Financement de la sécurité sociale pour 2026

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, transmis en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution.

Discussion générale

Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées .  - Cette année, l'examen du PLFSSS comporte deux singularités : pour la première fois depuis trois ans, le texte a été examiné sans usage de l'article 49.3 de la Constitution et, comme il s'y était engagé, le Gouvernement a intégré tous les amendements adoptés dans le texte transmis au Sénat, signe de respect du débat parlementaire.

Si cette copie n'est pas parfaite, c'est que le Gouvernement n'a pas cherché à imposer son texte ; nul doute que le Sénat saura l'enrichir.

Depuis notre prise de fonction, nous avons engagé un dialogue étroit avec tous les groupes politiques. Je salue la rigueur et l'esprit de responsabilité qui ont marqué nos échanges avec les rapporteurs.

Seconde singularité : nous célébrons cette année les 80 ans de la sécurité sociale. Peu de nations peuvent se prévaloir d'un modèle de protection sociale aussi structurant et durable. Mesurons la place de la sécurité sociale dans notre pacte républicain. Espérons que nous débattrons à l'avenir non de sa survie, mais de son développement.

Les défis sont nombreux et connus. Dans un monde de compétition internationale des modèles sociaux, de transition démographique et économique, nous devons être vigilants : 2025 n'est pas 1945. La sécurité sociale n'est pas un simple enchaînement de prestations et de services, mais un projet de société.

L'examen budgétaire doit se dérouler dans une transparence totale. Les chiffres sont irréfutables : en deux ans, le déficit a doublé pour atteindre 23 milliards euros en 2025 et, sans action de notre part, 29 milliards d'euros en 2026. Ces données exigent de la lucidité. Je sais que votre commission partage ce point de vue.

Ce texte propose donc un effort partagé entre les complémentaires, l'industrie pharmaceutique, les secteurs à la rentabilité excessive et les assurés, via les franchises. C'est la condition pour préserver notre solidarité. L'intérêt général demande de dépasser les intérêts sectoriels.

Maîtriser, ce n'est pas renoncer, mais permettre l'investissement. Ce PLFSS porte ainsi des chantiers majeurs : revalorisation des professionnels de santé libéraux, formation et attractivité des métiers à l'hôpital, renforcement du service public de la petite enfance, création du congé supplémentaire de naissance, développement de l'habitat intermédiaire, lutte contre les cancers, santé mentale ou soins palliatifs.

À l'Assemblée nationale, le Gouvernement a proposé une augmentation de 1 milliard d'euros de l'Ondam, qui passerait de 1,6 dans à 2 %. C'est une progression soutenable et responsable. Ce milliard supplémentaire est un engagement concret pour répondre aux besoins : 850 millions pour les établissements de santé, pour moderniser les outils et réduire les déficits, améliorer les soins et redonner du souffle aux soignants ; mais aussi soutien aux soins de ville, aux équipes pluridisciplinaires et à la mise en oeuvre de France santé.

Annoncé par le Premier ministre, ce dispositif vise à améliorer l'accès aux soins dans tous nos territoires - le rôle du Sénat sera déterminant. France santé sera construit avec l'ensemble des élus locaux pour améliorer l'accès aux soins - dès demain, au Salon des maires, je serai heureuse de le leur présenter. Dans la Sarthe, dernièrement, j'ai pu mesurer les attentes des habitants ainsi que celles des soignants. L'ambition est simple : une solution de santé à moins de 30 minutes de chez soi, et un rendez-vous médical sous 48 heures. Nous rassemblons les initiatives portées localement. Ce n'est pas un label de plus, mais un cadre lisible, opérationnel, construit avec les territoires. Il est urgent d'agir, mais ensemble. Ce dispositif reposera sur une concertation permanente avec les élus locaux.

En 1945, des forces politiques très différentes ont réussi à s'unir pour bâtir la sécurité sociale, convaincues que la solidarité était une puissance nationale. (Mme Silvana Silvani ironise.) Prolongeons cet héritage, non en répétant les choix d'hier mais en portant l'ambition de notre temps : une sécurité sociale fidèle à ses principes, mais qui s'adapte à un monde qui change. (Mme Élisabeth Doineau et M. Martin Lévrier applaudissent.)

M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités .  - La copie qui vous parvient a été amendée par l'Assemblée nationale, qui a exprimé des désaccords mais aussi des convergences, notamment sur la partie recettes.

Une prise de conscience simple : il nous manque des économies. Nous prévoyons 23 milliards d'euros de déficit cette année, que le Gouvernement souhaitait réduire à 17,5 milliards. En l'état du texte voté à l'Assemblée, il serait de 24 milliards, et, en l'absence de budget, de 29 milliards au fil de l'eau. La pérennité de de notre système serait remise en cause. Vous comprendrez que la situation nous préoccupe !

Le Gouvernement voulait revoir certaines niches sociales d'exemption de cotisations sur des rémunérations qui, de fait, remplacent du salaire. L'Assemblée a voté contre, mais a adopté l'augmentation des contributions patronales sur les ruptures conventionnelles et les mises à la retraite. Les députés ont également augmenté de 1,4 point la CSG sur les revenus du capital et du patrimoine - hors transferts, c'est la seule mesure qui améliore le solde. Ils ont rejeté la proposition de mettre fin à l'exonération de cotisations sociales des apprentis. Nous devons préserver l'apprentissage, qui est un succès, mais aussi savoir sortir de la phase de propulsion de cette politique. Mais nous en reparlerons.

Les députés ont voté à l'unanimité pour l'amélioration de la retraite des femmes à l'article 45, majorant les trimestres des mères de famille, dont la retraite sera prise en compte sur les 23 ou 24 meilleures années selon le nombre d'enfants. Cette avancée, issue des travaux des partenaires sociaux, illustre les avantages du dialogue social auquel je suis très attaché. Les députés ont adopté un amendement du Gouvernement étendant cette mesure aux femmes fonctionnaires. Il reste encore beaucoup à faire pour réduire les écarts de salaire et de pensions entre hommes et femmes, mais c'est un premier pas.

Deuxième point, plus délicat : la suspension de la réforme des retraites jusqu'au 1er janvier 2028. Je connais la position majoritaire du Sénat. Le Gouvernement estime que dans le contexte actuel, c'est une mesure de stabilité, voulue par les Français et les entreprises.

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Quel courage !

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Côté positif, cette suspension donnera du temps au dialogue social, et qui nous permettra d'accoster. Ce sera aussi du temps pour le débat démocratique, pour que les partis fassent des propositions.

Troisième point : l'Assemblée nationale s'est prononcée contre le gel des pensions de retraite et des prestations sociales, et contre le gel du barème de la CSG sur les revenus de remplacement. Problème : cela représentait une économie de 3,6 milliards d'euros. Les discussions doivent reprendre pour trouver une solution intermédiaire. Plusieurs amendements sénatoriaux permettraient d'avancer sur ce sujet.

J'espère que le Sénat, contrairement à l'Assemblée nationale, pourra examiner l'article 39, qui modernise et simplifie la reconnaissance des maladies professionnelles. Le Gouvernement partage l'intention de la rapporteure Richer de recentrer cette réforme sur les seuls dossiers pour lesquels les délais de prise en charge sont dépassés. Venant du monde de l'entreprise, je suis très attentif aux sujets de santé au travail.

Je sais l'ancrage territorial de vos travaux. Nous partageons la même ambition de transmettre un système de protection sociale efficace et soutenable. Pour cela, nous devons redresser la sécurité sociale.

Il faudra que les deux chambres du Parlement fassent un pas l'une vers l'autre pour doter la sécurité sociale d'un budget solide. Comptez sur moi pour être un partenaire respectueux du travail parlementaire. Nous partageons votre volonté de rigueur sur la gestion des comptes publics. (Mme Élisabeth Doineau et M. Martin Lévrier applaudissent.)

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics .  - La France traverse une période d'incertitude dont nous mesurons les conséquences sur la confiance de nos concitoyens, de nos entreprises, de nos investisseurs, mais aussi sur la solidité de l'économie et l'unité de la nation.

Je sais qu'il existe au Parlement, et tout particulièrement au Sénat, une majorité de responsabilité pour trouver un compromis sur les textes financiers, comme cela a prévalu en février dernier, où le Sénat a joué un rôle décisif pour sortir de la crise.

Nous cherchons un compromis ? non pour le Gouvernement mais pour les Français et leur système de santé.

Dans le pays, il existe une majorité pour préserver cette République sociale forgée il y a 80 ans par le Conseil national de la Résistance.

Ce texte est profondément parlementaire. Il résulte, pour la deuxième année consécutive, de la mise en oeuvre de l'article 47-1 de la Constitution. L'Assemblée nationale a adopté sa partie recettes, mais l'examen de la troisième partie relative aux dépenses n'a pu être achevée dans les délais. Ce texte est le fruit de 67 heures de débats à l'Assemblée nationale, le double de l'an dernier.

Le Gouvernement a soumis un texte exigeant, engageant une trajectoire pour le redressement des comptes sociaux, s'inspirant des propositions de la majorité sénatoriale présentées par le Président et les rapporteurs généraux cet été au Premier ministre de l'époque.

Il a fait confiance au Parlement pour que le texte soit amendé, rééquilibré et voté. Il n'a donc procédé à aucun tri parmi les plus de 300 amendements adoptés par l'Assemblée nationale, dans un esprit de transparence et de respect du travail parlementaire. (Mme Silvana Silvani ironise.)

Cela explique que plusieurs dispositions ne correspondent pas aux intentions du Gouvernement, notamment les nouvelles mesures d'exonération, alors que nous cherchons à réduire les niches fiscales et sociales, parfois illisibles, qui ne fonctionnent plus.

Vous avez entre les mains la possibilité d'un compromis sur ce PLFSS, qui engage la préservation de notre modèle social.

À dix-huit mois d'une élection présidentielle, il est normal que des projets très différents s'affrontent. Mais les Français attendent de nous que 2026 ne soit pas un saut dans l'inconnu, s'agissant de leur santé, leur protection, leur retraite.

Le PLFSS 2026 ne renverse pas la table. Il prépare le terrain pour que les forces politiques puissent débattre en 2027. Notre méthode : le Gouvernement se place au service du Parlement. Dans cet esprit, le Gouvernement a renoncé à user de l'article 49.3. Nous souhaitons que les débats aillent à leur terme et que le Parlement ait le dernier mot. Nous voulons un débat loyal, à la recherche d'un compromis. Chacun connaît l'exigence du Sénat, sa précision juridique et sa capacité à améliorer les textes financiers.

Je salue les travaux de votre commission des affaires sociales, dans des délais exceptionnellement contraints.

Nous voulons un dialogue et une méthode fondée sur la responsabilité collective. Ne feignons pas d'ignorer la contrainte sur les dépenses sociales. Je remercie la commission de son rapport très clair. Regardons la situation en face et construisons un compromis durable, réaliste et sincère.

Le déficit de la sécurité sociale était prévu à 23 milliards d'euros en 2025, contre 15 milliards en 2024 et 11 milliards en 2023. Moins de deux ans après la dernière reprise des déficits par la Cades, nous avons reconstitué une dette sociale qui devrait être de 65 milliards d'euros fin 2025 et de 83 milliards d'euros en 2026, avant toute dégradation du déficit. Ne soyons pas fatalistes : ces chiffres illustrent l'exigence du moment. Car le redressement est possible !

Pour une fois, en 2025, nous avons tenu l'objectif de déficit. Certes, à 5,4 %, ce n'est pas glorieux. Mais le Gouvernement a respecté les choix parlementaires. Pour la première fois depuis la crise sanitaire, l'Ondam a été respecté.

Mais sans modification, le déficit de la sécurité sociale atteindrait 29 milliards d'euros l'an prochain et 34 milliards d'euros en 2029. Les dépenses sociales ne peuvent progresser plus que la croissance nationale. On risque d'avoir un Ondam à 9 % du PIB en 2025 et à 20 % dans quinze ans. Il doit rester à 8,8 % du PIB comme en 2024. Stabilisons-le, dans une démarche responsable et atteignable.

Nous devons dire la réalité : augmenter les recettes et laisser filer les dépenses serait irresponsable. Qui en paierait le prix ? Nos enfants et nos petits-enfants.

Je sais que la trajectoire suscitait des interrogations à l'Assemblée nationale. Beaucoup de mesures d'économie ont été rejetées.

Notre projet initial prévoyait une augmentation de,1,6 %, soit 11 milliards d'euros, pour notre politique sociale en 2026. Avec 5 milliards d'euros pour la branche maladie, 500 millions pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), 4 milliards pour la branche vieillesse et 1,5 milliard pour la branche autonomie, ce n'est pas l'austérité que certains décrivent !

L'Assemblée nationale a porté cet effort à 2,3 %, notamment à cause du relèvement de l'Ondam de 1,6 à 2 %. Toutefois, lorsque nous neutralisons les mesures de transfert et les aides complémentaires versées aux assurés, cette hausse est désormais de 3,3 %, soit le double de l'inflation prévue en 2026.

Les recettes, elles, augmenteraient de 16 milliards d'euros. L'Assemblée nationale a rehaussé la taxation de la CSG sur le capital notamment.

Nous avions fait des choix : préserver les dépenses qui améliorent l'accès aux soins, réguler les dépenses les moins efficaces, encadrer les dépassements d'honoraires excessifs, renforcer la lutte contre la fraude et responsabiliser davantage les acteurs. Nous voulions nous appuyer sur trois principes : le travail, car le financement des droits repose sur les cotisations ; l'équité, pour que la protection sociale aille vers ceux qui en ont le plus besoin et que les fraudeurs soient sanctionnés ; la prévention.

Vous êtes proposerez votre vision de la sécurité sociale. À l'Assemblée nationale, j'ai constaté des convergences, mais aussi des divergences. Nous débattrons, mais le déficit ne doit pas dépasser 20 milliards d'euros avant transfert. Sur ces transferts, nous devrons être vigilants : il ne serait pas responsable de diminuer le déficit de la sécurité sociale pour augmenter massivement celui de l'État. Enfin, souvenons-nous que l'objectif est le retour à l'équilibre en 2029. En 2019, avant le covid, la sécurité sociale était à l'équilibre.

