mon avis est défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-15.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis. - Les amendements identiques COM-73 et COM-122 visent à supprimer l'article 5.
Il faut évidemment lutter contre les recours abusifs, mais la procédure d'admission préalable, qui est ici dupliquée sans adaptation aux particularités d'un jugement en première instance et aux spécificités de l'urbanisme, est particulièrement lourde.
Les décisions de non-admission sont rendues lors d'une audience en formation collégiale du Conseil d'État, en s'appuyant sur des conclusions du rapporteur public. Seule la motivation de la décision bénéficie d'une procédure allégée. Cet article allongerait les délais.
L'amendement COM-73 est adopté. La commission émet un avis favorable à l'amendement identique COM-122.
La commission propose à la commission des affaires économiques de supprimer l'article 5.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis. - L'article 7 vise à réduire de dix à six mois le délai de jugement pour les demandes relatives à la construction de logements locatifs sociaux. Cependant, un tel resserrement du délai de jugement n'est ni réaliste ni souhaitable eu égard au droit au recours. Les juridictions administratives ont évoqué des difficultés opérationnelles insurmontables si cet article était adopté.
De plus, nous risquerions de limiter ou d'altérer la procédure contradictoire, ce qui pourrait entraîner de nouveaux recours. C'est pourquoi je propose la suppression de cet article, grâce à l'amendement COM-123.
L'amendement COM-123 est adopté.
La commission propose à la commission des affaires économiques de supprimer l'article 7.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La commission a également donné les avis suivants sur les autres amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :
La réunion, suspendue à 9 h 20, est reprise à 10 h 50.
Proposition de nomination de M. Bernard Stirn, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président de la commission prévue au dernier alinéa de l'article 25 de la Constitution - Communication
Mme Muriel Jourda, présidente, rapporteur. - Mes chers collègues, dans le cadre de la procédure établie par l'article 13 de la Constitution, nous entendons aujourd'hui Bernard Stirn, candidat présenté par le Président de la République pour exercer les fonctions de président de la commission indépendante prévue au dernier alinéa de l'article 25 de la Constitution.
Cette commission est chargée de se prononcer par un avis public sur les projets et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs.
C'est - vous le savez - la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui a instauré une instance indépendante pérenne chargée de donner un avis sur l'adaptation des circonscriptions électorales et la répartition des sièges. Les règles relatives à la composition et au fonctionnement de cette commission ont ensuite été précisées par la loi du 13 janvier 2009.
Cette commission examine les textes délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs. Elle est saisie par le Premier ministre, pour les projets de loi ou d'ordonnance, ou par le président de l'assemblée concernée, pour les propositions de loi.
Le nombre de parlementaires étant actuellement égal aux plafonds fixés par l'article 24 de la Constitution, la commission n'est en fait susceptible de connaître que de deux types de textes : d'une part, ceux réduisant le nombre de députés ou de sénateurs, et fixant une nouvelle répartition des sièges en conséquence ; de l'autre, ceux modifiant des limites des circonscriptions d'élection des députés. Elle rend un avis publié au Journal officiel dans les deux mois qui suivent sa saisine.
Cette commission comprend six membres désignés pour un mandat de six ans non renouvelable, renouvelés par moitié tous les trois ans, à savoir trois personnalités qualifiées désignées respectivement par le Président de la République, le président du Sénat et le président de l'Assemblée nationale ; et trois membres issus du Conseil d'État, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes, désignés respectivement par ces trois instances.
Les fonctions au sein de cette commission sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat électif.
La nomination de M. Stirn à la présidence de cette commission viendrait mettre un terme à la vacance constatée à ce poste depuis la fin du mandat de Christian Vigouroux, le 20 avril 2021.
Certains d'entre nous s'en souviennent peut-être : en 2017, M. Vigouroux avait été nommé par le Président de la République dans un contexte pour le moins singulier.
Le Sénat avait estimé qu'aucune raison ne justifiait que la commission des lois se réunisse avant la suspension des travaux du Parlement, et jusqu'aux élections législatives, pour procéder à l'audition de la personnalité proposée par le chef de l'État, compte tenu de l'absence de texte sur lequel la commission aurait eu à se pencher. Notre commission n'avait donc pas auditionné l'intéressé. L'Assemblée nationale avait, quant à elle, tenu cette audition, puis procédé, deux mois après, au dépouillement du scrutin. À la suite de quoi le Président de la République avait nommé Christian Vigouroux président de la commission de l'article 25 de la Constitution. La légalité de cette nomination avait été confirmée par le Conseil d'État le 13 décembre 2017, malgré l'absence d'avis donné par la commission des lois du Sénat.
Je précise que la commission de l'article 25 ne s'est jamais réunie depuis lors. Au reste, depuis sa création, cet organe n'a rendu d'avis qu'une seule fois, en 2009. Elle s'est alors prononcée sur l'ordonnance visant à répartir les sièges des députés et à délimiter les circonscriptions électorales à la suite de l'instauration des députés élus par les Français établis hors de France. Les projets de loi de mai 2018 et d'août 2019, visant à réduire le nombre de parlementaires respectivement de 30 % et de 25 % tout en introduisant une part de proportionnelle aux élections législatives, fixée à 20 % en 2018 et à 15 % en 2019, auraient certes justifié la saisine de cette commission, mais ils n'ont pas abouti.
Dans ce contexte, la nomination sur laquelle nous devons nous prononcer ce matin est-elle une simple mesure d'ordre ? De fait, il n'est institutionnellement pas souhaitable qu'un organe institué par la Constitution ne soit pas en ordre de marche depuis 2021. Une vacance de quatre ans n'est pas raisonnable. Ou serait-elle plutôt le signe que la réforme du mode de scrutin législatif, annoncée par le Premier ministre, pour introduire une « dose de proportionnelle » est bien imminente ?
En effet, pour réserver une partie des sièges des députés actuels à une élection au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, peut-être faudrait-il modifier les limites des circonscriptions d'élection des députés. Il s'agirait notamment de se conformer au principe d'égalité devant le suffrage, dont le Conseil constitutionnel apprécie le respect au regard de critères essentiellement démographiques.
J'en viens au parcours professionnel de Bernard Stirn.
Secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences morales et politiques depuis 2023, Bernard Stirn a accompli une riche carrière au service de l'État, en particulier au sein de la juridiction administrative.
À sa sortie de l'École nationale d'administration (ENA), il a été nommé au Conseil d'État, où il a effectué l'essentiel de sa carrière, occupant successivement les fonctions d'auditeur, de commissaire du Gouvernement, de secrétaire général et de président de la septième sous-section de la section du contentieux. En outre, il a été détaché au Conseil constitutionnel en tant que rapporteur adjoint.
Après avoir été président adjoint de la section du contentieux entre 2002 et 2006, il a assuré la présidence de cette section de 2006 à 2018. Il a conduit des missions d'étude et de réflexion demandées par le Gouvernement sur la réforme du statut de l'ENA, ainsi que sur l'organisation des Archives nationales. Il a achevé sa carrière au Conseil d'État en tant que président adjoint de la section de l'intérieur, de 2018 à 2020.
En parallèle, Bernard Stirn a présidé le conseil d'administration de l'opéra de Paris de 2001 à 2018. Il a par ailleurs présidé le collège de déontologie du ministère chargé de la recherche et de l'enseignement supérieur de 2018 à 2024. Il a été élu membre de l'Académie des sciences morales et politiques en mars 2019. En outre, il exerce depuis 2022 les fonctions de vice-président de la Commission supérieure de codification.
La riche carrière de M. Stirn atteste d'une solide connaissance ainsi que d'une longue pratique du droit public et du fonctionnement de nos institutions. Ses responsabilités passées et présentes sont également gages d'indépendance et d'impartialité. Ces qualités sont bien entendu essentielles, au regard du rôle clef de cette commission pour notre démocratie.
S'il était nommé par le Président de la République, M. Stirn rejoindrait au sein de cette instance notre ancien collègue Éric Doligé, nommé par le président du Sénat en décembre 2021. Parallèlement, la présidente de l'Assemblée nationale envisage de désigner une universitaire, Pauline Türk, qui est d'ailleurs actuellement auditionnée par nos collègues députés.
Compte tenu de la vacance de la présidence de la commission, qui dure depuis 2021, de la durée des mandats, fixée à six ans, et de l'exigence d'un renouvellement par moitié, le calendrier de cette nomination n'est pas des plus simples - y compris, d'ailleurs, pour le secrétariat général du Gouvernement (SGG) lui-même.
Le SGG estime ainsi que Bernard Stirn serait nommé, non pas pour la durée restant à courir du mandat précédent, qui n'a du reste jamais été exercé, lequel aurait dû s'étendre d'avril 2021 à avril 2027, mais pour un mandat plein de six ans, soit jusqu'en juin 2031.
En conséquence, les prochains renouvellements devraient intervenir en juin 2027, pour le membre désigné par le président du Sénat ; en avril 2030, pour les membres issus du Conseil d'État, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes ; et enfin en juin 2031, pour le membre désigné par le président de l'Assemblée nationale et pour le président de la commission, désigné par le Président de la République.
Sous réserve de son intervention devant notre commission ainsi que des réponses qu'il apportera à nos questions, Bernard Stirn me semble présenter un profil professionnel tout à fait pertinent pour présider la commission prévue à l'article 25 de la Constitution.
Audition de M. Bernard Stirn, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président de la commission prévue au dernier alinéa de l'article 25 de la Constitution
Mme Muriel Jourda, présidente, rapporteur. - Nous accueillons à présent Bernard Stirn. Conformément au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, nous sommes appelés à nous prononcer sur la candidature de M. Stirn, présentée par le Président de la République, à la présidence de la commission indépendante prévue à l'article 25 de la Constitution.
L'audition de M. Stirn sera suivie d'un vote dans les conditions prévues par la loi organique et la loi ordinaire du 23 juillet 2010.
