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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions prioritaires de constitutionnalité

Rapport et avis de l'Assemblée de la Polynésie française

Avis sur une nomination

Modification de l'ordre du jour

Salut aux auditeurs de l'Institut du Sénat

Délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes

Mme Stéphanie Riocreux, rapporteure de la commission des affaires sociales

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission des lois

Mme Chantal Jouanno, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

M. Alain Milon

Mme Laurence Cohen

M. Jacques Mézard

Mme Aline Archimbaud

Mme Françoise Gatel

Mme Patricia Schillinger

Mme Catherine Deroche

M. Roland Courteau

Mme Laurence Rossignol, ministre

Discussion de l'article unique

Mme Fabienne Keller

Mme Nicole Bricq

M. Yves Daudigny

Mme Catherine Génisson

Mme Marie Mercier

M. Jean-Pierre Leleux

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales

Interventions sur l'ensemble

M. Alain Vasselle

M. Gérard Roche

Mme Éliane Giraud

Contrats de ressources

M. Hervé Poher, auteur de la proposition de résolution

Mme Évelyne Didier

Mme Mireille Jouve

Mme Annick Billon

M. Hervé Poher

M. Claude Raynal

M. Rémy Pointereau

Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la ville

Saisine du Conseil constitutionnel

Mise au point au sujet de votes

Publicité dans les programmes jeunesse de la télévision publique (Deuxième lecture)

Discussion générale

Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication

Mme Corinne Bouchoux, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

M. Patrick Abate

Mme Françoise Laborde

M. Claude Kern

M. David Assouline

Mme Nicole Duranton

M. André Gattolin

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Interventions sur l'ensemble

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

M. Jean-Pierre Leleux

Mme Patricia Schillinger

M. Patrick Abate

M. André Gattolin

M. Jean-Marie Bockel

M. David Assouline

Ordre du jour du jeudi 8 décembre 2016

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du mercredi 7 décembre 2016

30e séance de la session ordinaire 2016-2017

présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président

Secrétaires : Mme Valérie Létard, Mme Catherine Tasca.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président.  - Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 7 décembre 2016, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, le Conseil d'État lui a adressé une décision de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions combinées du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts en tant qu'elles portent sur les revenus distribués sur le fondement du c de l'article 111 du même code, et du c) du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale (Majoration de la base d'imposition des contributions sociales sur les revenus de capitaux mobiliers - Résultats distribués résultant d'une rectification des résultats).

Le Conseil constitutionnel a également informé le Sénat, le 7 décembre 2016, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation lui a adressé un arrêt de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 421-2-5-2 du code pénal (Délit de consultation habituelle de sites terroristes).

Le texte de cette décision et de cet arrêt de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Rapport et avis de l'Assemblée de la Polynésie française

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de Mme la première vice-présidente de l'Assemblée de la Polynésie française, par lettre en date du 8 novembre 2016, un rapport et un avis sur deux projets d'articles du projet de loi de finances pour 2017.

Avis sur une nomination

M. le président.  - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires sociales a émis un vote favorable (trente voix pour, aucune voix contre et deux bulletins blancs) à la nomination de M. Jean-François Delfraissy aux fonctions de président du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé.

Modification de l'ordre du jour

M. le président.  - La séance de questions orales prévue initialement mardi 6 décembre n'ayant pas pu se tenir en raison de la démission du Gouvernement, nous pourrions inscrire cinq questions orales à l'ordre du jour du jeudi 8 décembre 2016 à 10 h 30 et reporter à 11 heures, le même jour, le débat sur le thème : « Le Massif central, un enjeu de développement territorial », demandé par le groupe RDSE, initialement prévu à 10 h 30.

L'ordre du jour est ainsi réglé.

Salut aux auditeurs de l'Institut du Sénat

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs et Mme la ministre se lèvent) Je suis particulièrement heureux de saluer la présence dans nos tribunes des auditrices et des auditeurs de la deuxième promotion de l'Institut du Sénat.

Le Bureau du Sénat a décidé l'année dernière, à l'initiative du Questeur Jean-Léonce Dupont, de mettre en oeuvre un programme de formation inspiré de l'Institut des hautes études de Défense nationale en vue d'immerger des personnalités représentatives des différents secteurs d'activité au coeur de la vie parlementaire.

Les vingt-et-un auditeurs de cette deuxième promotion, qui a commencé ses travaux hier, viennent de treize départements et sont d'horizons sociaux-professionnels divers : ils sont élus territoriaux, fonctionnaires, responsables syndicaux, dirigeants d'entreprise ou d'association, avocats, médecins ou encore journalistes.

Tout au long de leur formation, les auditeurs rencontreront certains de nos collègues sénateurs et des fonctionnaires du Sénat dans le cadre d'ateliers organisés à leur intention. Ils se familiariseront ainsi avec l'exercice des missions d'une assemblée parlementaire dans l'élaboration et le vote de la loi, le contrôle de l'action du Gouvernement et l'évaluation des politiques publiques.

En votre nom à tous, je leur souhaite une excellente session au Sénat et je forme le voeu qu'à l'issue de leur séjour parmi nous, ils fassent connaître la place essentielle du bicamérisme dans l'équilibre des institutions de la Ve République ainsi que la qualité du travail sénatorial. (Applaudissements)

Délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse.

Discussion générale

Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) L'avortement n'est plus un enjeu politique en France, disait Simone Veil vingt ans après la loi qui légalisa l'IVG. Pourtant consensus ne signifie pas unanimité. L'Assemblée nationale a adopté le 26 novembre 2014, quarante ans après le discours historique de Mme Veil, une résolution historique réaffirmant le droit fondamental à l'IVG, le droit des femmes à disposer de leur corps, condition de l'égalité réelle entre hommes et femmes et d'une société de progrès. Les députés réaffirmaient aussi le droit des femmes à une information de qualité, à une contraception adaptée et à l'avortement sûr et légal.

Cette proposition de loi ne fait que traduire concrètement ces engagements. Il étend le délit d'entrave instauré en 1993 pour garantir la liberté des femmes. Il ne s'agit pas de mettre en cause les libertés d'opinion, d'expression ou d'information. Mais la liberté d'expression n'est pas un droit au mensonge. Nous visons les fausses informations figurant sur certains sites internet. Les adversaires du contrôle des naissances n'ont pas baissé la garde, même si leurs formes d'action ont changé.

Internet est la principale voie utilisée pour obtenir des renseignements sur l'IVG : la moitié des hommes et femmes de 15-30 ans y recourent. La propagande sur internet n'est donc pas tolérable : ces sites prennent les apparences de sites officiels pour distiller de fausses informations. Une élue Les Républicains, dans une opération de testing, a montré les ressorts de cette duplicité : fausses informations, culpabilisation, numéro vert détourné, etc... Ce texte s'attaque à cette supercherie. Les anti-choix n'osent plus s'attaquer de front à l'IVG. Ils préfèrent culpabiliser les femmes et les tromper pour mieux les dissuader, en ayant recours aux techniques de communication les plus sophistiquées.

En 1975, l'avortement a été dépénalisé. Il a ensuite été remboursé. En 1993 a été créé le délit d'entrave. Dans les années 2000, l'accès à l'IVG des mineures a été facilité. Nous sommes allés plus loin, en créant en 2014 un délit d'entrave à l'accès à l'information. Nous avons créé le site ivg.gouv.fr, régulièrement mis à jour, et un numéro vert, qui reçoit deux mille appels par mois. Aujourd'hui, nous adaptons le délit d'entrave à la réalité numérique car un droit formel, dont l'exercice n'est pas garanti, n'est pas un droit.

Nous n'avons qu'un objectif : garantir à chaque femme le droit d'être informée. Le progrès technologique ne doit pas faire reculer les droits des femmes. Si le Sénat reconnaît la toxicité de cette propagande 2.0, je ne doute pas que nous trouverons ensemble le meilleur moyen de la combattre. Les femmes comptent sur nous. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, communiste républicain et citoyen, écologiste ; Mme Françoise Laborde et M. Michel Amiel applaudissent aussi)

Mme Stéphanie Riocreux, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - La commission des affaires sociales a adopté une nouvelle rédaction de la proposition de loi. Celle-ci ne compte qu'un article qui adapte à la réalité numérique le délit d'entrave à l'IVG créé par la loi de 1993. Chacun a le droit d'exprimer ses opinions, mais la liberté d'expression ne doit pas empêcher les femmes d'exercer leur droit fondamental. La désinformation concerne certes d'autres sujets de santé publique, comme les vaccinations, mais l'entrave à l'IVG est spécifiquement réprimée, il est légitime d'adapter notre droit à ses nouvelles formes.

Les députés ont adopté un texte modifié, pour assurer sa conformité aux principes de légalité des délais et des peines et de proportionnalité. Toutefois, le texte restait perfectible car il visait dans une même phrase l'intention et les moyens, ce qui était source de confusion.

Notre texte ne modifie pas la définition du délit d'entrave, mais il lève des ambiguïtés. Le numérique est explicitement visé. Le délit d'entrave ne concerne plus seulement les femmes venant physiquement se renseigner dans un centre. Le Gouvernement avait mis en oeuvre les propositions du Haut Conseil à l'égalité (HCE) pour les hommes et les femmes, et agit pour garantir le référencement des sites officiels.

La commission des affaires sociales, en votant ce texte, montre son souhait de garantir l'exercice de ce droit à l'IVG. (« Très bien ! » et applaudissements sur la plupart des bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur ceux du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - La loi de 1975 a créé le droit à l'IVG, que nul parmi nous ne remet en cause. S'est vite posé la question de son effectivité. En 1993 a été créé le délit d'entrave, révisé en 2001 et 2014. Le délit d'entrave vise les actions commises à l'intérieur de l'établissement qui met en oeuvre l'IVG. La présente proposition de loi élargit son champ en créant un délit général d'entrave. La commission des affaires sociales a modifié le texte adopté par l'Assemblée nationale qui était inconstitutionnel et inconventionnel. La rapporteure l'avait elle-même caractérisé d'inintelligible. Il était contraire aux principes de clarté et d'intelligibilité de la loi pénale, de proportionnalité des délits et des peines. C'était aussi une entorse à la liberté d'opinion garantie par l'article 10 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

C'est pourquoi la commission des lois n'a pu que formuler un avis négatif sur le texte de l'Assemblée nationale.

Ce matin, en commission des lois, nous avons tous marqué notre attachement à la loi de 1975. Nous reconnaissons qu'il y a un problème. Il nous faudrait davantage de temps pour trouver une solution : l'engagement de la procédure accélérée sur un tel texte est regrettable. Comme le délit d'entrave porte atteinte à la liberté d'opinion, la commission des lois a également émis un avis défavorable au texte de la commission. (Applaudissements sur la plupart des bancs au centre et à droite)

Mme Chantal Jouanno, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes .  - (Applaudissements au centre, ainsi que sur les bancs du groupe écologiste) Contester le droit des femmes à disposer de leur corps, c'est contester l'égalité entre les hommes et les femmes. L'IVG fait partie de ces droits sexuels et reproductifs fondamentaux. La délégation a invité le Gouvernement à la vigilance face à la remise en cause de ces droits au niveau international, au nom du relativisme culturel.

Quelque 40 % des femmes ont eu recours à l'IVG. Des sites internet trompeurs présentent un faux bandeau officiel, bardé des trois couleurs nationales, et un faux numéro vert pour dissuader les femmes. Le HCE s'est déjà ému de ces pratiques. Il importe de garantir à tous l'accès à une information non faussée.

La liberté d'expression n'est pas absolue. La Cour de cassation indique dans un arrêt de 1996 que la liberté d'opinion et celle de manifester des opinions peuvent être restreintes au nom de la protection de la santé ou pour ne pas porter atteinte au droit d'autrui.

Notre délégation aux droits des femmes n'a pu examiner le texte de la commission des affaires sociales. Nous avions proposé que chaque site doive indiquer ses intentions et que les sites officiels soient mieux référencés.

Certains souhaiteraient, au nom de certaines croyances, transiger avec les droits fondamentaux. L'égalité est-elle donc relative ? Montrons-nous les dignes héritiers de Simone Veil. (Applaudissements au centre et à gauche)

M. Alain Milon .  - Instaurer un délit d'entrave à l'IVG n'est pas neutre. Nul ne peut me taxer de conservateur.

Mme Isabelle Debré.  - C'est vrai !

