C. UNE POLITIQUE FORESTIÈRE PEU LISIBLE, EN MANQUE DE STABILITÉ

a) Le constat d'un manque de vision stratégique de long terme pour la politique forestière

Les rapporteurs saluent le maintien, dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, des crédits alloués à la gestion durable de la forêt et au développement de la filière bois (action 26 du P149) qui connaissent une très légère baisse (- 0,15 % en AE, - 0,14 % en CP).

Toutefois, cette apparente stabilité ne compense pas l'effondrement des crédits dédiés à la planification écologique (action 29 du P149) qui diminuent de 64,74 % en AE et de 30,65 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2025.

L'enveloppe « forêt » de la planification écologique ne s'élève plus qu'à 97,7 M€, dont 70,7 M€ seulement pour le renouvellement forestier, contre 195 M€ en 20251(*) et 509 M€ en 2024.

L'année 2024 constituait certes une année d'amorçage exceptionnelle, mais le stop and go provoqué par les coups de rabots successifs portés à la planification écologique nuit à la stabilité et à la lisibilité de la politique forestière.

 
 

Taux de réalisation de l'objectif d'arbres à planter avec des financements publics pour décembre 20262(*) 

Hausse du taux de mortalité de la forêt en 10 ans

Aux aléas budgétaires s'ajoute l'illisibilité croissante de la politique forestière. Les rapporteurs déplorent ainsi que la forêt, qui relève intrinsèquement de la responsabilité du ministre de l'agriculture en tant qu'activité de production rurale, figure, à titre principal, parmi les attributions du ministre chargé de la transition écologique depuis janvier 2025. Ce choix interroge en effet au regard des enjeux de la filière bois, d'une part, et de la nécessité de définir un cap clair et stable pour la forêt, d'autre part, alors que le dernier inventaire forestier réalisé par l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) montre que la mortalité a augmenté de 125 % en dix ans.

En outre, les rapporteurs regrettent que le projet annuel de performances ne détaille plus les sous-actions, rendant plus difficile le retraçage des crédits au sein de chaque action. Ils déplorent en particulier la disparition de moyens dédiés à dynamiser l'aval de la filière bois, alors que le développement des produits bois constitue un levier essentiel de la stratégie nationale bas-carbone.

Par esprit de responsabilité, les rapporteurs proposent d'augmenter raisonnablement les crédits de l'enveloppe forêt de la planification écologique (+ 15 millions d'euros) dans un double objectif :

· limiter l'impact d'une baisse budgétaire brutale sur le renouvellement forestier (+ 10 millions d'euros) ;

· soutenir l'investissement dans la filière bois aval en maintenant des crédits pour les appels à projets tels que « Industrialisation performante des produits bois » (IPPB) et « Biomasse chaleur pour l'industrie bois » (BCIB) (+ 5 millions d'euros).

Amendement 6 : porter l'enveloppe « forêt » de la planification écologique à 112,7 millions d'euros (contre 97,7 millions d'euros proposés dans le PLF) pour augmenter les crédits dédiés au renouvellement forestier (+ 10 millions d'euros) et soutenir le développement de la filière bois aval (+ 5 millions d'euros).

b) « Faire plus avec autant de moyens » : la nécessité de stabiliser les moyens humains de l'ONF et du CNPF

Alors que le Gouvernement avait accepté de suspendre les suppressions d'emplois prévues par le contrat signé entre l'État et l'Office national des forêts (ONF) pour les années 2023 à 2025, le PLF 2026 fixe un schéma d'emplois de - 37 équivalents temps plein répartis sur 2026 (- 19 ETPT) et 2027 (- 18 ETPT).

Si les rapporteurs ne contestent pas la nécessité pour les opérateurs de participer à l'effort de redressement des finances publiques, ils considèrent que cet objectif serait rempli par la simple stabilisation des effectifs de l'ONF. En effet, l'ONF a vu ses effectifs diminuer de 40 % en 20 ans (2002-2022). Dans le même temps, l'État n'a cessé de lui confier de nouvelles missions d'intérêt général, comme l'a constaté la Cour des comptes dans son rapport d'initiative citoyenne de septembre 2024. Les rapporteurs rappellent cette année encore que la stabilisation des effectifs de l'ONF serait sans impact pour le budget de l'État puisque le PLF 2026 ne prévoit de toute façon pas de diminution du montant de la subvention pour charges de service public versée à l'ONF, d'une part, et que les ressources propres de l'opérateur résultant de la vente du bois, qui représentent 70 % de son budget, financeraient le maintien de ces 37 ETP.

Amendement 7 : annuler l'impact du schéma d'emplois sur le plafond d'emplois de l'ONF (+ 19 ETPT, sans incidence sur les finances publiques) en 2026.

Le PLF 2026 pénalise par ailleurs doublement le Centre national de la propriété forestière (CNPF) dont la subvention pour charges de service public (SCSP) diminue de 420 000€ alors que, dans le même temps, l'évaluation de ses effectifs hors plafond baisse de 3 ETPT. Or, ces postes correspondent à des emplois d'agents contractuels financés par des conventions conclues avec les collectivités territoriales et non par le budget de l'État.

Dans un contexte budgétaire contraint, la baisse de la SCSP du CNPF n'est soutenable que si l'opérateur a la possibilité de financer, sur ses ressources propres, les effectifs nécessaires à l'exercice de ses missions toujours plus nombreuses, estimés au minimum à 112 ETPT (contre 97 ETPT dans le PLF 2026) par l'opérateur.

Amendement 8 : réaffirmer la possibilité, pour le CNPF, d'augmenter ses effectifs hors plafond d'emplois à hauteur de ses besoins (+ 15 ETPT au minimum, sans incidence sur les finances publiques) en 2026.

Les rapporteurs rappellent enfin qu'au regard des marges de manoeuvre budgétaires de plus en plus étroites, la réforme de la politique forestière doit passer par la levée des verrous extrabudgétaires identifiés de longue date comme la question du déséquilibre sylvo-cygénétique qui toucherait, selon l'ONF, plus de la moitié des surfaces des forêts domaniales.

Au-delà de la mise en oeuvre d'un nouveau protocole de recueil de données déployé par l'IGN depuis 2023, les rapporteurs saluent la mise en place, en 2025, d'un Comité technique national de l'équilibre sylvo-cygénétique, réunissant des chasseurs et des forestiers, présidé par la sénatrice Anne-Catherine Loisier et chargé de formuler des solutions concrètes avant la fin de l'année.


* 1 Toutefois, en exécution, les crédits seront compris entre 61 M€ et 130 M€ en fonction du gel des crédits.

* 2 Au 1er janvier 2025.

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