B. UN BUDGET STABLE AU NIVEAU DU COUP DE RABOT SUBI EN 2025
· Un budget qui s'élève à 1,46 milliard d'euros hors CAS Pensions
Pour 2026, les crédits du programme 143, hors « CAS Pensions », s'établissent à 1,46 milliard d'euros. Ce budget est stable par rapport à celui voté en loi de finances pour 20252(*).
La commission rappelle toutefois le coup de rabot de 18,86 millions d'euros intervenu lors de l'examen du PLF 2025 à la suite d'un amendement du gouvernement et auquel le rapporteur s'était opposé.
Le programme 143 se distingue par le caractère extrêmement rigide des dépenses. Plus de 95 % de celles-ci sont « contraintes » comme le souligne la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) du ministère de l'agriculture. Il s'agit des salaires et rémunérations dus aux agents, des bourses sur critères sociaux et gratifications pour les stages dont les conditions d'attribution sont communes avec l'éducation nationale, ou encore de la dotation aux établissements privés en application de critères définis par les textes législatifs et réglementaires.
Le coup de rabot de 18,86 millions d'euros voté lors du PLF pour 2025
Lors de l'examen du PLF pour 2025, la commission avait alerté sur les très maigres marges de manoeuvre caractérisant le programme 143 et le risque de coup d'arrêt à l'attractivité retrouvé de l'enseignement agricole.
La diminution de 18,86 millions d'euros au cours de la navette parlementaire a conduit le ministère à instaurer un schéma d'emploi négatif de 45 ETP - dont 25 ETP dans l'enseignement public -, à rebours de la hausse des effectifs pourtant constatée à la rentrée 2024.
Selon les syndicats enseignants de l'enseignement agricole public, les Directions régionales de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) ont absorbé ces suppressions de trois façons en fonction des territoires et filières : la modification des seuils de dédoublement des classes, la fusion de classes (réunir deux sections de bacs professionnels différents dans une même classe pour dégager des ETP sur les matières communes) ou encore le gel de l'ouverture de classe. Ils ont également informé le rapporteur du retrait en début d'année 2025 de formations de BTSA de la plateforme Parcoursup, celles-ci n'ouvrant au final pas à la rentrée.
10 millions d'euros des crédits ont également été supprimés sur le pacte enseignant et des projets de modernisation des systèmes informatiques obsolètes de l'administration de l'enseignement agricole ont été reportés. Certains dispositifs de formation continue, ainsi que des partenariats professionnels et des actions éducatives, notamment aux valeurs de la République, n'ont pas pu avoir lieu.
Enfin, des crédits de fonctionnement et d'investissement prévus pour des établissements publics nationaux relevant de l'État (bergerie de Rambouillet, certains établissements d'enseignement en outre-mer) ont été annulés.
· Des hausses en 2026 constituées partiellement par des rattrapages des années précédentes
Le projet de budget prévoit la création de 40 ETP supplémentaires dont 35 pour la mise en oeuvre de la loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire (voir ci-après) et 5 ETP d'inspection afin de renforcer les contrôles au sein des maisons familiales et rurales (MFR).
Ces 5 ETP d'inspection concrétisent la politique portée par les ministères de l'éducation nationale de mieux lutter contre les violences sexuelles et sexistes dans tous les établissements d'enseignement. Pour les MFR, ils doivent également permettre une évaluation plus régulière de cette famille de l'enseignement agricole, notamment sur le volet pédagogique et de vie scolaire.
L'objectif affiché par la DGER est de parvenir à un contrôle annuel de 20 % des établissements dans chaque famille de l'enseignement agricole - soit un contrôle de chaque établissement tous les cinq ans. Si ce ratio de contrôle pour les établissements publics et privés sous contrat du temps plein est globalement atteint, la marche est encore haute pour les MFR : en 2024, le contrôle de seulement 4 MFR sur les 373 que compte le réseau était prévu3(*).
2 millions d'euros sont également budgétés pour la mise en oeuvre de la loi d'orientation, pour le Bachelor agro ainsi que le programme national d'orientation et de découverte des métiers.