Je rappelle que le Président de la République ne pourrait pas procéder à la nomination de M. Stirn si les votes négatifs au sein de notre commission et de la commission des lois de l'Assemblée nationale représentaient au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.
Le vote aura lieu à la suite de notre audition, qui est publique et ouverte à la presse. Nous procéderons au dépouillement à l'issue du scrutin, au même moment que nos collègues députés.
Les délégations de vote ne sont pas autorisées, conformément à l'article 3 de la loi organique du 23 juillet 2010.
Monsieur Stirn, dans une communication liminaire, à laquelle j'ai procédé hors de votre présence, j'ai présenté aux membres de la commission des lois divers éléments de votre parcours professionnel.
Avant de vous céder la parole pour un propos liminaire suivi d'échanges avec les membres de notre commission, je tiens à vous poser une question d'ordre général. Comme vous le savez, le Conseil constitutionnel exige que la délimitation des circonscriptions pour les élections législatives tienne compte d'un écart maximal de 20 % entre la population de chaque circonscription et la population moyenne des circonscriptions du département considéré. Or le découpage des circonscriptions n'a pas été révisé depuis 2009, et plusieurs de ces dernières présentent aujourd'hui des écarts de population considérables. Afin de respecter le principe constitutionnel d'égalité devant le scrutin, le découpage électoral devrait-il, selon vous, être revu ?
M. Bernard Stirn, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président de la commission prévue à l'article 25 de la Constitution. - C'est un honneur de m'exprimer ce matin devant la commission des lois du Sénat.
La commission dont le Président de la République souhaite me confier la présidence a été créée par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Une loi ordinaire a ensuite précisé les modalités d'organisation et de fonctionnement de cette instance, qui, en 2009, a connu une activité tout à fait importante. On en trouve la trace au Journal officiel, les avis qu'elle rend étant publics.
Je le précise d'emblée, ces avis ne se limitent pas au découpage des circonscriptions. Ils portent aussi sur la répartition des sièges de députés et de sénateurs entre les départements, mission peut-être un peu oubliée au fil du temps.
J'ajoute que cette commission, très active en 2009, s'est progressivement effacée. Certains de ses membres ont démissionné et n'ont pas été remplacés. De même, certains mandats sont arrivés à expiration sans que de nouveaux titulaires soient nommés. Cette commission ne s'est pas réunie depuis 2017, soit depuis maintenant huit ans.
Pareille situation n'est guère satisfaisante pour une commission indépendante créée par la Constitution - je précise qu'il s'agit de la seule commission administrative mentionnée par la norme suprême, ce qui traduit l'importance assez singulière que le constituant a voulu lui accorder.
Le processus de reconstitution de cette commission est aujourd'hui à l'oeuvre, afin qu'elle puisse reprendre ses travaux.
Cette commission n'a aucun pouvoir d'initiative. Elle est saisie de projets de loi ou de propositions de loi - l'article 25 de la Constitution le mentionne expressément - portant sur la répartition des sièges de parlementaires entre les départements ou sur la délimitation des circonscriptions. Il est important qu'elle joue son rôle - pas plus que son rôle, mais tout son rôle, qui est d'apporter un regard indépendant et objectif sur ces deux aspects.
Comme vous le soulignez, madame la présidente, ses derniers avis remontent à 2009, ce qui est assez préoccupant. Je précise que ces avis se fondaient sur le recensement démographique mené en 2006, soit il y a près de vingt ans. Or un certain nombre d'évolutions ont eu lieu depuis, que ce soit sur le territoire de la République ou en dehors de nos frontières - je pense, à cet égard, aux circonscriptions des députés représentant les Français de l'étranger.
Le cadre juridique dans lequel cette instance doit travailler est bien connu ; il a été progressivement fixé par des décisions du Conseil constitutionnel et par la jurisprudence du Conseil d'État, qui s'est attaché à appliquer les critères dégagés par le Conseil constitutionnel.
Par sa décision du 8 août 1985 relative à la Nouvelle-Calédonie, le Conseil constitutionnel a pour la première fois posé la règle selon laquelle le découpage des circonscriptions électorales devait reposer sur une base essentiellement démographique, résultant d'un recensement récent. On mesure dès lors la nécessité de faire revivre la commission de l'article 25 de la Constitution, les réalités démographiques ayant évidemment évolué depuis le recensement de 2006.
En outre, le Conseil constitutionnel a précisé qu'aucun arbitraire ne devait présider au découpage des circonscriptions. Il a indiqué que le découpage cantonal devait en principe être respecté. Il a ajouté que d'autres impératifs d'intérêt général pouvaient être pris en compte, mais de manière limitée.
Ces impératifs d'intérêt général peuvent tenir à des traditions historiques ; à des situations géographiques, comme l'enclavement et l'insularité ; à des réalités économiques, qu'il s'agisse des bassins de vie ou de pays ; ou encore au souci de représenter suffisamment les territoires, auquel le Sénat est bien sûr particulièrement attentif.
La décision de 2009 par laquelle le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution la loi fixant les règles d'organisation de la commission dont je brigue la présidence est également celle qui a mis fin à la règle selon laquelle un département doit compter au moins deux députés. Selon le Conseil constitutionnel, cette règle aboutissait à des disparités démographiques excessives. Aujourd'hui, deux départements français, à savoir la Lozère et la Creuse, ne comptent ainsi qu'un seul député.
Sur un plan plus pratique, je me suis assuré que le secrétariat général du Gouvernement (SGG) mettrait à disposition de la commission les moyens nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Le SGG se doit en effet de veiller au bon fonctionnement d'une commission créée par la Constitution, et Claire Landais m'a pleinement rassuré à cet égard.
Aujourd'hui, seuls trois des six membres de cette commission sont en cours de mandat ; trois membres doivent donc être désignés, le premier par le Président de la République, le deuxième par l'Assemblée nationale et le troisième par la Cour des comptes - à ce jour, cette dernière n'a pas proposé de successeur au précédent membre désigné par ses soins, lequel a démissionné pour des raisons d'incompatibilité, il y a quelques années.
La commission doit travailler en pleine indépendance et faire preuve d'une parfaite impartialité. En ce sens, les fonctions de membre de la commission sont incompatibles avec tout mandat électoral - c'est la loi du 13 janvier 2009 qui le précise. Le même texte ajoute que les membres de la commission ne peuvent recevoir d'instruction d'aucune autorité, ce qui semble aller de soi. Au-delà de ces dispositions, il leur incombe d'observer une stricte neutralité politique. Il leur appartient d'exercer leurs fonctions avec indépendance, impartialité et objectivité.
Dans l'immédiat, si les nominations nécessaires sont assurées et si, en conséquence, la commission est de nouveau au complet, il me semble indispensable qu'elle se réunisse assez vite, indépendamment d'une éventuelle réforme du mode d'élection des députés.
La commission doit reprendre ses travaux en commençant par entendre le directeur général de l'Insee - la loi précise qu'elle peut auditionner toute personne utile à son travail. Elle doit en effet disposer des données que possède cet institut, sachant qu'il n'effectue plus de recensement global de la population pour apprécier la répartition des sièges de députés et de sénateurs au regard des évolutions démographiques au cours des dernières années.
Cela étant, la commission n'a pas de pouvoir d'initiative. Elle attendra donc que d'éventuels projets ou propositions de loi lui soient transmis, traitant de la répartition des sièges ou du découpage des circonscriptions, pour remettre un avis.
J'ajoute que la commission doit remettre ses avis dans un délai de deux mois, qui me paraît raisonnable. Il avait d'ailleurs été respecté en 2009, malgré l'ampleur du travail exigé. La commission peut parfaitement tenir un tel délai dès lors qu'elle est en ordre de marche et qu'elle dispose de tous les éléments d'information dont elle a besoin pour se prononcer.
En préparant cette audition, j'ai pris soin d'examiner les dispositions en vigueur chez certains de nos voisins. L'Allemagne et le Royaume-Uni disposent d'instances assez proches de la commission de l'article 25 de notre Constitution et appliquent des règles voisines des nôtres, à une différence près : ces deux pays prévoient la saisine périodique de cet organe pour tenir compte des évolutions démographiques - tous les quatre ans en Allemagne, tous les huit ans au Royaume-Uni. Jusqu'à présent, la législation française ne fixe pas une telle obligation, en vue de la révision de la répartition des sièges de députés et de sénateurs.
Le découpage de 2009 a été bien fait, mais, comme je l'indiquais, il doit aujourd'hui être examiné au regard des évolutions démographiques qui se sont produites depuis lors. Certains départements ont gagné des habitants, tandis que d'autres ont vu leur population se réduire. En parallèle, le nombre des Français de l'étranger a évolué de manière importante.
Ces données démographiques doivent être examinées par la commission. Avant même d'être saisie d'un texte, elle doit réunir la documentation nécessaire auprès de l'Insee, peut-être aussi auprès d'experts démographes. Ce faisant, elle disposera des instruments nécessaires, notamment pour apprécier l'écart maximal de 20 % par rapport à la moyenne départementale.
M. Christophe-André Frassa. - Il peut sembler paradoxal que le découpage des circonscriptions soit fixé par la loi, les parlementaires pouvant être tentés de dessiner la carte en fonction de leurs intérêts... En ce sens, il est essentiel de garantir l'indépendance de la commission prévue par l'article 25 de la Constitution. Comment allez-vous y veiller ? En particulier, quels critères la commission retiendra-t-elle pour apprécier les réformes qui lui seront soumises et exprimer son avis ?
Mme Agnès Canayer. - L'introduction d'une dose de proportionnelle lors des prochaines élections législatives ne risque-t-elle pas, selon vous, de donner lieu à l'élection de députés hors sol ?
En parallèle, je m'étonne que la commission de l'article 25 n'ait pas été saisie du récent projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte, compte tenu de ses dispositions d'ordre électoral.
