II. L'AEFE À LA CROISÉE DES CHEMINS

A. L'AEFE EST CONFRONTÉE À UN EFFET DE CISEAUX RÉSULTANT DE LA DIMINUTION DE SA SUBVENTION POUR CHARGES DE SERVICE PUBLIC ET DE LA HAUSSE DE SES CHARGES

1. Une croissance des effectifs d'élèves qui se maintient mais qui ne permettra pas d'atteindre l'objectif de doublement d'ici 2030

Nombre d'élèves scolarisés dans le réseau EFE

L'enquête sur les effectifs prévisionnels d'élèves scolarisés dans le réseau de l'enseignement français à l'étranger (EFE), fondée sur les inscriptions enregistrées anticipe environ 403 000 élèves à la rentrée 2025, contre 398 108 en 2024-2025, soit une hausse de 1,2 %.

Cette progression est principalement portée par les établissements partenaires et par la croissance du nombre d'élèves non français.

Source : MEAE

Compte-tenu des taux de croissance enregistrés au cours des dernières années (moins de 2 % en moyenne entre 2017 et 2025, alors qu'un taux de croissance annuel moyen de 5,5 % aurait été nécessaire pour permettre un doublement des effectifs), les rapporteurs ont interrogé le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) sur le maintien de l'objectif présidentiel de doublement des effectifs d'élèves de l'enseignement français à l'étranger (EFE) à l'horizon 2030 (« Cap 2030 »), soit 700 000 élèves.

S'il leur a bien été confirmé que cet objectif demeurait inchangé, sa réalisation reposera toutefois sur une forme d'« artifice comptable », consistant à intégrer, aux côtés des élèves scolarisés dans les établissements de l'EFE, ceux issus des établissements labellisés LabelFrancÉducation. 

L'atteinte de l'objectif de doublement des effectifs d'élèves de l'EFE d'ici 2030 reposera sur une forme d'artifice comptable, consistant à intégrer les élèves issus des établissements labellisés LabelFrancÉducation.

Le réseau LabelFrancEducation

Créé en 2012, le LabelFrancÉducation, attribué par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères (MEAE), distingue les filières bilingues francophones offrant un enseignement renforcé du français et d'au moins une discipline non linguistique (DNL) en français, conformément au programme national du pays d'accueil

La gestion administrative et financière de la labellisation est assurée par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).

En 2025, le réseau compte 778 filières bilingues francophones réparties dans 66 pays, contre 716 dans 67 pays en 2024 et accueillait près de 200 000 élèves en 2024.

2. Une subvention pour charges de service public qui connaîtra une nouvelle baisse en 2026

La subvention pour charges de service public (SCSP) versée à l'AEFE s'élèvera à 391,6 M€, contre 416,6 M€ inscrits en loi de finances pour 2025, soit une diminution de 25 M€ (- 6 %). Cette baisse fait suite à une première coupe intervenue en 2025 de 38 M€.

3. Une croissance des charges insuffisamment compensée

L'AEFE est confrontée à une augmentation du poids financier de deux mesures dont la compensation par l'État n'est plus intégralement assurée.

D'une part, la SCSP, rebasée à 120 M€ en 2009 afin d'intégrer les charges de pension civile, ne couvre plus aujourd'hui l'évolution du coût de cette mesure. En 2025, 66 M€ restaient ainsi à la charge directe de l'AEFE, financés sur ses ressources propres, principalement grâce à la participation financière complémentaire (PFC) versée par les établissements du réseau. La hausse de quatre points du taux employeur de la pension civile des fonctionnaires prévue en 2026 entraînera un surcoût estimé à 10 M€ pour l'Agence.

Récapitulatif du montant du CAS Pensions depuis 2020 

Source : MEAE

D'autre part, la réforme du statut des personnels détachés entrée en vigueur en 2022 générera un coût supplémentaire évalué à 24,3 M€ en 2026, dont 9,9 M€ au titre de la masse salariale et 14,4 M€ liés au fonctionnement et à la mobilité.

Ainsi, compte tenu de la diminution de la SCSP observée en 2025 (- 35 M€) et prévue en 2026 (25 M€), les surcoûts liés à la réforme statutaire et à l'augmentation des charges de pension civile ne sont, de facto, plus compensés par la subvention versée par l'État.

4. Une dégradation de l'état du parc immobilier des établissements en gestion directe qui pèse sur leur compétitivité

L'exécution des opérations prévues dans le cadre des schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) 1 pour 2011-2015 et 2 pour 2016-2020 reste en cours, représentant un ensemble de 23 opérations et un reste à exécuter s'élevant à 90,7 M€ au 31 décembre 2024, sur un montant total engagé de 321,16 M€.

Plusieurs facteurs expliquent ce retard dans l'exécution des projets. La crise sanitaire a fragilisé la situation financière de nombreux établissements ainsi que celle de nombreuses familles, limitant leur capacité à s'engager sur des dépenses d'investissement courant sur plusieurs années. Parallèlement, l'Agence ne dispose plus des marges financières nécessaires pour soutenir les établissements dans leurs investissements. En particulier, l'interdiction de recourir à l'emprunt, confirmée par l'INSEE en mai 2021 qui a réaffirmé le statut d'organisme divers d'administration centrale (ODAC) de l'AEFE, contraint l'Agence à utiliser des avances de l'Agence France Trésor (AFT) pour financer ses opérations, via le programme 823 « Avances à des organismes distincts de l'État et gérant des services publics » (9 M€ en 2025). Ce dispositif devrait se maintenir jusqu'à la fin de l'année 2026. Les établissements en gestion directe (EGD) mobilisent également leur trésorerie pour financer certaines opérations. Cette solution, bien que nécessaire, présente plusieurs limites, notamment en cas de fluctuations des taux de change susceptibles d'entraîner une dépréciation de la valeur des fonds constitués.

La nécessité pour les établissements d'autofinancer leurs projets immobiliers ralentit de facto leur programmation et limite leur capacité à envisager des investissements globaux, alors même que l'état réel de leurs patrimoines nécessite des travaux importants. Certains EGD connaissent une dégradation de leur patrimoine immobilier, ce qui nuit à leur attractivité, dans un contexte où les familles sont appelées à supporter des frais en augmentation.

Pour faire face à ces contraintes, l'AEFE a proposé plusieurs pistes, notamment le rebasage de la SCSP, le renforcement de la subvention pour charges d'investissement et la création de fonds d'amorçage, qui sont encore à l'étude. Dans ce contexte, le SPSI 3, couvrant les cinq prochaines années, affiche un besoin global s'élevant à 230 M€ pour moderniser et rénover les infrastructures du réseau.

La refonte du modèle économique de l'AEFE (cf. infra) devra veiller à apporter une réponse pérenne à cette problématique qui n'a que trop duré.

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