EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Votre commission s'est saisie pour avis de 11 articles du projet de loi relatif à la bioéthique, dont la commission des affaires sociales est appelée à connaître au fond, sur le rapport de notre excellent collègue Alain Milon.

Ce projet de loi constitue, après la loi du 6 août 2004, la deuxième occasion de révision de la législation bioéthique dont les principes ont été posés dans les deux lois fondatrices du 29 juillet 1994, celle relative au respect du corps humain et celle relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.

Le champ de la bioéthique recouvre à la fois la science du vivant, les pratiques médicales et les exigences essentielles qui garantissent le respect de la personne humaine et de sa dignité, inscrites aux chapitres II et III du livre premier du code civil. Les répercussions de la législation bioéthique s'étendent aussi par l'effet des possibilités ouvertes par certaines techniques médicales au domaine civil, et, en particulier, s'agissant de l'assistance médicale à la procréation, à celui de la famille et de la filiation.

Tel est le cas des 11 articles examinés par votre commission :

- les articles 1 er et 4 bis sur l'examen des caractéristiques génétiques ;

- l'article 5 sur le don d'organe par un donneur vivant ;

- les articles 4 à 18 bis sur l'anonymat des donneurs de gamètes ;

- l'article 20 sur les conditions d'accès à l'AMP ;

- l'article 20 bis sur le transfert d'embryon post mortem ;

- l'article 24 bis sur l'encadrement des techniques d'imagerie cérébrale.

Sur toutes ces questions très sensibles, votre rapporteur s'est efforcé d'envisager les intérêts et les points de vue parfois divergents de toutes les parties intéressées. À cette fin, il a procédé à vingt auditions qui lui ont permis de recueillir les analyses et les propositions de représentants des champs éthiques, juridiques, scientifiques et médicaux, praticiens ou observateurs éclairés, ainsi que d'associations ou de personnalités de la société civile.

I. L'UTILE RÉEXAMEN D'UNE LÉGISLATION MAINTENANT BIEN ÉTABLIE

A. LA SOLIDITÉ ÉPROUVÉE DES PRINCIPES BIOÉTHIQUES RETENUS EN 1994

L'intervention du législateur en matière de bioéthique en 1994 n'allait pas de soi. C'est ce qui explique qu'il n'ait pas adopté une loi-cadre mais deux lois 1 ( * ) dites bioéthiques, l'une relative au respect du corps humain et l'autre, au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.


Le respect du corps humain

Le législateur a souhaité poser les principes applicables en matière de bioéthique. L'article 16 du code civil énonce que la « loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie ». Les principes de respect, d'inviolabilité et de non-patrimonialité du corps humain sont affirmés. Dans sa décision du 27 juillet 1994 sur la loi relative au respect du corps humain et loi relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, le Conseil constitutionnel a précisé que ces principes permettent d'assurer le respect de la dignité humaine.

Ainsi, les pratiques eugéniques ainsi que les modifications génétiques sont prohibées. Le juge est compétent pour empêcher ou faire cesser les atteintes illicites au corps humain. Cependant, l'atteinte à l'intégrité du corps humain est autorisée pour des nécessités médicales et sous réserve du consentement de l'intéressé.

Le respect de la dignité de la personne humaine justifie que soient réputées nulles les conventions patrimoniales relatives au corps humain ainsi que les contrats de maternité de substitution.

Quatre principes sont réaffirmés en matière de dons d'éléments et de produits du corps humain : l'anonymat du donneur, le consentement, la gratuité et la sécurité sanitaire. Il s'agit de principes anciens déjà mis en oeuvre en matière de dons du sang (loi du 21 juillet 1952 Loi n°52-854 du 21 juillet 1952 sur l'utilisation thérapeutique du sang humain, de son plasma et de leurs dérivés) et de dons d'organes post mortem (loi Caillavet du 22 décembre 1976 relative aux prélèvements d'organes). Ces principes avaient également été repris par les fondateurs des CECOS (Centres d'Etude et de Conservation des Oeufs et du Sperme humains) en 1973 qui souhaitaient organiser le don de gamètes.

Une exception est cependant posée en 1994 à la règle de l'anonymat avec la possibilité de réaliser des dons entre vivants. Toutefois, ce don était alors limité aux parents pour leurs enfants, sous le contrôle du juge.


L'encadrement du recours à la médecine génétique

Le législateur a souhaité encadrer le développement de la médecine génétique. Ainsi l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne et l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peuvent être réalisés que dans un but médical ou de recherche scientifique. L'identification par empreintes génétiques est également possible dans le cadre de mesures d'enquête ou d'instruction et en matière civile, pour contester ou établir la filiation ou demander des subsides. Dans les deux cas, l'accord de la personne doit être recueilli.

Les discriminations fondées sur une caractéristique génétique sont prohibées et sanctionnées pénalement.


L'encadrement de l'accès à la procréation médicalement assistée

Comme l'a rappelé Axel Kahn, doyen de l'université Paris-Descartes, à votre rapporteur, la famille ne se réduisant pas à la famille biologique, il fallait éviter les remises en cause de la filiation à l'issue de la séparation d'un couple. Aucune règle spécifique n'était prévue en matière de filiation, lorsqu'un couple avait recours à l'assistance médicale à la procréation. En cas de recours à un tiers donneur, le père pouvait facilement contester sa paternité. Toutefois, la Cour de cassation avait considéré que sa responsabilité était engagée. Le législateur est donc intervenu pour déterminer les conditions d'accès à l'assistance médicale à la procréation et les effets sur la filiation de l'enfant en cas de recours à un tiers donneur.


* 1 Loi n°94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain et loi n°94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.

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