II. LA FORMATION INITIALE DES ENSEIGNANTS : UNE RÉFORME ATTENDUE, DES INTERROGATIONS QUI DEMEURENT

A. UNE RÉFORME DE LA FORMATION INITIALE DES ENSEIGNANTS REPRENANT PLUSIEURS PRÉCONISATIONS DE LA COMMISSION

Annoncée par Nicole Belloubet, alors ministre de l'éducation nationale en avril 2024, la réforme de la formation initiale des enseignants et personnels de direction entre en vigueur en 2026.

· Un concours avancé à bac + 3 et deux années de formation en master rémunérées sous statut de fonctionnaire

À partir de 2026, le concours actuellement positionné à bac + 5 pour les enseignants du premier degré, pour le Certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (CAPES) ainsi que pour les CPE aura lieu à bac + 3. Deux années de transition sont prévues en 2026 et 2027 avec une cohabitation d'un concours à bac + 5 pour les étudiants actuellement en master Métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation (MEEF) et celui à bac + 3.

L'avancement du concours répond à une double logique :

Ø Renforcer l'attractivité du métier d'enseignant, notamment en facilitant l'accès à ces études pour les étudiants d'origine modeste grâce à une rémunération des deux années de master ;

Ø Garantir une formation de qualité aux futurs enseignants en répondant à leurs besoins. Il existe un consensus auprès de l'ensemble des acteurs du monde éducatif pour juger le formation initiale « inadaptée ». Plus de 50 % des enseignants français expriment un manque de préparation s'agissant de la pédagogie et des pratiques de classes à l'issue de la formation2(*).

Le nouveau master « enseignement et éducation » - M2E - s'articule autour de quatre « blocs » :

- la maîtrise et l'enseignement des disciplines ;

- l'adaptation à la diversité des élèves et des contextes ;

- l'inscription de l'acte d'enseigner dans le cadre du service public de l'éducation ;

- l'initiation à la recherche et l'engagement d'une dynamique de développement continu.

Le M2E permet un renforcement du contrôle par le ministère de l'éducation nationale du contenu des masters et de la formation de ses futurs enseignants, ce que la commission appelle de ses voeux depuis de nombreuses années. En effet, le cadrage de ces masters est national. Il a été élaboré en commun au sein d'un groupe de travail associant la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP) du ministère de l'enseignement supérieur, l'inspection générale de l'enseignement, du sport, de la recherche, la direction générale de l'enseignement scolaire et la direction générale des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale.

Ce master prévoit également des stages obligatoires, dont un stage en responsabilité la seconde année. Le rapporteur a entendu les interrogations des syndicats d'enseignants sur les modalités de mise en oeuvre de ce stage, notamment dans l'accompagnement de l'enseignant stagiaire. Il lui semble nécessaire de poursuivre les échanges entre les différentes parties prenantes à cet égard.

Toutefois, il souligne le progrès que constitue ce stage obligatoire - celui-ci est facultatif en master MEEF - afin de permettre à l'enseignant stagiaire de se retrouver confronter à la réalité de la classe et de pouvoir revenir sur cette expérience dans le cadre de leur formation.

Modalités spécifiques de formation pour les lauréats au concours titulaires de certains diplômes

Le décret n° 2025-352 du 17 avril 2025 modifiant les conditions de recrutement et de formation des corps enseignants, du personnel d'éducation et des maîtres de l'enseignement privé sous contrat du ministère chargé de l'éducation nationale fixe les conditions de formation des lauréats au concours.

Les lauréats des concours externes ayant précédemment validé une première année de master ou titulaires d'un titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l'éducation pourront, si leur formation antérieure est jugée suffisamment en adéquation avec les fonctions qu'ils ont vocation à exercer, être dispensés, dans des conditions prévues par arrêté des ministres chargés de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la fonction publique, de la première année de formation.

Ils bénéficieront donc d'une formation d'une seule année en qualité de fonctionnaire stagiaire, qui sera adaptée selon leur parcours universitaire et professionnel antérieur. La titularisation interviendra à l'issue de la formation à la condition d'être titulaire du master.

Source : ministère de l'éducation nationale - documents budgétaires

La commission salue la reprise dans le cadre de cette réforme de deux de ses recommandations :

Ø une présence renforcée parmi les formateurs de professionnels du terrain exerçant dans l'enseignement scolaire. Il est ainsi prévu que 50 % du volume horaire de la formation en master soient assurés par ces professionnels ;

Ø le développement de la formation continuée : le ministère travaille sur la définition d'un nouveau référentiel de formation des enseignants allant de la licence aux trois années suivant la titularisation. Celui-ci pose le principe d'un développement progressif des compétences professionnelles des enseignants dans un continuum de huit ans. Ce référentiel est en cours d'élaboration.

· La nouvelle licence de professorat des écoles (LPE)

En complément de la modification de la place du concours, une nouvelle licence de professorat des écoles est créée à partir de la rentrée 2026.

La commission salue cette nouvelle voie de formation qui répond à une carence actuelle du parcours préparant aux concours de professeur du premier degré : proposer une licence pluridisciplinaire correspondant à la polyvalence attendu d'un enseignant du premier degré. Interrogé lors des travaux de la commission en 2024, Guillaume Gellé, Président de France Universités avait souligné que « ce parcours de formation construit en cinq ans permet de sortir de l'illusion que l'on peut former un enseignant en deux ans » 3(*).

Selon les informations transmises au rapporteur, les deux tiers des enseignements seront consacrés à la maîtrise des savoirs à enseigner (notamment le français et les mathématiques) et à la spécificité de leur enseignement en primaire.

Par ailleurs, cette nouvelle licence prévoit a minima dix semaines de stage, dont au moins six semaines en milieu scolaire et au moins une semaine continue de stage en école primaire à la fin du premier semestre.

La commission souligne le caractère essentiel de ces confrontations des étudiants le plus tôt possible aux réalités de la profession d'enseignants pour les confirmer dans leurs parcours ou, le cas échéant, pouvoir accompagner leur réorientation. Elle rappelle un chiffre présenté par le SNUIPP-FSU à l'occasion des travaux de la commission précédemment évoqués sur cette réforme : 29,5 % des professeurs des écoles lauréats du concours n'ont jamais réalisé de stage avant leur prise de poste.


* 2 Formation initiale et continuée des professeurs : au-delà des effets d'annonce, bâtir sur la durée une formation de qualité fondée sur la simultanéité des apprentissages académiques et des pratiques professionnelles, rapport n°683 de Mme Annick Billon et M. Max Brisson, session 2023-2024.

* 3 Formation initiale et continuée des professeurs : au-delà des effets d'annonce, bâtir sur la durée une formation de qualité fondée sur la simultanéité des apprentissages académiques et des pratiques professionnelles, rapport n°683 de Mme Annick Billon et M. Max Brisson, session 2023-2024.

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