EXAMEN EN COMMISSION
Au cours de sa réunion du mercredi 3 décembre 2025, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, a procédé à l'examen des crédits du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde ».
Mme Valérie Boyer, rapporteure pour avis du programme « Action de la France en Europe et dans le monde ». - Monsieur le président, mes chers collègues, à nous écouter ce matin, j'ai l'impression que chacun d'entre nous présente le même rapport déclinant la situation douloureuse qui est la nôtre, avec un budget qui grève notre rayonnement et notre souveraineté. Nous avons en effet décidé - peut-être pas de manière collective et éclairée - d'accorder la priorité au social, au détriment de la souveraineté, ce qui obérera d'ailleurs peut-être à terme ce choix de la solidarité. Les multiples coupes ont en effet des conséquences tragiques pour tout ce qui a fait la grandeur, le rayonnement et la réussite de la France.
Le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » représente plus des trois quarts de la mission « Action extérieure de l'État ». Y sont regroupés les crédits de fonctionnement du ministre de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) et toute sa masse salariale, ainsi que nos contributions aux organisations internationales - sauf celles de l'aide publique au développement (APD).
Ses crédits augmenteront d'environ 1,8 % en 2026 pour atteindre 2,69 milliards d'euros, mais cet effort masque la stagnation des crédits de la mission, obtenue par la baisse des crédits des autres programmes, ce qui est bien triste s'agissant d'éléments essentiels à notre souveraineté.
Autre élément de contexte non pilotable, les contributions internationales obligatoires de la France diminuent mécaniquement. Les modalités de calcul de notre contribution aux Nations unies et aux opérations de maintien de la paix, qui sont fonction de notre poids économique relatif, nous font économiser environ 25 millions d'euros. Certes, d'autres dépenses obligatoires augmentent simultanément, mais dans des proportions moindres. Il s'agit en particulier de nos contributions européennes : nos contributions au budget du Conseil de l'Europe et à celui de l'Otan augmentent, tandis que notre appui à l'Ukraine via la Facilité européenne de paix reste maintenu au même niveau, c'est-à-dire 104 millions d'euros.
Les dépenses de masse salariale augmentent aussi de façon exogène, en raison de la hausse de l'indemnité de résidence à l'étranger, de la réintégration d'effectifs naguère portés par le ministère des armées, de la réforme de la protection sociale complémentaire (PSC), et de la hausse de la contribution au CAS « Pensions ».
Les moyens pilotables manquent ainsi pour poursuivre la trajectoire de réarmement du ministère en effectifs. Celle-ci prévoyait initialement de créer 150 postes en 2025, puis 200 postes par an en 2026 et en 2027. Sa révision à la baisse en 2024 conduisait à ne plus afficher que 75 postes en 2025, et 100 postes par an jusqu'en 2027, pour un total qui a été ramené de 700 équivalents temps plein (ETP) à 425 ETP sur quatre ans.
Le schéma d'emplois sera finalement nul en 2026. Certes, 347 postes ont été créés en tout depuis 2023, ce qui était déjà une inversion très appréciable de la tendance des années antérieures, mais le directeur des ressources humaines nous a fait part de son inquiétude de voir les effectifs repartir à la baisse : le non-remplacement d'un fonctionnaire sur trois conduirait à une diminution de -70 ETP en 2027, et d'autant en 2028.
Ce ralentissement de la trajectoire de réarmement de notre diplomatie n'empêche pas que l'agenda de transformation se poursuive. Près de 85 % des 356 recommandations issues des États généraux de la diplomatie ont ainsi été mises en oeuvre.
Les dépenses de soutien progressent globalement de 15 millions d'euros. C'est le cas des dépenses de numérique, en raison de la hausse des coûts des équipements. C'est aussi le cas des dépenses d'immobilier, qui augmentent pour revenir au niveau qu'elles avaient dans le projet de budget initial pour 2025, avant l'adoption en commission mixte paritaire (CMP) de l'amendement de nos collègues de la commission des finances.