Mme Laurence Rossignol.  - C'était en 2017, avant le début du mandat d'Emmanuel Macron ! Et c'était grâce à nous !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Nous devons veiller à l'équité dans l'effort, notamment pour les retraites, l'hôpital et les minima sociaux. C'est un devoir envers les générations futures.

Notre seule responsabilité, en tant que ministres, est de restaurer la confiance et de préserver un modèle social qui bénéficie à tous aujourd'hui, et à nos enfants demain. J'ai hâte de débattre ! (MM. François Patriat et Martin Lévrier applaudissent.)

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et des personnes handicapées .  - Le texte initial, malgré le cadre contraint, prévoyait des réponses concrètes pour les personnes en situation de handicap, les personnes âgées et leurs familles, se traduisant par 1,5 milliard d'euros supplémentaires pour la branche autonomie. Un choix responsable pour accompagner le vieillissement de la population.

Les départements sont au coeur de cette politique : ils sont les premiers financeurs et les garants de l'accès aux droits. Le PLFSS augmente les crédits de compensation pour l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et la prestation de compensation du handicap (PCH) ; l'absence de gel des prestations se traduit par 250 millions d'euros supplémentaires.

Dans cet esprit de coopération, 250 millions d'euros supplémentaires sont prévus en 2026 pour créer six mille nouvelles solutions et atteindre l'objectif de 50 % des cinquante mille solutions nouvelles pour les personnes en situation de handicap, fixé par le Président de la République lors de la dernière conférence nationale du handicap.

Notre responsabilité collective est aussi de revoir le modèle de prise en charge de nos aînés, avec pour fil conducteur l'autodétermination et la dignité. Ainsi, 4 500 professionnels en Ehpad sont financés, de nouvelles places de services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) sont créées, 100 millions d'euros financeront dix mille nouvelles places dans l'habitat partagé et intermédiaire pour offrir une alternative entre domicile et établissement. Nous présenterons bientôt un plan Grand âge.

Nous allouons 300 millions d'euros à la compensation de l'inflation dans le médico-social ; il n'y aura aucun gel des moyens des établissements.

La réforme Serafin-PH (services et établissements : réforme pour une adéquation des financements aux parcours des personnes handicapées), prévue à l'article 36, soutient la transformation de l'offre des établissements sociaux et médicosociaux. Elle repose sur deux piliers : un forfait stable et un volet variable en fonction des besoins. C'est le fruit de dix ans de concertation et une attente profonde du secteur. Je salue votre commission, qui s'est emparée de cette réforme. Ce sont 360 millions d'euros supplémentaires prévus entre 2027 et 2030.

Un Français sur cinq accompagne un proche. Nous poursuivons le déploiement des plateformes de répit, car accompagner les aidants, c'est renforcer l'autonomie de toute la société.

L'avenir de la sécurité sociale passe par la maîtrise de sa trajectoire financière. C'est un projet d'équilibre et d'ambition, construit dans un esprit de dialogue et de coconstruction. Tout en participant à l'effort collectif, il soutient les départements, consolide les acquis et engage des transformations majeures.

Nous devons dépasser les clivages pour servir l'intérêt général. (MM François Patriat et Martin Lévrier ainsi que Mmes Élisabeth Doineau et Chantal Deseyne applaudissent.)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; MM. François Patriat et Martin Lévrier applaudissent également.) La situation est aussi critique que l'an passé. Le déficit des administrations publiques atteint 5,4 points de PIB en 2025, après 5,8 points l'an passé. Ce qui a changé, c'est que, depuis septembre, la France a les taux d'intérêt les plus élevés de la zone euro. Nous allons tester de nouvelles dispositions constitutionnelles et organiques : ce n'est pas bon signe non plus.

Le texte initial était proche des propositions faites par la majorité sénatoriale le 8 juillet dernier au Premier ministre d'alors. S'agissant de l'Ondam, le PLFSS transfère 2,3 milliards d'euros aux assurés, là où la majorité sénatoriale proposait de transférer 1 milliard d'euros de charges aux complémentaires. Sur les prélèvements obligatoires, la majorité sénatoriale réduisait les allégements généraux avec un gel du barème, le Gouvernement réforme la clause des allègements généraux par décret, pour un rendement de 1,4 milliard d'euros. Une autre façon d'atteindre un même résultat.

Le texte transmis au Sénat porte le déficit à 24 milliards d'euros, contre 17,5 milliards initialement. Les propositions de la commission le ramènent à 15,1 milliards d'euros.

M. Laurent Burgoa.  - Très bien !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Mais contrairement à ce que l'on pourrait penser, le Sénat ne dispose pas d'une marge de 2,5 milliards d'euros. La commission ne souhaite pas que l'État prenne à la sécurité sociale, sous forme d'une moindre affectation de TVA, le gain de 3 milliards d'euros issu de la réforme des allégements généraux. Cela suppose de modifier l'article 40 du PLF. Réduire le solde de la sécurité sociale en augmentant celui de l'État est sans effet sur le solde des administrations publiques... (Mme Amélie de Montchalin en doute.) Nous en rediscuterons.

La projection d'un déficit à 15,1 milliards impose que les mesures réglementaires, en particulier le doublement des participations forfaitaires et des franchises, soient effectives.

Pascale Gruny exposera notre volonté de supprimer le décalage de la réforme des retraites.

En dehors de ce point, notre premier objectif est de nous rapprocher des propositions de la majorité sénatoriale. Nous donc rétablissons l'article 44 relatif au gel des prestations et son corollaire, le gel du barème de la CSG, sauf pour les retraites de moins de 1 400 euros et les bénéficiaires de l'AAH, ainsi que la contribution des complémentaires santé pour 1 milliard d'euros. Nous revenons sur l'augmentation du taux de CSG sur le capital de 9,2 % à 10 %.

Deuxième objectif : ne pas aggraver inutilement les difficultés de financement de l'Acoss (Urssaf-Caisse nationale), dont le plafond d'emprunt serait de 83 milliards d'euros, soit un niveau proche du pic de 2020 - 90 milliards d'euros. L'Acoss n'avait alors pas réussi à emprunter sur les marchés, devant se tourner vers la Caisse des dépôts et consignations et un pool de banques.

Nous proposons de revenir à l'article 40 du PLF sur les 3 milliards d'euros relatifs à la réforme des allégements généraux transférés à l'État, conformément à la recommandation de la Cour des comptes, qui notait que les allégements généraux demeurent sous-compensés pour 5,5 milliards d'euros.

La commission propose de supprimer aussi le transfert de la CSG de la branche autonomie vers les départements. Ce n'est pas en dépouillant une branche déjà en difficulté qu'on résoudra leurs problèmes...

Elle propose le maintien de l'article 12 quinquies et la compensation des niches sociales, ainsi que la suppression de l'article 12 septies sur les allégements généraux de cotisations patronales - non sur le principe, mais au vu du contexte, car la disposition augmenterait les besoins de financement de l'Acoss de 4,1 milliards d'euros.

Il nous faut ramener les finances sociales à l'équilibre, (Mme Cathy Apourceau-Poly ironise) ce qui implique d'abord de se doter d'une trajectoire. (Mme Émilienne Poumirol ironise.) Je défendrai un amendement précisant le quantum de mesure pour atteindre cet objectif à l'horizon 2029.

La dette devra être transférée à la Cades pour qu'elle ne s'accumule pas à l'Acoss ; il faut, pour cela, que la trajectoire revienne à l'équilibre et que la Cades bénéficie de recettes.

La sécurité sociale a 80 ans : nous devons agir si nous voulons pouvoir célébrer en 2045 les 100 ans de cette vieille dame, en bonne santé ! (Marques d'ironie sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Elle va souffrir !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Comme le dit dans la revue Mermoz le professeur Alain Supiot, notre modèle social n'est pas un monument historique à conserver, mais un chemin à suivre. (M. Jean-Michel Arnaud, Mme Annick Billon et M. Daniel Chasseing applaudissent.) Face aux crises économiques et sociales, la sécurité sociale doit se réinventer ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; MM. François Patriat et Martin Lévrier applaudissent également.)

Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales pour la branche assurance maladie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions ; M. Martin Lévrier applaudit également.) Les conditions d'examen du PLFSS sont défavorables cette année : le Sénat dispose de peu de temps alors que, pour la seule branche maladie, le nombre d'articles est passé de 22, lors de son dépôt, à 56 ! C'est peu dire que ce PLFSS n'a pas convaincu notre commission. Le texte ayant été construit sans concertation, certaines mesures sont déconnectées du terrain. Or dans des temps incertains, c'est par le dialogue que l'on doit recueillir l'adhésion du plus grand nombre.

Le Gouvernement manque de vision pour un redressement à long terme, en particulier pour la branche maladie, dont le déficit atteindra 12,5 milliards d'euros en 2026, puis 16,5 milliards en 2029.

Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), le comité d'alerte des dépenses d'assurance maladie et la Cour des comptes ont tous relevé le caractère ambitieux des projections économiques.

L'Ondam n'est pas à la hauteur des besoins. Sa hausse limitée à 2 % ne couvrira pas la hausse des charges courantes des hôpitaux, dont le déficit atteignait déjà 2,9 milliards d'euros en 2024. La commission propose de rejeter un Ondam intenable et insincère.

L'article 18, qui s'ajoute au doublement des franchises prévu par voie réglementaire, est difficile à tenir. L'objectif, louable, de responsabilisation ne doit pas devenir un objectif de rendement.

La commission n'a pas rétabli la suppression des affections de longue durée (ALD) non exonérantes, en déplorant l'absence de mesures d'accompagnement.

S'agissant de l'accès aux soins dans les territoires, nous entendons supprimer la limitation de la durée des arrêts de travail, qui entrainerait des centaines de milliers d'heures de consultation évitables, dans un contexte de pénurie médicale. Sur l'incitation à l'installation des médecins en zone sous denses, la commission sera force de proposition. Sur les centres de soins non programmés, retrouvons le consensus trouvé entre les deux chambres il y a quelques mois.

Nous réprouvons la méthode employée pour la réforme du réseau France santé : on labellise à marche forcée pour répondre à la commande du Premier ministre, au risque de monter les professionnels de santé les uns contre les autres. Le sujet est trop sérieux pour se résumer à une opération de communication. La commission invite le Gouvernement à revoir sa copie dans un autre véhicule.

Nous déplorons le manque de confiance, voire de respect qui transparaît dans certaines mesures. C'est avec les professionnels, et non contre eux, que nous réformerons notre système de santé (« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mmes Anne-Sophie Romagny et Évelyne Perrot applaudissent également.)

Notre commission ne se satisfait pas de ce PLFSS. Elle vous proposera de rejeter nombre de ses dispositions et soutiendra celles qu'elle a jugées utiles, notamment dans le champ de la prévention et de l'hôpital. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche vieillesse .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Anne-Sophie Romagny et Évelyne Perrot applaudissent également.) La trajectoire d'augmentation du déficit de la branche vieillesse est inéluctable, en raison de la hausse du nombre de retraités et de la baisse des cotisations par la réduction de la population active. La survie de notre système étant menacée, il faudra introduire de la capitalisation. (On ironise à gauche.)

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Nous y voilà !

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Les dépenses de pensions sont moindres qu'en 2024. Le déficit de la branche vieillesse a crû de 2 milliards d'euros entre 2023 et 2024 en raison d'une moindre revalorisation des pensions de retraite. Les projections du PLFSS sont plutôt rassurantes. Le déficit se résorberait à 3 milliards d'euros en 2026 et à 1,6 milliard d'euros en 2029 en raison du relèvement de quatre points par an du taux de cotisations des employeurs à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). La résorption du déficit dépendra de notre capacité à contenir des dépenses.

Il y a un grand péril à adopter des mesures sans cohérence d'ensemble, et sans se soucier du financement.

Quels choix voulons-nous faire ? Suspendre une réforme des retraites qui devait rapporter 8 milliards d'euros, pour ne gagner qu'un seul trimestre pour les générations concernées ? (Mme Frédérique Puissat et M. David Margueritte applaudissent.) Je reprends l'expression du Président de la République : c'est de la poudre de perlimpinpin !

Un départ à la retraite se préparant longtemps à l'avance, il est impossible de quantifier avec certitude le nombre de nos concitoyens qui pourraient bouleverser leurs plans pour ne gagner qu'un seul trimestre. La mesure coûterait 300 millions d'euros en 2026 et 1,9 milliard d'euros en 2027 - sommes qui ne sont plus compensées depuis la suppression par les députés de l'article 44.

Cette mesure, inique, est d'autant plus néfaste qu'elle aggrave nos dépenses. Je vous propose donc de la supprimer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Burgoa.  - Très bien !

M. Patrick Kanner.  - On s'y opposera !

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Je vous proposerai aussi de réintroduire l'article 44. Dans sa version de la lettre rectificative, cette mesure gelait en 2026 le montant des prestations et pensions de retraite. Pour préserver le pouvoir d'achat des plus fragiles, je propose que ce gel ne concerne ni l'AAH ni les pensions inférieures à 1 400 euros. Le rendement de la mesure atteindrait 2 milliards d'euros.

L'article 43 prévoit une réforme du cumul emploi retraite pour limiter les effets d'aubaine.

Afin de réduire les inégalités entre les femmes et les hommes, l'article 45 ouvre droit à la prise en compte des trimestres majorés pour enfants et maternité dans le dispositif pour carrières longues.

Je vous invite à adopter ces deux articles.

Rouvrons le débat sur le sens et la qualité de vie au travail, l'emploi des seniors et l'équité du dispositif de retraite anticipée, afin de mieux cibler la pénibilité.

Ne sacrifions pas notre jeunesse et tenons notre promesse de maintien du système par répartition ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Olivier Henno, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche famille .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.) Avec gravité, je souhaite d'abord dire ce que j'ai sur le coeur. La branche famille est ponctionnée alors que la natalité est en berne - 1,6 enfant par femme, alors que le désir d'enfant est de 2,2. Cet écart considérable révèle un paradoxe. À 1,6, en deux générations, nous perdons 20 % de la population. C'est un enjeu existentiel, culturel, civilisationnel.

