B. CE SALUTAIRE APUREMENT DES FINANCES PUBLIQUES NE DOIT PAS CONDUIRE À RETARDER DES INVESTISSEMENTS NÉCESSAIRES POUR AMÉLIORER SES PERFORMANCES
Le contrôle aérien français rend un service d'une qualité peu satisfaisante. Le rapport d'activité de 2024 de la direction des services de navigation aérienne (DSNA) met en avant que « La France est le pays qui génère le plus de retards en Europe ». Cette situation s'explique par plusieurs facteurs : outils techniques obsolètes, organisation du travail insuffisamment efficiente, manque d'effectifs, conflictualité sociale.
Source : DSNA
Les systèmes techniques utilisés par le contrôle aérien français sont obsolètes. Devant ce constat, la DGAC a entamé un programme de modernisation, dont les coûts ont connu une forte dérive. La Cour des comptes a ainsi souligné que la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) « n'a pas su maîtriser ces grands projets dont les délais ont été maintes fois repoussés, dont les coûts prévisionnels ont explosé - ceux des trois principaux dépassant désormais 2 Mds € - et qui, plus de dix ans après leur lancement et malgré des dépenses élevées, n'ont encore eu que peu d'impact sur les performances du contrôle aérien ». Ces projets sont cependant enfin en voie d'aboutissement. Le système de gestion du trafic « 4-FLIGHT » a désormais été déployé dans trois centres de contrôle en route (CNRA) entre 2022 et 2025 (Reims, Aix-en-Provence, et Athis-Mons). Pour le rapporteur pour avis, accélérer le déploiement de ce système est un impératif. Il permet en effet des gains de productivité estimés à 25 % après trois ans. En outre, le maintien en condition opérationnelle des anciens systèmes de gestion du trafic engendre des coûts élevés, estimés à 13 millions d'euros en 2025. La trajectoire de désendettement ne doit donc pas se faire au détriment de nécessaires investissements d'avenir, afin d'améliorer la qualité du service rendu aux compagnies aériennes et à leurs passagers.
En 2024, la première cause de retards (29 %) liés au contrôle aérien français est le manque de contrôleurs pendant les pics de trafic. Cette situation s'explique par une organisation du travail encore trop rigide. Pour le rapporteur pour avis, la DGAC doit renforcer la modernisation des méthodes de travail des contrôleurs pour les adapter aux évolutions du trafic.
La vague de départs à la retraite de contrôleurs aériens entre 2029 et 2034 mérite aussi d'être anticipée. Environ 1 000 départs à la retraite sont à prévoir, soit un quart des effectifs. Compte tenu du temps de formation des contrôleurs aériens, le recrutement des élèves contrôleurs doit, dès à présent, être mis en place. Or force est de constater que les recrutements en cours ne permettront pas de compenser l'intégralité des départs à la retraite. Les effectifs d'ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA) sont donc en hausse de 110 emplois équivalents temps plein en 2026. Pour la commission, dans un contexte de croissance du trafic aérien et de performance insuffisante du contrôle aérien français lié à des manques d'effectifs fréquents, renforcer l'effort de recrutement d'élèves contrôleurs aériens dans les prochaines années est un impératif.
Les conflits sociaux aussi sont responsables de nombreuses perturbations de vols. En 2024, ils ne représentaient que 3 % des retards, notamment grâce à la mise en oeuvre de la loi relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic du 28 décembre 2023. Ce texte opportun, issu d'une initiative sénatoriale de notre collègue Vincent Capo-Canellas, a en effet introduit le principe d'une déclaration individuelle d'une participation à la grève en amont de celle-ci. Pour autant, plusieurs mouvements sociaux en 2025, notamment les 3 et 4 juillet, ont occasionné de nombreux retards et annulations de vols.
La DGAC a également lancé un programme de rationalisation de ses emprises territoriales afin de mieux maîtriser ces coûts et de renforcer la résilience du service rendu. Elle s'est fixé l'objectif de fermer 20 à 25 tours de contrôle d'ici 2034, réparties en trois vagues (2028, 2031, 2034). La première vague, avec un retrait en 2028, concerne les aéroports d'Agen, Albert-Bray, Colmar, Merville, Quimper et Saint-Étienne. Selon la DGAC, le retrait du contrôle ne signifie pas la fermeture de l'aérodrome, car un service AFIS (service d'information de vol et d'alerte) peut être mis en place par l'exploitant, pour un coût moyen compris entre 150 000 et 200 000 € par an, contre 1 à 1,5 M € par an pour un service de contrôle. Pour le rapporteur pour avis, cette réorganisation est bienvenue, sous réserve d'un point de vigilance : elle aboutit à un transfert des coûts du contrôle aérien de la DGAC vers les exploitants des aéroports, en pratique les collectivités territoriales. Il appelle donc à une prise en charge pérenne par la DGAC des services AFIS déployés en remplacement du service de contrôle.
Autre fait marquant de ce programme : la mutualisation bienvenue des centres de contrôle d'approche, qui devraient passer de 28 à 18 d'ici 2030. Ce plan aura le mérite de renforcer la qualité du service rendu à moyens constants.