Le parc du MEAE subit l'inflation à l'étranger et bénéficiera de documents de programmation immobilière rénovés qui devront permettre de mieux consommer les crédits.
En matière de ressources humaines et d'action sociale, les chantiers se poursuivent. L'Académie diplomatique et consulaire, dotée de 5,4 millions d'euros, monte en puissance. Elle a rencontré un beau succès en septembre avec la Fabrique de la diplomatie, qui a attiré 20 000 visiteurs, et son action partenariale en France et à l'étranger accompagne la réforme du corps diplomatique. Des moyens d'action sociale sont en outre dégagés pour améliorer le quotidien des agents - places en crèche, restauration collective, consultations de psychologues.
Les dépenses de protocole resteront dynamiques cette année. Elles avaient déjà doublé en 2024 pour s'établir à 18 millions d'euros - je rappelle qu'il s'agit de l'année des jeux Olympiques, du sommet de la francophonie et de la réouverture de Notre-Dame - puis augmenté de 60 % en 2025 pour atteindre presque 30 millions d'euros. Ce niveau est maintenu en 2026 car, si les crédits de protocole diminuent, une nouvelle action est créée dans la nomenclature budgétaire pour porter le financement du G7, qui se tiendra en juin à Évian.
Les dépenses du centre de crise et de soutien (CDCS) augmentent de 40 000 euros, seulement pour renouveler l'abonnement à un outil d'intelligence artificielle (IA) servant à la veille en ligne.
La direction de la communication et de la presse (DCP) est la mieux traitée du ministère puisque ses crédits progressent d'environ 150 % pour atteindre 16,5 millions d'euros. Jean-Baptiste Lemoyne en dira un mot.
Je tiens d'ailleurs à mettre en exergue l'excellente audition de M. Emmanuel Lebrun-Damiens, directeur de la communication du MEAE, qui nous a parlé de la cellule de riposte et de la guerre hybride qui est à l'oeuvre. En tant que présidente du groupe d'amitié France-Pologne, je souhaiterais que nous puissions l'entendre de nouveau dans un format Weimar lorsque nous recevrons nos homologues polonais au mois de décembre, car je pense que la riposte numérique doit être coordonnée.
J'ai été en effet choquée et peinée par l'absence de réaction de nos partenaires européens lorsque l'Azerbaïdjan a attaqué la France au cours de la crise en Nouvelle-Calédonie : pas un message sur X, pas un mot, pas une action de solidarité ! En montrant à nos collègues allemands et polonais la pertinence des outils que nous pouvons développer, nous pourrons faire avancer la solidarité européenne et renforcer notre stratégie de défense.
Pour en revenir au budget, nous restons très vigilants, dans le contexte actuel, au niveau des crédits dévolus à la sécurité de nos emprises à l'étranger. En 2026, les moyens de la direction de la sécurité diplomatique (DSD) seront les mêmes qu'en 2025, de l'ordre de 66 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 70 millions d'euros en crédits de paiement (CP), alors que les coûts augmentent structurellement du fait de la hausse des menaces, des revalorisations des contrats de gardiennage passés à l'étranger, de l'inflation, de l'évolution du matériel de sécurité spécialisé, du vieillissement de certains équipements - les voitures blindées en particulier - et en raison du fait que nous ouvrons ou rouvrons des emprises.
La DSD fait déjà savoir que son plan de charge pour 2026 sera difficilement tenable et qu'il lui faudra reporter des opérations, ce qui est dommageable, car il est question de la sécurité de nos compatriotes.
Dans un monde en plein bouleversement, sans doute faudrait-il penser les questions de sécurité de manière un peu plus large, en songeant à des zones de repli, aux moyens de protéger les ambassades et les agents de droit local, ainsi qu'aux conséquences des situations de crise en termes de sécurité informatique et de ressources humaines.