M. Alain Milon.  - Mes convictions personnelles, ma profession de médecin me conduisent à défendre ce que les progrès de la science peuvent apporter à la liberté individuelle...

M. Jacques Mézard.  - Très bien !

M. Alain Milon.  - ...sans toutefois porter atteinte à d'autres droits et libertés. C'est le point d'équilibre qu'il nous faut trouver. Attention aux amalgames : s'opposer au délit d'entrave n'est pas s'opposer à l'IVG. N'instrumentalisons par ce débat à des fins politiciennes.

Pourquoi une telle urgence à légiférer ? Le nombre de sites a-t-il tant augmenté que les IVG aient baissé ? Ce texte ne résoudra rien. La question est celle de la numérisation de la société, de la diversité des sources d'information.

Votre texte n'apaise pas les tensions mais les cristallise ! (Applaudissements à droite et sur de nombreux bancs au centre) Comment prouver que c'est la consultation de sites internet qui a conduit une femme à renoncer à l'IVG ? L'abus de faiblesse est déjà passible de sanctions. Le député Eugène Claudius-Petit avait voté la loi sur l'IVG en 1975 tout en affirmant qu'il continuerait à lutter pour dissuader les femmes d'y recourir. Cette position serait-elle aujourd'hui passible de sanctions pénales ?

Vous portez atteinte à une liberté fondamentale ; les bons sentiments ne font pas une politique. Le groupe Les Républicains, dans sa majorité, ne votera pas ce texte. (« Très bien ! » et applaudissements à droite)

Mme Laurence Cohen .  - Le droit à l'IVG a été reconnu grâce au courage de Simone Veil et à une forte mobilisation. Ses opposants n'ont pas baissé les bras, oeuvrant par des commandos, ce qui a justifié en 1993 la création du délit d'entrave, revu en 2001 et 2014.

En 2014, le délit d'entrave a été élargi pour sanctionner les actions visant à empêcher l'accès à l'information au sein des établissements pratiquant l'IVG. Il importe aujourd'hui d'étendre le délit d'entrave pour lutter contre les sites internet trompeurs, de désinformation, qui instrumentalisent le désarroi des femmes vulnérables. Ces sites avancent masqués. C'est là un véritable abus de confiance à l'égard des femmes.

Toute hésitation des femmes, vu les délais, peut avoir des conséquences lourdes. Le climat actuel m'inquiète. Le candidat de la droite à l'élection présidentielle encourage les femmes à procréer et à retourner au foyer plutôt qu'à l'émanciper. (Murmures réprobateurs à droite) Monseigneur Pontier, président de la Conférence des évêques de France, en a appelé à François Hollande pour qu'il s'oppose à cette proposition. Curieuse entorse à la séparation de l'église et de l'État !

Mme Veil avait dû mener un combat âpre pour faire adopter la loi de 1975. Ce texte ne remet pas en cause la liberté d'expression - nous ne la soutiendrions pas dans ce cas. Il vise à lutter contre la manipulation et la désinformation. Nous voterons le texte de la commission des affaires sociales.

Des femmes sont obligées d'aller à l'étranger pour avorter. C'est inacceptable. À cet égard, la loi sur la santé ne change rien. Dommage que notre amendement sur l'IVG chirurgicale ait été repensé.

Comme le droit à l'IVG est un droit fondamental, nous proposons aussi de l'inscrire dans la Constitution. En attendant, nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, républicain et citoyen, socialiste et républicain, écologiste, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RDSE)

M. Jacques Mézard .  - Le groupe RDSE votera le texte de la commission, même si nous regrettons le recours à la procédure accélérée. Était-il opportun, en outre, d'attendre la veille de l'élection présidentielle ?

L'enjeu est la liberté de chaque femme à disposer de son corps. L'IVG n'est pas un choix facile. Je suis révulsé par toute instrumentalisation politicienne de ce débat.

J'ai suivi de près la violence du débat à cette tribune en 1974. Le rapporteur était Jean Mézard. Le Sénat a fait la preuve de sa capacité à suivre l'évolution de la société.

Aujourd'hui, le débat est toujours vif. Certains, minoritaires, s'introduisent dans les cliniques pour empêcher l'IVG, ou font de la propagande trompeuse sur internet.

En droit civil, le mensonge s'apparente au dol, en droit pénal, il est puni comme escroquerie.

Ayant présidé, avec Alain Milon, notre commission d'enquête sur les dérives sectaires en matière de santé, je sais la nécessité de combattre tous les endoctrinements fondés sur le mensonge.

Le nombre d'établissements pratiquant l'IVG diminue, les diverses techniques ne sont pas proposées partout, l'orthogénie n'est pas attractive pour les jeunes médecins.

Le RDSE lutte pour que le droit à l'IVG soit garanti sur tout le territoire. C'est pourquoi il votera le texte de la commission des affaires sociales. (Applaudissements à gauche et sur plusieurs bancs au centre)

Mme Aline Archimbaud .  - Une IVG représente toujours un moment grave et douloureux pour une femme, parce qu'elle renvoie à des choix de vie fondamentaux et à l'image qu'on a de soi, parce qu'elle provoque interrogations et souffrance. Plus de 200 000 femmes y recourent en France chaque année, jamais de gaité de coeur et toujours en dernier recours.

Ce texte traite d'une difficulté surgie dans l'application de la loi Veil : la désinformation dont sont victimes des femmes, souvent très jeunes, isolées, cherchant à se documenter sur internet. L'accès à l'information n'est pas égal pour tous, cela est vrai aussi pour l'IVG.

Chacun est libre de sa position sur l'IVG, en fonction de ses convictions morales, philosophiques ou religieuses, et cette proposition de loi ne remet nullement en cause la libre expression des opinions. Elle réprime, en revanche, la diffusion délibérée de fausses informations. L'entrave à l'IVG est d'ailleurs déjà sanctionnée dans deux hypothèses.

Certains sites, non seulement apparaissent en premier sur les moteurs de recherche, mais utilisent les mêmes codes visuels et les mêmes éléments de langage que les sites officiels, donnant une fausse impression d'objectivité. Ils créent des standards téléphoniques où l'on abuse de la vulnérabilité des femmes, de nombreux tests l'ont prouvé. Or d'après une enquête de 2013, 80 % des jeunes pensent que les informations sanitaires qu'ils trouvent sur internet sont crédibles !

Il est du devoir du législateur de s'opposer à la diffusion de mensonges. Il doit faire en sorte que des informations neutres permettent de choisir en toute liberté.

Le groupe écologiste, dans sa grande majorité, votera cette proposition de loi si elle n'est pas modifiée. (Applaudissements à gauche)

Mme Françoise Gatel .  - Voici quarante-deux ans, la ministre centriste Simone Veil défendait courageusement la loi sur l'IVG, avec, disait-elle, « un profond sentiment d'humilité ». Face à la violence des commandos anti-IVG, le législateur a soumis à une répression sévère l'entrave à l'IVG en créant un délit dont la commission rend passible de deux ans d'emprisonnement. Il n'est pas question d'y revenir.

Madame la ministre, j'ai tant à vous dire... Le Sénat a rejeté l'amendement tendant à créer un délit d'entrave numérique déposé inopinément lors de l'examen du projet de loi Égalité et citoyenneté. Contre les critiques péremptoires qui nous furent faites, je veux dire que les centristes ne sont soumis ni aux lobbies ni à la pensée unique !

Mme Éliane Assassi.  - C'est à voir...

Mme Françoise Gatel.  - Curieux que le Gouvernement défende aujourd'hui cette proposition de loi, alors qu'il refusait les propositions de MM. Pillet, Mohamed Soilihi et Richard sur la diffamation sur internet.

Curieuse improvisation aussi... Hier, une collègue socialiste nous disait qu'il s'agissait d'adresser « un signal ». À qui et pourquoi ? Le législateur est là pour faire la loi, non pour lancer des alertes ! Le recours à la procédure accélérée est très regrettable, sur un sujet aussi sensible.

Quelle est la volonté concrète du Gouvernement d'améliorer l'accès à l'information ? Le Haut Conseil à l'égalité préconise depuis 2013 la création de plateformes téléphoniques. Pourquoi avoir attendu 2015 ? L'IVG n'est pas un moyen de contraception. C'est un droit, certes, mais un droit qui n'est ni banal ni anodin ; il faut plus d'information et de prévention. Madame la ministre, vous vous indignez que les sites anti-IVG soient mieux référencés que les sites officiels. C'est que la communication officielle n'est pas efficace !

Ce texte satisfera les amateurs de symboles, il ne protégera pas mieux les femmes.

On ne peut pas assimiler une entrave violente, physique et psychologique visant à empêcher une femme de pénétrer dans un centre et l'expression d'une opinion, aussi fausse soit-elle, sur un site librement consultable et consulté. La liberté d'opinion, socle de notre démocratie, vaut aussi pour ceux dont nous ne partageons pas l'avis.

Votre texte est contraire au droit européen, au principe de libre expression et à celui de proportionnalité des peines. Je proposerai plutôt une condamnation civile très encadrée.

Enfin, un tel sujet mérite mieux que la procédure accélérée et des manoeuvres politiciennes. Croire que l'on règle un problème en le nommant est illusoire. Si dire est utile, faire et pouvoir faire l'est plus encore pour la crédibilité politique. Espérons que la police de la pensée ne s'abattra pas sur nous... Il n'y a ni bien-pensance ni mal-pensance ; il n'y a que conscience et c'est en conscience que les sénateurs centristes se prononceront. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Patricia Schillinger .  - Nous sommes ici pour protéger le droit à l'IVG contre les entraves dont elle fait l'objet. C'est un droit à part entière : ni une tolérance ni une exception. Depuis 1975, le législateur s'est employé à le rendre effectif. En 2014, fut supprimée la notion de « détresse » et étendu le délit d'entrave à l'information. La loi du 26 janvier 2016 a supprimé le délai de réflexion entre recueil d'information et recueil du consentement. S'y est ajouté le programme national d'action lancé en 2015 par Marisol Touraine, avec un numéro national d'appel, un site internet -  ivg.gouv.fr  - et une campagne nationale d'information. Je suis fière d'appartenir à une majorité qui n'a jamais faibli sur ce sujet tout en défendant l'accès à la contraception.

Il faut lutter avec la même constance contre les entraves à l'IVG. Que resterait-il de ce droit si l'on laissait libre cours aux intimidations, aux pressions, aux menaces contre les femmes qui veulent l'exercer ?

En 1993, la loi Neiertz crée le délit d'entrave étendu en 2001 aux pressions morales et psychologiques, puis en 2014 aux entraves à l'accès à l'information dans les établissements qui délivrent des informations sur l'IVG.

En revanche, les femmes qui recherchent des informations en ligne ne sont pas protégées. Or des sites internet diffusent des informations tronquées et mettent les femmes en contact avec des personnes qui exercent sur elles des pressions, parfois jusqu'au harcèlement. Les propos de ces personnes dépourvues de formation médicale et de formation à l'écoute ont un terrible pouvoir, et plus encore quand elles répondent à une victime de viol ou de violences familiales.

Le délit d'entrave ne doit plus être limité aux lieux physiques puisque l'information se diffuse désormais ailleurs. Voilà pourquoi il nous faut voter le texte de la commission des affaires sociales qui, plutôt que de créer un autre délit d'entrave, l'étend à internet, lequel ne constitue ni une zone de non-droit ni une circonstance aggravante. Une fois de plus, le groupe socialiste marque son attachement à l'émancipation des femmes. (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Deroche .  - Cette proposition de loi est le produit d'un parcours législatif tumultueux. Déposée précipitamment après le rejet par le Sénat d'un cavalier législatif dans le projet de loi Égalité et citoyenneté, sa rédaction initiale n'était ni faite ni à faire, car résolument attentatoire à la liberté d'expression, contraire à la Constitution comme à la Convention européenne des droits de l'homme, aux principes de légalité des incriminations, de nécessité et de proportionnalité des peines. La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale l'a modifiée, mais son texte, par le biais de la notion de fausseté des informations, demandait aux tribunaux de faire oeuvre scientifique...

La version light de notre commission des affaires sociales ne présente plus d'intérêt. On voit que les promoteurs de ce texte peinent à concilier leurs objectifs avec le respect des libertés.

Le Gouvernement veut ainsi dissimuler ses propres manquements... Il y a d'autres moyens de donner accès à une information de qualité sur internet, dont le meilleur référencement des sites officiels. Sur le terrain, l'État se désengage en demandant aux collectivités territoriales de financer les associations.