M. Éric Kerrouche. - En la matière, les difficultés constatées dépassent de loin l'application de la règle des 20 %. Depuis 2004, la population française a augmenté de 5,7 millions d'habitants, et l'on n'a pas tenu compte de cette évolution démographique. Si les tranches de 125 000 habitants étaient strictement appliquées, trente-quatre départements devraient disposer d'une circonscription supplémentaire, mais le nombre de députés est plafonné par la Constitution. Certains départements, comme la Loire-Atlantique, la Haute-Garonne, la Seine-Saint-Denis, la Gironde et le Rhône, s'en trouvent nettement pénalisés.
Dans certains cas, les écarts sont particulièrement grands. La cinquième circonscription de la Loire-Atlantique compte ainsi plus de 172 000 habitants, alors que la deuxième circonscription du Cantal en dénombre un peu moins de 62 000.
Enfin, la commission de l'article 25 ne pouvant pas s'autosaisir, le redécoupage de la carte électorale ne dépend que du Gouvernement : comment peut-on le justifier, sachant que les écarts observés sont parfois considérables ?
M. Bernard Stirn. - En vertu de l'article 34 de la Constitution, les règles électorales, et donc la délimitation des circonscriptions électorales, relèvent du domaine de la loi. Cela étant, elles ne dépendent pas de la seule initiative gouvernementale : des propositions de loi peuvent parfaitement traiter de ces sujets. D'ailleurs, depuis la révision de 2008, l'article 25 de la Constitution mentionne expressément les projets et propositions de loi. L'ensemble de ces textes doivent être soumis pour avis à la commission créée par le même article.
Au sujet de ces textes, les contraintes constitutionnelles qui s'imposent au Parlement sont en réalité assez limitées. Il faut que le scrutin soit « universel, égal et secret », en vertu de l'article 3 de la Constitution. Il faut respecter les principes, que j'ai rappelés, dégagés par le Conseil constitutionnel sur des bases essentiellement démographiques, d'autres impératifs d'intérêt général pouvant être pris en compte, dans une mesure limitée. Il faut aussi respecter les plafonds, désormais fixés par la Constitution, de 577 députés et de 348 sénateurs. Comme l'a souligné M. Kerrouche, un siège de plus dans un département signifie nécessairement un siège de moins dans un autre, le plafond étant atteint.
C'est au regard de ces contraintes que la commission doit exercer sa mission, en veillant principalement au respect des objectifs constitutionnels.
À cet égard, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt les avis rendus en 2009 par la commission. En vingt-trois séances de travail - ce nombre est assez considérable, sachant qu'elle ne disposait que de deux mois -, elle a commencé à dégager une doctrine.
La commission a notamment examiné, pour la première fois, le cas de départements qui ne disposeraient que d'un député. Elle s'est interrogée sur la manière dont il convenait de raisonner pour arriver à l'équilibre démographique le plus respectueux des exigences du Conseil constitutionnel tout en préservant un certain équilibre territorial. Elle a auditionné des statisticiens et des démographes, qui lui ont présenté plusieurs solutions, avant de faire le choix de la méthode dite de la tranche : jusqu'à 125 000 habitants, un département compte un député ; et sitôt qu'il dépasse une nouvelle tranche de 125 000 habitants, même de quelques unités, il dispose d'un député supplémentaire.
Avec cette méthode, seuls deux départements n'ont qu'un député. Si l'on avait opté pour d'autres méthodes statistiques, par exemple si le second siège de député n'avait été accordé que lorsque le département atteint la moitié de la seconde tranche, plus de dix départements auraient été dans ce cas, ce qui, selon la commission, était peu satisfaisant d'un point de vue démographique.
La commission a précisé que des méthodes particulières devaient être appliquées outre-mer. En ce sens, elle a émis un avis favorable au siège de député proposé à Saint-Pierre-et-Miquelon et au siège unique de député prévu pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy, alors que ces élus représentent bien moins d'habitants qu'un député de France métropolitaine.
Enfin, l'indépendance de la commission tient aux règles qui encadrent son activité et aux garanties dont fait l'objet la nomination de ses membres, aux principes déontologiques auxquels elle est soumise et aux critères qu'elle doit appliquer. C'est ainsi l'ensemble du cadre constitutionnel qui garantit cette indépendance.
Mme Dominique Vérien. - Le constituant a souhaité que la commission de l'article 25 soit pérenne, afin qu'elle soit à tout moment en mesure d'émettre un avis sur un texte d'initiative gouvernementale ou parlementaire. Or cette structure ne s'est pas réunie depuis 2017. Son caractère permanent se justifie-t-il réellement ?
Mme Lauriane Josende. - Pouvez-vous nous détailler les effets qu'entraînerait une élection des députés au scrutin proportionnel, que ce dernier soit départemental, comme en 1986, ou régional ?
M. Francis Szpiner. - Selon vous, la commission créée par l'article 25 de la Constitution aurait-elle dû être saisie de la proposition de loi visant à réformer le mode d'élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille ?
En outre, faut-il prendre pour base démographique l'ensemble des habitants du territoire ou l'ensemble des citoyens, ce qui changerait sensiblement la répartition des sièges ?
M. Bernard Stirn. - La commission créée par l'article 25 est permanente en vertu de la Constitution, en tout cas tant que cet article n'a pas été révisé. Son activité peut connaître des fluctuations, mais elle a vocation à être permanente.
Pour assurer la permanence de la commission, il convient avant tout que les autorités de nomination, qu'elles soient politiques ou administratives, assurent le renouvellement de ses membres. Et, dès lors qu'elle est au complet, cette commission a vocation à se documenter de manière continue au sujet des évolutions démographiques.
Si j'ai l'honneur d'être désigné président de cette commission, je demanderai au directeur général de l'Insee de lui fournir un rapport aussi précis que possible, sur la base des données démographiques dont il dispose. Nous pourrons également débattre de ces éléments avec les commissions des lois des deux assemblées, notamment pour que les parlementaires puissent exercer leur pouvoir d'initiative en étant pleinement informés.
Le scrutin proportionnel peut se présenter sous mille et une variantes. Le choix, extrême, d'une proportionnelle nationale pour les députés balayerait tout problème de carte électorale - il n'y aurait plus à garantir d'équilibre démographique entre circonscriptions -, mais ce n'est sans doute pas l'hypothèse la plus réaliste. À l'inverse, si l'on optait pour un cadre régional ou départemental, diverses questions se poseraient quant à la répartition des sièges. Les exigences démographiques devant être respectées, la commission serait appelée à se prononcer.
Si l'on modifie le nombre de députés de Mayotte ou si l'on redécoupe les circonscriptions législatives de ce territoire, la commission doit être saisie. Mais cette dernière n'est compétente que pour l'élection des députés et sénateurs.
Monsieur Szpiner, votre dernière question est particulièrement délicate. Pour assurer le bon équilibre démographique, faut-il prendre pour base la population totale du territoire considéré, comme c'est le cas en métropole, ou le nombre de personnes inscrites sur les listes électorales, comme c'est le cas pour les Français de l'étranger ? C'est à la loi de trancher ce point.
En parallèle, quelle place faut-il accorder aux étrangers dans le calcul de la population ? Si l'on s'en tient aux électeurs, on exclut de facto les étrangers résidant en France, sauf peut-être les ressortissants de l'Union européenne, inscrits sur les listes complémentaires pour les élections municipales. En outre - je réfléchis à haute voix -, faut-il considérer de la même manière les étrangers en situation régulière et en situation irrégulière ?
Pour l'heure, l'Insee prend pour base la population totale, Français et étrangers confondus, sans se préoccuper de la régularité du séjour - et pour cause, ce n'est pas son travail. Or, au titre de la représentativité, il n'est pas absolument évident que cette base soit la plus pertinente.
Le législateur peut réellement s'exprimer sur ces sujets, par le biais de la loi électorale. Le Conseil constitutionnel pourra éventuellement faire de même. Mais, en l'état actuel de la jurisprudence, nous n'avons pas de réponse à votre question.
Jusqu'à présent, le législateur a pris pour base la « population », sans se poser la question que vous soulevez à juste titre. Le Conseil constitutionnel n'a donc pas pu se prononcer.
Ce débat confirme, selon moi, la nécessité de disposer d'une commission permanente. Cette instance est là pour éclairer le débat de manière objective en confrontant différents points de vue. Il n'est pas satisfaisant d'attendre, pour se poser de telles questions, l'approche d'une révision de la loi électorale. Nous sommes face à un enjeu d'équilibre démographique.
Mme Cécile Cukierman. - Le redécoupage des cantons avait fait l'objet des mêmes débats d'ordre démographique, et la solution retenue n'est guère satisfaisante. De même, on pourrait envisager de prendre pour base le nombre de grands électeurs pour la répartition des sièges de sénateur. Quoi qu'il en soit, il faut sans cesse reprendre ces questions, dont dépend la légitimité des scrutins.
J'en viens à la proportionnelle. Le découpage de 1986 ne peut pas s'appliquer en l'état, du fait des évolutions démographiques que notre pays a connues depuis cette date, dans l'Hexagone comme en outre-mer : pouvez-vous nous le confirmer ?
M. Bernard Stirn. - Je présidais la section du contentieux lors du redécoupage des cantons, en 2014. Le Conseil d'État a statué sur environ un millier de requêtes formulées à ce titre. L'équilibre raisonnable s'est apprécié département par département, étant entendu qu'un équilibre raisonnable devait être préservé entre cantons d'un même département.
Pour les parlementaires, députés comme sénateurs, l'échelle d'appréciation est différente : il s'agit de la Nation. Il faut assurer un équilibre démographique entre départements - c'est là une exigence constitutionnelle.
La répartition des sièges entre départements est au coeur des attributions de la commission. À cet égard, l'absence de prise en compte des évolutions démographiques survenues depuis près de vingt ans suscite, sans aucun doute, des interrogations.