Les crédits de coopération de sécurité et de défense sont maintenus à leur niveau de 2025. La direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD), traditionnellement très présente en Afrique, effectue son propre pivot géographique et thématique en se tournant davantage vers la zone indo-pacifique, l'Europe continentale, ainsi que vers les enjeux de criminalité organisée et de lutte contre l'immigration irrégulière et les cybermenaces.
Nous recevions précédemment l'ambassadeur d'Israël en France et nombre de nos collègues ont relevé l'offensive de plusieurs pays, Turquie en tête, en Afrique. Nous sommes démunis face à ce réseau diplomatique puissant et organisé qui joue contre nous, d'où l'importance de maintenir ces lignes de crédits.
Un mot, enfin, sur la mesure de la performance. L'action diplomatique est certes l'une des plus difficiles à évaluer, mais nous avons déjà dit notre perplexité devant certains indicateurs de performance figurant dans les documents budgétaires, particulièrement peu exploitables. Heureusement, ils devraient être en grande partie refondus dans le PLF pour 2027.
J'ajoute que l'amendement déposé par le rapporteur général de la commission des finances suscite notre perplexité et que nous sommes en désaccord avec cette proposition.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur pour avis du programme « Action de la France en Europe et dans le monde ». - Je compléterai la présentation de Valérie Boyer par quelques points d'attention qui nous semblent pouvoir contribuer à l'évaluation de l'efficacité de notre action extérieure.
D'abord, il faut se féliciter de l'importance conférée cette année à la communication stratégique par le biais d'un investissement massif. Lors de son audition, Jean-Noël Barrot avait fait part de son souhaite de reprendre du terrain « dans le champ des perceptions ». De fait, l'intitulé fait son apparition dans les documents budgétaires, sans oublier le recrutement d'une personne dédiée dans son cabinet.
Surtout, le budget de la DCP progressera de 150 % en 2026 pour atteindre près de 16 millions d'euros. Il est destiné à doter les équipes du réseau d'outils de veille performants permettant de suivre en temps réel l'activité numérique, de mesurer les impacts des prises de position et de structurer les pratiques. Lors de l'audition du directeur de la communication qu'évoquait Valérie Boyer, nous avons été séduits par la composition des équipes chargées de cette veille, car elles comptent des profils atypiques qui ont travaillé soit dans l'Open Source Intelligence (Osint), soit dans des médias tels que Brut : il convient en effet de s'adapter aux formes de communication modernes pour avoir de l'audience sur les réseaux sociaux, et de ne pas se limiter à quelques messages « à la Marianne » sur X ne faisant qu'exposer la position de la France.
L'autre nouveauté est la banalisation de la décision de riposter aux attaques informationnelles et réputationnelles, notamment avec la création du compte X « French Response » et l'encouragement des diplomates et des chefs de postes à prendre des risques en matière de communication stratégique, en allant sur ces réseaux.
De même que Viginum a attribué pour la première fois en avril 2025 une attaque cyber à la Russie, notre réseau diplomatique doit aussi avoir les moyens de suivre les tendances, de rétablir les faits et d'exposer nos adversaires lorsqu'ils propagent des contenus inauthentiques.
C'est en quelque sorte la fin de la naïveté en la matière, et c'est aussi un changement de style, puisque la riposte ne s'interdit pas le maniement de l'humour pour tourner les manoeuvres hybrides en ridicule. Muscler cette fonction de veille et de riposte est une absolue nécessité pour contrer les fausses informations, et hélas aussi pour protéger nos agents qui sont parfois nommément la cible de calomnies en ligne à des fins de déstabilisation - ce fut le cas récemment en Arménie, avec les attaques particulièrement scabreuses qui ont visé notre ambassadeur.
Deuxième observation : l'érosion de nos marges de manoeuvre financières, si nous n'y prenons pas garde, ne tardera pas à obérer nos capacités d'action et notre influence dans le monde. Certes, la trajectoire de réarmement a permis de créer 347 postes depuis 2023, lesquels ont bénéficié au réseau, mais ce n'était que du rattrapage. Certes, le réseau évolue encore, comme en témoignent l'ouverture ou la réouverture de postes, à Nuuk au Groenland, à Benghazi en Libye, ou encore à Damas. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage à l'ensemble des personnels diplomatiques, quel que soit leur statut.
