B. UN SCHÉMA D'EMPLOI MARQUÉ PAR LA RÉFORME STRUCTURELLE DE LA FORMATION INITIALE ET LA PRISE EN COMPTE DE LA DÉPRISE DÉMOGRAPHIQUE

· La création mécanique de 7 938 ETP au titre de la réforme de la formation initiale

La mise en place de la réforme initiale qui avance le concours à bac + 3 et prévoit un statut rémunéré d'élève stagiaire puis d'enseignant stagiaire pendant les deux années de master conduit mécaniquement à une hausse du nombre d'ETP au sein de la mission « enseignement scolaire ».

Conséquence mécanique de la réforme de la formation initiale sur les ETP

Programme 140 : 1er degré public

+ 3 506 ETP

Programme 141 : 2nd degré public

+ 3 424 ETP

Programme 230 : vie de l'élève

+ 190 ETP (CPE notamment)

Programme 139 : 1er et 2nd degrés privés

sous contrat 

+ 818 ETP

Source : documents budgétaires PLF 2026

· La suppression de près de 4 000 ETP d'enseignants titulaires dans un contexte de baisse démographique

Conséquence de la baisse de la natalité que connait la France depuis 15 ans, le nombre d'élèves est en forte diminution. Comme l'a déclaré devant la commission Édouard Geffray, ministre de l'éducation nationale : « nous aurons perdu 20 % de la population scolaire au cours des dix ou quinze prochaines années »1(*).

Cette chute est particulièrement marquée dans le premier degré. Elle concerne désormais le secondaire et notamment le collège. Après deux rentrées où la diminution du nombre de collégiens se limitait annuellement à 18 000, cette baisse va s'accentuer très fortement dès la prochaine rentrée. Entre 2023 et 2026, il y aura ainsi 218 000 collégiens en moins.

Évolution des effectifs au primaire

Évolution des effectifs dans le secondaire

 
 
 

Constat 2024

Variation 2025

Variation

2026

Variation 2027

Variation

2028

Variation 2029

Total variation 2024-2029

Effectifs

1er degré

6 260 558

- 90 730

- 116 812

- 118 933

- 113 775

- 120 518

- 560 768

Effectifs

Collège

3 386 211

- 18 011

- 29 300

- 44 500

- 48 800

- 59 300

- 199 911

Source : ministère de l'éducation nationale

La commission estime nécessaire de tenir compte de la déprise démographique et soutient la baisse de 4 000 ETP d'enseignants titulaires inscrits dans le PLF. Elle alerte sur un « déni démographique » qui aurait de graves conséquences à moyen terme au moment du rattrapage qui devra nécessairement s'opérer après un trop long retard pris :

Ø pour les futurs enseignants, elle conduirait alors à une baisse drastique du nombre de places au concours ;

Ø pour les communes ainsi que la communauté éducative, cela entraînerait une fermeture massive de classes dans un délai très court conduisant à une fragilisation des équipes pédagogiques et une brusque remise en cause du maillage territorial.

En revanche, il ne semble pas opportun au rapporteur d'aller au-delà de la réduction des ETP prévus par le PLF au risque de profonds bouleversements :

· Un nombre important de fermetures de classes dans les territoires qui sera difficilement absorbable socialement,

· Une remise en cause des priorités définies par le ministère (cf. ci-après), notamment le développement du lycée professionnel, le développement des toutes petites sections, le renforcement des moyens médico-sociaux de l'éducation nationale, les efforts en faveur de l'école inclusive, avec la poursuite de la création d'ULIS et l'accompagnement des élèves à besoins éducatifs particuliers, une meilleure prise en compte des « écoles orphelines » et un effort en faveur des collèges particulièrement défavorisés : lors de son audition, le ministre a indiqué sa volonté de soutenir davantage les 15 % de collèges où plus de la moitié des élèves n'ont pas le brevet et qui concentrent 40 % de la très grande difficulté scolaire.

· une tentation de diminuer les effectifs des brigades de remplacement, à rebours de l'effort fait l'année dernière par le ministère pour les reconstituer du fait de la marge de manoeuvre offerte par la non-suppression des 4 000 ETP initialement prévus au PLF 2025.

· une brusque réduction du nombre de places au concours envoyant un signal négatif aux étudiants au moment où le ministère cherche à renforcer l'attractivité du métier via la réforme de la formation initiale.

· une remise en cause dans certains territoires de la capacité à déployer la réforme de la formation initiale dans de bonnes conditions : celle-ci prévoit notamment de faire passer le pourcentage - fixé actuellement à 30 % - du volume horaire de formation par un professionnel de terrain exerçant dans l'enseignement scolaire à 50 %.

· des conséquences pour l'enseignement privé sous contrat - le ministère appliquant la règle du 80/20 régissant les relations budgétaires entre l'enseignement public et l'enseignement privé sous contrat - pouvant aller jusqu'à la fermeture de certains établissements.

Le rapporteur souligne les tensions qu'a suscitée l'élaboration de la carte scolaire en 2025 alors même que le schéma d'emploi était quasiment stable.

L'utilisation des 4 000 ETP non supprimés du budget 2025

Le PLF pour 2025 prévoyait initialement la suppression de 4 000 ETP. La commission, à l'initiative de son rapporteur, avait proposé un amendement visant à diminuer de moitié (à 2 000 ETP) ces suppressions. Au final, le gouvernement est revenu sur la quasi-intégralité de ces suppressions. L'élaboration de la carte scolaire 2025 a fait l'objet de nombreuses incompréhensions dans les territoires au regard de ce schéma d'emploi et du constat de fermetures de nombreuses classes.

Interrogé par le rapporteur, le ministère a précisé la ventilation de ces 4 000 ETP « sauvés » :

* 2 685 ETP d'enseignants du 1er degré

* 504 ETP d'enseignants du 2nd degré

* 170 ETP de conseillers principaux d'éducation

* 641 ETP d'enseignants du 1er et du 2nd degrés privés

800 ETP dans le 1er degré public ont été fléchés vers le renforcement des capacités de remplacement, 500 ETP ont été dédiés à la création des pôles d'appui à la scolarité, 340 ETP ont permis de renforcer l'accompagnement des élèves de 4ème et de 3e dans la continuité de la mise en place des groupes de besoins en 6ème et 5ème et 170 ETP ont été fléchés pour la création d'emploi de conseiller principal d'éducation (CPE) dans le cadre du plan « tranquillité scolaire ». Les autres ETP (2 190) ont permis d'assouplir la mise en oeuvre de la carte scolaire.

Depuis plusieurs années, la commission appelle à une meilleure prévisibilité et une programmation pluriannuelle de la carte scolaire. Celles-ci resteront à l'état de promesses tant que la définition du nombre d'ETP sera annuelle. Il semble essentiel au rapporteur que soit élaboré un schéma pluriannuel d'emploi permettant de dessiner une trajectoire connue à l'avance de tous et d'anticiper les évolutions à l'échelle des territoires.

· des créations et fléchages de postes pour répondre à des besoins spécifiques et aux priorités définies par le ministère

Lors de son audition devant la commission, le ministre de l'éducation nationale a présenté ses priorités que traduit la création et le fléchage d'ETP prévus par ce projet de budget :

Ø Une poursuite des efforts en faveur de l'école inclusive

Le PLF 2026 prévoit 1 200 ETP supplémentaires d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). Leur nombre est en constante augmentation pour atteindre désormais 90 902 ETPT.

Cette augmentation ne suffit toutefois pas à couvrir le nombre de notifications qui s'accroit chaque année. À la rentrée 2025, 350 000 enfants bénéficient d'une modification d'une Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) pour disposer d'un AESH. 50 000 d'entre eux n'en avaient pas malgré la notification - ils étaient en comparaison 36 000 à la rentrée 2024. Fin octobre 2025, plusieurs dizaines de milliers d'entre eux étaient toujours sans accompagnement.

Mise en oeuvre de la loi sur la prise en charge par l'État des élèves sur le temps méridien

La loi n° 2024-475 du 27 mai 2024 prévoit la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne. Le décret n° 2025-137 du 14 février 2025 relatif à l'intervention des accompagnants des élèves en situation de handicap sur la pause méridienne est venu préciser les modalités d'organisation des interventions des AESH pendant le temps méridien.

Le service de la Direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) a estimé à 1 650 les ETP nécessaires pour la mise en oeuvre de la loi Vial en 2024-2025. Ceux-ci ont été pris sur les 3 000 ETP supplémentaires créés à la rentrée 2024. Pour cette année, la DGESCO estime à 2 000 le nombre d'élèves nécessitant un accompagnement sur le temps méridien. Actuellement, seuls 65 % bénéficient d'un tel accompagnement.

Source : DGESCO

Par ailleurs, le ministère poursuit sa politique de développement des ULIS afin d'atteindre l'objectif d'une ULIS dans chaque collège en 2027. Pour cela, le PLF pour 2026 flèche 300 ETP vers le développement des ULIS.

Ø des moyens supplémentaires au nom de l'égalité des chances

Le ministre a souhaité prendre des mesures en faveur de l'égalité des chances. 100 ETP sont ainsi fléchés pour la poursuite du développement des toutes petites sections dans les quartiers prioritaires de la ville. Elle s'inscrit dans la politique menée par le ministère de l'éducation nationale du développement des toutes petites sections dans les quartiers prioritaires de la ville et en éducation prioritaire menée depuis 2024 (après l'ouverture de 60 TPS en 2024 par appel à projet, celui-ci a été reconduit pour les QPV à la rentrée 2025 pour 50 ETP. En 2026, 100 ETP sont prévus).

Par ailleurs, 100 ETP sont fléchés vers les écoles orphelines.

Ø L'amélioration de la santé physique et psychique des élèves

Le ministre a annoncé la création de 300 ETP d'infirmières scolaires, de psychologues et d'assistantes sociales. Plutôt qu'un « saupoudrage », le ministre souhaite prioriser les établissements les plus en difficulté en y implantant directement un trinôme infirmière scolaire - psychologue-assistante sociale.

Ø Un renforcement des contrôles des établissements privés et de l'accompagnement au numérique

La DGSCO a indiqué souhaiter flécher 100 ETP pour le renforcement des contrôles sur les établissements privés, notamment dans le cadre du programme « brisons le silence, agissons ensemble » ainsi que pour le renforcement des équipes numériques.


* 1 Audition du 5 novembre 2025.

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