La commission l'a bien montré, dès 2009 : les réalités historiques et géographiques des territoires ultramarins doivent être prises en compte au titre du découpage électoral. Elles figurent parmi les motifs d'intérêt général que j'évoquais précédemment. Mais il n'y a pas forcément un seul découpage correct au regard des critères constitutionnels. Le rôle de la commission est simplement d'allumer un feu rouge si un projet de loi ou une proposition de loi ne respecte pas ces exigences, au regard des impératifs démographiques et d'autres impératifs d'intérêt général - avec une part d'appréciation qui est certaine, car il ne s'agit bien sûr pas d'une science exacte.
Ainsi, en 2014, dans la majorité des départements, la réforme de la carte cantonale n'a suscité aucun problème. Dans un certain nombre d'entre eux, davantage d'hésitations étaient permises ; et, dans trois départements, notamment les départements corses, la question était réellement difficile, du fait de réalités locales assez particulières.
Pour traiter ces questions, le Conseil d'État a mobilisé toute la gamme des formations de jugement. Pour les départements ne posant pas de problème, une formation allégée, de trois personnes, a statué ; pour les départements présentant une situation un peu plus délicate, on a retenu une formation de neuf ; et, pour trois départements, le dossier a été soumis à la section du contentieux, donc à une formation de quinze personnes.
Pour la délimitation des circonscriptions législatives ou pour la répartition des sièges de parlementaires, on pourrait procéder peu ou prou de cette manière. Dans certains départements, une solution assez évidente se dégage. Dans d'autres, en métropole ou en outre-mer, ainsi que pour les députés représentant les Français de l'étranger, certaines appréciations sont plus délicates. Il revient à la commission d'émettre un signal d'alarme si tel ou tel projet paraît problématique au regard du cadre constitutionnel.
Mme Muriel Jourda, présidente, rapporteur. - Il nous reste à vous remercier, monsieur Stirn, d'avoir bien voulu répondre à nos questions.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo, disponible en ligne sur le site du Sénat.
Vote sur la proposition de nomination, par le président de la République, de M. Bernard Stirn aux fonctions de président de la commission prévue au dernier alinéa de l'article 25 de la Constitution
Mme Muriel Jourda, présidente, rapporteur. - Nous avons achevé l'audition de Bernard Stirn, que le Président de la République envisage de nommer président de la commission indépendante prévue par l'article 25 de la Constitution, chargée de rendre un avis sur les projets et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs. Nous allons maintenant procéder au vote sur cette proposition de nomination.
Ce vote se déroulera à bulletin secret, conformément à l'article 19 bis de notre Règlement. En application de l'article 3 de la loi organique du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, les délégations de vote ne sont pas autorisées.
Je vous rappelle que le Président de la République ne pourra pas procéder à la nomination de Bernard Stirn si les votes négatifs au sein des commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat représentent au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.
Les dépouillements des scrutins auront lieu simultanément au sein des commissions des lois des deux assemblées, à l'issue du vote.
Il est procédé au vote.
Dépouillement sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Bernard Stirn aux fonctions de président de la commission prévue au dernier alinéa de l'article 25 de la Constitution
La commission procède au dépouillement du scrutin sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Bernard Stirn aux fonctions de président de la commission prévue au dernier alinéa de l'article 25 de la Constitution.
Mme Muriel Jourda, présidente, rapporteur. - Voici le résultat du scrutin, qui sera agrégé à celui de la commission des lois de l'Assemblée nationale :
Nombre de votants : 26
Bulletin blanc : 1
Bulletin nul : 0
Suffrages exprimés : 25
Pour : 25
Contre : 0
Agrégé à celui de la commission des lois de l'Assemblée nationale, le résultat est le suivant :
Nombre de votants : 60
Bulletin blanc : 1
Bulletin nul :7
Suffrages exprimés : 52
Seuil des 3/5èmes des suffrages exprimés : 32
Pour : 50
Contre : 2
La réunion est close à 11 h 55.
Jeudi 5 juin 2025
- Présidence de Mme Muriel Jourda, présidente -
La réunion est ouverte à 10 heures 30.
Projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 - Audition de Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative
Mme Muriel Jourda, présidente. - Madame la ministre, nous vous accueillons dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de 2030, qui sera discuté en séance publique le 24 juin prochain.
Comme le projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, qui nous avait été présenté en 2018, dont j'ai eu l'honneur d'être rapporteur, notamment avec Claude Kern, ce projet de loi, qui tend à faciliter la mise en oeuvre des jeux Olympiques et Paralympiques d'hiver dans les Alpes, comporte des dispositions très diverses, en matière de sécurité, d'urbanisme et d'organisation des instances olympiques.
Pour l'accueil d'un événement comme celui-ci, il importe que certains dispositifs ad hoc puissent être adoptés. Pour une grande partie, ceux que vous présentez aujourd'hui sont repris de ceux qui ont été votés en 2018, dont nous avons eu la preuve tangible qu'ils avaient fonctionné, l'été dernier, à Paris.
La diversité des sujets abordés a justifié la saisine pour avis de quatre commissions, auxquelles a été délégué l'examen de plusieurs articles. Certains des rapporteurs pour avis sont présents ce matin, aux côtés du rapporteur de la commission des lois, Jean-Michel Arnaud. Il s'agit de : Martine Berthet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Claude Kern, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport ; Pascale Gruny, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales avec Patricia Demas, qui n'a pu être présente aujourd'hui ; et de Damien Michallet, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
Madame la ministre, je vous cède la parole pour présenter les enjeux du projet de loi et ses dispositions, puis les rapporteurs présents vous interrogeront sur certains aspects du texte.
Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative. - Je suis heureuse de vous présenter, quelques mois après la formidable réussite des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, le projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030, qui se tiendront dans les Alpes françaises. Nous devons mesurer la chance qui est la nôtre d'organiser de nouveau des Jeux dans notre pays, après six ans d'intervalle seulement. Notre capacité à organiser de tels événements d'envergure planétaire dans d'excellentes conditions a été démontrée l'été dernier ; nous en récoltons les fruits.
La décision d'attribuer les Jeux à la France a été prise le 24 juillet dernier, juste avant le début des JOP de Paris 2024. Elle résulte de la collaboration de l'État, des régions Auvergne-Rhône-Alpes (Aura) et Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca), du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et du Comité paralympique et sportif français (CPSF). Cette attribution a été confirmée par la signature du contrat hôte olympique avec le Comité international olympique (CIO), le 9 avril dernier, à la suite de l'apport de garanties par l'État, au travers de la loi de finances pour 2025, mais aussi des lettres de garantie signées par deux Premiers ministres - Michel Barnier, en octobre, et François Bayrou, le 14 mars dernier.
Concrètement, les jeux Olympiques seront organisés du 1er au 17 février 2030 et les jeux Paralympiques du 1er au 10 mars 2030. Nous accueillerons de nouveau des ressortissants du monde entier. Pas moins de 3 200 athlètes participeront aux Jeux - 2 700 athlètes olympiens et 600 athlètes paralympiens, mais la différence est notable avec les JOP de Paris s'agissant du nombre de sportifs accueillis. Quelque 3 000 journalistes viendront également, et les volontaires seront fortement mobilisés. Les volontaires des JOP de Paris 2024 ont été l'image des Jeux ; ils seront de nouveau 20 000 en 2030. Enfin, une vingtaine de collectivités issues de ces territoires participeront à l'organisation des Jeux, ce qui leur offre l'occasion de se faire connaître à travers le monde.
Si les organisateurs des Jeux joueront un rôle majeur, je souhaite souligner le rôle important des forces de sécurité, qui contribueront également à leur réussite.
Néanmoins, pour bien organiser ces Jeux, nous avons besoin de doter l'ensemble des parties prenantes de moyens leur permettant de remplir leurs missions dans de bonnes conditions. C'est précisément l'objet de ce projet de loi, sorte de boîte à outils mise à la disposition des organisateurs dans plusieurs domaines. Ses dispositions sont concises et opérationnelles ; elles s'inscrivent dans la continuité de celles qui ont été prévues pour les Jeux de Paris 2024, comme vous l'avez rappelé, madame la présidente. Nous n'avons donc pas réinventé la roue : nous avons utilisé ce qui avait marché.
Le champ de ce projet de loi est assez large - il compte 37 articles -, car nous avons rassemblé les dispositions au sein d'un seul texte, quand nous avions eu recours à deux lois, en 2018 et 2023, pour les Jeux de Paris 2024. Il faut dire que le temps est compté : il ne nous reste plus que cinq ans pour organiser les Jeux.
S'agissant des spécificités relatives à la montagne, plusieurs articles proposent des expérimentations afin de prendre en compte les enjeux majeurs liés à la préservation du milieu naturel et au changement climatique, car nous devons être exemplaires sur le plan environnemental. Nous devons aussi l'être sur le plan budgétaire, au regard du contexte que nous connaissons tous. Nous devons avancer en nous appuyant sur ces deux jambes pour penser un héritage utile pour les habitants de ces territoires.
L'organisation est celle que vous connaissez - celle qui a été expérimentée avec les Jeux de Paris 2024. Je souligne le travail déjà très approfondi mené par le délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques et délégué interministériel aux grands événements sportifs, avec la délégation interministérielle aux jeux Olympiques et Paralympiques (Dijop), qui est d'ores et déjà mobilisée sur le sujet.
L'organisation repose aussi sur deux jambes : un Comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop), présidé par Edgar Grospiron, une Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), présidée en alternance par les présidents de région - cette année, par Renaud Muselier et, l'an prochain, par Fabrice Pannekoucke - et dont le directeur général exécutif est Damien Robert. Pour information, un comité interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques (Cijop) se réunira le 27 juin prochain pour engager l'ensemble des ministères dans les Jeux des Alpes françaises 2030 et créer une synergie gouvernementale, mais aussi pour construire, dès à présent, l'héritage des Jeux. Cette étape importante contribuera à leur succès.