Le Sénat n'a pas vocation à communiquer, mais à agir avec sagacité et dans le sens de l'intérêt général...

M. Christian Manable.  - Et, donc, à voter le budget !

Mme Catherine Deroche.  - Le groupe Les Républicains rejettera ce texte à une très large majorité. (Applaudissements à droite)

M. Roland Courteau .  - Pour moi et pour le groupe socialiste, le droit des femmes à disposer librement de leur corps est un droit fondamental, fruit de longues luttes, et qui suppose l'accès à des informations fiables. Or, n'en déplaise à certains, les faits sont là : des sites internet diffusent aujourd'hui de fausses informations, exercent des pressions sur des femmes démunies et souvent mineures. Tromper une femme pour lui imposer une grossesse dont elle ne veut pas, c'est lui faire violence !

Atteinte à la liberté d'opinion et d'expression ? Non. On peut être contre l'IVG et le dire sans mentir ; désinformer et intimider, cela est autre chose et confine à de l'abus de faiblesse !

On réprime les propos racistes, antisémites, homophobes, l'incitation au suicide et l'on ne pourrait pas sanctionner le fait d'intimider les femmes souhaitant recourir à l'IVG ? (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste, républicain et citoyen, socialiste et républicain et écologiste)

Les opposants à l'IVG n'ont pas renoncé, comme on le voit en Europe. En France, les commandos violents n'existent plus ; et pour cause : ce délit est lourdement sanctionné. Les méthodes ont changé, elles sont plus sournoises, plus vicieuses ; la même propagande obscurantiste les sous-tend.

Manipuler des femmes qui réclament de l'aide, des conseils, est tout simplement ignoble. Compléter la définition de l'entrave à l'IVG, ce n'est pas porter atteinte à la liberté d'expression ; c'est protéger les femmes contre l'activisme d'un camp. Celui du recul ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Laurence Rossignol, ministre .  - Précipitation ? Arrière-pensées politiques ? Ce débat a été esquissé dès 2014, quand le Gouvernement a proposé d'élargir le délit d'entrave à l'entrave à l'information sur l'IVG, dans l'espace physique des services et centres d'information. Le Gouvernement a alors choisi de mettre en place son propre site internet : ivg.gouv.fr.

« Vous n'avez qu'à être aussi bons que les autres », ai-je entendu. Tout de même, l'information, ce n'est pas la concurrence, ce n'est pas la jungle !

Le référencement dépend des moyens qui y sont consacrés - les groupes anti-IVG en ont beaucoup et leurs sources de financement ne sont pas toujours très transparentes - et de divers autres facteurs, comme les mots-clés et le nombre de consultations.

Nous luttons contre des bataillons de militants, et il est vrai que les sites officiels n'apparaissent pas toujours en premier - il suffit d'une action coordonnée pour qu'en une nuit, un site de désinformation soit mieux référencé que le site du Gouvernement.

J'avais proposé de discuter du sujet dès septembre dernier, lors de l'examen du projet de loi Égalité et citoyenneté...

Mme Sophie Primas.  - Au moyen d'un simple amendement...

Mme Françoise Gatel.  -  ...hors sujet !

Mme Laurence Rossignol, ministre.  - Nous avons perdu du temps...

M. Alain Gournac.  - C'était un cavalier arrivant au galop !

Mme Laurence Rossignol, ministre.  - Il suffit de lire les travaux du Haut Conseil à l'égalité, des délégations parlementaires aux droits des femmes, pour constater que ces sites posent un vrai problème. Ceux qui s'opposaient au délit d'entrave physique en 1993 employaient les mêmes arguments, mot pour mot, que ceux qui refusaient ce texte à l'Assemblée nationale la semaine dernière ! Espérons qu'il ne faudra pas vingt-trois ans pour le même consensus sur le délit d'entrave par la voie d'internet...

J'ai aussi entendu que le Gouvernement se désengageait. Pardon, mais je viens de signer la convention d'objectifs et de moyens pour 2016-2018 avec le Planning familial.

Mme Sophie Primas.  - Cela tombe à pic !

Mme Laurence Rossignol, ministre.  - Pardon, mais ce n'est pas moi qui fixe les dates de ces conventions.

Nous avons augmenté de 28 % la subvention du planning familial, pour compenser le désengagement de certaines collectivités territoriales : la région Rhône-Alpes, moins 30 %, et le département de la Somme, moins 50 % ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Souvent, les mêmes qui refusent le délit d'entrave et voudraient qu'il y ait moins d'IVG et plus de prévention considèrent que l'éducation à la sexualité n'a pas sa place à l'école et devrait être exclusivement l'affaire des familles... Soyons cohérents ! (Applaudissements à gauche)

Les chefs d'inculpation d'abus de faiblesse et d'escroquerie suffisent-ils ? Malheureusement, non : le premier désigne le fait d'exploiter la vulnérabilité de quelqu'un pour obtenir un engagement dont cette personne ne peut apprécier la portée ; le second vise à obtenir un bien ou de l'argent de manière frauduleuse : ce n'est pas le cas ici...

Derrière ces agissements, il y a l'idée que les femmes souhaitant recourir à l'IVG auraient pris leur décision à la légère et qu'on pourrait leur offrir une alternative. Une alternative à l'IVG, je n'en connais qu'une : la grossesse ! En matière d'IVG, il n'y a pas plus de décision prise à la légère que d'assignation au traumatisme. Chaque femme est différente, chaque IVG est différente. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et communiste républicain et citoyen)

Cette proposition de loi serait inconstitutionnelle ? Prudence, attendons la décision du Conseil constitutionnel... Celui-ci accepte les restrictions à la liberté d'expression lorsqu'il s'agit de réprimer la provocation au génocide, au suicide, l'atteinte à l'image d'une personne, la provocation au terrorisme, le discrédit jeté sur une décision de justice...

La rédaction de l'Assemblée nationale est précise et intelligible. Elle impose de multiples conditions, pour se conformer aux exigences du Conseil constitutionnel en matière pénale.

« Survivants », « AfterBaiz » et autres groupuscules pourront continuer à dire leur hostilité à l'IVG, mais pas à induire des femmes en erreur. Je ne comprends pas comment on peut les défendre tout en se disant attaché au droit des femmes à disposer de leur corps ! (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, communiste républicain et citoyen, écologiste)

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique

Mme Fabienne Keller .  - Le procès de Bobigny et la loi Veil sont à l'origine de mon engagement politique : adolescente, j'ai découvert que la politique pouvait changer la vie des femmes en les rendant libres et responsables de leurs choix.

La loi de 1993 a créé le délit d'entrave pour rendre effectif le droit à l'IVG. Aujourd'hui, il s'agit de l'adapter à la réalité du numérique.

Chers collègues, de quoi parle-t-on ? Imaginez-vous une jeune femme entre 16 et 25 ans, qui découvre sa grossesse sans oser en parler à personne, ni à ses parents, ni à ses amis, ni même à son compagnon et le temps court. Alors, elle est conduite sur un site qui, sous couvert de livrer des informations neutres, la trompe. Nous ne pouvons pas l'accepter.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

Mme Fabienne Keller.  - C'est pourquoi je soutiens cette proposition de loi. (Vifs applaudissements à gauche et sur plusieurs bancs au centre)

Mme Nicole Bricq .  - En commission, j'ai demandé à nos collègues de la majorité sénatoriale de penser, comme Mme Keller, à ces jeunes femmes qui sont l'objet de désinformation et de pressions sur internet. « Nous sommes là pour faire la loi, non pour communiquer », ai-je entendu. Faire la loi ? Parlons-en ! M. Milon, qui ne s'était pas exprimé en commission, nous accuse de manipulation et de désinformation. Même si je suis habituée à cette dialectique en politique, ces propos sont inacceptables.

Notre rapporteure a cherché un chemin juridique pour répondre à l'argument de l'inconstitutionnalité et ouvrir la discussion avec l'Assemblée nationale et le Gouvernement. Nous, membres de la commission des affaires sociales, socialistes, et si j'ai bien compris, communistes, écologistes et radicaux, souhaitons que ce texte soit voté positivement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Yves Daudigny .  - Ces sites bien référencés, à l'apparence officielle, ne sont évidemment pas neutres ; ils ne se bornent pas à exprimer une opinion. La création du délit d'entrave a conduit les militants à se déporter sur internet, mais leur discours reste toujours aussi hargneux, fallacieux, calomnieux. Leur but est de tromper, de dissuader au besoin en recourant au harcèlement par textos et e-mails.

Quarante-deux ans après la loi Veil, la société doit accorder aux femmes le droit de recourir à l'IVG en toute sérénité, après un choix libre.

Cette proposition de loi ne crée pas une nouvelle incrimination mais en étend une pour combler un vide juridique.

Elle n'entame en rien la liberté d'opinion et la liberté d'expression, qui sont des droits fondamentaux à préserver.

Chacun pourra continuer à s'opposer à l'IVG mais ce texte permettra de démasquer et de sanctionner ceux qui cherchent délibérément à tromper les femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Catherine Génisson .  - La décision de recourir à l'IVG est difficile et toujours mûrement réfléchie. Notre rôle est de faire respecter la loi de la République, en l'occurrence la loi Veil de 1975. En tant que praticien hospitalier, je n'ai jamais rencontré de femmes ayant pris à la légère la décision d'avorter. Notre rôle de soignant est alors de les accompagner dans les meilleures conditions.

Le délit d'entrave de 1993 n'est plus adapté : il fallait le faire évoluer. Cela n'a pas été possible lors de la loi Égalité et citoyenneté, on recourt donc à cette proposition de loi. La seule question qui vaille est en effet celle de l'effectivité du dispositif, mis en cause à l'heure d'internet. Puisse la CMP arriver à un consensus.

Mme Marie Mercier .  - Médecin en exercice, je suis profondément attachée à la loi Veil et j'accompagne des femmes ayant pris cette terrible décision de recourir à l'IVG. Mais le sujet mérite plus de temps de réflexion. En l'état, quelle image donnera-t-il de nous aux femmes et aux jeunes filles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Pierre Leleux .  - La loi de 1975 crée un droit que nul ne songe à remettre en cause. Mais c'est précisément un droit, pas un devoir : aucune jeune femme n'est tenue d'avorter. (On ironise à gauche : « jésuitisme » !) Les femmes qui ne souhaitent pas avorter ont aussi besoin d'écoute et de conseil.

Il faut sans doute lutter contre les sites outranciers.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Absolument !

M. Jean-Pierre Leleux.  - Mais qui décidera que tel site est outrancier ? L'administration ? Le juge ? La réflexion n'est manifestement pas mûre. La liberté d'expression est menacée. Je voterai contre ce texte.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales .  - Je n'ai pas entendu, madame la ministre, de propos exagérés dans notre hémicycle : nul n'a prétendu que l'IVG entraînait la stérilité, nous souhaitons tous lutter contre ces sites.

Nous contestons le texte pour des raisons techniques. Je me suis étonné que l'on soit capable d'interdire certains sites pédophiles et non ceux-là, mais sans doute pourrez-vous m'éclairer, madame Bricq, vous qui savez parler mais pas écouter. (Mme Nicole Bricq proteste)

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par Mmes Gatel, Doineau et Billon, MM. Canevet, Capo-Canellas, Médevielle, Luche et Longeot, Mme Goy-Chavent et MM. Bonnecarrère, J.L. Dupont, Guerriau et Delahaye.

I.  -  Rédiger ainsi cet article :

Après l'article L. 2223-2 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 2223-2-..., ainsi rédigé :

« Art. L. 2223-2-... Engage sa responsabilité civile toute personne physique ou morale qui crée un dommage à autrui, en diffusant ou transmettant publiquement par voie électronique, des allégations de nature à induire manifestement autrui en erreur, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d'une interruption volontaire de grossesse.

« Le juge peut, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures propres à faire cesser le comportement illicite. Ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé.

« L'action en justice appartient à toute victime de ces allégations, ainsi qu'à toute association régulièrement déclarée depuis cinq ans à la date des faits, ayant, en vertu de ses statuts, vocation à défendre ou assister les femmes, qui en sont les destinataires. »

II.  -  En conséquence, rédiger ainsi l'intitulé de la proposition de loi :

Proposition de loi relative à la lutte contre les propos intentionnellement trompeurs tenus par voie électronique touchant à l'interruption volontaire de grossesse

Mme Françoise Gatel.  - La commission spéciale sur le projet de loi Égalité et citoyenneté n'a pas refusé d'examiner l'amendement dont vous parliez, elle a identifié un cavalier !