Revisitons l'histoire de la politique familiale. Le 2 juin 1936, le président du Sénat saluait en séance publique la mémoire du sénateur Henry Chéron, défenseur acharné de l'équilibre budgétaire, mais aussi d'une politique familiale qui cimente la République. Surnommé en son temps le Gambetta du Calvados, il a laissé une oeuvre qui devrait nous inspirer. Les défis semblaient immenses ; les déficits budgétaires étaient importants en raison de la course à l'armement vers la Grande Guerre. Les attentes sociales de la population allaient grandissant, laissant peu de place à l'équilibre budgétaire. La famille était déchirée entre laïcs et catholiques. Mais Henry Chéron a vu dans la politique familiale l'opportunité de faire grandir le pays et la République. Il a grandement contribué à l'adoption de la loi Strauss sur le congé de maternité.

Actuellement, nous avons aussi besoin d'ambition en matière de politique familiale. La valeur famille renvoie à un sentiment de protection, aux souvenirs d'enfance, au bonheur de fonder à notre tour une famille.

Le PLFSS prévoit une mesure importante pour les familles : le congé supplémentaire de naissance, rémunéré à hauteur de 70 % du salaire net le premier mois et de 60 % le deuxième mois. Cette mesure, qui donne l'occasion aux pères de profiter d'un moment privilégié avec leur enfant, répond à un enjeu civilisationnel. Elle comble une carence et il faut s'en féliciter. Mais il est difficile de s'en satisfaire pleinement. En effet, malgré l'excédent de la branche famille estimé à 0,7 milliard d'euros en 2026, le dispositif reste un peu maigre : seulement deux fois deux mois, alors que nous savons toute l'importance de profiter de nos enfants lors de leurs 1 000 premiers jours.

Le projet de loi améliore également le recouvrement des pensions alimentaires. Henry Chéron savait combien il était indispensable d'aider les plus fragiles à recouvrer ce qui leur était dû. L'article 41 aide les mères seules à recevoir leur pension alimentaire en temps et en heure. C'est une initiative juste et humaine.

La branche famille transfère 4,8 milliards d'euros à l'État au titre de la réforme des allègements généraux, et 1,4 milliard d'euros à la branche maladie pour réduire son déficit.

Notre excédent autorise le financement du congé supplémentaire de naissance et la poursuite de la bonification des allocations familiales dès 14 ans. C'est essentiel. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; MM. Martin Lévrier et Marc Laménie applaudissent également.)

Mme Pascale Gruny, en remplacement de Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure de la commission des affaires sociales pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles .  - La commission regrette la dégradation, aussi subite que préoccupante, de la branche AT-MP, qui subit en 2025 son premier exercice déficitaire ? hors covid ? depuis 2012. La branche devrait connaître le pire solde de son histoire en 2027. Ne nous y trompons pas : ce n'est pas dû à la hausse de la sinistralité, mais aux arbitrages politiques hasardeux du Gouvernement. Depuis 2023, près de 2 milliards d'euros ont été transférés aux branches maladie et vieillesse. Or, la sécurité sociale n'est pas un pot commun dans lequel on peut puiser à sa convenance, mais un ensemble de caisses aux missions distinctes, dont l'équilibre repose sur le respect de leurs financements propres, tout particulièrement pour la branche AT-MP, abondée par les seuls employeurs. Sans la hausse des transferts, le déficit de la branche se métamorphoserait en un excédent de 900 millions d'euros !

Des mesures de redressement sont toutefois nécessaires. Pour revenir à l'équilibre, il faudrait un choc de prévention. Les partenaires sociaux ont beau l'avoir demandé, les parlementaires le réclamer, le Gouvernement n'entend pas le message et la prévention reste la grande absente du PLFSS.

Nous est annoncée une mesure d'amélioration des recettes de 0,4 milliard d'euros. Nul n'est dupe de cet euphémisme ! Une hausse des cotisations est bien prévue pour les employeurs. Or, il serait inacceptable que des employeurs vertueux paient le prix des décisions politiques qui ont miné la branche ; la commission s'opposera à toute tentative d'alourdir uniformément les cotisations.

En revanche, elle défendra les trois mesures nouvelles de ce PLFSS. L'article 39 réforme les procédures de reconnaissance des maladies professionnelles, dont les limites sont manifestes. Elles seront modernisées. La commission propose de solliciter l'avis des partenaires sociaux et de mieux encadrer la définition des modalités de diagnostic. Les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) ne sont plus en mesure de traiter tous les dossiers. Le législateur doit agir pour éviter une dégradation de la qualité des décisions ou un allongement des délais. L'article 39 confie donc à un binôme de médecins-conseils l'instruction de certains dossiers. Pour rassurer les partenaires sociaux, la commission encadre cette disposition.

La commission est également favorable à la limitation de la durée de versement des indemnités journalières à l'article 28, sous réserve de l'adoption de son amendement garantissant une indemnisation plus favorable en AT-MP qu'en maladie. L'indemnité journalière AT-MP ne saurait couvrir que les assurés dont l'incapacité de travail est temporaire, et non permanente. Aucune rupture de droit n'est à craindre : l'incapacité permanente ouvre en effet droit à des prestations spécialement dédiées, qui seront prochainement revalorisées grâce à la réforme de la dualité de la rente votée l'an dernier. La commission proposera de reporter de cinq mois l'entrée en vigueur de cette réforme, le calendrier initial étant intenable.

Enfin, l'article 40 fait oeuvre utile en ouvrant un capital décès de près de 4 000 euros aux ayants droit des non-salariés agricoles actifs victimes d'un sinistre professionnel. Nous pouvons envisager d'ouvrir aussi ce droit aux titulaires inactifs d'une rente AT-MP. Nous rendrions ainsi justice à ceux qui, pour nous nourrir, ont payé de leur personne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC ; MmeVéronique Guillotin et Corinne Bourcier applaudissent également.)

Mme Chantal Deseyne, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche autonomie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) La branche autonomie n'est pas épargnée par le contexte budgétaire. La progression de l'objectif de dépenses est deux fois moins soutenue qu'en 2024 et 2025, mais s'établit tout de même à 3,5 %, soit une hausse de 1,5 milliard d'euros. Ces moyens sont majoritairement portés par l'objectif global de dépenses des établissements et services médico-sociaux fixés à l'article 49.

La contrainte budgétaire entraîne un ralentissement du rythme des recrutements, avec 4 500 embauches annoncées en Ehpad contre 6 000 l'an dernier, un nombre de places en Ssiad en baisse, et une réduction de 20 millions d'euros du budget alloué au déploiement des 50 000 solutions dans le champ du handicap.

Le Gouvernement nous a assuré que les objectifs pour 2030 étaient maintenus. Nous y serons attentifs.

L'article 36 réforme le financement des établissements et services médico-sociaux pour enfants et jeunes adultes handicapés. Cette réforme est unanimement soutenue par tous les acteurs concernés, qui ont été associés à son élaboration. Je vous invite donc à l'adopter, même si nous devrons rester attentifs aux travaux conduits en 2026 pour déterminer l'équation tarifaire correspondante.

L'article 37 traduit le compromis trouvé entre le Gouvernement et les départements en avril dernier sur le financement des revalorisations salariales dans le secteur médico-social privé à but non lucratif. Ces revalorisations estimées à 170 millions d'euros seront couvertes pour moitié par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Ce sera insuffisant.

L'article 38 prévoit que les départements pourront déduire les indemnisations versées par les assurances et les fonds d'indemnisation de l'APA et de la PCH. Il est légitime que le Gouvernement cherche à améliorer l'efficience de la dépense, mais ce dispositif brouille la distinction entre le droit à l'indemnisation et le droit à la compensation et présente de sérieuses limites opérationnelles. La commission propose de le supprimer.

Ce PLFSS contient peu de mesures nouvelles dans le champ de l'autonomie. Le débat sur les ressources en est d'autant plus nécessaire. Déjà déficitaire de 300 millions d'euros, la CNSA devrait afficher un solde négatif de 1,7 milliard d'euros dès 2026. Sans ressources nouvelles, nous subirons les effets du vieillissement de la population sans répondre aux aspirations de la population. Pour cela, il faut des moyens. Or, ni la CNSA ni les départements n'en ont.

Chaque jour, des établissements sont au bord de la rupture financière, mais aucun fonds n'est prévu dans ce PLFSS pour les aider. Je le déplore.

Des pistes d'efficience existent pourtant, notamment la prévention. Dans le champ du grand âge, la marge de progrès est importante. Nous pourrions ainsi réduire les coûts de prise en charge, en particulier les hospitalisations inutiles.

L'examen d'une grande loi sur l'autonomie, maintes fois demandée, s'impose chaque année davantage. Les besoins d'accompagnement de millions de nos concitoyens resteront, sinon, insatisfaits. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Corinne Bourcier applaudit également.)

M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Bernard Fialaire applaudit également.) La commission des finances a rendu un avis défavorable sur le PLFSS issu de l'Assemblée nationale. Après une diminution en 2022 et 2023, le déficit de la sécurité sociale augmente pour atteindre 23 milliards d'euros en 2025, sans crise sanitaire ni financière. Un tel déficit pèsera sur les générations à venir, contrevenant au principe de solidarité intergénérationnelle.

L'augmentation forte du déficit depuis 2024 s'explique par une conjoncture économique défavorable, la démographie, la revalorisation des prestations sociales, mais aussi des hausses de dépenses non financées, notamment liées au Ségur de la santé, qui représente un surcoût de 13 milliards d'euros par an.

À accumuler les déficits, on nourrit la dette. Or, depuis fin 2024, on ne peut plus transférer les déficits de la sécurité sociale à la Cades. C'est donc l'Acoss qui les supporte, alors qu'elle ne peut s'endetter qu'à court terme. Toutefois, un nouveau transfert à la Cades n'est pas envisageable sans une reprise en main sérieuse des comptes sociaux.

Dans sa copie initiale, le Gouvernement anticipait un déficit de 17,5 milliards d'euros pour 2026. La réalisation de cet objectif est hautement improbable. Les projections du Gouvernement ont été jugées très optimistes par le Haut Conseil des finances publiques. J'avoue ne pas savoir de combien est censé augmenter l'Ondam, avec toutes les modifications successives... (Mme Silvana Silvani ironise.) De nombreuses mesures ont en outre été largement remaniées par l'Assemblée nationale, ce qui influe négativement sur l'équilibre des comptes. Les mesures en recettes représentaient un gain de 2,5 milliards d'euros dans le texte initial, mais l'Assemblée nationale les a largement vidées de leur substance.

Côté dépenses, l'objectif du texte initial était de réaliser 9,1 milliards d'euros d'économies. Le gel de la revalorisation des prestations sociales, supprimé, devait rapporter 2,7 milliards d'euros. La suspension de la réforme des retraites engendre un surcoût de 800 millions d'euros en 2027.

M. Patrick Kanner.  - Ce n'est pas cher !

M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis.  - Les mesures d'économies prévues sur l'Ondam ont été allègrement supprimées par l'Assemblée nationale.

Le déficit de la sécurité sociale pour 2026, évalué par le Gouvernement entre 24 et 25 milliards d'euros à la suite du passage du texte à l'Assemblée nationale, s'établirait plutôt à 28,7 milliards d'euros. Un tel déficit serait insoutenable et appelle à une réforme urgente du système social français.

Nous devons établir une version plus économe du texte. Je salue les apports de la commission des affaires sociales en ce sens.

Enfin, j'aimerais que l'on affiche les comptes de branches avant transferts et subventions et non après, car, en l'état, les soldes n'ont pas de sens.

L'avis défavorable de la commission des finances pourrait changer à l'issue de l'examen du texte au Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; marques d'ironie à gauche)

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales, en remplacement du président de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Comme nos concitoyens, nous ressentons la désintégration de notre système de santé, après plusieurs décennies de renoncement. Madame la ministre de la santé, vous êtes la onzième ministre en sept ans. Ce chiffre impressionnant explique en partie l'absence de réforme structurelle.

Ce PLFSS est stérile, car sous-tendu par le dogme de la gratuité pour tous et celui du respect d'un Ondam déconnecté des besoins de santé. Alors que le vieillissement de la population et les progrès de la médecine engendrent une hausse des coûts de 4 %, la croissance de l'Ondam est de 2 %. L'ajustement est réalisé par une diminution de la qualité des soins et leur rationnement.

Notre système de santé est fondé sur de grands principes. Le premier est l'universalité. La loi de programmation en santé demandée depuis plusieurs années donnerait de la visibilité à tous les acteurs. Notre pays et l'Europe courent un risque de déclassement dans la bataille mondiale pour la santé. La Chine concentre 30 % des innovations thérapeutiques, avec près de 300 milliards de dollars investis dans la santé numérique. Aux États-Unis, la clause most favoured nation (MFN) a provoqué un retour massif des promesses d'investissement des groupes pharmaceutiques de près de 500 milliards de dollars. Dans le même temps, les annonces d'investissement lors du dernier sommet Choose France ont été divisées par quatre par rapport à l'année précédente. Ce PLFSS sera donc analysé à l'international comme un mouvement tactique de la France.

Le deuxième principe est l'égalité. Elle passe par une vraie politique territoriale de la santé et une reconfiguration du parcours de soins. Laissons les professionnels travailler et ne surfinançons pas ce qui est déjà financé. Contre la financiarisation galopante, je vous invite à appliquer les recommandations du rapport de Corinne Imbert et Bernard Jomier.

Le troisième principe est l'accessibilité. Les salaires des agents hospitaliers ont été revalorisés, à juste titre, mais les effectifs médicaux n'ont pas augmenté. En outre, les crédits accordés n'ont pas totalement couvert les augmentations. Par conséquent, les investissements sont réduits, les recrutements différés, les emplois gelés, les lits fermés. À quand une politique réellement volontariste, comparable à celle qui avait été menée en 1958, qui transformerait les CHU en fondations ?

La psychiatrie est trop souvent considérée comme le parent pauvre des politiques publiques. Nous devons pourtant tous rester vigilants face à cet enjeu majeur.

Le quatrième principe est la qualité. Elle se dégrade. L'accès aux soins est devenu difficile ; les soignants fuient l'hôpital et les médecins de ville, qui assurent 95 % des soins, se paupérisent. Résultat : ils se désengagent.

M. Laurent Somon.  - C'est vrai.

M. Alain Milon, vice-président de la commission.  - Prévention, dépistage précoce des cancers, amélioration de la santé dentaire des enfants : voilà des pistes intéressantes ! Préserver la santé de nos concitoyens passe aussi par le soutien à l'innovation. L'intelligence artificielle, pourtant décriée, favoriserait des détections très en amont.