· Une hausse des crédits principalement portée par des dépenses contraintes
En revanche, les autres hausses de crédits sont contraintes. Elles sont constituées par :
Ø le solde de dépenses engagées les années précédentes : 1 million d'euros sont ainsi destinés à solder les engagements pris au titre des exercices antérieures dans le cadre du Pass culture ;
Ø des montants dus au regard des obligations réglementaires : la hausse de 11,5 millions d'euros en faveur des établissements du rythme approprié correspond à l'application des critères de calcul définis par les textes et tient compte de la hausse de leurs effectifs ainsi que de la revalorisation du coût formateur. Il est d'ailleurs à noter que cette somme est insuffisante. En effet, elle a été calculée sur une projection d'une augmentation de leurs effectifs de 1,5 % qui est dépassée : la hausse en septembre 2025 est 2,5 %. La DGER a indiqué que l'ensemble des sommes dues seront effectivement versées, les modalités exactes et les transferts de crédits restant à préciser. De manière analogue, la hausse de 0,3 million d'euros pour l'organisation des examens s'explique par la hausse du barème de remboursement des frais de déplacement ;
Ø des dépenses exceptionnelles, notamment pour l'établissement de Coconi à Mayotte fortement touché par le cyclone (2,75 millions d'euros en crédits de paiement (CP) sont ainsi prévues) ;
Ø des dépenses gelées les années précédentes, pour l'établissement public national de Rambouillet (+ 0,4 millions d'euros) dont la subvention n'a pas évolué depuis 2007 ou encore pour les projets de modernisation des systèmes d'information (+ 4,02 millions d'euros).
Au regard de la stabilité des crédits par rapport au budget pour 2025, les hausses exposées ci-dessus impliquent de trouver des économies sur d'autres lignes budgétaires que le programme 143.
· Une annulation de crédits pour le pacte enseignant qui inquiète4(*)
Dans ce contexte, la commission alerte sur la diminution de 20 millions d'euros sur le dispositif pacte enseignant. En effet, de nombreux enseignants de l'enseignement agricole y ont recours : ils sont plus de 67 % à s'être portés volontaires pour assurer au moins « une brique » de pacte - contre 33 % chez leurs collègues du secondaire de l'éducation nationale.
Sur les 33 millions d'euros inscrits dans la loi de finances pour 2025 pour l'enseignement agricole, 97,7 % seront consommés.
Outre le remplacement de courte durée et l'aide aux élèves en difficulté, ce dispositif a permis localement de financer des projets innovants menés par les enseignants ou encore des missions de découverte des formations de l'enseignement agricole et des métiers du vivant. En cela ce dispositif s'inscrit pleinement dans la volonté du législateur de mieux faire connaître ces métiers face au défi du renouvellement des agriculteurs.
Par ailleurs, la Cour des comptes5(*) alerte sur l'« effet cliquet » lié au Pacte. Avant la mise en oeuvre de ce dernier, certaines actions assurées par les enseignants n'étaient pas rémunérées ou l'étaient à travers des heures supplémentaires effectives (HSE), dont le montant est moins élevé que ce que permet le Pacte. Dans l'enseignement agricole, le Pacte a ainsi permis de valoriser financièrement des enseignants qui s'investissent parfois depuis longtemps pour proposer des projets pédagogiques innovants ou encore faire connaître l'enseignement agricole auprès des collégiens et de l'éducation nationale.
La diminution de 20 millions d'euros des crédits dédiés au pacte enseignant dans le budget 2026 risque de fragiliser de nombreuses initiatives locales, notamment pour la rentrée 2026. Anticipant une baisse, consigne a été donnée aux autorités académiques de notifier des enveloppes pour l'année 2025-2026 à hauteur des deux-tiers de la consommation de l'année 2024-2025, soit 21,2 millions d'euros. Toutefois, les crédits affectés au pacte pour 2026 ne sont que de 13 millions d'euros. L'intégralité de l'enveloppe risque d'être consommée dès le premier semestre 2026.
La commission alerte sur toute réduction des crédits du programme 143. Si une telle baisse pourrait à très court terme permettre des économies, celle-ci sera préjudiciable à moyen terme sur l'attractivité de l'enseignement agricole.
* 2 Hors « CAS Pension », le budget est en augmentation d'environ 632 000 euros, soit de 0,004 %.
* 3 Les MFR sont en revanche soumis à des contrôles financiers plus réguliers par les directions départementales des finances publiques.
* 4 Le programme 143 prévoit également une baisse de 2,66 millions d'euros sur les allocations pour les stagiaires de la voie professionnelle qui correspond à une sincérisation de cette ligne de crédits actuellement sous-consommée.
* 5 Le Pacte enseignant, audit flash, Cour des comptes, juillet 2025.