On ne saurait assimiler des violences portées sur une personne et des propos, fussent-ils de nature à induire en erreur. D'où cet amendement qui se place sur le terrain de la responsabilité civile et non du droit pénal.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Jouanno.

Rédiger ainsi cet article :

Après l'article L. 2223-2 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 2223-2-... ainsi rédigé :

« Art. L. 2223-2-...  -  Est punie des peines prévues à l'article L. 2223-2 la publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de présentations faussées ou d'indications de nature à induire intentionnellement en erreur sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d'une interruption volontaire de grossesse. »

Mme Chantal Jouanno.  - Cet amendement s'inspire des délits de presse et cible spécifiquement les présentations faussées et trompeuses.

Mme Stéphanie Riocreux, rapporteure.  - Le délit d'entrave par pression psychologique existe depuis 2001 et protège déjà les femmes qui viennent s'informer en centre spécialisé. Nous souhaitons élargir le dispositif plutôt que créer une base légale nouvelle. La peine prévue est, je le redis, maximale. Avis défavorable à l'amendement n°2 rectifié bis, par conséquent.

Pour la clarté du droit, mieux vaut réunir toutes les dispositions relatives au délit d'entrave à l'IVG dans le même article : avis défavorable à l'amendement n°3.

Mme Laurence Rossignol, ministre.  - L'amendement n°2 rectifié bis dépénalise ce que nous cherchons à pénaliser... C'est incohérent avec le droit en vigueur : la même manoeuvre de désinformation serait de nature à engager la seule responsabilité civile sur internet alors qu'elle relèverait du pénal si elle a lieu de vive voix dans la salle d'attente ? Avis défavorable.

La constitutionnalité de l'amendement n°3 est douteuse, puisque la composante morale de l'infraction, exigée par le « but dissuasif » de l'acte, a disparu : avis défavorable.

M. Jacques Legendre.  - Jeune député lors des débats de la loi Veil, j'ai voté pour que les femmes soient bien informées de leurs droits, des risques encourus, mais aussi des possibilités de garder l'enfant qu'elles portent. Nos débats ont quelque chose d'aventureux : il est vrai que certains sites visent à tromper, ce qui n'est pas correct, mais les femmes doivent disposer d'informations de toute nature. Je rejoins M. Leleux : nous allons peut-être trop vite dans la réflexion. En l'état actuel du texte, je ne pourrai le voter.

M. François Zocchetto.  - Notre groupe a déposé deux amendements, preuve de son souhait de faire avancer cette question. Notre groupe est à l'origine de la liberté - c'en est une - de recourir à l'IVG. Mais internet, phénomène mondial, se joue des réglementations locales, surtout pénales. Internet, c'est un vaste marché où dominent, comme diraient d'autres, les forces d'argent...

Nous proposons un compromis : une responsabilité civile et une voie de recours rapide, par le biais de la procédure de référé. C'est une solution pragmatique et applicable. Réfléchissons-y. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)

M. Alain Vasselle.  - Nous nous prononçons sur le texte de la commission des affaires sociales. Est-il opérant ? Voilà la seule question qui vaille. Philippe Bas et Michel Mercier ont été clairs : la caractérisation de la faute n'aura rien d'évident, c'est donc un texte d'affichage.

En conséquence, il y a plutôt urgence à attendre, car l'objectif recherché ne sera pas atteint par cette rédaction - au surplus, inconstitutionnelle et inconventionnelle... Je ne le voterai donc pas.

Mme Patricia Schillinger.  - Au groupe socialiste, nous soutenons un texte utilement amendé par la rapporteure. Permettez-moi de douter de la sincérité de ceux qui veulent reporter notre réflexion à plus tard. Les associations gérant ces sites menteurs jubilent à vous entendre. Nous repousserons ces amendements.

Mme Françoise Gatel.  - Madame la rapporteure, pourquoi légiférer si la loi en vigueur suffit ? Vous dites que la peine d'emprisonnement applicable est un maximum, certes, mais le juge pourrait toujours la prononcer ! Cela signifie qu'en France on pourrait être emprisonné pour avoir exprimé son opinion !

M. Hugues Portelli.  - Ne pas adopter de texte laisserait en navette le texte de l'Assemblée nationale, qui est manifestement contraire à la Constitution et à la Convention européenne des droits de l'homme, c'est une certitude. Celui de la commission des affaires sociales, lui, est nettement meilleur, quoiqu'imparfait. Montrons notre bonne volonté, et donnons-nous la chance d'y revenir. Je voterai donc le texte tel qu'amendé par la commission des affaires sociales.

Si les députés adoptent in fine leur rédaction, nous verrons ce qu'en dira le juge constitutionnel...

Mme Laurence Cohen.  - Nous avons tous eu le souci d'améliorer le texte venu de l'Assemblée nationale, pour aider les femmes.

Monsieur Vasselle, vos arguments sont bien présomptueux. Vous ne représentez pas le Conseil constitutionnel ! Nous cherchons à sanctionner la désinformation délibérée : la proposition de la rapporteure y répond tout à fait ; la proposition de Mme Gatel, elle, ne poursuit pas tout à fait la même fin, d'ailleurs, les sites de désinformation eux-mêmes la soutiennent !

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Le climat était serein ce matin en commission des affaires sociales lorsque nous avons auditionné le futur président du Comité consultatif national d'éthique, nous en sommes à présent aux travaux pratiques...

Le texte proposé ne répond pas à tous les enjeux du problème. « Par tous moyens » : comment prouver le délit d'entrave dans une conversation téléphonique ? Jeune sénateur, j'ai néanmoins toujours apprécié la sagesse de notre Assemblée, non soumise, comme dans la salle des Quatre Colonnes de l'Assemblée nationale, à la pression de l'actualité... Gardons-nous donc d'adopter à la hâte un texte qui ne serait pas pleinement applicable. Je rejoins M. Mercier : prenons le temps de trouver des réponses effectives à ce vrai problème.

M. Philippe Bas.  - Les textes de l'Assemblée nationale et de la commission des affaires sociales visent des objets différents : le premier, les sites internet ; le second, les pressions et intimidations, où qu'elles soient commises. Le premier pose un problème juridique, constitutionnel, que nous avons le pouvoir de lever. Le second ouvre d'autres débats. Quoi qu'il en soit, légiférer ainsi, si vite, nous fait courir le risque de manquer notre cible. M. Mercier, M. Milon ont eu la sagesse de proposer de surseoir à notre décision : je les rejoins.

M. Michel Raison.  - Je voterai l'amendement de Mme Gatel. Personne, au groupe Les Républicains, n'a jamais remis en cause le droit à l'IVG, mais je veux faire observer que les risques de l'IVG ne sont pas assez soulignés : les psychiatres, par exemple, mettent en avant les dépressions post-IVG. (Exclamations à gauche) Cela étant, il faut lutter contre les sites mensongers, indiscutablement.

Mme Catherine Deroche.  - Je ne partage pas l'avis de M. Portelli : la majorité du groupe Les Républicains continue à s'opposer au texte de la commission des affaires sociales, comme à celui de l'Assemblée nationale.

M. Philippe Kaltenbach.  - Nous convergeons tous sur l'attachement au droit à l'IVG, à la liberté d'opinion et la volonté de lutter contre les sites induisant en erreur les femmes en détresse.

Le texte de l'Assemblée nationale est inconstitutionnel, soit ; la proposition de la rapporteure serait un bon compromis, qui élargit le délit d'entrave aux cas de pressions par mail, téléphone ou internet. C'est, je crois, une bonne proposition qui, comme le dit Hugues Portelli, nous permettra de faire durer le débat.

Mme Évelyne Yonnet.  - Le texte de la rapporteure est sans doute le meilleur compromis possible. Notre rôle est de protéger les plus faibles : les femmes elles-mêmes et leur entourage, dont personne ne parle.

On retrouve de plus en plus souvent dans les poubelles des enfants victimes d'infanticide, sachez-le ! L'information, en cette matière comme en matière de djihadisme ou de suicide des enfants, doit être la meilleure possible !

M. Joël Guerriau.  - Ces amendements rendent le texte applicable car celui de la commission des affaires sociales ne l'est pas : on ne saurait mettre en prison la personne convaincue d'une pression psychologique. Je voterai pour ma part, celui de Mme Gatel.

Mme Laurence Rossignol, ministre.  - Monsieur Legendre, votre voeu est déjà exaucé : la ministre de la santé a créé le site ivg.gouv.fr pour informer les femmes.

Monsieur Portelli, aucun de tous les experts en droit constitutionnel avec lesquels je me suis entretenue n'a été aussi catégorique que vous sur la constitutionnalité du texte de l'Assemblée nationale ! À croire que vous êtes tous agrégés de droit public dans cette Assemblée ! Pour ma part, j'ai la modestie de penser que les conditions que la jurisprudence a fixées sont ici remplies, d'autant qu'un tel délit d'entrave existe déjà et il a fait la preuve de son caractère dissuasif.

Monsieur Bas, le texte de l'Assemblée nationale ne porte pas que sur les sites internet : sont aussi visés tous les moyens de communication, y compris les numéros verts dont ils font la promotion, et par lesquels se noue le dialogue avec les femmes. La commission des affaires sociales modifie une autre partie du code de la Santé publique.

Enfin, il ne s'agit aucunement de faire fermer ces sites : ils pourront toujours exprimer leur point de vue sur l'IVG - négatif, le plus souvent...

À la demande de la commission et du groupe UDI-UC, l'amendement n°2 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°72 :

Nombre de votants 326
Nombre de suffrages exprimés 307
Pour l'adoption 36
Contre 271

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme Chantal Jouanno.  - Je n'ai pas le sentiment qu'il y ait une volonté de compromis autour de ce texte. Je retire donc mon amendement. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, communiste républicain et citoyen)

L'amendement n°3 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Laborde.

Alinéa 2

Après les mots :

par tout moyen

insérer les mots :

ou sur tout support de l'écrit, de l'oral, de l'image ou du numérique

Mme Françoise Laborde.  - Toute personne a le droit d'accéder à une information scientifique fiable. Le législateur doit réagir face à la propagation d'idéologies rétrogrades et dangereuses. L'élue Aurore Bergé a testé le site ivg.net : derrière une apparence respectable, l'information y est inaccessible ou erronée. Ayant moi-même téléphoné, j'ai entendu des erreurs, des horreurs... Mon amendement vise à sanctionner ces comportements en visant tous les supports.

Mme Stéphanie Riocreux, rapporteure.  - La commission des affaires sociales a retenu l'expression « par tous moyens », ce qui vous donne satisfaction. Retrait ?

Mme Françoise Laborde.  - Soit.

L'amendement n°1 est retiré.

Interventions sur l'ensemble

M. Alain Vasselle .  - (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Laisser croire que le texte de la commission des affaires sociales protègera les femmes contre la désinformation, c'est abuser les femmes. Ce texte ne sera pas opérationnel !

La prévention est insuffisante. Les centres de planning familiaux ont du mal à faire face à leurs missions, faute de moyens. (Vives protestations à gauche)

Mme Laurence Cohen.  - La faute à qui ?

M. Gérard Roche .  - Je respecte les opinions de chacun. Mais tout acte médical a des risques. L'oublier et ne mettre en avant exclusivement que les risques, c'est manipuler les personnes, les femmes en situation vulnérable en l'occurrence. C'est inacceptable. Le témoignage de Mme Keller m'a beaucoup ému. Nous ne pouvons accepter la désinformation. Chaque femme doit être libre de décider en conscience. Je voterai ce texte, comme l'ont fait les centristes à l'Assemblée nationale. (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs au centre)

Mme Éliane Giraud .  - Monsieur Vasselle, c'est auprès de M. Wauquiez que vous devriez vous plaindre, lui qui supprime les subventions aux centres de planning familial dans la région Rhône-Alpes et qui réduit l'accès à l'information !

À la demande du groupe Les Républicains, l'article unique de la proposition de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°73 :

Nombre de votants 323
Nombre de suffrages exprimés 299
Pour l'adoption 173
Contre 126

Le Sénat a adopté.

(Vifs applaudissements à gauche)

La séance est suspendue à 17 h 45.

présidence de Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente

La séance reprend à 18 h 35.

Contrats de ressources

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution visant à généraliser les contrats de ressources présentée, en application de l'article 34-1 de la Constitution, par M. Hervé Poher et les membres du groupe écologiste (demande du groupe écologiste).

M. Hervé Poher, auteur de la proposition de résolution .  - Un contrat de ressources, c'est une démarche, conciliant les principes pollueur-payeur et consommateur-demandeur-payeur, issue du terrain, qui veut que tous les consommateurs d'une eau participent à sa protection. C'est bien souvent le cas, me direz-vous. Oui, mais pas toujours.

« Contrat de ressources », les mots sont sans doute mal choisis, car il s'agit moins d'un outil technico-administratif que d'un rêve de solidarité territoriale - souvent de l'urbain vers le rural.

L'eau, même quand on ne la boit pas, mérite d'être protégée, et nous sommes coresponsables de certaines dérives. Agriculture, industriels, citoyens, nous sommes tous un peu responsables car nous sommes tous un peu utilisateurs et consommateurs.

Pourquoi cette proposition de résolution ? Après tout, les agences de l'eau sont omniprésentes et les syndicats font leur travail. Mais si tout était parfait, nous aurions respecté l'échéance de 2015 fixée dans la directive-cadre sur l'eau ; elle a été repoussée à 2021, et le sera sans doute à 2027... Les maîtres d'ouvrage ne se poseraient pas de questions.

Pourquoi une proposition de résolution, et non de loi ? Parce que le sujet mérite d'être peaufiné et confronté aux multiples situations locales. Lorsqu'un syndicat ou un EPCI est chargé de l'eau, que l'assainissement est réalisé sur son territoire, que tous les consommateurs y habitent, pas de problème. Mais tous les EPCI n'ont pas pris cette compétence, toutes les communes ne font pas partie d'un syndicat.

Par exemple, la ville de Guînes ne tire aucun avantage du champ captant situé sur son territoire. Est-il normal que 5 000 Guinois paient pour 100 000 consommateurs ? Non, et c'est pourquoi nous avons imaginé un contrat de ressources.

Autre exemple, la communauté urbaine de Dunkerque va chercher de l'eau à 40 kilomètres, dans un village de 1 000 habitants. Elle a eu l'intelligence et l'honnêteté de dire : « J'ai besoin de votre eau, je vais vous aider à la protéger ».

Protéger un champ captant est souvent coûteux. Et les démarches environnementales ne sont pas un automatisme pour les élus, surtout quand elles ne se voient pas. Avec 80 % de subventions, on ne réfléchit pas, on fait...

Un contrat de ressources, on y met ce que l'on veut : montant de la participation au mètre cube, même une fraction de centimes - cela peut suffire à rembourser les emprunts ; taux d'intérêt et terme de l'emprunt et, même, liste des entités exonérées pour telle ou telle raison.

« Les gens en ont marre de payer » ? La solidarité ne saurait être à sens unique. J'ai ici une facture d'eau du 10 novembre 2016 (L'orateur la brandit), de 267 euros, avec une « surtaxe contrats de ressources » de 27 centimes... Ridicule ? Un demi-centime sur des dizaines de milliers de mètres cubes, ce n'est pas négligeable !

Cette proposition de résolution est l'émanation du terrain. J'ai la faiblesse de penser qu'une mesure venant d'en bas, testée et assumée, ne peut être entièrement mauvaise ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)

Mme Évelyne Didier .  - Quel beau plaidoyer !

L'eau est le bien commun de l'homme, il convient d'en garantir à tous l'accès. Depuis les lois Maptam et NOTRe, la compétence Gemapi fait partie des compétences obligatoires du bloc communal et, plus particulièrement, de l'intercommunalité. Cette proposition de résolution prévoit de généraliser les contrats de ressources, qui permettraient de regrouper des EPCI sur un même champ captant. Fort bien, et nous adhérons au principe du partage de l'investissement, mais les outils existent déjà. Faisons confiance aux élus pour trouver des solutions au plus près du territoire. Le facteur déterminant, c'est la volonté politique ! La préservation de l'eau est déjà reconnue comme prioritaire par la loi et la directive-cadre sur l'eau. Les agences de l'eau y veillent. Les situations sont diverses, les structures nombreuses de même que les documents programmatiques qui sont opposables aux documents d'urbanisme.

Nous nous interrogeons sur le parallèle avec la taxe Gemapi, celle-ci étant payée par les contribuables et non par les usagers. Si un besoin n'est plus financé en raison du désengagement de l'État, faut-il mettre les usagers à contribution ?

L'État prélève chaque année une part du fonds de roulement des agences de l'eau. Demandons au Gouvernement de mettre fin à ces ponctions d'autant que les agences doivent désormais protéger aussi la biodiversité terrestre ! Hier encore, les salariés de ces agences étaient en grève. Les départements, recentrés sur leurs compétences sociales, ne peuvent plus aider les communes... Les financements croisés avaient du bon !

Plus largement, je regrette que cette proposition de résolution ne traite que d'une petite partie des enjeux fondamentaux d'une maîtrise publique du secteur. Ni une résolution ni une loi ne peut résoudre les problèmes d'un territoire où la volonté politique manque.

Mme Mireille Jouve .  - La reconquête de la qualité de l'eau, patrimoine de l'homme indispensable à la vie, est indispensable. Qualité et quantité ne doivent pas être dissociées. L'absence de prévention efficace entraîne des surcoûts pour le traitement de l'eau ; les efforts de contractualisation avec les agriculteurs commencent à porter leurs fruits. Mais seuls 60 % des 34 000 captages de France sont protégés par le périmètre imposé par la loi du 3 janvier 1992. Chaque année, des captages ferment en raison de la présence de nitrates et de pesticides. Le coût des travaux de protection est prohibitif pour certaines communes, alors que les captages alimentent d'autres communes.

Jusqu'ici, il est interdit de compenser aux collectivités le préjudice économique important résultant des servitudes liées à des périmètres de protection des captages d'eau. En 2011, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, alors ministre de l'environnement, encourageait ici la conclusion d'accords entre collectivités territoriales. Le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), en décembre 2012, recommandait à son tour la solidarité territoriale.

Il paraît équitable de faire contribuer les collectivités qui tirent bénéfice de l'utilisation des captages situés hors de leur territoire. Les contrats de ressources permettraient de financer des travaux de protection des captages ; leur traduction sur la facture des ménages sera pédagogique. Une étude d'impact serait néanmoins indispensable avant toute généralisation.

Enfin, est-ce le bon moment pour présenter cette proposition de résolution, alors que cette compétence relèvera bientôt obligatoirement des EPCI ? Faut-il imposer une obligation ?

Le groupe RDSE ne s'opposera pas à cette proposition de résolution, plusieurs d'entre nous la voteront. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et écologiste)

Mme Annick Billon .  - Les contrats de ressources organisent la captation et la distribution de l'eau potable, en en répartissant la charge entre tous les usagers. Sont surtout concernées les petites structures.

En Vendée, depuis plus de cinquante ans, une solidarité territoriale est mise en oeuvre entre les communes aux moyens faibles ou importants ; le syndicat Vendée-Eau est souvent cité en exemple. Ce sont bien les usagers qui financent.

La proposition de résolution tend à généraliser une solution technique qui ne profiterait donc pas à tous les départements. La répartition des volumes d'eau proposée peut être source de blocage. Si l'on veut que le système d'une gestion collective fonctionne, la collectivité qui oeuvre doit être bénéficiaire unique de l'attribution du volume, comme c'est le cas dans un barrage d'eau potable.

Second point : les compétences Gemapi ne portent ni sur l'agriculture, ni sur l'industrie, ni sur l'assainissement. En Vendée, l'objectif de teneur en nitrate varie selon l'objectif. Il importe donc de savoir sur quelle base mutualiser les coûts.

Enfin, la solidarité entre l'amont et l'aval existe avec les SAGE ainsi que les regroupements encouragés par la loi NOTRe autour des deux niveaux que sont les Epage et les EPTB.

Enfin, peut-on assujettir les collectivités à des obligations, donc à des charges, tout en se déclarant attaché au principe de libre administration des collectivités ?

L'intention est louable mais le dispositif et ses modalités peu clairs. D'où des votes différenciés au sein du groupe UDI-UC. (Applaudissements au centre)

M. Hervé Poher .  - J'entends, mais il ne s'agit que d'une résolution... Splendeurs et misères d'un élu local : ma première réunion importante en tant que maire eut lieu trois jours après mon élection, sur le champ captant de Guînes. On me disait qu'il fallait revoir tout le système d'assainissement, bâtir une seconde station d'épuration, déplacer une exploitation agricole, et même un cimetière millénaire que j'avais contribué à alimenter en tant que médecin... Un mois plus tard, les mêmes interlocuteurs - je les appelais mes « tortionnaires » en privé - évaluaient le coût des travaux à 30 millions d'euros hors taxes, soit deux fois le budget annuel de ma commune ! Et cela, pour protéger de l'eau bénéficiant à 98 % à des personnes n'habitant pas dans la commune ! Même si je voulais être un chevalier blanc de l'eau, il y avait là de quoi me faire réfléchir... Eh bien, grâce à un contrat de ressources et à une surtaxe de 3 centimes par litre, tout a été fait.

Les objectifs de la directive-cadre sont nobles, mais nous n'y arriverons qu'en nous en donnant les moyens. Un contrat de ressources n'est qu'un outil pour encourager les bonnes volontés locales. Le juge de paix, c'est le résultat !

Incitons la dynamique, tutoyons l'efficacité et osons le résultat ! Pourquoi pas ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)

M. Claude Raynal .  - Toute production de service a un coût, l'eau n'y échappe pas. La législation en la matière est riche, de même que la jurisprudence administrative et le règlement. Malgré tout, la répartition des coûts n'est pas équilibrée, nous dit-on, et il faudrait généraliser les contrats de ressources. Nous comprenons l'objectif. Des outils existent déjà, toutefois, les collectivités territoriales ont fait preuve d'ingéniosité pour mutualiser les charges, et d'abord par le biais des syndicats. Dans d'autres cas, une commune productrice organise une vente d'eau, ce qui répartit les coûts sur tous les usagers.

Le coût de production de l'eau potable diffère grandement selon les lieux, car elle dépend de nombreux facteurs.

Les agences de l'eau sont là pour favoriser une gestion équilibrée et économe, par bassin versant, ce qui contribue à réduire les écarts de tarifs.

Certaines collectivités ont l'impression de subir le coût des travaux bénéficiant à d'autres. Mais au-delà de la protection des captages, les travaux destinés à préserver la qualité de l'eau sont toujours cofinancés par les agences de l'eau.

La compétence devant désormais appartenir aux EPCI - sans mettre en cause les syndicats départementaux, cela rendra les difficultés plus rares.

La mutualisation des coûts sur une grande échelle est un facteur d'équité entre villes et campagnes.

La loi NOTRe date d'à peine un an, donnons-nous le temps de l'évaluer. En outre, cette proposition de résolution pourrait être contraire au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.

Le groupe socialiste et républicain choisi l'abstention bienveillante...

M. Rémy Pointereau .  - Je me réjouis que le Sénat se saisisse une nouvelle fois du sujet de l'eau, après avoir examiné le rapport Tandonnet-Lozach et le mien. Un milliard de mètres cubes de fuites par an, en raison de la vétusté des canalisations, de la pression de l'eau qu'elles contiennent, du mouvement des sols..., c'est préoccupant. Des investissements lourds sont nécessaires pour rénover les réseaux.

La compétence Gemapi appartient au bloc communal. Vous proposez que, grâce aux contrats de ressources, tous les usagers participent au financement des travaux. Je partage l'objectif, même si j'aurais souhaité une définition plus claire des contrats de ressources... Surtout, vous ne vous posez pas les vraies questions. « Les aides accordées par les agences de l'eau ne suffisent pas », écrivez-vous. Pourquoi ? Parce que, depuis 2015, l'État ponctionne chaque année leurs fonds de roulement, et diminue leur budget depuis trois ans. Depuis 2014, ce sont plus de 500 millions d'euros qui leur ont manqué ! Autant que les agences auraient pu allouer aux collectivités territoriales... La loi Biodiversité a en outre étendu leur compétence à la biodiversité terrestre. On leur demande de faire plus avec moins ! Selon moi, l'eau doit payer l'eau. Hier, le personnel des agences de l'eau est d'ailleurs entré en grève.

Autre problème : la compétence Gemapi, qui va alourdir la charge des collectivités territoriales... et des contribuables. Sans compter la compétence eau et assainissement du ressort des communautés de communes à compter de 2020 du fait de la loi NOTRe.

Mieux vaudrait rendre cette compétence aux régions et aux agences de l'eau. Les communes et leurs groupements n'en ont pas les moyens.

Limitons l'inflation des normes, fixons des objectifs réalistes, menons une large concertation avec les élus et la société civile. Plutôt que de ponctionner les contribuables, la péréquation doit se faire au niveau de l'État, des collectivités territoriales et des agences de l'eau. Du pragmatisme et du discernement !

Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la ville .  - L'eau fait partie du patrimoine commun de la Nation, son usage appartient à tous. L'article L. 210-1 du code de l'environnement en fait une chose commune au sens du code civil.

La loi donne néanmoins aux collectivités territoriales la possibilité de mobiliser la ressource en eau et d'en assurer la protection. La Conférence environnementale de 2014 a identifié 1 000 captages prioritaires, les travaux sont en cours.

Des périmètres sont établis autour des sites de captage pour réduire les risques de pollution accidentelle. Depuis la loi de 1992, ils sont devenus obligatoires.

Depuis la loi du 30 décembre 2006, des mesures de prévention sont prises contre la pollution diffuse. Des schémas directeurs ont été instaurés, sans obligation légale pour les collectivités.

Depuis des décennies, celles-ci se sont organisées pour mutualiser la ressource surtout lorsqu'elle est rare. Selon des modalités diverses, la fermeture d'un captage oblige en effet une collectivité territoriale à recourir au transport ou à la vente d'eau, M. Poher l'a dit. Or, par la vente d'eau, une collectivité peut mettre à contribution tous les bénéficiaires de la ressource, sans pouvoir en retirer un profit car il s'agit d'un bien essentiel et non substituel.

La Cour d'appel de Paris enjoint au maître d'ouvrage d'une unité de production de communiquer à un tiers le coût de production calculé d'une manière objective et transparente, sans pouvoir intégrer aucun coût étranger. Le coût de production d'eau potable dépend de nombreux facteurs, et est en conséquence hétérogène. Pour les harmoniser, divers mécanismes existent, parmi lesquels des soutiens financiers spécifiques. Les syndicats départementaux, M. Raynal l'a dit, sont une autre méthode de péréquation.

Une commune ne peut en principe se retrouver seule à supporter l'ensemble des investissements. La loi NOTRe a organisé un transfert des compétences relatives à l'eau potable à l'horizon 2020. Il ne remettra pas en cause les syndicats existants mais, en étendant le périmètre de coopération, facilitera la mutualisation.

Le rapport « Eau et assainissement : à quel prix ? » envisage plusieurs hypothèses sur l'évolution des prix de l'eau. La convergence tarifaire devra être atteinte cinq ans après l'extinction des contrats.

Bref, cette proposition de résolution nous conduirait à créer un nouveau dispositif réglementaire, alors qu'il en existe déjà de nombreux. La réforme territoriale est en cours de mise en place, il ne semble donc pas opportun d'ajouter une nouvelle norme. Le Gouvernement a déjà demandé aux préfets coordonnateurs de bassins d'associer les collectivités territoriales aux stratégies dites « socle » sur les ressources en eau.

Le Gouvernement est donc réservé, non sur l'objectif que vous poursuivez - mieux protéger la ressource - mais sur l'opportunité d'y procéder par la généralisation des contrats de ressources alors que la loi NOTRe entre tout juste en application et qu'elle devrait répondre à l'essentiel de vos préoccupations.

À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de résolution est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°74 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 203
Pour l'adoption 20
Contre 183

Le Sénat n'a pas adopté.

Saisine du Conseil constitutionnel

Mme la présidente.  - Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat qu'il a été saisi le 7 décembre 2016, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, par le Premier ministre, de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Le texte de la saisine est disponible au bureau de la distribution.

La séance est suspendue à 19 h 45.

présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 30.

Mise au point au sujet de votes

Mme Nicole Duranton.  - Lors du scrutin public n°73, MM. Genest et Darnaud souhaitaient s'abstenir, et non voter contre.

Mme la présidente.  - Acte vous est donné de cette mise au point.

Publicité dans les programmes jeunesse de la télévision publique (Deuxième lecture)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique.

Discussion générale

Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication .  - Cette proposition de loi, due à M. Gattolin, supprime toute publicité des programmes de la télévision publique destinés aux moins de 12 ans.

Le Gouvernement était d'abord réservé. France Télévisions a déjà pris des engagements forts pour réduire l'exposition des enfants à la publicité. Les programmes de l'émission les Zouzous, pour les 3 à 6 ans, sont déjà exempts de publicité. Une corégulation avec tous les professionnels a abouti à la signature d'une charte, en 2009, visant à promouvoir une alimentation saine et l'activité physique à la télévision. Cette charte a été reconduite et renforcée en 2014 ; associant les associations, les agro-industriels, les publicitaires et les pouvoirs publics, elle envisage le sujet dans toutes ses composantes, dans le but d'encourager une saine hygiène de vie.

Le Gouvernement craignait en outre les conséquences de cette proposition de loi sur le financement de l'animation française, dont France Télévisions est le premier pré-financeur européen, avec un investissement de 29 millions d'euros par an. La diversité et la qualité des programmes proposés aux enfants sont pour nous une priorité. La France peut d'ailleurs s'enorgueillir d'une production riche et de qualité : les programmes français d'animation représentent 45 % de l'offre totale diffusée, ce qui est une situation unique en Europe.

L'animation française est une filière d'excellence. Il est important que les enfants de France se retrouvent dans les valeurs, les talents, l'imaginaire de la production nationale, que les auteurs français intègrent la situation des enfants d'ici. Premier genre à l'export, elle emploie 5 500 personnes dans une centaine d'entreprises réparties sur tout le territoire. Le soutien à l'animation est un enjeu culturel, éducatif, industriel ; le Gouvernement ne saurait donc accepter qu'elle soit fragilisée.

Ces réserves sont aujourd'hui levées.

Plusieurs d'entre vous, à commencer par M. Gattolin, ont exprimé la volonté de ne pas déstabiliser l'animation française. L'article premier a donc été réécrit ; souple, il permet au Gouvernement d'intervenir en tant que de besoin par voie réglementaire pour tenir compte des préconisations du CSA. C'est d'ailleurs déjà le cas, avec le décret du 27 mars 1992.

En outre, depuis l'adoption du texte par l'Assemblée nationale, le Gouvernement et France Télévisions ont négocié un contrat d'objectifs et de moyens qui prévoit un montant annuel minimum de 420 millions d'investissements dans la production audiovisuelle, et une augmentation des ressources publiques affectées à l'entreprise. France Télévisions aura les moyens d'atteindre les objectifs qui lui ont été fixés. Il faudra toutefois être vigilant sur les conséquences pour l'animation et suivre l'évolution du financement de la production à destination de la jeunesse.

La substitution d'un financement public à une recette privée nous oblige enfin à veiller au dynamisme de la contribution à l'audiovisuel public. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste)

Mme Corinne Bouchoux, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - Démarche équilibrée et vigilance : le principe qui sous-tend ce texte est bon. Le Sénat a ouvert le chemin en adoptant le principe de la suppression des messages publicitaires - autres que de prévention - pendant les programmes destinés aux moins de 12 ans et pendant les quinze minutes qui les précèdent et les suivent. Cette interdiction vaut aussi pour les messages publicitaires sur les sites internet des chaînes.

L'interdiction est ciblée, complète, adaptée et mesurée.

Le service public devient ainsi un espace de confiance pour les parents, ce qui lui donne un avantage compétitif. Cette proposition de loi n'est pas contre le service public ; au contraire, elle confirme son identité. Les chaînes privées, elles, sont soumises à une autorégulation sous le contrôle du CSA, dont traite l'article premier. L'interdiction de la publicité sur les chaînes privées n'avait d'ailleurs pas de sens, puisqu'elle finance leurs programmes destinés aux jeunes.

Je veux toutefois dissiper des craintes. Nous ne disons pas que toute publicité est condamnable. La consommation d'une barre chocolatée ou d'une boisson pétillante n'est pas mauvaise en soi si les parents assurent une surveillance minimale. Mais les enfants laissés seuls de longues heures devant la télévision sont un objet de convoitise pour des multinationales qui ne reculent devant rien pour vendre leurs produits...

L'Assemblée nationale a adopté conforme l'article 2 et modifié l'article premier. L'État en a tiré les conséquences dans la rédaction du contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions, qui prévoit des recettes publicitaires en baisse de 20 millions d'euros, ce que compensent l'augmentation de la subvention publique pour 17 millions et la baisse de 3 millions des prélèvements sur recettes brutes.

Les craintes relatives au financement de la production audiovisuelle n'ont donc plus lieu d'être, et cette deuxième lecture se présente sous un tout autre jour. Reste à examiner cet article premier, qui d'ailleurs n'était pas indispensable puisqu'un décret en Conseil d'État de 1992 prévoit déjà les dispositions utiles. Mieux vaut voter le texte conforme, et considérer que le décret mentionné est celui de 1992.

Le texte a le soutien de l'Union nationale des associations familiales (Unaf), des associations de familles catholiques et de plusieurs professions médicales. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a dénoncé le marketing numérique agressif, et 87 % des Français se disent favorables à la suppression de la publicité dans les programmes jeunesse. Un large vote de notre assemblée renforcerait l'image du Sénat. Je remercie tous les collègues qui se sont impliqués sur ce sujet. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, RDSE, UDI-UC et Les Républicains)

M. Patrick Abate .  - L'enjeu de santé publique est réel. La consommation audiovisuelle des enfants et adolescents ne cesse de croître pour atteindre plus de deux heures par jour ; ce sont 8,3 millions de consommateurs que ciblent les publicitaires. Quelque 70 % des parents pensent que leurs enfants sont ainsi influencés dans leurs préférences alimentaires, entre autres, avec des conséquences sur leur santé : obésité, etc.

Nous restons toutefois dubitatifs. La proposition de loi manque cruellement d'ambition en limitant l'interdiction au service public audiovisuel. Celle de Jacques Muller et Évelyne Didier élargissait, elle, l'interdiction aux chaînes privées et à d'autres créneaux horaires, renforçait les sanctions et le contrôle en matière de placement de produit, la sensibilisation et l'éducation à la publicité ; leur proposition de loi ouvrait aussi le chantier du financement de l'audiovisuel.

Celle-ci, en l'état, aura des effets néfastes. Il serait illusoire de croire que les enfants et adolescents ne regardent que les programmes jeunesse du service public. La plupart, notamment les plus défavorisés, regardent seuls la télévision... France Télévisions ne représente en outre que 28 % des parts d'audience et ne diffuse que 200 heures de programmes jeunesse, contre 640 pour Gulli. Et les programmes les plus regardés par les enfants et adolescents sont des émissions de téléréalité, ce qui n'est pas la spécialité du service public...

En outre, France Télévisions a déjà perdu 746 millions d'euros entre 2009 et 2012 avec la suppression de la publicité après 20 heures. Réduire encore la voilure remettrait en cause les objectifs de production du contrat d'objectifs et de moyens, d'autant que les compensations prévues ont été supprimées dans la navette. Le secteur privé récupèrera cette manne publicitaire... alors que les investissements des publicitaires se concentrent déjà sur les chaînes privées !

Nous proposerons donc un amendement qui généralise l'interdiction. La politique des petits pas peut mener au gouffre... Certes, le service public doit être plus vertueux. Mais lorsqu'il s'agit de la santé de nos enfants, pourquoi rester au milieu du gué ? On a bien généralisé l'interdiction de la publicité sur l'alcool et le tabac. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; MmPatricia Schillinger applaudit également)

Mme Françoise Laborde .  - Selon le psychanalyste Serge Tisseron, dans une société démocratique, tous les citoyens sont censés connaître le registre des messages qu'ils reçoivent, or les enfants n'y parviennent pas avant 6-7 ans ; plus jeunes, ils prennent la publicité pour de l'information...

M. Jean Desessard.  - Tout à fait.

Mme Françoise Laborde.  - À un âge où les enfants ont une relation surtout affective avec les marques, la publicité les abuse. Elle a un impact néfaste sur leur développement, engendre des comportements prescripteurs avec, à la clé, des problèmes d'obésité, raison pour laquelle le Québec, la Suède et la Norvège ont interdit, respectivement en 1980, 1991 et 1992, la publicité dans les programmes jeunesse.

Le Mexique et Taïwan, en 2016, ont interdit la publicité télévisuelle de certains aliments destinés aux jeunes. L'OMS invite à réduire l'exposition des enfants et la force des messages commerciaux, d'autant qu'on fait aussi à destination des enfants la publicité de produits issus de la sphère adulte, comme le maquillage, qui véhiculent des stéréotypes de genre... Le service public a un devoir de vigilance - et le bon sens veut que l'interdiction s'applique aussi aux sites internet associés, où la confusion entre contenu du site et contenu publicitaire est savamment entretenue.

Le décret du 27 mars 1992 confère au CSA le soin de vérifier que la publicité télévisuelle est identifiable comme telle ; or ce n'est pas le cas. Les indicatifs publicitaires sont trop courts, la rupture dissimulée entre fiction et publicité... Il faut mieux contrôler la publicité déguisée, neutraliser les techniques de frappe marketing ciblées sur les enfants. La BBC a ainsi interdit à ses présentateurs de programmes jeunesse d'apparaître dans une publicité sans autorisation préalable.

En suivant cet exemple, il est possible d'affaiblir ces messages. Cette proposition de loi nous paraît particulièrement utile pour protéger les enfants d'une publicité qui les abuse ; aucun membre du RDSE ne s'opposera à son adoption conforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

M. Claude Kern .  - Nous voici, je l'espère, au terme de l'examen de ce texte. Je veux souligner le travail de Jacques Muller, repris par André Gattolin.

Il est urgent de revoir la règlementation sur la publicité à destination des enfants, dont les effets néfastes sont avérés. Ce texte est équilibré, puisque l'interdiction est ciblée, complète, adaptée au service public de l'audiovisuel. Exit les publicités de l'alimentation et du jouet dans les programmes destinés aux moins de 12 ans... Pour l'audiovisuel public, la perte de recettes se chiffre à 20 millions d'euros. Mais le Gouvernement et France Télévisions ont pris acte de la volonté du Parlement d'avancer : le contrat d'objectifs et de moyens le dit, cette perte ne pèsera pas sur les comptes et n'entraînera pas un moindre financement de l'animation française. Je salue votre engagement, madame la ministre.

L'ajout d'une référence, à l'article premier, à un décret en Conseil d'État a fait débat, les chaînes privées craignant de se voir appliquer cette interdiction. Cette crainte n'a pas lieu d'être. La rapporteure, estimant cet ajout sans conséquence, appelle à une adoption conforme. Nous passerons ainsi des paroles aux actes. L'Unaf soutient ce texte, qui protège les enfants et fait de la prévention. 87 % des Français y sont favorables.

Le groupe UDI-UC votera cette proposition de loi qui pose, en filigrane, la question du financement de France Télévisions. Nous ne ferons pas l'économie d'une réforme structurelle, après la révolution numérique. Nous soutenons les propositions formulées en 2015 par Jean-Pierre Leleux et André Gattolin : hausse de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), reversement intégral aux opérateurs de télécommunications et, à long terme, contribution forfaitaire universelle sur le modèle allemand. Ce sera l'un des grands chantiers culturels du prochain quinquennat.

Pour le bien-être et la santé de nos enfants, je vous invite à soutenir cette proposition de loi. (Applaudissements au centre et à droite et sur les bancs du groupe écologiste ; Mme Patricia Schillinger applaudit également)

M. David Assouline .  - L'intention est bonne, les outils proposés le sont-ils ? Il s'agit de protéger les enfants de messages sur lesquels ils ne peuvent se faire leur propre jugement, faute de distance suffisante. France Télévisions, exemplaire en la matière, a déjà supprimé la publicité dans les programmes destinés aux moins de 6 ans. Cette proposition de loi, en revanche, ne s'intéresse pas aux chaînes privées...

On sanctuariserait les enfants parce qu'il s'agit du service public ? C'est se méprendre. Les enfants regardent beaucoup les programmes pour adultes : téléréalité, séries... Et puis, un enfant qui n'est pas surveillé sait se servir de la zapette, il ne va pas forcément rester sur France Télévisions ! D'ailleurs, les enfants regardent de plus en plus YouTube : 570 000 vues à chaque chanson de Disney, 60 millions de vues pour Petit ours brun, 9 millions de vues pour Le Roi lion. Avant et après, des publicités pour des jouets de guerre, pour Flunch et McDonald's. Et là, aucun contrôle ! L'absence de contrôle du CSA sur le Net, de moralisation, est un problème général qu'il faudra poser. Bref, l'argument de la sanctuarisation bat de l'aile.

Croit-on que les familles, rassurées, mettront leurs enfants devant les programmes jeunesse de France Télévisions, qui bénéficiera ainsi d'un avantage compétitif ? Ce sera l'inverse... Pour investir dans la production française, celle qui reflète nos valeurs, il faut de l'argent ! Le contrat d'objectifs et de moyens compense la perte de recettes ? Rendez-vous l'année prochaine lors de la discussion budgétaire... La perte n'aura pas lieu qu'en 2018 : dès à présent, les annonceurs se désengagent, comme ce fut le cas lors de la suppression de la publicité après 20 heures : ils se sont aussi désengagés avant 20 heures.

Augmenter d'un euro la redevance compensera la perte, disait-on. L'Assemblée nationale n'a pas suivi, malheureusement... Êtes-vous sûrs que la hausse de la taxe sur les télécoms sera pérennisée ? Quelles seront les intentions des futurs gouvernements ? Le candidat de la droite estime que le périmètre de France Télévisions est trop large, que cela coûte trop cher au contribuable, qu'il faut réduire la voilure...

Bien sûr, il faut protéger les enfants des prédateurs. Mais rien n'empêchera les pressions hormis l'éducation des enfants et des familles, et la moralisation de l'audiovisuel en général. Croire à la sanctuarisation, en ciblant le service public, c'est se tromper. D'autant que France Télévisions est déjà vertueux, que les spots publicitaires font l'objet d'un contrôle en amont, que l'on met l'accent sur la prévention...

Les Français seraient favorables à 87 % à l'interdiction ? C'est un sondage, vous devriez savoir à présent que ce n'est pas de la science...

M. André Gattolin.  - Du calme...

M. David Assouline.  - Les Français veulent qu'on protège leurs enfants, ils auraient sans doute été favorables à ce que l'interdiction soit étendue aux chaînes privées ! Un sondage n'est pas un argument d'autorité, surtout commandé par l'auteur de la proposition de loi...

M. André Gattolin.  - Qui le nie ? Assez de persiflage !

M. David Assouline.  - Reconnaissant les bonnes intentions de la rapporteure et de l'auteur du texte, nous ne nous opposerons pas à cette proposition de loi. Mais notre abstention n'est pas passive : nous escomptons qu'elle sera étendue à toutes les chaînes en 2018, et que le financement de France Télévisions aura été garanti. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mme Claudine Lepage applaudit également).

Mme Nicole Duranton .  - Les députés ont accepté l'interdiction de la publicité dans les programmes jeunesse et la plupart des assouplissements que nous avions proposés, le texte devrait donc être adopté aujourd'hui sans difficulté, comme il l'a été en commission. Il atteint son objectif tout en respectant les intérêts économiques en présence.

Je félicite Corinne Bouchoux pour son investissement et pour l'équilibre qui a été trouvé.

En première lecture, nous avons introduit une limite d'âge raisonnable, à 12 ans. Surtout, nous avons supprimé la hausse de 50 % de la taxe sur la publicité prévue par le texte initial : les 7,5 millions d'euros auraient été répercutés sur les clients.

Difficile de chiffrer le manque à gagner pour France Télévisions. Le groupe l'estime à 20 millions d'euros. Une réforme du financement de France Télévisions est, en tout état de cause, urgente, alors que les recettes de la publicité sont appelées à se réduire comme peau de chagrin à cause du transfert vers d'autres supports. Notre commission a engagé la réflexion, avec le rapport de MM Leleux et Gattolin. Le soin de mener cette réforme reviendra au prochain Gouvernement.

Le service public est dans son rôle lorsqu'il refuse la publicité pour les moins de 12 ans. Cette exemplarité justifie l'effort fait par chaque citoyen pour le financer.

Les temps évoluent, la durée d'exposition des enfants à la télévision est incomparable avec ce que nous connaissions, l'obésité se répand. Nous pouvons nous réunir autour d'un service public protecteur et qui ait valeur de modèle. (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs du groupe écologiste)

M. André Gattolin .  - Cette proposition de loi s'inspire d'un texte déposé en 2010 par notre ancien collègue Jacques Muller, que je salue. C'est en tenant compte des critiques et des évolutions du paysage audiovisuel que j'ai déposé, en 2013, une nouvelle mouture, qui aboutit aujourd'hui.

Les effets de la publicité sur le comportement et le développement des enfants sont indéniables. Dégradation des pratiques alimentaires, confusion des valeurs : cela affecte leur manière d'être, en famille, à l'école, en société.

Cette proposition de loi transcende les clivages politiques, elle recueille l'aval d'une large majorité de citoyens, des associations familiales, du monde de la santé et de l'éducation. De plus en plus de pays légifèrent : Allemagne, Pays-Bas, Grèce, Espagne, Royaume-Uni, Belgique... Dans trois pays scandinaves, la publicité pour les enfants est proscrite sur toutes les chaînes de télévision.

Les réticences sont d'ordre économique, et portent sur l'impact financier du texte pour France Télévisions. Je salue la réactivité du groupe, qui a déjà intégré cette perte dans ses prévisions, même si le chiffrage retenu m'étonne. En tout état de cause, elle ne dépassera pas 0,3 à 0,7 % du budget global du groupe, et sera largement compensée par de nouvelles recettes tirées notamment des partenariats avec Warner et YouTube.

Nul ne peut m'accuser de ne pas me soucier de l'avenir de l'animation française, dont la production progresse. Le secteur français du jouet, en forte progression, n'a lui non plus pas grand-chose à craindre - ce sont les entreprises étrangères qui ont les moyens de se payer l'essentiel de l'espace publicitaire.

Offrons à nos enfants, quelques heures par jour, un paysage audiovisuel libéré de la publicité. Ce petit pas du législateur sera un grand pas pour la protection de nos enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par M. Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Rédiger ainsi cet article :

Après l'article 80 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un article 80-... ainsi rédigé :

« Art. 80-...  -  Les programmes des services de communication audiovisuelle ne relevant pas du titre III destinés prioritairement aux enfants de moins de douze ans ne comportent pas de messages publicitaires autres que des messages génériques pour des biens ou services relatifs à la santé et au développement des enfants ou des campagnes d'intérêt général. Cette restriction s'applique durant la diffusion de ces programmes ainsi que pendant un délai de quinze minutes avant et après cette diffusion. Elle s'applique également à tous les messages diffusés sur les sites internet de ces mêmes services nationaux de télévision qui proposent des programmes prioritairement destinés aux enfants de moins de douze ans.

« Est considérée comme un programme des services de télévision destiné aux enfants et adolescents de moins de douze ans la fiction, l'émission ou toute oeuvre audiovisuelle répondant à un ou plusieurs des critères suivants :

« - La conception du programme pour les enfants ou les adolescents.

« Peuvent notamment être pris en compte la présence de personnages jeunes, les thématiques touchant les enfants et les adolescents, le langage, les codes et la musique employés, le cadre de l'action ;

« - La diffusion du programme à des horaires appropriés à ces publics ;

« - L'habillage spécifique du programme, qui l'identifie comme s'adressant à ces publics ;

« - L'élaboration ou le suivi du programme par l'unité en charge de la jeunesse au sein du service ;

« - La promotion du programme par le service comme s'adressant à ces publics, dont les sites internet, la communication dans la presse, la communication professionnelle, la présentation des programmes par la régie publicitaire. »

M. Patrick Abate.  - Il s'agit d'élargir l'interdiction de la publicité dans les programmes jeunesse à toutes les chaînes, pas seulement publiques. Ce serait, pour le coup, un pas de géant...

Mme Corinne Bouchoux, rapporteure.  - Proposition radicale et respectable, mais ce n'est pas la logique retenue par la commission : avis défavorable.