Venons-en au texte lui-même. Une première série d'articles est relative à la livraison des Jeux, plus particulièrement au respect des stipulations du contrat hôte olympique conclu entre les régions, le CNOSF, le CPSF, l'État et le CIO. Ces mesures sont absolument nécessaires et classiques, déjà connues depuis les Jeux de Paris 2024. Le Cojop a la qualité d'organisateur des compétitions sportives. Les transferts de droits de propriété intellectuelle du CNOSF au Cojop sont prévus ; ce dernier sera chargé du respect des emblèmes et des marques olympiques et paralympiques. Sont également prévues des mesures visant à garantir des droits de publicité aux partenaires des Jeux.
Une deuxième série de dispositions a trait à l'éthique et à l'intégrité. Ce projet doit être exemplaire. Aussi plusieurs contrôles sont-ils mis en place, celui de l'Agence française anticorruption (AFA), mais également ceux de la Cour des comptes et de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). Certaines dispositions vous concernent directement, puisqu'il vous est proposé de participer au comité des rémunérations et au comité d'éthique qui seront mis en place, comme cela a été le cas précédemment.
La troisième catégorie de dispositions vise la réalisation des Jeux dans de bonnes conditions, notamment pour ce qui concerne les infrastructures, grâce à la simplification de procédures, par exemple le « permis à double état » pour la construction des villages, aussi bien pour la phase « village Jeux », mais aussi pour la phase « habitation » au lendemain des Jeux.
L'article 24 traite de spécificités liées à la montagne, comme les servitudes relatives aux pistes de ski et aux remontées mécaniques, notamment sur deux sites de compétition, pour le tremplin et pour la piste de bobsleigh. L'article 20 prévoit des expérimentations afin d'accélérer la rénovation énergétique de copropriétés mal isolées- on évoque fréquemment les « lits froids » dans les stations de ski. Ce projet de loi est l'occasion de lancer cette expérimentation attendue depuis longtemps.
D'autres dispositions concernent la sécurité et sont clairement enrichies des retours d'expérience des Jeux de Paris 2024. S'agissant des interdictions de paraître, on passe du recours aux mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas) à une procédure plus adaptée. L'expérimentation de la vidéosurveillance algorithmique est, quant à elle, prolongée jusqu'en 2027. En effet, les Jeux de Paris 2024 étaient très urbains, avec une forte présence des forces de l'ordre, ce qui n'a pas permis d'aller au bout de l'expérience. Les Jeux des Alpes françaises 2030 se tiendront dans des territoires de montagne, où les forces de l'ordre seront moins nombreuses et où la concentration de population ne sera pas identique à celle des Jeux de Paris 2024 du fait de la pluralité de sites. La vidéosurveillance algorithmique pourrait se révéler plus pertinente dans ce cas ; c'est pourquoi nous souhaitons prolonger l'expérience.
Je termine avec l'article 36, qui n'est pas directement lié à l'organisation des Jeux de 2030, mais qui prolonge l'héritage de Paris 2024. Les mesures relatives à l'assainissement des bateaux et des établissements flottants en aval de Paris sont pérennisées pour rendre la Seine baignable. Ainsi, cet été, on comptera cinq sites de baignade, répartis entre la Marne et la Seine. C'est une bonne nouvelle.
M. Claude Kern, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. - Je vous remercie de cette présentation et je salue le délégué interministériel, qui est présent à vos côtés.
Le modèle économique des JOP d'hiver repose sur un financement privé, davantage encore que les Jeux d'été. Les recettes de billetterie attendues seront moindres que celles des Jeux de Paris 2024. Il faut donc sécuriser ces financements en garantissant aux différents partenaires une exclusivité d'usage des propriétés olympiques et en luttant contre le marketing d'embuscade, qui consiste à utiliser ces marques sans autorisation.
Cette exclusivité soulève également une difficulté : elle limite fortement la capacité des collectivités publiques à communiquer sur leur engagement et à valoriser leur action dans le cadre des Jeux. Nous partageons tous l'objectif de maximiser les recettes issues du secteur privé. À cet égard, quel est, selon vous, le bon équilibre entre les droits exclusifs des partenaires et la reconnaissance de l'action des acteurs publics ?
Les anneaux olympiques installés sur la tour Eiffel ont marqué les esprits pendant les Jeux de Paris 2024. La prolongation de cette installation dans la perspective des Jeux de 2030 fait débat. Pouvez-vous préciser quels en sont les enjeux ? Quelle est la position du CIO à ce sujet ?
La France a érigé la lutte contre le dopage en priorité absolue dans la perspective des Jeux de Paris 2024. L'AFLD a rempli ses engagements, en lien avec l'Agence de contrôles internationale (International Testing Agency, ou ITA). Malheureusement, les moyens de l'AFLD ont baissé après les JOP, ce qui suscite une certaine inquiétude. À mon sens, la fin des JOP ne peut justifier une telle baisse, car le surcroît d'activité engendré par les Jeux de Paris a été pris en charge par le contrat liant Paris 2024 à l'AFLD. Actuellement, la lutte contre le dopage est fragilisée par le différend entre l'Agence mondiale antidopage (AMA) et l'Agence américaine antidopage (Usada). En outre, des compétitions où le dopage est autorisé, voire encouragé, apparaissent. Le projet de loi accorde des moyens juridiques supplémentaires à l'AFLD, mais les moyens humains et financiers sont-ils à la hauteur des ambitions affichées ? Quelles leçons tirez-vous de Paris 2024 en la matière ?
Mme Marie Barsacq, ministre. - Pour ce qui concerne le financement privé et la cohabitation des marques, nous disposerons, comme pour les Jeux de Paris 2024, d'un emblème pour les Jeux des Alpes françaises 2030, qui pourra être associé à celui des régions sous la forme de logos composites à l'instar de la région Île-de-France à l'occasion des JOP de Paris. Toutefois, pour l'instant, nous n'avons pas encore d'emblème pour les Jeux de 2030, raison pour laquelle personne ne communique à ce sujet. Ce logo composite sera très visible et permettra aux régions de communiquer sur les Jeux dans leur territoire. Les sponsors des Jeux seront aussi affichés dans le cadre de ces communications. À mon sens, il n'y a aucune inquiétude à avoir s'agissant de la cohabitation de ces différentes marques. Les choses se mettront en ordre en temps utile. Dans quelques mois, nous devrions disposer d'un emblème.
S'agissant des anneaux installés sur la tour Eiffel, les discussions sont en cours, notamment avec le CIO, qui doit donner son aval pour ce qui concerne la visibilité des anneaux olympiques dans l'espace public en France. Rien n'est encore décidé à ce stade, mais nous devrions avoir des éléments de réponse dans les prochaines semaines.
À propos du dopage, l'AFLD capitalise sur les dispositions mises en place lors des JO de Paris 2024, qui sont un bel héritage ; j'ai d'ailleurs rencontré la présidente de l'Agence lors de ma prise de fonction. Les moyens de l'AFLD relèvent du budget du ministère des sports, de la jeunesse et de la vie associative, donc du projet de loi de finances que nous présenterons. Vous avez raison de souligner la particularité du contexte international actuel au regard des visions différentes des diverses agences antidopage. La France essaie d'oeuvrer sur le plan diplomatique. Nous continuerons de travailler à l'intégration des enjeux du dopage, qui sont importants pour le ministère, dans le budget 2026.
M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur. - L'examen de ce projet de loi au Sénat sera l'occasion de défendre l'organisation en France des jeux Olympiques et Paralympiques d'hiver de 2030 auprès de nos concitoyens, sachant qu'une partie de la population s'interroge encore sur la pertinence de cette démarche, notamment au regard du changement climatique.
Tout d'abord, comment entendez-vous associer la population, dans toute sa diversité, à la concertation relative à ces Jeux ? Il convient d'en expliquer la portée et de prendre en compte les suggestions de nos concitoyens.
Ensuite - il s'agit à l'évidence d'une question épineuse et d'un enjeu crucial -, en vertu de l'article 5 de ce projet de loi, les régions Aura et Paca pourraient contribuer, à hauteur d'un quart chacune, à la garantie d'un éventuel déficit du Cojop, l'État prenant en charge la moitié restante. Or une telle participation des collectivités territoriales n'a pas été prévue pour les jeux Olympiques de 2024. De plus, nous ne disposons pas encore de la carte des sites et le coût global de ces nouveaux jeux Olympiques reste à préciser - les estimations oscillent entre 1,9 et 2,4 milliards d'euros. Pourquoi le Gouvernement veut-il prévoir dès aujourd'hui une telle garantie financière de la part des régions hôtes ?
J'en viens à la vidéosurveillance algorithmique, mise en oeuvre par l'article 35. Nos collègues Marie-Pierre de La Gontrie et Françoise Dumont ont recommandé d'étendre ce dispositif au-delà des grands événements et de permettre à des agents communaux n'appartenant pas à la police municipale d'accéder aux signalements. En parallèle, elles préconisent de conférer davantage d'autonomie aux acteurs pour le choix des solutions technologiques et de garantir dans la loi l'indépendance du comité d'évaluation. Le Gouvernement est-il favorable à ces recommandations ?
Enfin - cette question remonte du terrain de manière assez récurrente -, pourriez-vous nous préciser la définition susceptible d'être retenue pour établir la nature olympique directe ou indirecte d'un projet, déterminant, de fait, la possibilité de recourir aux différentes procédures facilitées dans les domaines de l'urbanisme et de l'aménagement prévues par le projet de loi? C'est un enjeu essentiel pour les porteurs de projet dans les territoires.
Mme Marie Barsacq, ministre. - La participation citoyenne est un enjeu majeur : vous avez raison de le souligner. Elle ne fait pas encore l'objet d'une stratégie particulière, mais l'ensemble des parties prenantes mesurent l'importance de cet effort de pédagogie pour que le projet soit compris et même attendu par les populations directement concernées. À cette fin, nous devons avant tout disposer d'éléments concrets, ce qui suppose de franchir quelques étapes, dont la fixation de la carte définitive des sites et la stabilisation du budget. Nous avons également besoin d'établir notre stratégie environnementale ; ce sera tout l'enjeu du Cijop.
Ce travail d'ensemble va être consolidé dans les prochains mois, et même dans les prochaines semaines. Dès lors, nous pourrons organiser des concertations à Paris et dans tous les territoires hôtes des Jeux. Le Comité d'organisation lui-même va élaborer un programme de communication en ce sens, en particulier à destination du tissu associatif.
L'organisation des Jeux fait l'objet de trois types de garanties : la garantie de remboursement du CIO en cas d'annulation des Jeux ; la garantie d'emprunt bancaire, destinée à faciliter la trésorerie du Comité d'organisation ; et la garantie du déficit des Jeux, qui ressortit de ce comité.
À ce titre, l'article 5 permet de recourir à l'engagement des deux régions concernées, engagement qui serait limité au quart du solde déficitaire du Cojop et qui supposerait un accord avec lesdites régions. Avant d'introduire cette disposition dans le projet de loi, nous avons pris soin d'aborder la question avec les élus concernés, qui semblent disposés à en débattre.
J'ai bien entendu pris connaissance des travaux sénatoriaux relatifs à la vidéosurveillance algorithmique, qui ont achevé de nous convaincre de la nécessité de prolonger l'expérimentation. Pour ne pas préempter le débat parlementaire, nous nous en sommes tenus aux dispositions prévues pour les Jeux de Paris 2024. Nous n'ignorons pas que l'environnement des Alpes françaises n'est pas celui de la capitale, ce qui n'est pas sans conséquence, en particulier pour la mobilisation des forces de l'ordre. Enfin, le périmètre des projets doit être défini au cas par cas.
M. Pierre-Antoine Molina, délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques et délégué interministériel aux grands événements sportifs. - Comme l'a relevé le rapporteur, le texte emploie des terminologies différentes pour désigner les opérations en lien avec les jeux Olympiques. La nature du lien avec cet événement varie en effet selon la portée des mesures de facilitation considérées.
Ainsi, il est important de définir de manière suffisamment large le bénéfice des dispositions qui accélèrent les procédures d'urbanisme afin que les opérations nécessaires aux JO puissent toutes bénéficier de ce cadre normatif.
À l'inverse, nous avons été conduits à circonscrire davantage le champ de telle ou telle mesure qui devrait être conciliée avec des droits constitutionnellement garantis. Je pense notamment à la prise de possession anticipée des terrains dans le cadre d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique. Il s'agit d'une procédure tout à fait dérogatoire, subordonnée à l'avis conforme du Conseil d'État ; à ce stade, seules les opérations relatives aux villages olympiques et aux compétitions entrent dans son champ d'application.
De même - je cite cet exemple, bien qu'il n'entre pas dans le champ de la loi -, nous travaillons à un projet de décret dérogeant au double degré de juridiction pour les contentieux liés aux opérations nécessaires aux jeux Olympiques, comme ce fut le cas pour les Jeux de Paris 2024. Le champ de cette dérogation sera beaucoup plus large car elle est beaucoup plus habituelle que la prise de possession anticipée que je viens d'évoquer.
Dans une certaine mesure, il est donc normal que des formulations employées diffèrent d'un article à l'autre. Mais peut-être les échanges à venir pourront-ils préciser les points qui vous sembleraient réellement obscurs : nous pouvons tout à fait discuter des harmonisations qui vous paraîtraient nécessaires.
Permettez-moi de revenir brièvement sur la vidéo augmentée, sujet que le Sénat connaît bien pour en avoir traité au titre de la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports. La disposition figurant dans le projet de loi reprend peu ou prou celle que le Sénat a adoptée au sein de cette proposition de loi, et que le Conseil constitutionnel a censurée comme cavalier.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ce n'est pas le Sénat qui a introduit cette mesure : c'est l'Assemblée nationale.
M. Pierre-Antoine Molina. - L'expérimentation était alors en cours : il suffisait de la prolonger. Dans la mesure où elle est achevée, il convient maintenant de la reconduire. À cet égard, le débat parlementaire pourra évidemment se poursuivre, mais le Gouvernement n'a pas fait preuve d'innovation.
Enfin, comme l'a indiqué la ministre, l'article 5 ouvre simplement la possibilité, pour les régions hôtes, de contribuer à la garantie du déficit du Cojop. Un tel concours suppose, au préalable, une négociation clarifiant les bases sur lesquelles ces régions s'engagent. En outre, la possibilité pour elles d'accorder leur garantie serait doublement limitée : l'engagement serait circonscrit à une part du budget du Cojop et des recettes de fonctionnement de ces collectivités territoriales - c'est l'usage pour les garanties d'emprunt accordées par les régions.
Mme Martine Berthet, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. - Les sept articles confiés à mon examen traitent à la fois de l'aménagement et du logement. Ils sont presque tous issus de la loi encadrant les Jeux de Paris 2024, mais leur rédaction doit être adaptée au contexte de la montagne.
À cet égard, tous les délais prévus ont-ils été bien pensés ? Je songe notamment aux installations temporaires et à la mise à disposition des logements.
En tant que Savoyarde, je vous alerte également sur les voies de circulation, même si ces articles n'en traitent pas. Nos collègues rapporteurs seront, j'en suis certaine, attentifs à cette question.
Enfin, la liste exacte des sites sera-t-elle transmise avant l'adoption définitive du texte par le Parlement ? Nous devons être en mesure de nous prononcer en toute connaissance de cause, notamment en matière d'aménagement et de logement.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Nous nous sommes évidemment employés à adapter ces dispositions au contexte de la montagne. Ainsi, nous n'avons pas prévu de mobiliser les logements étudiants, comme ce fut le cas pour les Jeux de Paris 2024, d'autant que ces Jeux se dérouleront en période scolaire. Sur ce sujet, les premières projections dont nous disposons sont d'ailleurs de nature à nous rassurer.
Quant à la carte des sites, elle a bien sûr toute son importance. Elle fait encore l'objet de discussions, parallèlement au budget - les deux sujets sont étroitement liés. Le Comité d'organisation s'est fixé pour objectif d'arrêter cette carte à la rentrée. De nouveaux renforts viennent d'être recrutés par le Comité d'organisation, dont un directeur financier, qui vont nous permettre d'avancer. De plus, le Comité d'organisation s'appuie désormais sur un certain nombre d'experts, travaillant sur la base du projet de candidature initial et du rapport élaboré par l'inspection générale des finances. Nous avons pour objectif de faire converger les deux calendriers.
Mme Pascale Gruny, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Ma collègue Patricia Demas est chargée des articles 28 et 29, qui ont pour objet l'installation des polycliniques et le droit d'exercer des professionnels de santé. Avez-vous des informations à nous communiquer à ce sujet, étant entendu que les sites dont il s'agit sont totalement différents de ceux qui avaient été prévus pour les Jeux de Paris 2024 ?
Pour ma part, je suis chargée de l'article 30, introduisant une dérogation au repos dominical. Bien sûr, nous soutiendrons cette mesure, qui reprend peu ou prou les dispositions de 2024. Mais vous savez combien le Sénat est attaché au dialogue social ! Or les organisations syndicales déplorent une consultation quelque peu défaillante ou précipitée des partenaires sociaux. Seront-elles bien consultées à ce titre, à l'instar des organisations patronales ? Plus généralement, à quelle échéance une charte sociale comparable à celle des Jeux de Paris 2024 sera-t-elle signée ?
Mme Marie Barsacq, ministre. - Je suis particulièrement attentive à la place des partenaires sociaux et m'étais d'ailleurs chargée de ce dossier pour les Jeux de Paris 2024, en élaborant la charte sociale et en assurant la présence des partenaires sociaux au sein du conseil d'administration du Comité d'organisation. Nous ferons de même pour les Jeux de 2030.
Nous menons un dialogue continu avec les représentants de la charte sociale depuis la fin des Jeux de 2024. Toutefois, ces acteurs sont en phase de réorganisation, en vue d'une nouvelle stratégie de la charte sociale pour les Jeux de 2030. Ils doivent notamment désigner des représentants qui seront nos interlocuteurs au sein du Comité d'organisation. En effet, leur participation au projet passe par une association de la charte sociale, créée et dirigée par leurs soins.
Les partenaires sociaux prendront toute leur part à ce travail. Il s'agit pour moi d'un sujet essentiel, car, comme vous, je crois beaucoup au dialogue social.
La disposition relative au dialogue social reprend celle de Paris 2024 et sera appliquée au cas par cas : c'est aux préfets qu'il reviendra d'apprécier les différentes situations, sachant que certaines stations dérogent déjà au travail dominical. Les partenaires sociaux seront évidemment associés à ce dialogue.
Quant à la mobilisation des polycliniques, elle est indispensable aux athlètes. À cette fin, des conventions seront signées entre les agences régionales de santé (ARS) et les deux régions. Nous allons y travailler.
M. Pierre-Alain Roiron. - Vous avez évoqué le traitement automatisé des images algorithmiques. Dans quelle mesure les partenaires privés interviendront-ils à ce titre ? Quelles garanties le Gouvernement entend-il apporter ? N'allons-nous pas vers une généralisation de cet outil ? Le Conseil d'État a souligné que ce dispositif contraignant devait rester fondamentalement protecteur.
Mme Marie Barsacq, ministre. - L'objectif n'est pas de généraliser l'outil : il est de le circonscrire aux Jeux de 2030. J'insiste sur le fait que l'on s'en tient aux dispositions prévues pour les Jeux de 2024.