Certes, la France a toujours une expertise reconnue dans l'organisation d'événements internationaux. Elle a ainsi accueilli la troisième conférence des Nations Unies sur l'Océan (UNOC) du 9 au 13 juin à Nice et organisera le sommet Afrique-France à Nairobi en mai 2026, tandis qu'une réunion du G7 est prévue à Évian en juin.
Toutefois, les efforts demandés au Quai d'Orsay sur ses crédits d'intervention et le ralentissement de la mise en oeuvre des ambitions récentes ne pourront rester longtemps sans impact sur l'influence de la France dans le monde, ne serait-ce que par un effet de vases communicants : les espaces libérés de la présence française sur le plan financier ou dans les postes à responsabilité seront occupés par d'autres.
La Chine convoite, par exemple, le poste de secrétaire général adjoint chargé des opérations de paix, qui est actuellement occupé par un Français et qui sera libéré l'an prochain. Or la Chine est le huitième contributeur de Casques bleus dans le monde, alors nous ne sommes que le vingt-sixième...
L'effort financier compte donc aussi. La réduction draconienne de notre contribution au Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) n'a sans doute pas été pour rien dans l'échec du candidat français au poste d'administrateur du programme, alors qu'il figurait pourtant parmi les trois favoris.
Si l'on ajoute à cela la réforme administrative des Nations unies, qui devrait conduire à rationaliser le nombre d'agences et de mandats et à réduire les effectifs du secrétariat général de 15 %, la lutte pour les postes sera d'autant plus féroce.
Cette observation appelle une interrogation : compte tenu de l'état du multilatéralisme et de la paralysie du système onusien, existe-t-il des canaux d'influence alternatifs ? Nous nous sommes ainsi demandé si la régulation des secteurs proches des frontières technologiques, l'espace en particulier, ne pouvait pas être de nouveaux terrains d'influence.
Aussi, il nous semble que nous pourrions faire davantage dans un domaine où l'Europe est de plus en plus distancée par le duopole États-Unis-Chine, qui dispose de filières industrielles de pointe et de géants des services numériques.
Néanmoins, nos moyens sont relativement limités : la nouvelle stratégie spatiale française, qui vient de paraître, est moins ambitieuse que la stratégie allemande ; au niveau européen, la constellation de satellites Iris² peut en revanche être un facteur d'influence en nous permettant de ne pas dépendre d'autres acteurs pour nos besoins stratégiques de communication et de connectivité, d'autant plus que cet outil pourrait être mis au service de puissances émergentes le cas échéant.
La France a, de plus, déjà été à l'origine d'un cadre de bonnes pratiques visant à contourner les blocages rencontrés au sein des organisations onusiennes avec les lignes directrices aux fins de la viabilité à long terme des activités spatiales, qui ont été endossées par l'Assemblée générale des Nations unies en 2019.
Nous pourrions donc réorienter une partie de nos efforts vers les organisations internationales sectorielles : certes moins en vue, elles ne sont pas moins importantes dans le monde qui se dessine, les travaux ad hoc de régulation qu'elles mènent aboutissant à des normes de soft law, d'où l'importance d'y être associés. Nous l'avons vu dans d'autres domaines : depuis 2002, la France a agi en faveur du code de conduite de La Haye contre la prolifération des missiles balistiques, ce type d'espaces permettant aux différents acteurs de dialoguer plutôt que de s'affronter.
Pour finir, Mme Boyer et moi-même vous informons que le rapporteur général de la commission des finances a déposé, cette année encore, un amendement visant à diminuer les crédits du programme 105 de 35 millions d'euros. Sont ainsi visées les dépenses d'immobilier pour 20 millions d'euros, ce qui conduirait à des reports de projets ; les dépenses de numérique à hauteur de 2,5 millions d'euros, alors qu'il s'agit d'un domaine critique ; les dépenses de sécurité à l'étranger pour 5 millions d'euros, alors qu'on ne transige pas avec la sécurité de nos agents dans le contexte actuel ; les dépenses de fonctionnement des ambassades, quant à elles, seraient rabotées de 2,5 millions d'euros en dépit du fait qu'elles sont déjà à l'os ; enfin, les dépenses de communication reculeraient de 5 millions d'euros, ce qui reviendrait à revenir sur la hausse des crédits décidée précédemment.
Nous nous opposerons à ce rabot au nom du nécessaire continuum diplomatie-défense, cette dernière étant sanctuarisée. Hors APD, le budget du quai d'Orsay représentait 0,86 % du budget général en 2019, et cette part n'est plus que de 0,59 % en 2025. Nous ne partageons pas les arguments justifiant ces économies et nous opposons donc à cet amendement, tout en vous proposant d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 105.
M. Rémi Féraud, rapporteur spécial de la commission des finances sur la mission « Action extérieure de l'État ». - Je partage nombre des descriptions et analyses effectuées par Mme Boyer et M. Lemoyne, les crédits du programme 105 permettant de préserver notre outil diplomatique tout en mettant l'accent sur la riposte stratégique, bien identifiée comme une activité distincte de la communication traditionnelle afin de montrer qu'il s'agit d'une priorité.
La commission des finances a approuvé ces crédits, ainsi que ceux des programmes 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » et 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » que vous examinerez ensuite.
L'amendement du rapporteur général propose effectivement une diminution des crédits de 50 millions d'euros, dont 35 millions d'euros sur le programme 105, et je ne peux que le laisser à votre appréciation.
À titre personnel, j'estime qu'il faut considérer les affaires étrangères comme une fonction régalienne, au même titre que la défense et la sécurité intérieure. Si nous sommes encore loin des objectifs fixés par le Président de la République pour le développement de notre outil diplomatique, nous nous situons malgré tout sur une trajectoire de hausse et de préservation, ce que je considère comme un élément précieux.
M. Cédric Perrin, président. - Je partage complètement cette analyse et j'espère que nous aurons de bonnes surprises. Le débat sur l'action extérieure de l'État aura lieu le 9 décembre ; le 10 décembre, nous examinerons en séance le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » ; enfin, le 11 décembre, il concernera la mission « Défense ». J'attire donc l'attention de l'ensemble des commissaires sur la nécessité d'être présents à ces occasions pour défendre nos positions en séance.
L'action extérieure de l'État représente effectivement une partie importante de notre périmètre et doit donc être préservée, en n'allant pas au-delà des économies préconisées par le Gouvernement.
M. Olivier Cadic. - Le groupe Union Centriste partage complètement cet avis. Il existe une contradiction manifeste entre la volonté d'augmenter l'effort pour la défense et celle de le diminuer pour la diplomatie, ces deux domaines d'action allant de pair. Nous nous opposerons donc à l'amendement en question.
M. Cédric Perrin, président. - J'ai coutume de dire que la diplomatie est la dernière étape avant la guerre.
M. Loïc Hervé. - Je souscris aux propos de Jean-Baptiste Lemoyne s'agissant du Pnud, qui représente un enjeu est de taille. Nous avons reçu sa directrice et renouvelé la convention liant le Sénat au Pnud. Ladite directrice m'a indiqué que les contributions n'ont pas été versées en 2025 et s'inquiète pour 2026 en évoquant un risque de désengagement total.
M. Cédric Perrin, président. - Nous nous sommes rendus à l'Assemblée générale des Nations unies avec un certain nombre de collègues. Si la quasi-totalité des pays réduisent leur contribution volontaire au fonctionnement de l'ONU, notre pays se situe assez loin dans le classement : les États-Unis versent environ 14 milliards d'euros, l'Allemagne participe à hauteur de 4,8 milliards d'euros et la France ne contribue qu'à hauteur de 1,5 milliard d'euros, ce qui nous place à la cinquième place.
Les différentes réunions auxquelles nous avons participé ont permis de diagnostiquer que notre pouvoir de décision diminue en même temps que nos contributions, la règle en vigueur restant « Qui paye décide ». Pire encore, nous perdons des positions dans une série d'organismes compte tenu de la baisse - voire de la disparition - de nos financements, qui nous prive de toute légitimité.
Je n'ai pas manqué de le rappeler à celles et ceux qui proposent des amendements visant à diminuer les budgets, car le point est important : se plaindre d'être éjectés d'Afrique et de perdre en influence tout en continuant à réduire les crédits semble contradictoire.
M. Pierre Médevielle. - Pour en revenir au manque de soutien de nos voisins européens au moment de la crise en Nouvelle-Calédonie, je pense que notre communication et notre dénonciation des événements ont manqué à la fois de clarté et de conviction compte tenu de la gravité des événements et de cette implication directe de l'Azerbaïdjan, avec le soutien de la Chine et de la Russie.
Mme Valérie Boyer, rapporteure pour avis. - S'y ajoute l'attaque qu'a subie notre ambassadeur en Arménie, et bien d'autres. Tous les pays européens n'ont sans doute pas conscience de la présence de l'Europe sur toutes les mers et tous les continents via la France, et je trouve curieux que nos partenaires n'interviennent pas davantage, d'où la nécessité de déployer une cellule de riposte, avec des ramifications à Bruxelles.
Comme l'a souligné le président Perrin, la diplomatie joue un rôle essentiel dans les guerres qui nous sont menées et je me félicite que cette cellule déploie une activité quotidienne en utilisant tous les outils modernes. Pour autant, elle ne dispose que de moyens dérisoires : supprimer ces derniers reviendrait à supprimer des outils essentiels à la préservation de notre souveraineté.
M. Akli Mellouli. - Soignons notre schizophrénie qui consiste à refuser de rechercher des recettes supplémentaires et à regretter dans le même temps d'avoir à sabrer les dépenses.
Par ailleurs, je tiens à souligner que les 25 millions d'euros alloués au Pnud permettent aussi de donner de l'activité aux entreprises françaises, car les responsables de ce programme achètent des biens et services pour leurs plans d'action : notre économie en bénéficie donc.
La diminution des contributions à l'ONU, quant à elle, est hallucinante dans un monde en crise qui exige davantage de solidarité ; il en va de même avec l'aide au développement et l'aide à l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA), qui sont pourtant des leviers diplomatiques essentiels pour la France.
Nous voterons en faveur du rapport, mais, une fois encore, arrêtons de refuser de rechercher des recettes nouvelles, car cela nous conduira à déshabiller Paul pour habiller Pierre, ce qui ne fera jamais une politique générale.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Quel est le nombre de personnels dédiés à la guerre informationnelle ? Des linguistes figurent-ils dans les effectifs ? Quelles sont les bonnes pratiques développées par d'autres pays dont pourrait s'inspirer la cellule de riposte ? Certains pays se sont engagés depuis fort longtemps dans la guerre informationnelle, la stratégie d'influence russe et chinoise en Afrique ayant contribué au repli de la France.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur pour avis. - Il est bien question d'une montée en puissance dans ce domaine puisque la DCP du ministère s'est dotée d'une sous-direction dédiée à la veille et à la stratégie, bien distincte de la communication traditionnelle, avec le recrutement d'un directeur adjoint qui se complète par d'autres embauches, et qui pratique la riposte.
Nos amis britanniques sont bien plus en avance que nous en matière de riposte et disposent d'une expérience qui peut nous être profitable. Nous reviendrons vers vous par écrit au sujet des effectifs détaillés. J'ajoute que cette nouvelle sous-direction et la cellule de riposte forment à leur tour des personnes-ressources, la riposte devant aussi s'appuyer sur des initiatives des chefs de postes et des chargés de communication, afin d'adapter les contenus localement et de répondre aux attaques au plus près du terrain.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » au sein de la mission « Action extérieure de l'État ».