Article 27 quinquies
(Article L. 213-3 du code de la
route)
Direction ou gérance d'une auto-école
Commentaire : cet article vise à transposer la « directive services » afin de simplifier l'accès à l'activité de direction ou de gérance d'une auto-école.
I. Le droit en vigueur
L'article L. 213-3 du code de la route, énumère un certain nombre de conditions nécessaires pour pouvoir exploiter, à titre individuel, diriger ou gérer un établissement d'enseignement et d'animation de stages de sensibilisation à la sécurité routière. Outre la justification de la capacité à la gestion d'un établissement de ce type, figure également au nombre de ces conditions la possession d'une « expérience professionnelle » en matière d'enseignement de la conduite.
L'article R. 213-2 du même code précise cette condition : tout exploitant d'un établissement d'enseignement, à titre onéreux de la conduite des véhicules à moteur d'une catégorie donnée et de la sécurité routière ou d'un établissement de formation doit « justifier d'une expérience professionnelle de pratique de l'enseignement de la conduite, soit à temps plein pendant deux années continues ou non, soit à temps partiel pendant une durée totale équivalente aux deux années requises sur la base d'un temps plein ».
II. Le dispositif de la proposition de loi
Les articles 9.1 et 16.1 de la « directive services » disposent que les États membres ne peuvent subordonner l'accès à une activité de service à un régime d'autorisation et/ou à des exigences qui seraient discriminatoires , non justifiés par une raison impérieuse d'intérêt général et non proportionnels . L'exigence doit ainsi être propre à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.
Directive 2006/123/CE du Parlement européen et
du Conseil, du 12 décembre 2006,
Article 9 (extrait) Régimes d'autorisation 1. Les États membres ne peuvent subordonner l'accès à une activité de service et son exercice à un régime d'autorisation que si les conditions suivantes sont réunies : a) le régime d'autorisation n'est pas discriminatoire à l'égard du prestataire visé ; b) la nécessité d'un régime d'autorisation est justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général ; c) l'objectif poursuivi ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu'un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle. 2. Dans le rapport prévu à l'article 39, paragraphe 1, les États membres indiquent leurs régimes d'autorisation et en motivent la compatibilité avec le paragraphe 1 du présent article. 3. La présente section ne s'applique pas aux aspects des régimes d'autorisation qui sont régis directement ou indirectement par d'autres instruments communautaires. Article 16 (extrait) Libre prestation des services 1. Les États membres respectent le droit des prestataires de fournir des services dans un État membre autre que celui dans lequel ils sont établis. L'État membre dans lequel le service est fourni garantit le libre accès à l'activité de service ainsi que son libre exercice sur son territoire. Les États membres ne peuvent pas subordonner l'accès à une activité de service ou son exercice sur leur territoire à des exigences qui ne satisfont pas aux principes suivants : a) la non-discrimination: l'exigence ne peut être directement ou indirectement discriminatoire en raison de la nationalité ou, dans le cas de personnes morales, en raison de l'État membre dans lequel elles sont établies ; b) la nécessité: l'exigence doit être justifiée par des raisons d'ordre public, de sécurité publique, de santé publique ou de protection de l'environnement ; c) la proportionnalité: l'exigence doit être propre à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. |
L'article 27 quinquies , introduit à l'Assemblée nationale par amendement gouvernemental :
- a pour objet de se conformer à la « directive services » qui oblige à évaluer les exigences qui subordonnent la direction ou la gérance d'une entreprise à la possession d'une qualification particulière ;
- supprime donc de l'article L. 213-3 du code de la route la référence à l'exigence d'une « expérience professionnelle » en matière d'enseignement de la conduite pour l'exploitation d'une auto-école.
La suppression de cette exigence au titre de la « directive services » a été validée lors de la réunion interministérielle du 4 novembre 2009.
En l'espèce, il a été arbitré que le fait d'obliger un prestataire souhaitant exploiter un établissement d'enseignement à justifier d'une expérience professionnelle de l'enseignement de la conduite, soit à temps plein pendant deux années continues ou non, soit à temps partiel pendant une durée totale équivalente aux deux années requises sur la base d'un temps plein, était manifestement disproportionné.
