CHAPITRE III
LES CRÉDITS CONSACRÉS
AUX TRANSPORTS ROUTIERS

Réunie le 3 décembre 2025, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, suivant son rapporteur pour avis, Hervé Gillé, a émis un avis favorable aux crédits relatifs aux transports routiers inscrits au projet de loi de finances pour 2026, sous le bénéfice de l'adoption de 18 amendements en faveur du financement des infrastructures de transports et de la décarbonation du secteur.

Comme l'a mis en exergue la conférence « Ambition France Transports » en juillet dernier, l'écart entre la trajectoire actuelle d'investissement dans les infrastructures de transport et les besoins identifiés pour résorber la dette grise qui s'est accumulée du fait d'un sous-investissement chronique est considérable. La commission ne peut que souscrire aux pistes identifiées dans le cadre des travaux de cette conférence, plaidant pour accentuer le fléchage vers l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) du produit de la fiscalité supportée par le secteur des transports. Elle appelle également à saisir l'opportunité du renouvellement des concessions autoroutières à horizon 2031-2036 pour consolider le modèle de financement des transports, notamment en envisageant le fléchage d'une partie du produit des péages.

La commission tire la sonnette d'alarme sur l'état du réseau routier. S'agissant du réseau routier national non concédé (RNCC), les infrastructures sont prises dans une spirale de dégradation qui nécessite un renforcement urgent des efforts d'investissement dans la régénération. Le réseau routier décentralisé constitue également un vif sujet d'inquiétude, notamment s'agissant des ouvrages d'art, dans un contexte de fortes contraintes financières conjuguant baisses de recettes et hausse des dépenses incompressibles. Il est en outre impératif de prolonger le programme national ponts (PNP) pour continuer à soutenir techniquement et financièrement les communes dans l'entretien de leurs ouvrages d'art, qui sont essentiels pour la cohésion et la continuité territoriales.

S'agissant des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) qui doivent assurer un choc d'offre de transports collectifs pour assurer la décarbonation du secteur, la commission appelle à renforcer leur modèle économique à travers la diversification de leurs ressources et le dégagement de nouvelles marges de manoeuvre financières. Le modèle de financement des AOM en zones peu denses doit également être consolidé pour résorber les zones blanches de la mobilité.

Enfin, la décarbonation du transport routier est fondamentale pour respecter les engagements climatiques de la France. Elle suppose néanmoins de maintenir les moyens dédiés au verdissement du parc de véhicules et au soutien aux mobilités partagées et d'adopter des dispositifs plus incitatifs en faveur de la sobriété environnementale du secteur.

I. INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT : UN MODÈLE DE FINANCEMENT À REPENSER POUR RÉPONDRE AUX BESOINS D'INVESTISSEMENT

A. CONFÉRENCE « AMBITION FRANCE TRANSPORTS » : UN ÉTAT DES LIEUX ALARMANT SUR L'ÉTAT DES INFRASTRUCTURES, UNE RÉFLEXION À MENER SUR LES LEVIERS DE FINANCEMENT

Inspirée d'une proposition formulée par la commission lors de l'examen de la loi relative aux services express régionaux métropolitains (Serm) du 27 décembre 2023, la conférence « Ambition France Transports » a dressé un état des lieux détaillé des besoins d'investissement dans les infrastructures et services de transport. Sur la période 2026-2031, elle identifie un besoin supplémentaire d'investissement à hauteur de 2 Mds€ par an pour assurer la régénération et la modernisation des infrastructures ferroviaires et fluviales et de 1 Md€ par an pour le réseau routier national non concédé (RRNNC), afin de résorber une dette grise accumulée après des décennies de sous-investissement. En outre, des investissements massifs seront nécessaires pour financer le « choc d'offre » de transports collectifs reposant sur les autorités organisatrices de la mobilité (AOM), notamment à travers le déploiement des Serm.

Dans un contexte budgétaire contraint, la conférence invite à prioriser les investissements en faveur de la régénération et de la modernisation des infrastructures existantes, à inscrire ces investissements dans un cadre pluriannuel stabilisé à travers une loi de programmation et à identifier des ressources pérennes pour financer ces besoins. Pour ce faire, elle met en avant plusieurs pistes de financements, notamment :

- un renforcement du fléchage des recettes issues de la fiscalité sectorielle des transports (la TICPE en premier lieu, ainsi que la TSBA et le produit du marché carbone européen, auquel sont soumis les transports) - qui, pour l'heure, alimentent en grande partie le budget général de l'État vers l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) ;

- l'extension progressive des mécanismes d'éco-contribution territoriale6(*) sur les poids lourds empruntant certains réseaux routiers locaux très fréquentés, notamment par les poids lourds en transit, et la mise en place de majorations ciblées des péages pour les poids lourds sur les autoroutes concédées faisant face à une importance congestion.

La commission souscrit à ces orientations et appelle à une vigilance renforcée sur la gestion de la fin des concessions autoroutières, qui s'étalera de 2031 à 2036, pour assurer le retour du réseau concédé « en bon état d'entretien ». Elle invite en outre à saisir l'opportunité de la fin des concessions pour repenser le modèle de financement des transports, comme le proposent les travaux de la conférence :

- d'une part, le produit des péages pourrait partiellement contribuer à financer la route ainsi que les autres modes de transport ;

- d'autre part, le périmètre des futures concessions pourrait intégrer certaines portions du réseau routier non concédé, afin de permettre une péréquation financière au profit de leur entretien et de leur régénération.

Enfin, dans la perspective de la révision de la directive européenne sur les méga-camions, le rapporteur pour avis estime opportun d'envisager d'autoriser la circulation des camions de 44 tonnes en France sur des axes bien identifiés moyennant le paiement d'une contribution particulière, au profit du financement des mobilités, et sous la forme d'une expérimentation.


* 6 Cette piste suppose néanmoins une réouverture du transfert de portions du RRNNC aux régions.

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