Enfin, souvenons-nous qu'en 1983, la retraite était à 60 ans, avec quatre actifs pour un retraité et une espérance de vie à 73 ans. En 2025, c'est 1,7 actif pour un retraité et une espérance de vie à 83 ans. Ne soyons pas les fossoyeurs du régime par répartition !

Il faut mener des réformes territoriales, faire confiance aux professionnels de santé et revoir le financement. Est-il normal que 30 % de la population finance la santé de tous ? (« Bravo ! » et applaudissements nourris sur travées du groupe Les Républicains ; Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

Exception d'irrecevabilité

M. le président.  - Motion n°342 de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Cécile Cukierman .  - La sécurité sociale fête ses 80 ans. En forme d'hommage, nous nous apprêtons à examiner le pire PLFSS de l'histoire, qualifié par les organisations syndicales de musée des horreurs : contribution sur les complémentaires santé de 2,05 % ; contribution sur les compléments salariaux ou les avantages sociaux de 8 % ; suppression de l'exonération de cotisations des apprentis ; 7,1 milliards d'euros d'économies sur la santé ; gel des prestations sociales ; gel des pensions de retraite et sous-indexation de 0,4 point jusqu'en 2030.

Pour éviter les affres du gouvernement Barnier, le Gouvernement a cherché un accord de non-censure en proposant ce qu'il qualifie de suspension de la réforme des retraites, qui s'avère en réalité être un simple décalage de la réforme Borne. Pire, ce décalage entérine de fait l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans - auquel nous nous sommes toujours opposés.

Ce PLFSS remet en cause frontalement le droit pour tout être humain d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence, pourtant reconnu par l'alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946.

De fait, plusieurs mesures de ce texte sont inconstitutionnelles.

D'abord, le gel des prestations sociales et des pensions rompt avec le principe d'égalité devant les charges publiques, car il fait peser l'effort sur les ménages modestes et les retraités, et non sur les revenus du capital. Le Conseil constitutionnel l'a rappelé : on ne peut cibler une catégorie de citoyens pour équilibrer les comptes sociaux.

Ensuite, la contribution de 8 % sur les titres-restaurants et les avantages sociaux relève d'un cavalier social, car elle ne concerne ni les dépenses ni les recettes des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, mais la fiscalité des entreprises et des salariés.

Enfin, ce PLFSS prévoit des transferts de charge aux collectivités, via l'augmentation des cotisations à la CNRACL, sans compensation financière, en violation de l'article 72-2 de la Constitution. Là encore, des dispositions similaires ont été censurées à plusieurs reprises.

Certes, la vitrine a été dépoussiérée par l'Assemblée nationale, mais le pire est souvent dans l'arrière-boutique. L'austérité de ce texte est si lourde qu'elle s'oppose au contrat social, au coeur même de notre République.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Très bien !

Mme Cécile Cukierman.  - Cette austérité vise à détruire nos services publics pour satisfaire Bruxelles et tenir les engagements du plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT) 2025-2029, négocié par le gouvernement Barnier, décidé par le gouvernement Bayrou et engagé par le gouvernement Lecornu.

L'Ondam, à 1,6 %, est au plus bas depuis 2016. C'est remettre en cause l'accès aux soins de nos concitoyens. Là encore, vous vous exposez à une censure pour insincérité manifeste. Ce PLFSS repose sur des hypothèses irréalistes. Le Conseil constitutionnel avait déjà sanctionné le PLFSS 2017 sur ce motif.

Le match n'est pas terminé ! Observez avec attention les amendements des rapporteurs et de la majorité sénatoriale : la seconde mi-temps, au Sénat, sera très difficile.

Loin est le temps où le Sénat était perçu comme le lieu du compromis. On entend certains vouloir « nettoyer l'hystérie fiscale de l'Assemblée nationale au Kärcher ». Olivier Henno propose d'augmenter la durée annuelle de temps de travail. Emmanuel Capus veut instaurer une dose de retraites par capitalisation et aligner le calcul de la retraite des fonctionnaires sur les salariés du privé, en s'appuyant sur les 25 meilleures années et non sur les six derniers mois -  ce qui constitue un cavalier social, promis à une censure automatique. Enfin, Jocelyne Guidez veut carrément dérembourser l'ensemble des soins de psychanalyse.

Vous avez beau jeu de reprocher au groupe communiste d'être idéologique quand vos amendements soulignent vos intérêts de classe ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Très bien !

Mme Cécile Cukierman.  - L'issue de la CMP est hypothétique, voire illusoire, sauf à accepter des reniements. Le Sénat prendra sa revanche sur la majorité de l'Assemblée nationale en rétablissant les articles supprimés et en supprimant tous les articles adoptés. Nous refusons ce jeu de dupes dans lequel seule notre sécurité sociale serait perdante.

Le 4 septembre 2016, Emmanuel Macron, alors candidat à l'élection présidentielle, déclarait : « Le modèle de l'après-guerre ne marche plus. Le consensus politique, économique et social, qui s'est fondé en 1945 et qui a été complété en 1958, est caduc. » Il ajoutait que ce modèle était directement issu de l'après-guerre et d'un moment de refondation de la vie politique où les communistes avaient su travailler avec les gaullistes.

N'en rajoutons pas dans l'excès. Au contraire, retissons ce lien social indispensable.

À celles et ceux qui veulent célébrer les noces de chêne entre l'État républicain et la sociale : votez notre motion ! À celles et ceux qui se contenteraient de quelques victoires sur l'accessoire et de reculs sur le principal, nous disons : refuser de voter notre motion, c'est accepter les amendements de la majorité sénatoriale.

Mme Cécile Cukierman.  - Notre groupe a déposé cette motion, non par peur des débats, mais parce que la pièce de théâtre est déjà connue et méprise la lettre comme l'esprit de notre Constitution. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; Mme Marion Canalès applaudit également.)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - J'ai écouté votre réquisitoire, madame Cukierman, et perçu l'envie de débattre sur la deuxième partie.

La commission ne peut que s'opposer à cette motion. Le refus du débat ne saurait être une solution.

Vous évoquez une faible croissance du taux de l'Ondam, désormais à 2 %, en affirmant que cela remet en cause le droit à la santé. Or, la France est le quatrième pays du monde où les dépenses de santé, en pourcentage du PIB, sont les plus élevées.

Le décalage de la réforme des retraites n'irait pas assez loin, dites-vous. Là encore, les termes me semblent excessifs. Hors de France, l'âge légal de départ à 64 ans est considéré comme parfaitement normal. Au Danemark et aux Pays-Bas, il est à 67 ans ! Avis défavorable.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Nous nous apprêtons à débattre d'un sujet majeur pour les Français. Nul ici n'a l'intention de faire voter des mesures inconstitutionnelles.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - C'est déjà arrivé !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Dans ce cas, le Conseil constitutionnel censure ? comme il l'a fait pour les mesures de lutte contre la fraude contenue dans des PLFSS. D'où le projet de loi dédié.

L'année blanche serait inconstitutionnelle ? Ce débat remonte à 1987. Durant plusieurs années, les retraites n'ont pas été indexées sur l'inflation : sous François Hollande, elles ont été gelées pendant deux ans, en 2013 et 2014 ; en 2019, le gouvernement Philippe avait décidé leur sous-indexation. L'histoire montre que de telles dispositions ne sont pas inconstitutionnelles. En témoigne d'ailleurs l'avis du Conseil d'État.

C'est le pire PLFSS que vous ayez eu à examiner, dites-vous ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Mais c'est le pire déficit de notre histoire ! Jamais nous n'avons eu un déficit de plus de 20 milliards d'euros, hors crise financière ou sanitaire. (Mme Monique Lubin proteste.) La croissance naturelle des dépenses de santé est deux fois supérieure à notre croissance économique, qui était de 1 % en 2024.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Allez chercher des recettes !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Oui, quand il y a de la croissance économique ! Mais sans croissance, cela reviendrait à augmenter le poids de la santé dans le PIB. C'est une décision grave, que nous pourrions prendre, certes. Mais l'Ondam est déjà passé de 8 % à 9 % du PIB, en huit ans seulement.

Je vous invite à rejeter cette motion, pour que nous ayons un débat éclairé, sujet par sujet. (Mouvements divers à gauche) Il y a de quoi travailler, pour construire un compromis national sur un outil d'utilité nationale. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

La motion n°342 est mise aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°30 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 278
Pour l'adoption   34
Contre 244

La motion n°342 n'est pas adoptée.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°1 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Après rebondissements et tractations, le Sénat examine un PLFSS privé de vote à l'Assemblée Nationale.

Au cours de l'examen à l'Assemblée, le déficit projeté s'est aggravé pour atteindre 24 milliards d'euros. Accuser les députés d'irresponsabilité masque mal l'inconséquence et l'insincérité du projet initial.

Insincère, car le projet du Gouvernement ne prévoyait presque rien sur les recettes, mais 9 milliards d'euros d'économies sur les dépenses, dont 7 milliards sur l'Ondam ? la moitié relevant de transferts vers d'autres acteurs ! Le calcul du taux de l'Ondam intègre en outre les économies attendues du projet de loi Fraudes, alors que le comité d'alerte estime que leur réalisation « n'est que partiellement avérée ».

Les économies attendues de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé, pourtant incertaines selon la Cour des comptes, sont reconduites, dans une sorte de fuite en avant.

En outre, il n'est pas tenu compte du ressaut de l'activité hospitalière, qui risque de nécessiter l'annulation des mises en réserve.

Le taux de l'Ondam, même rehaussé à 2 %, est intenable et irréaliste. La manoeuvre est évidente : cet Ondam insincère, construit sans concertation, sera mécaniquement dépassé ; le comité d'alerte sera saisi l'année prochaine pour déroger aux conventions médicales et aux prérogatives du Parlement. Le Gouvernement fait mine de renoncer au 49.3 mais piétine la démocratie sociale !

Ce budget est également insincère dans ses prévisions macroéconomiques. Selon la Cour des comptes, le décalage observé sur le dernier exercice s'explique par des prévisions trop optimistes depuis trois ans, ayant rendu la trajectoire pluriannuelle incohérente.

Alors que l'inflation s'élèvera à 1,6 % selon l'OCDE, à 1,45 % selon le consensus des économistes, vous retenez une prévision de 1,1 % seulement pour majorer le taux hors inflation de l'Ondam.

La prévision de masse salariale pour 2026 est déjà jugée trop optimiste par le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS).

Vous ne tenez pas compte de l'effet récessif de vos coupes budgétaires, estimé par l'OFCE à 0,8 point de PIB.

Faute d'efforts sur les recettes, vous comptez sur les gels des prestations et pensions, les hausses de franchises et les transferts sur les ménages et complémentaires, mais méconnaissez l'effet de ces mesures sur le pouvoir d'achat et partant, sur les futures recettes.

Au PLF 2024, les recettes de TVA ont été surestimées de 11 milliards d'euros. Cette année, c'est 5 milliards d'euros de recettes en moins par rapport aux prévisions.

Inconséquentes, vos prévisions ne tiennent pas compte des externalités négatives des mesures austéritaires. Les surestimations de la TVA impactent négativement les comptes publics. Sans compter que la sous-estimation de la compensation de TVA a déjà coûté près de 18 milliards à la sécurité sociale depuis 2019, selon la Cour des comptes ! Voilà l'une des causes majeures du déficit. Résultat : le débat est tronqué. Le Parlement, qui n'est pas informé sur l'impact récessif des mesures proposées, est privé de vrais arbitrages, alors que vous faites mine de lui rendre la main.

Les économies attendues sur les indemnités journalières sont de pur affichage. Votre projet a été qualifié par un ancien directeur de la Cnam de « musée des horreurs ». Vous avez reculé sur le décalage de la réforme des retraites ou l'année blanche, mais n'avez concédé qu'une nouvelle recette très insuffisante en compensation.

Ce texte poursuit la politique des caisses vides, qui met en grand danger notre sécurité sociale. Le Gouvernement applique autoritairement des rétrocessions de 3 milliards sur les recettes de la sécurité sociale.

Votre texte initial et vos propositions à l'Assemblée nationale manquent de sérieux. Une trajectoire sérieuse repose sur des mesures efficaces sur les dépenses et sur des recettes nouvelles et récurrentes.

Ce budget invotable est le résultat de votre refus d'admettre que le vrai problème des comptes publics, c'est la dynamique des recettes !

L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) souligne que l'écart entre les dépenses et les recettes des administrations publiques a augmenté de deux points entre 2017 et 2024. Je cite : « cette dégradation du solde structurel s'explique essentiellement par la baisse non financée des prélèvements obligatoires, et non par une dérive des dépenses publiques, qui ont reculé de 0,3 point sur la période ».

Nier les données objectives relève chez vous de la post-vérité ! Surtout lorsque l'on fait mine ensuite de découvrir la dérive budgétaire.

L'année dernière, la Cour des comptes a alerté sur la situation de l'Acoss, qui assure une quasi-gestion des déficits et de la dette, à la place de la Cades.

L'inaction emporte l'irresponsabilité. Le risque de crise de liquidité justifiera alors des mesures urgentes et non débattues.

Ce budget inconsistant est bien celui du Gouvernement. Après le chantage sur le PLFSS, la ministre des comptes publics annonce désormais que l'avenir du décalage de la réforme des retraites dépend du vote du PLF. Saisine du comité d'alerte ou passage par ordonnance, qu'aura vraiment décidé le Parlement ? Sur quoi allons-nous débattre ?

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Sur un budget insincère, inconséquent, plombé d'aléas, qui évolue au gré du vent politique. Nous estimons qu'il n'y a pas lieu de poursuivre les débats. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe CRCE-K ; M. Pierre-Alain Roiron applaudit également.)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Voter cette motion, c'est refuser le débat et nous priver de vos interventions, madame la sénatrice, ce que je regretterais. (Sourires) C'est ce que les cavaliers, en Mayenne, qualifient de refus d'obstacle. Il y a beaucoup à dire sur l'insincérité de l'Ondam, sur l'imprudence - qui est collective. Comment en est-on arrivé à de tels déficits, alors que nous ne sommes même pas en période de crise ? (Exclamations ironiques à gauche)

M. Mickaël Vallet.  - Il y a eu Bruno Le Maire !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Montrons aux Français que nous travaillons à une meilleure trajectoire. Tous ceux que je rencontre me disent compter sur le Sénat pour y travailler.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Ils comptent sur nous, à gauche !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Nous n'irons pas loin avec de tels déficits, que nous reportons sur les générations à venir ! Combien de jeunes ne croient déjà plus à la retraite par répartition et capitalisent autrement ?

Mme Monique Lubin.  - Arrêtez avec ça !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Il est grand temps de débattre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDPI et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Le mot d'insincérité est lourd de conséquences. C'est pourquoi le HCFP, indépendant, a la charge d'informer le Parlement, par des avis publics, des risques d'insincérité sur les textes budgétaires, si les prévisions macroéconomiques, de recettes ou de dépenses étaient fantaisistes. Sinon, la tentation serait grande de présenter des budgets magiques !

Je suis très attachée à ce que toutes nos prévisions et projections soient les plus sincères possibles. L'avis du HCFP sur le PLF et le PLFSS ne pointe aucun risque d'insincérité. (M. Victorin Lurel ironise.)

Ce serait le PLFSS des horreurs ? Plus de 90 % des économies proposées sont issues du rapport « Charges et produits » de la Cnam, validées par son conseil d'administration, qui est paritaire. Elles ne sortent pas d'une administration déconnectée !

Mme Laurence Rossignol.  - C'est un argument insincère !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Sur les retraites, il s'agit de propositions issues du conclave : les partenaires sociaux ont proposé une sous-indexation des retraites de 0,4 point pour les années à venir.

Vous estimez que l'Ondam est construit de manière insincère. Certes, le PLFSS organise un transfert de charges entre la sécurité sociale, la mutualisation collective, la mutualisation des complémentaires et les assurés. Le Gouvernement prévoyait une hausse de 2 % des dépenses effectives dans le système de santé, financées en partie par la sécurité sociale, en partie par les complémentaires, en partie par les assurés - taux passé à 3,3 % après le passage à l'Assemblée nationale, voire à 3,6 % pour les soins de ville. Distinguons l'avant et l'après transfert.

Vous estimez que les franchises doivent être supportées par ceux qui en ont les moyens.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Je n'ai pas dit cela.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Vous appeliez à tenir compte du pouvoir d'achat.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - J'ai dit que le PLFSS aurait un impact sur le pouvoir d'achat.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Précisément : quand les bénéficiaires du RSA ou de l'Aspa, les mineurs, les femmes enceintes, etc., soit dix-huit millions de Français, sont exonérés de contribution sociale solidaire, nous tenons compte du pouvoir d'achat ! Débattons plutôt des publics éligibles - par exemple, les jeunes jusqu'à 21 ans.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Hors sujet !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - La question de la TVA fait polémique. Effectivement, les recettes sont inférieures de 4 milliards d'euros à la prévision. Pourtant, la base taxable a augmenté de 1,7 % ; la consommation en valeur a augmenté de 1,6 % ; le pouvoir d'achat de 1,1 %. Or l'impôt n'augmente pas, alors que la base taxable augmente... J'ai missionné l'IGF et mes services pour comprendre pourquoi. Il y a plusieurs pistes : la sous-déclaration des valeurs des petits colis, qui peut se monter à 1 milliard d'euros ; la fraude, d'où le projet de facturation électronique ; la sous-déclaration et les activités hors TVA, plus courantes que naguère ; la distorsion de la consommation, enfin : on a moins acheté de biens à 20 %, plus de bien à 5,5 %.

Ces débats méritent du temps, des faits, des arguments. Je souhaite en débattre ici, pour vous apporter nos éclairages, avant votre vote souverain. Avec plus de mille amendements, nous aurons l'opportunité de débattre. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE)

Mme Cécile Cukierman.  - Nous voterons cette motion.

Mme la ministre nous présente sa version de la réalité, mais il y en a une autre. Ce déficit est un déficit organisé : plus de 80 milliards d'euros d'exonération de cotisations depuis 2017, ce n'est pas un problème de croissance, c'est un choix politique. Celui de créer le déficit, puis d'imposer aux Français des restrictions pour combler le déficit créé au profit des plus riches !

Habilement, vous dites maintenant que la baisse des recettes justifie de couper dans les droits sociaux. Vous êtes en train de piétiner la sécurité sociale et donc le lien social, la protection des plus démunis, le droit à bien vivre ! (Applaudissements sur les travées des groupeCRCE-K, du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - J'espère que le débat sur ce budget insincère sera, lui, sincère - et que vous le serez aussi.

Sur le pouvoir d'achat, vous me prêtez des propos qui ne sont pas les miens. J'ai parlé de l'effet macroéconomique récessif de ce PLFSS sur la consommation et l'emploi. Nul doute que vous l'invoquerez vous-même demain, quand nous proposerons d'augmenter certaines taxes sur le capital ou les cotisations sociales...

Vous ne tenez absolument pas compte des réserves de la Cour des comptes et du HCFP. Certes, ils n'ont pas jugé le budget insincère, mais considèrent que vos recettes sont surestimées.

Enfin, vous piochez dans le rapport de la Cnam les propositions qui vous agréent, et ne retenez pas, par exemple, celles de M. Vachey. Demain, nous présenterons celles que nous avons, nous, retenues ! (Applaudissements sur les travées du GEST, du groupe CRCE-K, et sur quelques travées du groupe SER)

La motion n°1 est mise aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°31 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 277
Pour l'adoption  34
Contre 243

La motion n°1 n'est pas adoptée.

Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président

Renvoi en commission

M. le président.  - Motion n°744 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - La sécurité sociale, c'est avant tout la vie des gens. Les budgets ont un impact. Derrière les chiffres, il y a des hommes et des femmes, retraités ou travailleurs, malades ou en situation de handicap.

Nos hôpitaux et nos Ehpad sont pour la plupart en déficit. Avec un Ondam à 1,6, vous allez définitivement plomber notre système de soins. Plus de 6,5 millions de nos concitoyens n'ont plus de médecin traitant. Même le vice-président Milon a dénoncé un texte touffu et peu cohérent. Autant de sujets dont nous aurions dû parler en commission !

Or, votre seule obsession a été de réduire le déficit à 15,5 milliards d'euros, alors que la proposition du Gouvernement, déjà austéritaire, était de 17,5 milliards. Nous savons pouvoir compter sur les droites sénatoriales pour faire toujours plus et mieux...

Les débats sur les moyens de lutter contre l'insécurité sociale et la précarité ont fait place aux débats sur les moyens de réduire le fameux « trou de la Sécu », ce siphon qui doit emporter les générations futures... Pompidou l'évoquait pour la première fois en juin 1967 ; depuis, les gouvernements successifs justifient par cet argument toutes leurs contre-réformes. Les déficits justifient de s'en prendre aux faibles, aux malades, aux retraités, aux apprentis. Jamais on ne met à contribution les forts, les grandes entreprises, les revenus financiers, les milliardaires...

D'un côté, vous affaiblissez la sécurité sociale ; de l'autre, vous menez la bataille idéologique contre le système de solidarité en protégeant les puissants. Nous sommes dans une bataille de classe.

En 1994, au Sénat, Simone Veil déclarait : « Gardons-nous d'oublier notre bien commun qu'est la sécurité sociale, de l'appréhender seulement sous l'angle des charges et des déficits. Rappelons-nous ce qu'était la société française auparavant. La sécurité sociale, ce n'est pas seulement un trou financier. C'est d'abord un immense progrès social et le plus puissant facteur de cohésion sociale qui existe en France ». Interrogeons-nous sur le projet de société que nous souhaitons.

Notre modèle de sécurité sociale est fondé sur la cotisation sociale, salaire socialisé. Lorsque la part des cotisations patronales dans son financement disparaît, c'est le salaire brut des salariés qui diminue. Les cotisations sociales représentaient 82 % des ressources du régime obligatoire en 1993 ; aujourd'hui, 49 %. La montée en charge de la CSG et les exonérations compensées par la TVA ont dénaturé notre modèle et asséché les recettes.

Le rapport de la commission d'enquête sur les aides publiques aux entreprises, signé par Fabien Gay, a mis en exergue l'absence de transparence et de contreparties. Alors que chaque euro de RSA doit être justifié, les entreprises perçoivent 211 milliards d'euros chaque année, sans contrepartie ! Si nous avions conditionné les aides versées à Greybull pour la reprise de NovAsco, le ministre de l'industrie ne serait pas là à dénoncer un fonds d'investissement voyou, qui a investi 1,5 million d'euros sur les 90 millions promis, alors que l'État lui a versé 85 millions ! Je pense aux 549 salariés laissés sur le carreau, aux sous-traitants.

Parler de la sécurité sociale, c'est parler des vies humaines, et pas seulement du déficit. Je regrette que le Gouvernement et la majorité sénatoriale, si prompts à supprimer les exonérations de cotisations sociales des apprentis, n'en fasse pas autant pour les exonérations de cotisations patronales. Voilà qui renflouerait les caisses ! L'an dernier, le Gouvernement a péniblement accepté de réduire les allègements généraux de 3 milliards d'euros ? mais pour les transférer au budget de l'État. C'est scandaleux, d'autant que cela s'ajoute aux 2,8 milliards d'euros d'allègements non compensés par l'État à la sécurité sociale.

Ce PLFSS est un concours Lépine de mesures antisociales : hausse des cotisations des complémentaires retraite, doublement des franchises et participations, gel des prestations sociales et pensions, désindexation. Les rapporteurs les ont rétablies, avec de pseudo-correctifs : on exclut l'AAH, mais on gèle toutes les autres allocations...

Sur le gel des pensions au-delà de 1 400 euros, nous aimerions une estimation du nombre de retraités concernés ? le rapport de Mme Gruny est muet. Je rappelle que l'an dernier, le gouvernement Barnier est tombé sur l'amendement Wauquiez qui prévoyait un gel au-dessus de 1 500 euros... Vous allez réduire le pouvoir d'achat de nos aînés, dont le niveau de pension est en dessous du seuil de pauvreté. Est-ce le message que vous voulez envoyer, à la veille des municipales ?

Votre amendement baisse les pensions de 240 euros par an, au prétexte de la lutte contre l'hystérie fiscale. La majorité sénatoriale passe le Kärcher sur notre modèle social pour protéger les revenus financiers, les entreprises du CAC 40 et les milliardaires !

Seule l'abrogation de la scélérate réforme Borne permettra à des millions de salariés de vivre plus longtemps et en bonne santé.

Enfin, la commission peut-elle nous éclairer sur ses intentions en cas d'échec de la CMP ?

Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à voter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Un renvoi en commission nous mettrait hors délai constitutionnel... Cela vous arrange peut-être, mais nous, nous voulons débattre !

Le texte nous a certes été transmis très tardivement (Mmes Silvana Silvani et Cécile Cukierman le confirment.), mais nous avons été capables de répondre à cette précipitation ; nous avons travaillé, organisé des auditions. Nous étudions ces sujets toute l'année, dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss).

Le Sénat est capable de s'adapter et de trouver des solutions pour ramener notre système de sécurité sociale vers l'équilibre, car nous avons besoin de le sauver !

Que se passera-t-il si la commission mixte paritaire n'est pas conclusive ? Je ne lis pas dans le marc de café. L'année dernière, elle l'était ; deux jours après, le gouvernement Barnier tombait. Auparavant, nous avions des commissions mixtes paritaires non conclusives, mais des avancées en deuxième lecture...

Avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist, ministre.  - Cette année, le budget impose une maîtrise de nos dépenses et un Ondam resserré. Mais nous ne sommes pas déconnectés des réalités. En témoigne l'augmentation de 2,6 milliards d'euros de l'Ondam pour les établissements de santé, auxquels s'ajoutent les 850 millions issus d'un amendement du Gouvernement.

Oui, nous maîtrisons les dépenses pour retrouver une trajectoire crédible. Cela nous permettra aussi de financer des mesures importantes : 65 millions d'euros pour la psychiatrie, 100 millions pour augmenter le nombre d'étudiants dans les établissements de santé, etc.

L'efficience des établissements de santé doit aussi être améliorée.

L'Ondam est serré, mais pas irréaliste.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Parler d'« austérité » quand le budget est en déficit de 17,5 milliards d'euros m'interroge... C'est quand même de l'argent qui part et que l'on va devoir trouver ailleurs ! (Exclamations sur plusieurs travées des groupes CRCE-K et SER)

On aurait dû écouter Georges Pompidou en 1967 : nous sommes-nous suffisamment occupés de la sécurité sociale ? Depuis, nous avons subi une lente dérive structurelle.

Nous sommes tous d'accord pour dire que la sécurité sociale est un bien commun des Français, dont nous sommes fiers.

Mais la démographie déséquilibre de plus en plus nos caisses de retraite. C'est une science terrible : même avec des décisions fortes, il faudra des décennies pour infléchir la tendance.

Le monde économique a changé depuis 1945 : il est plus ouvert, plus concurrentiel, digitalisé. Nous devons nous adapter. (Mme Raymonde Poncet Monge manifeste son exaspération.)

Oui, il faut de la solidarité. Nous devons veiller notamment à ce que les jeunes actifs ne se disent pas qu'ils font tous les efforts pour les retraités. Nous devons aussi faire attention aux entreprises. Je suis un militant du travail : je veux que les gens travaillent et suis très attaché à la dignité du travail. Les jeunes travaillent trop tard, les seniors pas assez. (Plusieurs protestations sur les travées du GEST) Mais le travail ne se décrète pas, il faut des emplois.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - On en parlera !

M. Jean-Pierre Farandou, ministre.  - Je suis favorable au débat et le Gouvernement y est prêt. À la fin, c'est vous qui déciderez.

À la demande de la commission des affaires sociales, la motion n°744 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°32 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 326
Pour l'adoption   83
Contre 243

La motion n°744 n'est pas adoptée.

Discussion générale (Suite)

M. Daniel Chasseing .  - La sécurité sociale est la colonne vertébrale de la République. Riches ou pauvres, nous sommes soignés de la même façon. Unissons-nous pour sauver les acquis sociaux du CNR.

La sécurité sociale sera en déficit de 23 milliards d'euros cette année. Pour 2026, le Gouvernement avait proposé de ramener ce déficit à 17 milliards d'euros, mais après examen à l'Assemblée nationale, le déficit s'établirait aux alentours de 24 milliards d'euros en raison de plusieurs suppressions - de la contribution des mutuelles, des franchises, de l'année blanche, notamment -, que ne compense pas l'augmentation de certaines taxes.

La suspension de la réforme des retraites aggravera le déficit de 1,4 milliard d'euros. Nous proposons de revenir à la réforme de 2023, votée par le Sénat. Il est indispensable que nous augmentions notre volume de travail, pour plus de recettes et une compétitivité renforcée. Nous devrons aussi débattre de la retraite par capitalisation.

Il nous faudra aussi des recettes supplémentaires, pour faire face à des dépenses supplémentaires. Les malades en ALD étaient 9 millions en 2012, ils sont désormais 14 millions et seront 18 millions en 2035. Or les trois quarts des dépenses de l'assurance maladie viennent des ALD.

Le nombre de jours d'arrêt de travail au titre des ALD non exonérantes - troubles musculosquelettiques et dépressions légères - augmente de 6,4 % par an, pour un coût de 3,4 milliards d'euros. D'où mon amendement d'appel. Il faut améliorer les postes de travail, mais attention aux arrêts de travail, qui risquent de conduire à de la désinsertion professionnelle. Pourquoi ne pas envisager une ALD de niveau 1, comme le propose l'article 19 ?

Un meilleur encadrement des arrêts maladie - notamment ceux délivrés en téléconsultation - est indispensable. Leur coût a augmenté de 28 % ces quatre dernières années. D'où mon amendement pour rétablir l'article du texte initial limitant le premier arrêt à quinze jours.

Les retraités étaient 4 millions en 1990 ; ils sont 18 millions et seront probablement 25 millions en 2040. Leurs pensions représentent 14 % du PIB, 24 % des dépenses publiques, pour un déficit de 6 milliards d'euros cette année.

Les retraites ont toujours été revalorisées entre 2020 et 2025, préservant ainsi le pouvoir d'achat des retraités. Aujourd'hui, il leur est demandé de participer à l'effort par un gel des pensions, tout en préservant les petites retraites et l'AAH.

Je salue quelques améliorations : extension du capital décès aux ayants droit des non-salariés agricoles ; amélioration du recouvrement des pensions alimentaires ; instauration d'un nouveau congé de naissance ; meilleure valorisation du congé maternité dans le calcul de la retraite ; simplification du cumul emploi-retraite ; un milliard d'euros de crédits supplémentaires pour les hôpitaux.

La Cour des comptes nous le dit : le déficit de la sécurité sociale est hors de contrôle. Il ne peut être laissé à nos enfants.

Et nous devrons tenir compte de l'explosion de la dépendance - le nombre de personnes de plus de 85 ans doublera entre 2020 et 2040 - et de la dégradation de la santé mentale - d'où mon amendement sur les crédits des centres médico-psychologiques.

Pour maintenir nos acquis sociaux, nous avons besoin de plus de cotisants, de plus d'emplois et donc d'entreprises compétitives. Les Indépendants souhaitent redonner au travail sa place de valeur socle. Ne laissons pas une dette insurmontable à nos enfants ! Nous espérons que le travail du Sénat sauvera la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains)

M. Jean Sol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La sécurité sociale, qui incarne notre solidarité nationale, fête ses 80 ans. Mais cet anniversaire s'accompagne d'une réalité préoccupante : les comptes de l'assurance maladie et de la branche vieillesse affichent un déséquilibre durable. Le vieillissement de la population, la hausse des dépenses de santé et la baisse de la natalité fragilisent notre modèle, conçu pour une autre époque.

Alors que la France est écrasée par sa dette publique, supérieure à 3 400 milliards d'euros, la dette sociale touche au coeur même de notre pacte républicain. Où est la solidarité intergénérationnelle quand nous transférons son poids à nos enfants ? La Cades, créée à cet effet, a déjà amorti 266 milliards d'euros depuis 1996. C'est un effort collectif considérable, mais le système est à bout de souffle.

Plus aucun transfert de dette n'est possible. La sécurité sociale s'endette pour boucler ses fins de mois et malgré le rehaussement de son plafond d'emprunt de 65 à 83 milliards d'euros, l'Acoss pourrait rencontrer des difficultés pour se refinancer.

Nous abordons le PLFSS avec inquiétude. Même rectifié à plus de 2 %, le taux de progression de l'Ondam ne semble pas tenable : les économies ? 7,1 milliards d'euros ? sont incertaines, et souvenons-nous que la progression moyenne annuelle entre 2019 et 2025 était de 4,8 % ! Des mesures de régulation unilatérales sont à craindre. Et quid des 13 milliards d'euros jamais financés du Ségur ? Nous voterons la suppression de l'article 49.

L'abandon de la réforme des retraites est une faute qui fragilise nos comptes sociaux et envoie un message désastreux : la France recule.

Mme Frédérique Puissat.  - Très bien !

M. Jean Sol.  - Cette réforme impopulaire est pourtant nécessaire pour garantir les retraites de demain et que le travail garde sa valeur. Ne nous privons pas de nos seniors !

Nous défendons la maîtrise des dépenses plutôt que l'augmentation des recettes. Nous voterons pour la suppression de l'article 6 bis qui visait à prélever 2,8 milliards d'euros sur l'épargne des Français. Nous soutiendrons la limitation des niches sociales, sans fragiliser certains territoires, notamment d'outre-mer. En responsabilité, nous proposerons le gel des prestations sociales et des pensions de retraite, en excluant celles inférieures à 1 400 euros et l'AAH.

Le volet santé de ce texte manque d'une vision d'ensemble et met à mal la relation avec les professionnels de santé. Des économies sont pourtant possibles, en développant l'hébergement temporaire non médicalisé par exemple.

Un plan pluriannuel, avec une règle d'or interdisant les déficits, pourrait sauver notre modèle, bien plus que des taxes sur les plus riches ! Choisissons la responsabilité plutôt que la facilité. Nous voterons les amendements des rapporteurs. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP)

M. Xavier Iacovelli .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Nous venons de célébrer les 80 ans des ordonnances fondatrices de la sécurité sociale, qui ont créé un droit nouveau, révolutionnaire : être protégé parce que l'on est citoyen. La santé n'est pas un privilège, la solidarité n'est pas une faveur.

Mais notre modèle de 1945 ne répond plus aux besoins de 2025 : vieillissement, baisse de la natalité, maladies chroniques... On exige tout de la sécurité sociale : qu'elle soit généreuse, rapide, performante, économe... Mais on ne peut plus dire tout et son contraire : dénoncer les déficits en refusant les nouvelles recettes, vouloir sauver l'hôpital en réduisant ses moyens. Notre modèle social est un géant fatigué, dont les fondations sont fragilisées. La sécurité sociale doit cesser d'être un champ de bataille politique pour redevenir le lieu de notre responsabilité collective.

Le texte initial n'était pas parfait, mais celui-ci l'est encore moins. La succession des réformes des retraites est le signal que notre modèle est devenu obsolète. À l'Assemblée nationale, un tourbillon de contradictions a abouti au vote d'amendements incompréhensibles. Voyez la suppression de l'article 7 sur la contribution des complémentaires santé : 1 milliard d'euros de recettes envolées ! Nous ne pouvons continuer à promettre sans financer ni à dépenser sans compter.

J'espère que nous montrerons que le Sénat est à la hauteur des enjeux. Ceux qui sont attachés à notre modèle social ne peuvent se contenter du statu quo : il faut le réformer, faute de quoi il disparaîtra. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE et sur des travées de groupe Les Républicains)

Mme Annie Le Houerou .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Yannick Neuder lui-même a dit de ce budget qu'il était déséquilibré, sans cap ni cohérence. C'est un désastre pour nos concitoyens, un peu amélioré à l'Assemblée nationale grâce à la détermination des députés socialistes.

Votre budget initial ne répond qu'à un impératif comptable : il met à contribution les plus vulnérables et épargne ceux qui ont engrangé bénéfices et dividendes. Vous prétendez préserver la croissance du pays, mais ce budget présente un risque récessif réel !

Une loi de programmation pluriannuelle des dépenses de sécurité sociale s'impose. L'efficience des dépenses peut et doit être améliorée. Mais le déficit s'explique par des coupes de recettes et des dépenses exceptionnelles non financées. Il faut revenir sur les exonérations massives de cotisations des années Macron, soumettre à cotisations les rachats d'action et les primes de partage de la valeur, augmenter la CSG sur les patrimoines élevés, instaurer des taxes comportementales. C'est une question de justice sociale et de bonne gestion.

Alors que vous, vous mettez à contribution les malades et les assurés, sans concertation. Vous culpabilisez les Français, comme si un arrêt maladie ou un médicament étaient un choix de confort !

La financiarisation de notre système de soins, engagée depuis huit ans, est une impasse pour les assurés comme pour les comptes sociaux. Nous nous éloignons toujours plus des principes de 1945.

Nos collègues députés ont défendu une trajectoire de retour à l'équilibre, sans la panoplie d'horreurs réduisant les droits des assurés. Nous poursuivons ce combat, alors que la commission des affaires sociales a déjà supprimé tous les articles de progrès. La droite sénatoriale a nettoyé le texte « au karcher » : quel mépris ! Chers collègues du centre et de la droite, j'en appelle à votre responsabilité : les avancées de l'Assemblée nationale sont conformes aux attentes des Français. Trouvons un compromis juste, dans l'attente des échéances de 2027.

Le Premier ministre doit fixer le cap, alors qu'il navigue dans le brouillard. Un Ondam à 1,6 %, c'est impossible, madame la ministre : vous le savez. Ce budget n'est pas à la hauteur, et vous l'avez reconnu en accordant 1 milliard d'euros supplémentaires aux établissements.

Ne redoutons pas le mur démographique. La croissance des dépenses est naturelle, il faut s'y adapter, en développant la prévention. Nous proposons de maîtriser les dépenses sans rogner les prestations. Nous refusons l'augmentation des franchises médicales, la limitation des ALD, le gel des minima sociaux et des retraites et le retour de la réforme des retraites.

Nous militons pour lisser l'effort sur cinq ans, grâce à 10 milliards de recettes sur les plus aisés ? c'est peu sur un budget de 677 milliards d'euros ? et 5 milliards de baisses des dépenses.

Nous voulons fêter les 80 ans de la sécurité sociale, pilier du contrat social qui nous lie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Céline Brulin .  - Alors que ce PLFSS devrait se doter de nouvelles ressources pour améliorer l'accès de tous aux soins, répondre au refus -  majoritaire dans le pays  - de la retraite à 64 ans, relever le défi du grand âge, mieux accompagner nos concitoyens en situation de handicap et réduire le nombre de morts au travail, quelle est la priorité partagée du Gouvernement et de la majorité sénatoriale ? Économies, économies, économies !

Personne ici n'est insensible à la situation financière de notre système de sécurité sociale. Mais est-ce en amplifiant les logiques qui ont conduit aux déficits qu'on les résorbera ? Faire travailler les Français plus longtemps ? Déjà essayé ! Augmenter les franchises médicales ? Déjà essayé ! Responsabiliser les professionnels de santé ? Déjà essayé ! Pourquoi cela fonctionnerait-il mieux cette fois-ci ?

Des ressources sont à trouver du côté des exonérations de cotisations sociales, qui représentent quatre fois le déficit de la sécurité sociale. Pourtant, la seule remise en cause de ces exonérations que vous acceptez concerne les apprentis : vous voulez leur retirer 100 euros par mois, alors que vous refusez de demander un effort aux entreprises françaises qui ont distribué 69 milliards d'euros de dividendes, en hausse de 8 % en un an ! Pourtant, l'argument du coût du travail ne tient pas : un récent rapport sénatorial a montré que les grandes entreprises sont massivement aidées.

L'année blanche sur les pensions de retraite et les prestations sociales est une mesure très grave. Avec cynisme, vous considérez qu'à partir de 1 400 euros, les retraités sont riches et doivent être mis à contribution. Or une étude vient de montrer qu'en vingt ans les revenus des 0,1 % les plus riches ont augmenté deux fois et demie plus vite que ceux des autres Français ! Et la taxe de 1 milliard d'euros sur les complémentaires santé se répercutera sur tous, tout particulièrement les retraités.

Les nouvelles ressources ne doivent être cherchées ni dans les poches des malades ni dans celles des bénéficiaires des prestations sociales ou des retraités. Nous ferons des propositions avec nos amendements.

Une hausse de l'Ondam de 2 % sera intégralement absorbée par l'inflation et la hausse des cotisations à la CNRACL. Dans plus des deux tiers des hôpitaux publics, les recettes sont inférieures aux coûts de fonctionnement. Leur déficit est passé de 415 millions d'euros en 2019 à 2,8 milliards d'euros en 2024. En cause, un sous-financement chronique, une inadéquation entre les tarifs et le coût réel des soins, le non-financement du Ségur, et l'inflation. Les conséquences sont connues : dégradation des conditions de travail, fuite des personnels, fermeture de lits.

Au CHU de Rouen, une dame de 99 ans a passé 64 heures sur un brancard avant d'être hospitalisée ! Le CHU de Caen, comme celui de Toulouse, ne pourra plus accueillir d'internes aux urgences au prochain semestre. Ailleurs, les urgences fonctionnent par intermittence.

Chaque mois, nous examinons des propositions de loi relatives à la santé, alors que le Gouvernement est incapable de bâtir une loi de programmation de la santé.

L'annonce de la création d'un réseau France santé relève davantage de l'opération de communication que d'une véritable amélioration de l'accès aux soins. Le Gouvernement ferait mieux d'inscrire la proposition de loi transpartisane sur les déserts médicaux à l'ordre du jour du Sénat. (L'oratrice est prise d'une quinte de toux ; on applaudit sur de nombreuses travées pour l'encourager.)

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Voilà à quoi sert la sécurité sociale !

Mme Céline Brulin.  - Le Gouvernement ferait mieux de renoncer définitivement à toute nouvelle augmentation des franchises médicales et des participations forfaitaires. Qui doit être responsabilisé, en réalité, quand la France est le pays développé où les inégalités sociales de santé sont les plus élevées ?

Fixer un Ondam si bas n'est-il pas le moyen que le comité donne l'alerte, et que le Gouvernement prenne seul des décisions par voie réglementaire, sans débat démocratique, alors que vous nous jurez, la main sur le coeur, ne pas vouloir recourir au 49.3 ?

Alors que ce PLFSS est déjà très inquiétant, quelques snipers veulent encore en rajouter : deux jours de travail supplémentaires (Mme Brigitte Bourguignon soupire), retraite par capitalisation, déremboursement des soins de psychanalyse. Le désormais fameux amendement n°159 est d'autant plus surprenant que Jean Sol, Daniel Chasseing et moi avions préconisé de renforcer les moyens des centres médico-psychologiques dans un rapport récent, voté à l'unanimité de la commission des affaires sociales, sans que cette question soit soulevée...

Ce PLFSS 2026 n'apportera aucune réponse aux besoins des assurés sociaux.

Pardon pour cette toux. (Applaudissements)

Mme Anne Souyris .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Marion Canalès applaudit également.) Mesurons le poids des temps : l'Europe est agressée, l'ordre mondial déstabilisé par des puissances autocratiques, le changement climatique menace. Dans ce contexte, notre pays vit des heures incertaines, au bord d'une crise économique, confronté à une défiance qui s'installe et à des inégalités croissantes qui fragilisent sa cohésion.

Mais face à ces risques, nous bénéficions de l'incroyable promesse républicaine faite il y a quatre-vingts ans : assurer les travailleuses, les travailleurs et leurs familles contre les aléas, prodiguer soins et assistance aux malades, accompagner les plus âgés dans leur retraite, protéger les salariés des accidents.

La sécurité sociale révèle notre confiance collective dans l'égalité et la fraternité. Mais une crainte nous assaille : serait-elle menacée ?

Elle est confrontée à trois problèmes, à commencer par l'inadéquation entre ses objectifs et les moyens prévus. Le déficit atteint cette année 17 milliards d'euros. En cause, l'accroissement des besoins lié aux maladies chroniques, au vieillissement et à la dégradation des déterminants environnementaux de la santé, mais aussi une politique d'assèchement des recettes.

Ensuite, la sécurité sociale connaît une crise de liquidité. Sa trésorerie, grevée par l'accumulation des déficits, pourrait-elle assumer un choc économique sans reprise de ses 40 milliards d'euros de dette ?

Enfin, elle souffre de l'insuffisance des financements accordés à notre système de santé. Au moins 2,5 milliards d'euros manquent. L'hôpital public ne tient plus que par l'engagement des femmes et des hommes qui le portent à bout de bras.

L'avenir est sombre. En commission, certains se sont même demandé : pouvons-nous encore sauver la sécurité sociale ? Tant que nous nous battrons, il y aura un espoir. René Dumont disait : « l'utopie ou la mort ». L'enjeu de ce débat, c'est la survie de la sécurité sociale. À notre tour de vous appeler à la responsabilité : battons-nous ensemble pour la sauver !

Le GEST propose 20 milliards d'euros de nouvelles recettes pour les comptes sociaux. Alors que les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres, augmentons à 12 % la CSG sur les revenus du capital, pour 3 milliards d'euros supplémentaires. Mettons fin au pillage de la sécurité sociale par les structures financiarisées. Encourageons la prévention et la santé environnementale, sources d'économies, notamment en nous attaquant à la malbouffe et aux cadeaux fiscaux au vin et aux produits sucrés. Soutenons les dispositifs qui ont fait leurs preuves, comme Mon soutien psy.

Nous voulons aussi protéger les plus vulnérables, en supprimant le doublement et l'extension des franchises, en revalorisant l'Ondam à 3 % au moins, en défendant l'abrogation de la réforme des retraites pour les générations présentes et à venir.

Pour cela, au lieu d'effacer le texte de l'Assemblée nationale, comme l'a fait la commission, continuons à le travailler. Sauver la sécurité sociale suppose un signal fort pour notre hôpital : un Ondam à 3 % avec des recettes réalistes et justes ! Pour cela, le Gouvernement doit sortir la tête du sable et rompre avec l'insincérité. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur des travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. Christopher Szczurek .  - L'ouverture de cette discussion ne relève pas de la routine parlementaire : rien dans ce débat n'a un caractère ordinaire.

Le budget le plus massif et structurant de la nation est devenu le théâtre de toutes les manoeuvres politiciennes, destinées à empêcher coûte que coûte le retour aux urnes et la victoire annoncée de la majorité nationale. En 2024 déjà, des accords électoraux de couloir avaient privé les Français de la stabilité politique à laquelle ils ont droit. Aujourd'hui, trop anxieux de perdre leurs sièges, députés socialistes et républicains nouent une alliance de circonstance au mépris du redressement de nos comptes sociaux et des Français eux-mêmes.

Quant aux macronistes, pour différer de quelques mois leur disparition électorale, ils bradent tout, jusqu'à leur réforme des retraites injuste, brutale et massivement rejetée. La voilà suspendue pour quelques millions d'euros, quelques centaines de milliers de bénéficiaires et, surtout, quelques fragiles positions dans l'hémicycle.

Le Rassemblement national est cohérent : à l'Assemblée nationale comme au Sénat, il vote la suspension de cette réforme, mais c'est sa suppression qui serait une victoire. Notre système de retraite ne sera sauvé que par une vraie politique nataliste et de production.

Chers collègues de la majorité sénatoriale, si le retour aux ors des ministères a satisfait quelques ego, qu'avez-vous gagné à participer au socle commun depuis trois ans ? Les socialistes se targuent de fausses victoires ; vous n'avez récolté que la déception de vos militants.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Et la sécurité sociale ?

Mme Émilienne Poumirol.  - Quel rapport avec le débat ?

M. Christopher Szczurek.  - Pour faire cesser l'explosion de la dette sociale, il faut des réformes structurelles limitant la bureaucratie et éteindre les pompes aspirantes de l'immigration. (Exclamations ironiques à gauche et sur quelques travées au centre) Hélas, nos débats risquent d'être vains, tant on entend la rumeur des ordonnances qui affaibliront encore un peu plus le parlementarisme.

M. Xavier Iacovelli.  - C'est sûr qu'avec vous... On ne vous voit jamais !

M. Christopher Szczurek.  - Devant ces manoeuvres et ce mépris, un grand nombre de nos compatriotes ressentent une profonde colère et une envie : passer définitivement à autre chose !

Mme Véronique Guillotin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le contexte est particulièrement grave.

Sur le plan financier, d'abord, le déficit de la sécurité sociale atteindra 23 milliards d'euros cette année. S'il faut saluer le respect des prévisions, on ne peut se satisfaire de cette situation insoutenable et qui pourrait rapidement devenir incontrôlable.

Sur le plan politique, ensuite, nous sommes sans majorité claire sous le regard de nos partenaires européens et des marchés financiers.

Le RDSE n'a pas voté les motions de procédure, car il souhaite le débat. Le texte issu de l'Assemblée nationale aggrave le déficit de 17 à 24 milliards d'euros. À l'inverse, la commission des affaires sociales défend une trajectoire responsable et maîtrisée, avec un déficit autour de 15 milliards d'euros. À l'Assemblée l'impasse, au Sénat la responsabilité.

Nous devons rétablir nos comptes sociaux sans renoncer à protéger les plus vulnérables. Mais les bonnes intentions n'y suffisent pas. Réduire les dépenses et créer des recettes nouvelles sans nuire au pouvoir d'achat des Français ni renoncer à des soins de qualité ne peut se faire sans réformes structurelles.

Nous devons travailler davantage, mieux lutter contre les fraudes, renforcer l'efficience des soins, adopter une vision pluriannuelle, décentraliser, mettre un terme à la suradministration, faire confiance aux professionnels de santé. Les centres hospitaliers de Valenciennes et Metz Thionville parviennent à l'équilibre : il faut s'en inspirer.

Nous ne soutiendrons pas la création de France santé. Consolidons l'existant sur la base du rapport de la Cour des comptes sur les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) plutôt que de créer des structures supplémentaires. Nous sommes critiques aussi sur les nouvelles équipes de soins traitants, qui complexifient les parcours de soins, et les contrats de praticien territorial en médecine ambulatoire, auxquels nous préférons la modulation de la rémunération des médecins en zones sous-dense.

Nous défendons la liberté de créer une nouvelle officine ou une antenne de pharmacie et saluons la création d'un nouveau congé de naissance, en espérant qu'il soutiendra la natalité. Nous soutenons la reconduction de la santé mentale comme grande cause nationale en 2026, proposée par Nathalie Delattre.

L'accélération du virage préventif est nécessaire. Je pense en particulier à l'augmentation de la vaccination antigrippale et à la distribution par les laboratoires de kits de dépistage du cancer colorectal.

Je défendrai des amendements visant à réorienter la consommation par des taxes comportementales. La santé passe aussi par l'alimentation. Je me réjouis en particulier que l'obligation du Nutriscore soit inscrite dans la loi, après de nombreuses tentatives infructueuses. (M. Xavier Iacovelli renchérit.)

Notre groupe tient à rappeler l'héritage profondément radical du solidarisme de Léon Bourgeois. Mais cette idée fondatrice de la sécurité sociale doit s'adapter aux nouvelles réalités démographiques et économiques. Notre modèle ne pourra être sauvé qu'en travaillant plus, et mieux ? avec plus de sens et de souplesse. N'opposons pas effort et qualité de vie.

La majorité des membres du RDSE s'abstiendra sur le rétablissement de la réforme des retraites. Sa suspension a un coût, mais peut être l'opportunité d'ouvrir de nouvelles voies, par exemple vers un système par points ou une part de capitalisation régulée. (Murmures désapprobateurs à gauche)

Le solidarisme ne promet pas la facilité ; il impose la responsabilité. Le RDSE aborde ce débat sans postures et avec le souhait d'une trajectoire de redressement crédible et juste. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI)

Mme Brigitte Bourguignon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Frédérique Puissat applaudit également.) Nous voici à un moment de vérité pour notre modèle social, dont les comptes sont plongés dans de profonds déficits. Assurer la pérennité de notre protection sociale et redresser nos finances publiques sont deux objectifs légitimes et complémentaires.

Le texte issu de l'Assemblée nationale est très perfectible, mais, plutôt que de le vouer aux gémonies, améliorons-le. Nos rapporteurs ont commencé à le faire en réduisant le déficit et en proposant des économies cohérentes. Notre responsabilité est grande : trouver le juste équilibre et des compromis utiles au pays.

Notre modèle a besoin de bases financières solides. Des efforts sont demandés, difficiles mais nécessaires ; ils doivent être ciblés et équitablement répartis. Nous pouvons ainsi financer des avancées concrètes, comme le congé supplémentaire de naissance ou le réseau France santé, plus qu'attendu par nos concitoyens. Tenir les comptes et corriger les inégalités : voilà nos objectifs.

En matière de retraites, le Gouvernement a choisi de suspendre la réforme. Nous pouvons l'entendre pour apaiser le pays, mais ce geste, coûteux, n'a de sens que s'il est le point de départ d'une grande conférence sociale sur l'avenir de notre système. Les règles ne peuvent changer chaque automne au gré des majorités.

M. Alain Milon, vice-président de la commission.  - Tout à fait !

Mme Brigitte Bourguignon.  - La gestion solide de l'Agirc-Arrco est un exemple : faisons confiance aux partenaires sociaux. Nous avons un devoir de franchise : les retraités qui ont cotisé ont des droits, mais leurs pensions sont financées par le travail des actifs. Nous ne pouvons pas tout promettre aux premiers en demandant toujours plus aux seconds, au risque d'affaiblir le consentement à la solidarité et le lien intergénérationnel. Le chemin est encore long pour adapter la société au vieillissement, mais le grand âge ne peut être une variable d'ajustement.

La sécurité sociale vit de l'activité ; ses ressources dépendent de la France qui travaille. Il faut donc défendre la valeur travail. Nous soutiendrons les amendements visant à rendre le travail plus attractif que l'inactivité, à favoriser l'emploi des seniors et à faciliter la vie des employeurs.

Contre la facilité, choisissons le chemin de l'exigence et de la vérité en demandant des efforts ciblés tout en protégeant les plus fragiles. Si le texte évolue en ce sens, nous prendrons nos responsabilités. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE)

Mme Florence Lassarade .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce PLFSS s'inscrit dans un contexte financier d'une exceptionnelle gravité. Le déficit est passé de 15 à 23 milliards d'euros entre 2024 et 2025. Notre modèle social se finance structurellement par la dette.

La branche maladie dérive dangereusement, tandis que la branche vieillesse demeure dans le rouge. L'excédent apparent de la branche famille masque la chute de la natalité, inédite depuis 1946.

L'Ondam ne progresse que de 2 %, loin des 4 % nécessaires ne serait-ce que pour maintenir le niveau actuel de soins. Cet écart colossal, on voudrait le combler sur le dos des assurés et des professionnels libéraux ?

Le texte issu de l'Assemblée nationale maltraite la médecine libérale et menace de l'asphyxier. Il multiplie les mesures punitives et suspicieuses. L'article 24 ouvre la voie à des baisses unilatérales de tarifs en l'absence d'accords, contre la logique même du conventionnement. L'article 31 prévoit de sanctionner les professionnels n'alimentant pas le dossier médical partagé (DMP). Autant de mesures qui traduisent un climat de méfiance inédit.

M. Laurent Somon.  - Bravo !

Mme Florence Lassarade.  - La médecine libérale n'a jamais autant été fragilisée. Certaines spécialités seraient rentables, dit-on ? Mais certains médecins de secteur 1 peinent à couvrir leurs charges et beaucoup de généralistes travaillent entre dix et douze heures par jour à 30 euros la consultation ! Ce n'est pas en humiliant la médecine de ville qu'on comblera les 23 milliards d'euros de déficit et qu'on réglera le problème de la démographie médicale. (M. Laurent Somon renchérit.)

Le Sénat corrigera ce texte déséquilibré qui met à mal le contrat de confiance entre les médecins et la sécurité sociale. Nous ne défendons pas une corporation, mais les patients et l'accès aux soins.

J'attire votre attention sur la radiothérapie dans les centres de lutte contre le cancer. Ces structures sont fragilisées par une baisse tarifaire injustifiée, qui menace leur équilibre financier et leur capacité à innover. Cette mesure creusera les inégalités et empêchera les patients d'accéder aux technologies les plus avancées.

Si nous ne faisons rien, le déficit atteindra 28,7 milliards d'euros l'année prochaine ! Mais les économies proposées par le Gouvernement ont été balayées par l'Assemblée nationale. La solution n'est pas de punir la médecine libérale, mais de choisir la responsabilité, la confiance et l'efficacité.

Nous avons besoin d'un système de santé solide, d'un hôpital fort, d'une médecine libérale attractive. La médecine libérale, pilier de notre modèle social, n'est pas le problème, mais la solution. Ne lui tournons pas le dos ! Sans médecins libéraux, il n'y aura pas de médecins du tout. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

Mme Solanges Nadille .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Comment maintenir un haut niveau de protection sociale dans un contexte de recettes limitées ? En examinant chaque dépense au prisme de son utilité et de son efficacité.

Garantir l'égalité d'accès aux soins est particulièrement nécessaire dans les outre-mer, où l'insularité, l'éloignement et la rareté de certains spécialistes aggravent la désertification. L'effort doit porter sur les soins de premier recours. Une maternité ou un psychiatre ne sont pas des options, mais des garanties d'égalité. Le mal-être des jeunes, en particulier, est plus élevé dans les outre-mer que dans l'Hexagone : c'est une bombe à retardement si nous ne faisons rien.

La Lodéom sociale est un amortisseur de secousses et un pilier de l'emploi local. Ne la fragilisons pas. Certes, les dispositifs peuvent être simplifiés et il faut lutter contre les abus, mais je mets en garde contre une réforme contreproductive en l'absence d'évaluation, ainsi que contre l'érosion silencieuse des moyens.

J'alerte sur l'accès aux pensions en outre-mer : nombre de néoretraités attendent des semaines, voire des mois, pour toucher leur pension.

L'adoption de ce texte est un préalable à toute politique plus ambitieuse au service de nos concitoyens. Le RDPI veillera à ce qu'il tienne ses promesses. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Bernard Jomier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous avons au moins un point d'accord avec la majorité sénatoriale : il faut ramener la branche maladie à l'équilibre. Un déficit de 24 milliards d'euros n'est pas tenable, et nous devons le ramener autour de 15 milliards. Cela dit, nous ne pouvons pas faire de reproches à l'Assemblée nationale, puisqu'elle n'est pas allée au bout du débat.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale.  - Le déficit aurait été pire...

M. Bernard Jomier.  - Nous nous opposons aux déremboursements, même cachés sous une novlangue qui parle, par exemple, de forfaits de responsabilité. Un épileptique est-il responsable de sa situation ? C'est une atteinte à l'esprit même de la sécurité sociale.

Ensuite, nous voulons chasser les dépenses inutiles. Ce texte contient une esquisse visant les rentes, mais mal calibrée : elle manque les acteurs financiers et ceux qui fraudent ou abusent. Il faut une lutte plus efficace contre les acteurs financiers qui considèrent la sécurité sociale comme un open bar ; hélas, le texte est embryonnaire sur la question.

Oui, nous voulons majorer les recettes, et d'abord en rétablissant les sources de financement pillées de l'État. À cet égard, je salue la position de la rapporteure générale sur l'article 12 et les 3 milliards d'euros confisqués par l'État.

Il nous faut aussi solliciter les plus fortunés et les revenus du capital. La hausse de la CSG d'un point sur ces derniers n'a rien d'excessif, et je regrette que la majorité sénatoriale tire un trait sur cette recette.

Quelles réformes structurelles proposez-vous ? Sur la territorialisation, France santé est un cafouillage total. La rapporteure Corinne Imbert a raison de vouloir supprimer ce dispositif auquel on ne comprend rien. Le Premier ministre parle de confier la santé aux préfets, mais où serait le progrès ? Dans une tribune, onze anciens ministres de la santé conseillent de ne pas s'engager dans cette voie.

Enfin, en matière de prévention et de sécurité sanitaire, ce texte ne contient rien. Pire, l'Anses, dont le rôle est fondamental, est volontairement décapitée par le Gouvernement : le Gouvernement la punit d'avoir protégé les Français contre les pollutions.

M. Patrick Kanner.  - Scandaleux !

M. Bernard Jomier.  - Ce n'est pas ainsi qu'on remettra notre système de santé sur de bons rails. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur de nombreuses travées du groupe CRCE-K)

Mme Jocelyne Guidez .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) « Attendre fait mal. Oublier fait mal. Mais ne pas savoir quelle décision prendre est la pire des souffrances » : je pense à ces mots de Paulo Coelho au moment où s'ouvre ce débat.

Année après année, les mêmes débats reviennent. On temporise, on ajuste à la marge, pendant que le rouleau compresseur de la dépense poursuit sa trajectoire effrénée. Entre 2024 et 2025, le déficit a augmenté de 50 %. C'est l'avenir de notre modèle social qui est en jeu. Nous devons maîtriser nos dépenses pour préserver notre pacte social.

L'Ondam est fixé à 1,6 %, un effort important sachant que les dépenses de santé augmentent de 4 %. Nous notons les économies liées à l'extension des participations forfaitaires et franchises, au recentrage vers les soins les plus efficients, à la maîtrise des arrêts de travail, à la régulation des secteurs financiarisés et à la lutte contre les rentes.

L'efficacité passe aussi par la simplification : l'article 22 engage ainsi des évolutions bienvenues. Mais seules des réformes structurelles permettront de retrouver l'équilibre budgétaire. Nos hôpitaux sont suradministrés, avec 34 % d'agents administratifs contre 20 % en Allemagne.

Le PLFSS reste trop timide en matière de prévention, une des rares sources d'endettement acceptables et le moyen d'économiser des milliards à long terme. L'article 21 quinquies autorise le remboursement de séances de guidance parentale pour les familles d'enfants présentant des troubles de neurodéveloppement. Mais nous regrettons que le texte n'aille pas plus loin pour la santé mentale, reconduite comme grande cause nationale.

Longtemps excédentaire, la branche AT-MP bascule dans le rouge en raison de la hausse structurelle des indemnités journalières. L'article 28 y répond, en mettant fin à des arrêts très longs, parfois supérieurs à dix ans.

Le dernier défi est démographique. Notre modèle de protection sociale repose sur le temps long. Un euro de dette aujourd'hui représente deux euros payés par nos enfants. Le gel des pensions constitue un acte de responsabilité, avec une économie de 2,7 milliards d'euros. Nous nous retrouvons dans le projet de loi tel que modifié par la commission.

L'article 43 clarifie le cumul emploi-retraite, pour encourager la prolongation de l'activité, et non les départs anticipés. Il faut travailler plus longtemps pour la survie de notre système.

Le déclin de la natalité, avec un taux de fécondité de 1,6 enfant par femme, est une bombe à retardement : c'est moins de cotisations pour demain. Le PLFSS prévoit un congé supplémentaire de naissance, à l'article 42, une mesure symbolique de 300 millions d'euros, somme qui aurait été mieux investie dans la garde d'enfants.

La commission partage notre souhait de rejeter l'article 38.

Nous saluons l'article 36, réformant le financement des établissements accueillant enfants et jeunes en situation de handicap, et l'article 37, apportant une réponse aux départements.

Le budget transmis par l'Assemblée nationale n'est pas acceptable en l'état. Il fallait faire le ménage. Certains voulaient sortir le balai, d'autres la tronçonneuse. Nous sommes plutôt pour le balai.

Nous serons particulièrement vigilants sur les amendements nos126, 128 et 572. Le premier rétablit le gel des prestations sociales. Le deuxième supprime la suspension de la réforme des retraites. Le troisième augmente la durée annuelle de travail de douze heures.

L'équilibre du régime assurantiel est indispensable pour que les Français puissent conserver durablement leurs droits. Rationalisons les dépenses d'aujourd'hui et préservons la soutenabilité du système. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

M. Khalifé Khalifé .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP ; M. Martin Lévrier applaudit également.) Nous attendons que le Sénat prenne ses responsabilités et propose pour la France un budget réaliste : telles sont les paroles que la majorité silencieuse de notre pays nous répète depuis des mois.

Je ne reviendrai pas sur les conditions d'élaboration de ce budget et mesure la difficulté de l'exercice. La situation est grave : le déficit de notre système social est majeur et entache notre crédibilité.

Pour ses 80 ans, offrons à la sécurité sociale un autre cadeau d'anniversaire. Prenons conscience de la situation comme l'ont fait les membres du CNR. Toutes tendances politiques confondues, des communistes aux gaullistes, des syndicats aux patrons, ils ont créé ce système de protection sociale et de fraternité.

Il est regrettable que la sécurité sociale soit parfois considérée comme un simple guichet, voire comme une vache à lait.

En cinquante ans, le vieillissement de la population, la dépendance ont incité les gouvernements à adapter les ressources à des besoins croissants pour atteindre 12 % du PIB en 2023 - mais c'est insuffisant.

Les réductions des recettes liées à la baisse des cotisants actifs, à la situation économique et à la maudite loi de réduction du temps de travail, sont en cause. Sans mesure correctrice, le déficit atteindra 29 milliards euros l'année prochaine.

En responsabilité, la commission des affaires sociales propose de le réduire à 15 milliards, un niveau largement inférieur aux 24 milliards d'euros consécutifs au passage à l'Assemblée nationale.

Malgré la brutalité de certaines propositions contre-productives, ce texte comporte quelques mesures utiles. Mais nous déplorons l'absence de réforme structurelle, notamment pour une politique de prévention. Comment gérer la progression de l'Ondam, alors que les dépenses de santé augmentent de 4 % par an ?

Il faut une maîtrise médicalisée des dépenses. Parler d'une « médecine de rente » est au mieux maladroit, d'autant qu'elle ne concerne qu'une part infime de la profession. À multiplier les dispositions punitives, il y a un risque que les professionnels rejoignent les structures financiarisées dont nous connaissons les pratiques. On pourra alors dire adieu à notre médecine et à l'accès aux soins pour tous.

Je suis inquiet du recul de la place de la France en matière de recherche clinique. Les évolutions proposées du régime de l'accès précoce risquent d'avoir des répercussions négatives pour l'accès aux thérapeutiques innovantes, notamment en cancérologie. Heureusement, les règles d'accès direct sont maintenues.

Il y a des fausses bonnes nouvelles, comme l'article 32 sur les médicaments non utilisés, qui serait utilement remplacé par des dispositions favorisant un conditionnement adapté à la prescription, ou l'article 35 sur les médicaments thérapeutiques équivalents, qui risque d'augmenter les tensions d'approvisionnement.

La réforme des docteurs junior se heurte au problème de leur rémunération. Il faut préparer sereinement la réforme tant attendue.

Au-delà des aspects financiers, il faut réorganiser les soins de manière visible et cohérente. Les pratiques professionnelles changent, les besoins varient selon les territoires. Nous avons proposé des amendements ciblés.

La branche AT-MP entre dans une trajectoire déficitaire, en raison des transferts et de l'inflation des indemnités journalières. Il faut réformer les cotisations.

Je ne m'attarde pas sur la branche vieillesse et le débat passionnel sur la réforme des retraites. Je vous laisse méditer la phrase de Pascal : « le coeur a ses raisons que la raison ne connaît point »... La pénibilité mérite un examen des situations individuelles fondé sur un avis médical.

La branche famille devrait enregistrer en 2026 un excédent lié à une baisse majeure de la natalité, un phénomène de plus en plus inquiétant pour le moyen et le long terme.

La branche autonomie mérite une réforme adaptée, tout comme les structures accueillant des personnes en situation de handicap et vieillissantes. Parent pauvre de notre système, elle nécessite une attention toute particulière.

Notre système de santé doit relever de nombreux défis. Nos concitoyens attendent des réponses justes et adaptées. Le texte n'est pas parfait mais reste un outil utile. La qualité de nos débats l'améliorera. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme Monique Lubin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Dans ce PLFSS, il y a la suspension de la réforme des retraites. Nous arrêtons le compteur à 62 ans et 9 mois pour les générations 1964 et 1965, et une durée d'assurance stabilisée à 170 trimestres.

Cette suspension, que vous choisissez de qualifier de « poudre de perlimpinpin », madame la rapporteure, reprenant les mots du Président de la République, les salariés l'attendent et les syndicats l'approuvent, estimant que ce n'est qu'un juste retour des choses après le conclave saccagé par le Medef.

Nous appuyons sur le bouton stop, pour commencer une réforme collective sur les retraites, mais plus largement sur la protection sociale en général, y compris celle des jeunes.

Dans son rapport, la rapporteure générale a précisé que le coût de cette suspension serait assez minime. Vous ne pourrez donc pas vous cacher derrière ce fragile argument.

Plus personne ne parlerait du sujet, dites-vous ? Nous aurions relancé ce débat uniquement pour des raisons idéologiques ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Bien sûr !

Mme Monique Lubin.  - Eh bien, vous vous trompez. Non, c'est François Bayrou qui a proposé un conclave. Il a échoué, mais le débat n'est pas clos.

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Et la pénibilité ?

Mme Monique Lubin.  - Si vous vous opposez à l'article 45 bis, c'est vous qui démontrerez que vous agissez pour des raisons purement idéologiques.

M. Patrick Kanner.  - Très bien !

Mme Monique Lubin.  - Les Français n'ont pas admis la réforme de 2023, qui demeure une plaie ouverte. Nous espérons réparer la République.

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Vous le direz aux jeunes qui n'auront pas de retraites !

Mme Monique Lubin.  - Nous agissons concrètement pour les salariés, pour maintenir et protéger notre système de retraite.

Il est insupportable d'entendre que les jeunes n'auront pas de retraites ; vous le répétez si souvent qu'ils ont fini par l'admettre. La baisse démographique ne fait pas chuter notre système de retraite. C'est faire fi des gains de productivité, qui pourraient être renforcés avec l'IA.

Nous nous battrons pour le système de retraite par répartition (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Pascale Gruny, rapporteur.  - Nous aussi !

Prochaine séance demain, jeudi 20 novembre, à 10 h 30.

La séance est levée à 20 h 45.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 20 novembre 2025

Séance publique

À 10 h 30, 14 h 30, le soir et la nuit

Présidence : M. Xavier Iacovelli, vice-président, Mme Sylvie Robert, vice-présidente M. Loïc Hervé, vice-président

Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale, transmis en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution, pour 2026 (n°122, 2025-2026) (Discussion des articles)