III. La position de votre commission pour avis
Votre rapporteur pour avis approuve les dispositions de cet article, justifiées par la nécessité de transposer la « directive services » dans le droit français . Il souligne qu'il convient en effet de distinguer, au sein du même secteur de l'éducation routière, deux professions qui répondent à des finalités et des logiques différentes : la gestion d'un établissement et l'enseignement de la conduite.
Néanmoins, il a pu constater lors de ses auditions que les organisations professionnelles du secteur se montraient particulièrement réticentes à la suppression pure et simple de la condition d'expérience professionnelle, par crainte d'une recrudescence de faillites en cascade d'auto-écoles.
Cette exigence d'expérience professionnelle a en effet été introduite par la loi n° 99-505 du 18 juin 1999 portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs, avec pour objectif de « moraliser » ce secteur.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement des transports et du logement, avait justifié cette option par le constat d'un secteur en crise. « Le secteur des auto-écoles se caractérise par la multiplication des créations d'établissements à l'existence souvent éphémère. Il en résulte une concurrence très vive, marquée par une guerre tarifaire et par l'application d'offres anormalement basses, au détriment de la qualité de la formation du futur conducteur. En outre, de nombreuses affaires d'escroquerie ont entamé la crédibilité et le capital de confiance qui sont indispensables à toute activité d'enseignement. » 120 ( * )
Conscient des fragilités que pourrait comporter la suppression pure et simple de la condition d'expérience professionnelle, votre rapporteur pour avis est donc favorable à ce que s'engage, avec les différents acteurs de la profession, une réflexion plus approfondie sur l'opportunité et les modalités que pourrait prendre l'extension du système de garantie financière obligatoire à toutes les auto-écoles.
En effet, une telle disposition, en s'inscrivant dans la démarche qualité des écoles de conduite , pourrait utilement venir compenser cette suppression de la condition d'expérience professionnelle pour pouvoir exploiter un établissement d'enseignement de la conduite et pérenniser l'objectif de moralisation de l'exercice de cette activité posé en 1998 par la loi Gayssot. Ce dispositif n'est aujourd'hui mis en oeuvre que pour les seules écoles de conduite partenaires du dispositif « permis à un euro par jour ».
Il est d'ailleurs à noter qu'en réponse à une question écrite de M. Jean-Louis Masson, le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire avait indiqué le 26 juin 2008, qu'il avait sollicité l'avis de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi « sur la possibilité de généraliser la garantie financière à l'ensemble des écoles de conduite, qu'elles soient ou non partenaires du dispositif du permis à un euro par jour » et que « les conséquences d'une telle mesure, tant du point de vue de l'intérêt des clients, que de son impact sur le marché et sur la concurrence dans ce secteur professionnel nécessitent en effet d'être examinées et évaluées précisément ».
Votre rapporteur pour avis souhaiterait que les différents éléments d'analyse concernant cette possibilité soient clairement exposés et discutés avec la profession.
D'après les informations recueillies, la direction de la sécurité et de la circulation routière, qui a déjà engagé une réflexion sur les démarches de qualité et de certification dans le secteur des auto-écoles, serait plutôt favorable à une telle extension d'une garantie financière obligatoire, qui permettrait de poursuivre les objectifs de protection du consommateur et de moralisation. Néanmoins, certaines réserves peuvent être formulées :
- une extension de l'obligation de garantie financière serait forcément coûteuse pour les auto-écoles et impacterait automatiquement le prix des formations, à rebours des efforts récemment mis en oeuvre pour abaisser les coûts (comme l'opération « permis à un euros par jour ») ;
- la généralisation de ce dispositif risquerait peut-être de constituer une entrave financière à l'entrée dans la profession et d'entraîner une restriction de l'accès au marché.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification. |
* 120 Déclaration au Sénat le 7 avril 1998