Des prestataires privés vont certes opérer, mais ils seront tenus par un contrat interdisant toute exploitation des images. Ces dernières sont nécessaires à la sécurité des sites et seront traitées par les acteurs publics. Ce sujet ne saurait donc inspirer d'inquiétude, d'autant que l'on ne parle pas d'un contrôle facial : il s'agit d'un dispositif anonymisé, destiné en particulier à surveiller les mouvements de foule.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Agnès Canayer et moi-même avions conduit, en amont des jeux Olympiques de 2024, une mission d'information relative à la sécurité au sens large. Puis, après la tenue des Jeux, nous nous sommes penchées plus précisément sur la vidéosurveillance algorithmique et sur la sécurité privée.
Dès le mois de septembre dernier, le ministre de l'intérieur, Bruno Retailleau, et le préfet de police de Paris estimaient qu'il fallait pérenniser la vidéosurveillance algorithmique. Quant à nous, nous nous sommes prononcées pour une prolongation de l'expérimentation. Le dispositif peut être très utile, notamment pour détecter des intrusions, mais il n'est pas encore totalement mature - on le constate pour les huit cas d'usage déterminés par le ministère de l'intérieur.
M. André Reichardt. - La situation géopolitique mondiale est à tout le moins préoccupante et risque encore de s'aggraver. Dès lors, de nouveaux textes ne seront-ils pas nécessaires d'ici à 2030 pour adapter nos systèmes de sécurité ?
La présence d'une délégation russe ayant fait polémique en 2024, je m'interroge sur la liste des pays susceptibles de prendre part à ces Jeux. Y avez-vous déjà réfléchi ?
Les renforts de police destinés à sécuriser les jeux Olympiques de Paris 2024 ont été déployés aux dépens d'autres missions, comme la surveillance des plages. Faut-il s'attendre à de tels effets collatéraux en 2030 ?
Enfin, pouvez-vous nous donner quelques indications quant aux disciplines sportives qui seront retenues pour les jeux Olympiques de 2030 ?
Mme Cécile Cukierman. - Le groupe Communiste, Républicain, Citoyen et Écologiste - Kanaky défendra le même objectif que pour Paris 2024 : tout doit être fait pour que ces JO soient populaires, sociaux et respectueux de l'environnement. Je l'affirme d'autant plus que nous allons entrer dans un temps législatif de préparation où tout risque de mal se passer ! Je suis sénatrice depuis 2011 : j'ai donc vécu l'ensemble de la préparation des Jeux de Paris 2024, sous les gouvernements successifs, et assisté à nombre de drames qui n'avaient pas été anticipés, sur les sites des Jeux comme partout en France. Pourtant, les JO ont été très réussis, et la France s'en est très bien portée - si l'on oublie la pluie pendant de la cérémonie d'ouverture...
Dans les années à venir, le rôle des parlementaires sera donc de tout anticiper, y compris le pire, pour que les Jeux des Alpes françaises de 2030 soient aussi beaux que possible.
Puisque les JO doivent se tenir, nous soutiendrons, une nouvelle fois, les dérogations prévues sur un grand nombre de sujets, notamment en matière d'urbanisme, dès lors qu'elles seront encadrées. Cependant, nous ne voterons pas tous les articles, en particulier ceux qui concernent la sécurité.
Les JO doivent être populaires : veillons à ce qu'Alpes 2030 rayonne dans toute la France, de la même manière que la préparation de Paris 2024 avait irrigué l'ensemble de notre territoire. C'est aussi ce qui fait la réussite de l'événement.
Les JO doivent être sociaux. Sur ce point, je m'associe à la vigilance de Pascale Gruny.
Enfin, les JO doivent être respectueux de l'environnement. Pour ma part, je ne suis pas opposée à la neige de culture. La préparation des JO ne permettra pas de régler l'ensemble des débats politiques de notre société, qui continueront à se poser à la suite de cet événement. En tant qu'élue régionale, je suis témoin que ces sujets se rapportent à une question de fond : que sera la montagne en 2050 ? À ce titre, les JO doivent nous servir d'expérimentation et d'accélérateur scientifique : certaines innovations fonctionneront, d'autres non.
Prenez les JO de Paris 2024 : heureusement que des travaux d'aménagement pour la gestion de l'eau ont été organisés en amont de l'événement ! Cela a permis d'assurer la bonne tenue de certaines épreuves des Jeux, mais aussi de rendre accessible à tous la baignade dans la Seine cet été.
Nous aurons l'occasion de débattre, en séance, de ce texte, qui ouvre la préparation législative d'Alpes 2030. Nous devrons nous montrer à la hauteur pour que le Parlement soit l'un des acteurs de la réussite des JOP.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Concernant la surveillance algorithmique, notre philosophie est de relancer cette expérimentation afin d'identifier les forces et les faiblesses du dispositif, et de le faire évoluer au besoin. Et, s'il est prévu qu'elle arrive à terme en 2027, son véritable horizon reste, bien entendu, 2030. Au demeurant, votre suggestion de prolonger le dispositif jusqu'à la fin du mois de juin 2027 nous paraît tout à fait pertinente.
Monsieur Reichardt, notre dispositif de sécurité devra en effet prendre en compte les tensions internationales qui seront à l'oeuvre en février 2030. Soyez rassuré : dans le cadre de Paris 2024, le Gouvernement avait lancé un grand nombre de travaux, qui n'ont pas tous fait l'objet de communications, sur les risques terroristes, mais aussi sur le hacking informatique. Ces sujets seront suivis de très près à l'approche des Jeux. Des interlocuteurs au sein du Cojop auront pour mission de travailler sur ces risques avec l'État.
La liste des pays qui participeront aux Jeux est un enjeu important, qui ne relève pas de la compétence du Comité d'organisation. C'est une décision prise par les organisateurs, à savoir le CIO et le Comité international paralympique (IPC). Cette liste est encore en discussion à l'approche des Jeux de Milan-Cortina de février 2026, et devra également être définie en vue des Jeux de Los Angeles en 2028. Pour février 2030, nous devrons tenir compte des enjeux géopolitiques. Des discussions très resserrées ont lieu sur ce sujet entre les organisateurs et les fédérations internationales. Outre des enjeux sportifs, la qualification ou non de certains pays soulève des questions sécuritaires.
Concernant les renforts de police, n'oublions pas que l'envergure des Jeux de Paris 2024 n'est pas comparable à celle des Jeux des Alpes 2030 : 10 000 athlètes et 20 000 journalistes ont participé aux premiers, tandis que seuls 3 000 athlètes et 3 000 journalistes sont attendus pour les seconds. Pour autant, les services de l'État sont déjà pleinement mobilisés sur le sujet.
Le choix des sports additionnels pour les Jeux des Alpes 2030 représente un moment fort pour le Comité d'organisation. Il sera arrêté lors de la session du CIO précédant les Jeux de Milan-Cortina, à partir des propositions émises fin 2025. L'équation n'est pas facile : les sports additionnels ne doivent pas représenter un coût supplémentaire pour le budget. En outre, ces choix sont la traduction du récit que nous voulons raconter au travers des Jeux. Ainsi, dans le cadre de Paris 2024, des sports urbains, émergents et populaires, comme le skateboard, le surf ou l'escalade, avaient été retenus pour mettre en avant la jeunesse.
Madame Cukierman, le caractère populaire des Jeux a été la marque de fabrique de Paris 2024 et sera dans l'ADN des Jeux des Alpes 2030. Les Jeux doivent être accessibles à tous. En 2024, le dispositif de billetterie populaire avait été largement porté par l'État, notamment par la Dijop, tandis que le programme « Ma classe aux Jeux » avait permis à de nombreux élèves d'assister aux épreuves paralympiques. Ce sont des réussites de Paris 2024.
Pour ce qui est des enjeux sociaux, au-delà de la charte sociale, les Jeux sont source d'opportunités pour le tissu économique local et pour les demandeurs d'emploi. Cette question sera au coeur de notre projet.
Enfin, l'impact environnemental est un enjeu important. Les Jeux sont à l'origine d'importantes innovations. Ainsi, grâce aux investissements des sponsors de Paris 2024, EDF et GRDF, tous les sites de compétition des Jeux ont été raccordés aux réseaux. Désormais, des événements tels que le concert du 14 juillet au pied de la tour Eiffel ou la fashion week, place de la Concorde, pourront se passer de générateurs.
Le rayonnement des Jeux dans toute la France est un enjeu majeur. Des programmes mis en place à l'occasion des Jeux d'été pourront être renouvelés pour les Jeux d'hiver. Ainsi, « Génération 2030 » permettra de mobiliser les écoles, les collèges, les lycées et les universités de France. Nous devrons aussi nous inspirer du programme « Terre de Jeux 2024 », qui avait permis aux Jeux de trouver un écho partout en France. Le parcours de la flamme olympique, enfin, avait suscité un engagement des territoires en amont de l'événement.
M. Guy Benarroche. - Je ne vous cacherai pas les doutes et les réticences des mouvements associatifs écologistes et de mon parti quant à l'organisation des jeux Olympiques en France en 2030.
Tout d'abord, on ne peut que constater la raréfaction de la neige. Nonobstant toutes les innovations dans ce domaine, on connaît les difficultés actuelles des stations à garantir la pérennité de leur activité économique en lien avec la neige. Certaines d'entre elles ont d'ailleurs déjà entamé une reconversion vers d'autres domaines. Aussi, est-il pertinent d'organiser dans ces mêmes stations, en 2030, des jeux Olympiques qui nécessiteront des conditions optimales d'enneigement pour la bonne tenue des épreuves ?
Quand on évalue les coûts, on ne prend pas en compte celui de l'inaction climatique ou des actions contre le climat, même si celles-ci sont compensées par d'autres afin d'affirmer que ces Jeux sont respectueux de l'environnement... Certes, il est difficile de chiffrer ce montant, mais beaucoup, à cette heure, s'y attellent : nous le connaîtrons donc à terme.
Une action auprès des tribunaux administratifs a été engagée courant mai par un collectif d'associations réunissant notamment la Ligue des droits de l'Homme, Greenpeace, des associations locales et des représentants de collectivités locales. Pensez-vous que cette action puisse vous porter préjudice ? Si le climat permet effectivement la tenue des jeux Olympiques de 2030, alors nous devrons tout faire pour qu'ils se passent au mieux.
Enfin, concernant le caractère populaire des Jeux, je reçois de nombreux courriers de récrimination des mouvements sportifs associatifs, qui déplorent que les retombées positives de la réussite de Paris 2024 soient mises à mal par la baisse de leurs budgets. En effet, les collectivités territoriales n'ont plus les moyens de financer ces associations, et l'État ne les soutient pas davantage, car la tendance est plutôt aux restrictions budgétaires...
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Madame la ministre, vous avez évoqué l'impact positif des Jeux sur le tissu économique local.
Pendant les Jeux de Paris, la sécurité privée avait été pilotée par le préfet de la région Île-de-France, Marc Guillaume. En effet, les Jeux nécessitaient l'intervention de milliers d'agents de sécurité privée. De nombreuses petites structures se sont créées à cette occasion, la plupart des grandes entreprises de ce domaine ne s'étant pas portées candidates. France Travail, notamment, a étroitement accompagné cette nouvelle filière pour l'aider à se développer et à se consolider.
Y aura-t-il un besoin important de recourir à la sécurité privée pour les Jeux des Alpes ?
Mme Marie Barsacq, ministre. - Le CIO a établi une règle importante pour restreindre le nombre de candidatures aux Jeux d'hiver : les pays doivent démontrer qu'ils disposent d'une capacité d'enneigement suffisante. La France en a donc fait la preuve.
Il est vrai que les compétitions internationales sont aussi assorties d'exigences en matière de qualité. Nous sommes donc amenés à nous interroger sur l'utilisation, peut-être nécessaire, de neige de culture pour offrir un niveau d'enneigement équivalent tout au long de la compétition. En effet, il est essentiel de garantir l'équité entre athlètes, selon qu'ils descendent la piste les premiers ou les derniers.
En Savoie, nous sommes relativement rassurés, car nous constatons que seulement 1 % de la ressource en eau est utilisée pour produire de la neige de culture. Surtout, comme l'expliquait hier Edgar Grospiron, elle est restituée au printemps, période où le besoin est le plus élevé, et prélevée à l'automne, période où le besoin est le moins élevé. Par conséquent, nous considérons que nous ne mettons pas en danger la ressource dans les territoires hôtes des Jeux.
Le Gouvernement a pris connaissance de la saisine du tribunal administratif par voie de presse. Nous en attendrons l'issue. Cette procédure traduit une forte inquiétude au sein du tissu associatif. J'avais déjà pu, à l'occasion de Paris 2024, rencontrer de nombreuses associations qui étaient soit opposées à l'événement, soit très inquiètes. Il faut rassurer, en réfléchissant à la manière de faire participer la population, se fixer des ambitions et, surtout, prouver, par le biais de programmes de communication, qu'aucune catastrophe n'adviendra. Les Jeux sont non seulement une compétition sportive, mais aussi une occasion à saisir, du fait de ses effets positifs pour les territoires.
Le budget des sports en France est une source d'inquiétude, pour moi la première ! Le lendemain des Jeux de Paris est difficile, je le concède. Pourtant, certains chiffres incroyables témoignent de l'envie de sport des Français, notamment chez les personnes en situation de handicap : le nombre de licenciés est en hausse de 33 % pour la Fédération française de triathlon et de 21 % pour la Fédération française handisport. La Fédération française de basket-ball a refusé 150 000 personnes et la Fédération française de handball, 120 000.
Même si nous en avons construit dans le cadre des Jeux de Paris, les équipements sportifs ne sont pas assez nombreux et notre budget se trouve contraint.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Pourquoi ne pas profiter des Jeux d'hiver ? C'est un choix politique...
Mme Marie Barsacq, ministre. - Élisabeth Borne et moi travaillons à ouvrir aux associations les équipements situés à l'intérieur des établissements scolaires : sur un total de 28 000, seulement 5 000 sont ouverts actuellement. Il n'est pas possible de faire autrement au regard de la tension de la demande. Ces équipements sportifs sont des biens publics. Il faut que les chefs d'établissement entendent cet appel. Nous mènerons ce combat.
Il faudra trouver dans le budget 2026 les bons équilibres pour faire face à la demande de sport : je suis pleinement mobilisée. La conjonction de restrictions budgétaires en cascade entre l'État et les collectivités fait que de nombreux acteurs associatifs sont en difficulté.
En évoquant la sécurité privée, vous n'auriez pas pu faire plus plaisir à Pierre-Antoine Molina et à moi-même, car Marc Guillaume et nous avons été les chevilles ouvrières du dispositif mis en place pour Paris 2024, qui a formidablement bien marché. Nous y avons cru dès le départ.
Pour faciliter la vie à ce secteur en tension, les entreprises de sécurité attributaires des marchés des Jeux de Paris ont eu affaire à un interlocuteur unique : pour recruter, il ne leur a pas été nécessaire de recourir à France Travail, aux missions locales ou à des facilitateurs. En effet, dès l'obtention d'un marché, chacune disposait du nom et des coordonnées d'un référent qui la contactait pour lui présenter une liste de demandeurs d'emploi. Cette force d'appui incroyable a permis aux entreprises d'avoir les ressources humaines nécessaires. Pourtant, les inquiétudes étaient fortes. Le plus beau de l'histoire est que plus de 90 % des personnes recrutées disposent toujours d'un emploi à l'heure actuelle. Par conséquent, nous appliquerons évidemment cette méthode aux Alpes françaises 2030.
M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur. - Il a été peu question dans notre discussion du volet paralympique : les Jeux doivent être populaires et inclusifs. Les Jeux de 2024 ont changé le regard de la société sur le handicap de manière formidable. Une labellisation des stations en fonction de l'inclusion pourrait être un héritage précieux. Il serait opportun d'ouvrir la montagne au handicap tout au long de l'année.
Par ailleurs, le maire de Montgenèvre m'indiquait à juste titre que les travaux ne pouvaient se faire sur sa station qu'entre mai et octobre : en montagne, les saisons sont courtes. Par conséquent, il nous faut rapidement une maquette financière pour faciliter les différents chantiers : villages olympiques, épreuves et équipements annexes. Des annonces seront-elles faites le 27 juin prochain lors du comité interministériel dédié aux jeux Olympiques, à Briançon ? Je lance une alerte : chaque saison est précieuse pour réaliser les équipements nécessaires.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Les jeux Paralympiques ont été un formidable succès, au-delà du moment même de leur déroulement. Nous élaborons déjà une stratégie en deux points pour assurer l'héritage des jeux Paralympiques des Alpes françaises 2030.
Le premier point est de porter une ambition de haute performance : nous avons besoin d'un réservoir d'athlètes paralympiques. Actuellement, trop peu de jeunes en situation de handicap pratiquent les sports d'hiver, même parmi ceux qui habitent les vallées. Le plafond de verre demeure. Il faut créer une dynamique pour rendre les clubs inclusifs, c'est-à-dire former les clubs ordinaires à mieux accueillir les personnes en situation de handicap. L'État soutient les structures allant en ce sens, au travers d'un programme qui prendra fin en 2027, autre héritage des Jeux de Paris. Il est encore temps de détecter de jeunes talents pour les accompagner et permettre à ces athlètes d'être au rendez-vous de 2030 et de 2034. Cette stratégie de haute performance est portée par le Comité paralympique et sportif français avec le concours de l'Agence nationale du sport.
Le second point est l'accessibilité pour le grand public des stations. Il sera fait mention des engagements des départements sur le sujet dans le projet de loi. Là encore, les Jeux sont une opportunité : les stations seront encouragées à aménager leurs équipements pour les personnes en situation de handicap et pourront le mettre en avant. Comme des compétitions parasports s'ensuivront, certains aménagements seront pérennes.
L'École du ski français (ESF) fait depuis plusieurs années un travail formidable pour l'accueil des personnes en situation de handicap. Pourtant, il reste beaucoup à faire avant qu'ils ne puissent accéder à un professeur ! Le Cojop le sait. Nous en prenons acte en proposant un label dédié aux stations de sport d'hiver inclusives.
Le timing est bien un sujet crucial : les Jeux sont dans cinq ans et les aménagements doivent se faire hors saison. Les travaux à mener ne sont pas de l'ampleur de ceux de Paris 2024 ; aussi, nous ne sommes pas inquiets.
Je ne suis pas sûre de disposer de la maquette financière le 27 juin : même si elle est notre priorité, nous la prévoyons plutôt pour la rentrée. Cependant, il sera important d'avoir, à cette date, un engagement interministériel sur les Jeux et leur héritage.
M. Pierre-Antoine Molina. - Dans la perspective du 27 juin, le Premier ministre a déjà fait des annonces, notamment en matière de desserte. Par « maquette financière », nous entendons deux choses : d'une part, le budget du Cojop ; d'autre part, la liste des équipements financés et supervisés par la Solideo, dont les fonds proviennent de l'État et des collectivités locales.
Nous travaillons déjà sur cette liste. Une première version a été présentée au premier conseil d'administration de la Solideo. Cette dernière a fait appel à un bureau d'études pour expertiser les aspects techniques et financiers sous-jacents, afin d'affiner l'évaluation de la faisabilité des équipements présentés par les maîtres d'ouvrage et de leurs coûts. Sur ce fondement, nous discuterons avec les collectivités locales et établirons la « maquette » à l'horizon du début de la discussion du projet de loi de finances, à l'automne.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 12 h 00.