Mme Audrey Azoulay, ministre.  - Même avis. La France défend fortement, à Bruxelles, l'idée de réguler les plateformes de vidéos sur internet, dans le cadre du travail en cours sur les services médias audiovisuels.

M. Jean-Pierre Leleux.  - Ne déstabilisons pas le modèle économique des chaînes privées en effet ; ce texte ne vise que les chaînes publiques, et le secteur privé a ses propres difficultés...

M. David Assouline.  - Ce débat nous ramène à celui qui eut lieu lors de la suppression de la publicité sur la télévision publique. La gauche avait pu la soutenir, pour libérer le service public de l'emprise du commerce, de la dictature de l'audimat, comme l'on disait à l'époque... Mais beaucoup la défendaient pour que cette manne publicitaire revienne au privé ! On peut habiller de très belles intentions des projets moins avouables...

J'entends l'argument de la rapporteure, partisane d'une politique de petits pas. Mais j'entends aussi certains collègues fermer la porte à l'extension de l'interdiction aux chaînes privées : là, la protection des enfants semble moins importer...

Nous nous abstiendrons sur cet amendement.

Mme Marie-Christine Blandin.  - Le texte de Jacques Muller, que j'avais cosigné avec Évelyne Didier, Jean-Pierre Bel et Jean-Pierre Sueur n'avait hélas pas trouvé de soutien suffisant. Alors, mieux vaut gravir ensemble ce soir une petite marche que de rester face à un grand escalier romantique que l'on contemple, mais qui ne nous élève pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

L'amendement n°2 devient sans objet.

Interventions sur l'ensemble

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - Je veux rappeler à ceux qui défendent avec fougue le modèle de l'audiovisuel public que la commission que je préside est aussi compétente en matière d'éducation et de jeunesse - et nous avons reçu les associations familiales, de nombreux éducateurs et intervenants à ce titre.

Cette proposition de loi serait applicable à compter de 2018. Elle clarifie le modèle du service public par rapport à l'offre privée ; il faudra néanmoins s'attaquer au financement de l'audiovisuel public - nous aurons l'occasion d'y revenir.

Le fatalisme de certains, qui considèrent que les enfants sont de toute façon laissés à eux-mêmes devant la télé, les ordinateurs et les tablettes, m'étonne : à vous de les éduquer aux nouveaux usages des écrans.

M. Jean-Pierre Leleux .  - Ce texte va dans le sens des propositions d'évolution du modèle économique de France Télévisions que nous avons faites ; l'objectif reste selon moi la suppression totale de la publicité sur le service public. (M. David Assouline s'exclame)

Je rejoins David Assouline sur un point : ce texte a ses limites car les enfants regardent de nombreux écrans. Mais c'est un utile premier pas, et je le voterai ainsi que le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste, ainsi qu'au centre)

Mme Patricia Schillinger .  - Jacques Bigot et moi-même voterons ce texte. Il restera à avancer sur la publicité pour adultes, pour les serviettes hygiéniques ou les prothèses dentaires par exemple, qui donnent une bien mauvaise image des femmes - et, plus rarement, des hommes. (Applaudissements)

M. Patrick Abate .  - Ce texte ne nous satisfait pas plus en deuxième lecture qu'en première lecture. Nous prenons acte de la sincérité de l'engagement de ses auteurs pour protéger les enfants - que nous partageons -, mais c'est un tout petit premier pas. Reconnaissons-le, avec humilité, si nous voulons un jour progresser. Nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste; Mme Françoise Laborde et M. Jean-Marie Bockel applaudissent également)

M. André Gattolin .  - Je veux remercier chacun pour la qualité des débats - supérieure à celle que j'ai constatée à l'Assemblée nationale... (Mouvements divers)

Je crois pour ma part aux petits matins de gaité, pas aux grands soirs de désespoir... (Exclamations) Ce ne sont pas des slogans, juste de la poésie ! (Sourires) Nous ne sommes nullement naïfs pour autant : les tablettes se multiplient - elles arrivent même dans les écoles, où la ministre de l'éducation nationale veut les répandre - et il faut réguler les contenus numériques. C'est un chantier européen : la commission des affaires européennes a d'ailleurs rédigé une proposition de résolution européenne pour que nous avancions sur ce sujet. Je constate avec satisfaction qu'il n'y a pas de divergence de fond sur l'objet de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et au centre)

M. Jean-Marie Bockel .  - Jacques Muller, présent dans les tribunes, a déposé sa proposition de loi le jour de son départ du Sénat - et de mon retour ici... Alors que nous nous posons des questions sur l'avenir de nos enfants et les valeurs que nous voulons transmettre, il faut des marqueurs forts. Ce texte est un signal fort, je le voterai par profonde conviction, et non seulement par amitié alsacienne... (Applaudissements au centre et sur les bancs du groupe écologiste)

M. David Assouline .  - À mon tour, je salue la qualité des débats - étendus à la question du financement de l'audiovisuel public. Dommage que les sénateurs extérieurs à la commission de la culture n'y prennent pas plus souvent part...

Mme Catherine Génisson.  - Nous sommes quelques-uns...

M. David Assouline.  - Question d'horaire sans doute...

Aucun fatalisme de ma part. Mais je conteste l'idée de sanctuarisation, l'illusion que les enfants ne regardent que les programmes jeunesse et seulement ceux du service public.

M. André Gattolin.  - Il y a, pour cela, la directive sur les services médias audiovisuels !

M. David Assouline.  - Ce texte est un premier pas - avec de possibles effets pervers.

Songeons donc aux prochains pas : on n'a pas beaucoup avancé depuis mon rapport sur la jeunesse et les nouveaux médias de 2007, où j'avais prévu la plupart des développements auxquels nous assistons...

À la demande du groupe socialiste et républicain, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°75 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 213
Pour l'adoption 213
Contre 0

Le Sénat a adopté.

En conséquence, la proposition de loi est définitivement adoptée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste, au centre et à droite)

Prochaine séance demain, jeudi 8 décembre 2016, à 10 h 30.

La séance est levée à 23 h 5.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus

Ordre du jour du jeudi 8 décembre 2016

Séance publique

À 10 h 30

Présidence : M. Thierry Foucaud, vice-président

Secrétaire : M. Jackie Pierre

1. Cinq questions orales.

À 11 heures

Présidence : M. Thierry Foucaud, vice-président

2. Débat sur le thème : « Le Massif central, un enjeu de développement territorial » (demande du groupe RDSE).

À 15 heures

Présidence : Mme Isabelle Debré, vice-présidente

3. Débat sur la situation et l'avenir de La Poste (demande du groupe communiste républicain et citoyen).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n°72 sur l'amendement n°2 rectifié bis, présenté par Mme Françoise Gatel et plusieurs de ses collègues à l'article unique de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :326

Suffrages exprimés :307

Pour :36

Contre :271

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 7 - Mme Agnès Canayer, MM. Mathieu Darnaud, Jacques Genest, François Grosdidier, Cédric Perrin, Hugues Portelli, Michel Raison

Contre : 112

Abstentions : 8 - MM. François Bonhomme, François Commeinhes, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Fabienne Keller, MM. Antoine Lefèvre, Jacques Legendre, Mme Catherine Procaccia, M. Jean-François Rapin

N'ont pas pris part au vote : 17 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, MM. Michel Bouvard, Pierre Cuypers, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Michel Forissier, Mmes Frédérique Gerbaud, Colette Giudicelli, MM. Jacques Grosperrin, Jean-François Husson, Mme Corinne Imbert, MM. Daniel Laurent, Alain Marc, Mmes Brigitte Micouleau, Patricia Morhet-Richaud, M. Jean-Jacques Panunzi, Mme Sophie Primas, M. René-Paul Savary

Groupe socialiste et républicain (109)

Contre : 109

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 29

Abstentions : 10 - MM. Jean-Marie Bockel, Olivier Cadic, Bernard Delcros, Yves Détraigne, Mmes Françoise Férat, Chantal Jouanno, MM. Claude Kern, Jean-Jacques Lasserre, Mme Valérie Létard, M. Henri Tandonnet

N'ont pas pris part au vote : 3 - M. Nuihau Laurey, Mmes Catherine Morin-Desailly, Lana Tetuanui

Groupe communiste républicain et citoyen (20)

Contre : 20

Groupe du RDSE (17)

Contre : 17

Groupe écologiste (10)

Contre : 9

Abstention : 1 - Mme Leila Aïchi

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 4

N'ont pas pris part au vote : 2 - MM. Philippe Adnot, Robert Navarro

Scrutin n°73 sur l'article unique de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :323

Suffrages exprimés :299

Pour :173

Contre :126

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 3 - Mme Fabienne Keller, MM. Hugues Portelli, Didier Robert

Contre : 115

Abstentions : 9 - MM. François Bonhomme, François Commeinhes, Mmes Marie-Hélène Des Esgaulx, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Charles Guené, Antoine Lefèvre, Cédric Perrin, Mme Catherine Procaccia, M. Michel Raison

N'ont pas pris part au vote : 17 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, MM. Michel Bouvard, Pierre Cuypers, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Michel Forissier, Mmes Frédérique Gerbaud, Colette Giudicelli, MM. Jacques Grosperrin, Jean-François Husson, Mme Corinne Imbert, MM. Daniel Laurent, Alain Marc, Mmes Brigitte Micouleau, Patricia Morhet-Richaud, M. Jean-Jacques Panunzi, Mme Sophie Primas, M. René-Paul Savary

Groupe socialiste et républicain (109)

Pour : 109

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 15

Contre : 7 - MM. Jean-Marie Bockel, Michel Canevet, Jean-Léonce Dupont, Hervé Marseille, Hervé Maurey, Michel Mercier, Yves Pozzo di Borgo

Abstentions : 14 - MM. Philippe Bonnecarrère, Vincent Capo-Canellas, Vincent Delahaye, Mme Élisabeth Doineau, M. Daniel Dubois, Mmes Françoise Gatel, Nathalie Goulet, Jacqueline Gourault, M. Loïc Hervé, Mme Sophie Joissains, MM. Claude Kern, Jean-Jacques Lasserre, Pierre Médevielle, François Zocchetto

N'ont pas pris part au vote : 6 - Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Joël Guerriau, Nuihau Laurey, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Henri Tandonnet, Mme Lana Tetuanui

Groupe communiste républicain et citoyen (20)

Pour : 20

Groupe du RDSE (17)

Pour : 17

Groupe écologiste (10)

Pour : 9

Abstention : 1 - Mme Leila Aïchi

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 4

N'ont pas pris part au vote : 2 - MM. Philippe Adnot, Robert Navarro

Scrutin n°74 sur l'ensemble de la proposition de résolution visant à généraliser les contrats de ressources, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :341

Suffrages exprimés :203

Pour :20

Contre :183

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Contre : 140

N'ont pas pris part au vote : 4 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, MM. Michel Bouvard, Pierre Cuypers, Mme Frédérique Gerbaud

Groupe socialiste et républicain (109)

Abstentions : 109

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 2 - MM. Bernard Delcros, Jean-François Longeot

Contre : 39

Abstention : 1 - Mme Annick Billon

Groupe communiste républicain et citoyen (20)

Abstentions : 20

Groupe du RDSE (17)

Pour : 8 - MM. Michel Amiel, Guillaume Arnell, Alain Bertrand, Jean-Noël Guérini, Robert Hue, Mmes Mireille Jouve, Hermeline Malherbe, M. Raymond Vall

Contre : 1 - M. Gilbert Barbier

Abstentions : 8 - MM. Joseph Castelli, Yvon Collin, Pierre-Yves Collombat, Philippe Esnol, François Fortassin, Mme Françoise Laborde, MM. Jacques Mézard, Jean-Claude Requier

Groupe écologiste (10)

Pour : 10

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier

Scrutin n°75 sur l'ensemble de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :340

Suffrages exprimés :213

Pour :213

Contre :0

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 139

Abstention : 1 - M. Alain Milon

N'ont pas pris part au vote : 4 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, MM. Michel Bouvard, Pierre Cuypers, Mme Frédérique Gerbaud

Groupe socialiste et républicain (109)

Pour : 2 - M. Jacques Bigot, Mme Patricia Schillinger

Abstentions : 106

N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Catherine Génisson

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 42

Groupe communiste républicain et citoyen (20)

Abstentions : 20

Groupe du RDSE (17)

Pour : 17

Groupe écologiste (10)

Pour : 10

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier