EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 26 novembre 2025 sous la présidence de M. Alain Milon, la commission examine le rapport pour avis de Mme Jocelyne Guidez sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » du projet de loi de finances pour 2026.
M. Alain Milon, président. - Mes chers collègues, je suis heureux de vous retrouver à l'issue de ces journées de travail intenses et particulièrement riches, consacrées à l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026. Je tiens à saluer la très haute tenue des travaux menés au Sénat. Je me félicite également de la sérénité de nos débats, à l'inverse de ceux qui se sont déroulés à l'Assemblée nationale.
Nous avons aujourd'hui le plaisir d'accueillir trois députées de l'Assemblée nationale du Bénin.
Mesdames les députées, soyez les bienvenues au sein de la commission des affaires sociales, pour assister à nos travaux, qui seront, j'en suis certain, aussi sereins que de coutume.
Notre ordre du jour appelle l'examen de trois rapports pour avis de notre commission sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2026.
Nous commençons par la mission « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation », dont Jocelyne Guidez est la rapporteure pour avis.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis de la mission « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ». - La mission budgétaire dont l'examen ouvre nos travaux ce matin a été rebaptisée pour 2026 « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ». Je ne peux que me réjouir de ce nouvel intitulé ; voilà quatre ans que nous plaidons en ce sens. Après le changement de nom de l'Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG) en 2023, il ne reste plus au ministère des armées et « des anciens combattants » qu'à trouver une dénomination plus fidèle à la nouvelle réalité du monde combattant.
Mais ne nous « payons pas de mots » ; les enjeux budgétaires de la mission sont beaucoup plus moroses...
Par rapport au montant prévu en loi de finances initiale (LFI) pour 2025, les crédits demandés en 2026 diminueraient de 6,27 % pour s'établir à 1,7 milliard d'euros.
Je commencerai par vous présenter l'évolution des crédits regroupés dans le programme 158 destinés à l'indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale.
Les crédits demandés pour 2026 s'élèvent à 78,4 millions d'euros, soit une diminution de 8,1 % par rapport à 2025. Cette légère diminution des crédits du programme s'explique par l'effet conjugué de la diminution naturelle du nombre de crédirentiers et des nouvelles demandes d'indemnisation.
S'agissant des indemnisations des victimes de spoliations durant la Seconde Guerre mondiale, les crédits diminueraient de 12,1 % pour atteindre 9,9 millions d'euros. De même, les crédits pour l'indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites baisseraient de 10,3 % pour 2026.
Enfin, une enveloppe de 43,9 millions d'euros - en baisse de 5,8 % par rapport à 2025 - serait ouverte pour l'indemnisation des victimes d'actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale.
S'agissant du programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation », qui regroupe 95 % des crédits de la mission, la contraction des crédits suit la baisse continue du nombre de bénéficiaires des pensions militaires d'invalidité (PMI) et des autres prestations versées aux combattants.
La ligne budgétaire prévue pour le versement des PMI s'élève en effet à 617 millions d'euros, soit une diminution de 45 millions d'euros par rapport à 2025. Cette baisse s'explique, comme chaque année, par le déclin démographique naturel des bénéficiaires de ces pensions. L'hypothèse retenue par le Gouvernement est celle d'une diminution de 4,7 % du nombre de pensionnés, qui devrait atteindre 138 000 en 2025.
L'allocation de reconnaissance du combattant est attribuée aux titulaires de la carte du combattant ayant atteint l'âge de 65 ans, en témoignage de la reconnaissance de la Nation. L'enveloppe proposée est de 463 millions d'euros, en baisse de 41 millions d'euros par rapport à la LFI pour 2025. De même, la diminution anticipée de 8,4 % du nombre de bénéficiaires explique cette moindre budgétisation.
Cette tendance démographique est amenée à se poursuivre, puisque les nouveaux titulaires de la carte du combattant ne peuvent numériquement remplacer les générations déclinantes des combats d'Indochine ou d'Afrique du Nord. Ainsi, au 1er juillet 2025, les cartes du combattant accordées pour la guerre du Golfe ou pour les opérations extérieures (Opex) plus récentes s'élevaient à 187 600. En comparaison, plus de 1,6 million de combattants ont reçu une carte au titre de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc et, parmi eux, 465 000 sont toujours bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance en 2025.
J'en viens à la question névralgique de cette mission budgétaire : la valeur du point de PMI, à partir de laquelle sont calculés les montants des pensions et des allocations - je rappelle que le montant de l'allocation de retraite du combattant est de 835,64 euros par an, versé en deux fractions.
Ce point est indexé sur l'évolution de la rémunération des fonctionnaires civils de l'État. Elle a fait l'objet d'une revalorisation exceptionnelle en 2022, à la suite des travaux d'une commission tripartite qui avait constaté une perte de pouvoir d'achat au regard de l'évolution de l'inflation depuis 2005. Un décret avait également revu les modalités d'indexation en prévoyant que l'évolution de la rémunération des fonctionnaires est répercutée sur la valeur du point au début de chaque année civile, sur la base d'une période de référence allant du troisième trimestre de l'année n-2 au deuxième trimestre inclus de l'année n-1. Toutefois, des règles transitoires avaient été prévues afin de prendre en compte plus rapidement les revalorisations exceptionnelles du point d'indice des fonctionnaires intervenues en 2022 et 2023.
La fixation du point de PMI pour 2026 suit, pour la première fois, les règles de droit commun. Cependant, une difficulté est patente : sur la période considérée, l'évolution de l'indice de traitement brut - grille indiciaire (ITB-GI) est strictement nulle. En conséquence, le Gouvernement se retranche derrière cette stabilité pour ne pas faire évoluer le point de PMI, alors même que l'inflation prévisionnelle pour 2025 est de 1,1 %.
Il me semble que l'absence de toute revalorisation du point de PMI ne peut être juste et acceptable pour le monde combattant que si elle s'inscrit dans le gel général des pensions et des allocations sociales. Or si le Gouvernement - qui ne s'est pas opposé réellement à la suppression de l'article 44 du PLFSS - et l'Assemblée nationale finissent par rétablir la revalorisation de toutes les pensions et prestations sociales, comment accepter que les pensions et allocations dues à nos combattants restent, quant à elles, gelées ?
Si telle est bien la situation à la fin de l'année, il conviendra que le Gouvernement en tire les conséquences en décidant d'un « coup de pouce » pour 2026 à la valeur du point de PMI, comme il a déjà été décidé par le passé.
L'examen budgétaire de cette année n'échappe pas aux débats sur la formule miracle à appliquer à l'avenir pour la détermination du point de PMI. Un amendement du président Jean-Michel Jacques a, par exemple, été adopté en commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale afin de demander un rapport sur les incidences d'une indexation « sur la rémunération indiciaire brute moyenne des militaires au lieu du traitement des fonctionnaires civils actuellement ».
En audition, j'ai pu interroger les représentants du monde combattant, ainsi qu'Alice Rufo, ministre déléguée auprès de la ministre des armées et des anciens combattants. Si depuis 2022, l'évolution de l'ITB-GI des militaires est plus favorable que celle des fonctionnaires civils, notamment grâce aux effets de la loi de programmation militaire (LPM), le pari risquerait d'être perdant sur le long terme. Il convient donc d'être prudent et de ne pas choisir des modalités pérennes d'indexation sous le prisme déformant de la situation de court terme.
J'en viens maintenant aux moyens alloués aux opérateurs qui accompagnent les combattants et les autres ressortissants.
La subvention pour charge de service public versée à l'Institution nationale des invalides (INI) s'établirait à 14,4 millions d'euros et resterait stable.
La subvention versée à l'ONaCVG diminuerait de 6,1 millions d'euros pour s'établir à 59,6 millions d'euros dans le PLF pour 2026. Cette baisse s'expliquerait par le transfert du pilotage budgétaire du dispositif Athos de l'Office à l'Institution de gestion sociale des armées (Igesa), à compter du 1er janvier 2026. Une sous-action « Igesa - Maisons Athos », dotée de 6,1 millions d'euros, serait ainsi créée dans le PLF pour 2026.
Cette nouvelle étape dans la consolidation d'Athos, dispositif au profit des militaires blessés psychiques, paraît de bon sens, puisque l'ONaCVG lui-même reconnaît que, en cédant le co-pilotage, exercé depuis 2023, il pourra se recentrer sur son coeur de métier, c'est-à-dire « l'animation du réseau territorial de l'Office dans le suivi et l'accompagnement des blessés ainsi que [...] la conduite du rapprochement stratégique entre l'Office et les armées ». En outre, la directrice générale de l'ONaCVG restera tout de même membre du comité directeur d'Athos.
En neutralisant ce transfert des moyens financiers pour Athos, la subvention de l'ONaCVG est stable sur un an et n'a progressé que de 6,65 % depuis 2021, soit une hausse plus faible que l'inflation. L'ONaCVG m'a alertée sur les conséquences de l'absence de « rebasage » de la subvention au niveau des dépenses de personnel. Cette stabilité de la subvention et l'augmentation des dépenses, notamment salariales, rendent l'exécution budgétaire pour l'opérateur de plus en plus difficile, si ce n'est impossible, pour 2026... Il conviendrait que les ministères de tutelle entendent ces difficultés, alors que l'Office risque de se retrouver bientôt à la « croisée des chemins » et que les premières réflexions sur son réseau territorial sont en cours - notamment la réunion de deux services départementaux.
Les moyens accordés à l'Office par le PLF pour mener des actions de solidarité envers ses ressortissants sont d'ailleurs en baisse de 5 millions d'euros, sur une enveloppe déjà réduite. Cette diminution correspond à la suppression regrettable de la subvention accordée en 2024 et 2025, à hauteur de 4 millions d'euros, afin de soutenir les pupilles de la Nation majeurs et les orphelins de guerre. En outre, le budget d'action sociale pour les autres ressortissants de l'ONaCVG diminuerait de 1 million d'euros. Or si le nombre total de ressortissants diminue, l'Office fait remarquer, à juste titre, que les effectifs de ressortissants en grande difficulté, comme les veuves en situation d'isolement social, ont plutôt tendance à augmenter.
Les moyens alloués aux actions en faveur des Harkis et des autres rapatriés diminueraient de 4,3 % par rapport à 2025, pour s'établir à 118 millions d'euros. En particulier, l'enveloppe consacrée au droit à réparation, en application de la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les Harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français, décroîtrait de 16 %, pour s'établir à 58,8 millions d'euros.
Ce montant tient cependant compte de l'extension du nombre de sites éligibles, puisque 37 nouvelles structures ont été reconnues, en application d'un décret du 3 septembre 2025, et à la suite d'un rapport de la Commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les Harkis, les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et les membres de leurs familles (CNIH). Cette extension induit une dépense nouvelle estimée à 8 millions d'euros en 2026.
Je ne peux que regretter, comme l'an passé, que le montant total budgétisé en PLF et la cible afférente de 6 000 bénéficiaires indemnisés en 2026 ne correspondent pas à la réelle capacité de l'ONaCVG de traiter les demandes. Au 21 août 2025, l'Office estime à environ 12 600 le nombre de demandes non traitées, et qui devraient être acceptées. Dès lors, pour des raisons budgétaires, l'instruction des dossiers et leur présentation à la Commission, qui devaient initialement prendre fin en 2026, devraient se poursuivre au moins jusqu'en 2027.
Les crédits en faveur de la politique de mémoire diminueraient de 22 % par rapport à 2024, pour s'établir à 25,8 millions d'euros. Cette forte baisse s'expliquerait notamment, selon le Gouvernement, par la fin du cycle lié au quatre-vingtième anniversaire des débarquements, de la Libération et de la Victoire. Néanmoins, la diminution de 7,3 millions d'euros va un peu au-delà et quelques baisses de crédits pour la politique mémorielle sont décorrélées de la fin du cycle commémoratif. Il est regrettable que les lignes budgétaires à la disposition de l'ONaCVG pour les actions mémorielles, l'entretien du patrimoine et la rénovation des monuments aux morts diminuent également.
Enfin, je terminerai mon intervention sur la seule véritable satisfaction contenue au sein du programme 169. Les crédits consacrés aux liens armées-jeunesse sont préservés par le PLF 2026. La Journée défense et citoyenneté (JDC) bénéficierait d'une enveloppe maintenue à 37,6 millions d'euros. Cette stabilité budgétaire devrait permettre la poursuite du déploiement de la JDC « nouvelle génération ». Ce nouveau format, sur une journée entière avec un contenu revu et davantage militarisé, va dans le bon sens, quoiqu'il demeure encore insuffisant.
De même, nous pouvons nous réjouir que le service militaire volontaire (SMV) fonctionne très bien, affichant un taux de réussite de 80 %. Les moyens alloués au profit des volontaires stagiaires âgés de 18 à 25 ans, en situation de difficultés socio-professionnelles, demeurent stables à 3,5 millions d'euros.
Pour conclure, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission, sous le bénéfice des observations formulées sur le point de PMI et sur les moyens alloués à l'ONaCVG. L'attente du monde combattant est, en la matière, bien réelle.
Mme Émilienne Poumirol. - Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) votera les crédits de la mission « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ». Je n'ai rien à ajouter aux propos de Mme la rapporteure pour avis, si ce n'est pour souligner une nouvelle fois que la valeur du point de PMI n'a pas été revalorisée. Pourtant, les montants en jeu sont dérisoires.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis. - Je vous rejoins totalement. Pour la première fois, j'ai été tentée de vous proposer une abstention. Mais je ne puis m'y résoudre pour le monde combattant. Ses représentants nous ont clairement indiqué qu'ils attendaient ces moyens. Cela ne nous empêche pas de rester pleinement mobilisés à leurs côtés.
S'agissant du point de PMI, si le Gouvernement accepte une revalorisation de 1,2 % pour les autres pensions, il faudra également qu'il revalorise le point de PMI. Une vigilance particulière s'impose à cet égard.
M. Laurent Burgoa. - Je remercie Mme la rapporteure pour avis. Celle-ci a évoqué la loi du 23 février 2022. Je souhaite rappeler l'important travail réalisé par Marie-Pierre Richer pour améliorer ce texte, ainsi que sa combativité en commission mixte paritaire (CMP) afin de parvenir à un accord. Il serait utile que notre collègue, représentante du Sénat au sein de la CNIH, puisse nous présenter chaque année un bilan de l'activité de cette instance, afin de nous tenir informés de ses avancées, de ses points forts et de ses points faibles. Dans mon département, c'est d'ailleurs une fierté que cette commission soit aujourd'hui présidée par une Gardoise, Mme Françoise Dumas.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ».