EXAMEN EN COMMISSION

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous passons à l'examen de l'avis de notre collègue Louis Vogel sur le programme « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice ».

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis du programme « Administration pénitentiaire ». - Pour l'administration pénitentiaire, l'exercice 2026 sera une nouvelle fois placé sous le signe de l'aggravation de la surpopulation carcérale, que j'illustrerai en donnant quelques chiffres. Au 1er octobre 2025, le nombre de détenus s'élevait à 84 862, ce qui représente une augmentation de 6,6 % par rapport à l'année dernière. Le taux d'augmentation du nombre de détenus, qui était d'environ 4 % en 2023, s'élevait à 5 % en 2024.

La densité carcérale, soit le rapport entre le nombre de détenus et le nombre de places opérationnelles, dépasse désormais 135 %. Dans les maisons d'arrêt et les quartiers maison d'arrêt, ce pourcentage dépasse même 165 %.

Il faut aller encore plus loin dans le constat. À l'aune des moyens actuels de l'administration pénitentiaire, nous n'avons plus seulement affaire à une surpopulation carcérale, mais aussi à une surpopulation pénale. En effet, le nombre de personnes placées sous main de justice, suivies en milieu ouvert, progresse aussi de façon continue.

Ces données montrent que la justice française n'est aucunement laxiste, contrairement à ce que prétendent certains. Il s'agit en fait d'une justice sévère, surtout si nous la comparons à celle d'autres pays européens. Selon un rapport de la Cour des comptes datant de 2023, la France fait partie des dix pays européens dont la population carcérale a augmenté au cours des vingt dernières années. Dans le même temps, au Royaume-Uni et en Allemagne, cette population a connu un recul significatif. Les moyens de faire autrement existent donc.

La surpopulation carcérale constitue un problème très grave. En effet, elle est à l'origine des dysfonctionnements structurels que connaît l'administration pénitentiaire malgré le professionnalisme de ses agents, qui n'est pas à remettre en cause.

D'abord, l'administration pénitentiaire se trouve mise en difficulté dans l'exercice de sa mission première : l'exécution pleine et entière des décisions de justice. Cette mission comprend la surveillance et la garde des détenus, la préservation de l'ordre public dans les prisons et la garantie de leur étanchéité vis-à-vis de l'extérieur.

Plus largement, la surpopulation carcérale affecte toutes les missions fondamentales de l'administration pénitentiaire. Celle-ci a de plus en plus de mal à garantir la sécurité et des conditions de travail correctes à ses agents. L'explosion des faits de violence physique ou verbale commis à l'encontre des agents de la pénitentiaire, qui ont plus que doublé en quatre ans, témoigne de cette réalité. Plus de 32 000 cas ont été recensés pour la seule année 2024, dont près de 5 400 agressions physiques. Cette situation est le produit direct de la surpopulation carcérale, même si elle correspond aussi à un durcissement du profil des détenus, comme le drame d'Incarville l'a montré.

Dans ces conditions, il est de plus en plus difficile pour l'administration pénitentiaire de préserver les droits et la dignité des détenus eux-mêmes. Le nombre de matelas au sol a plus que doublé en un an : au 1er octobre, on en comptait près de 6 000.

Enfin, la surpopulation carcérale empêche l'administration pénitentiaire de mener à bien sa mission de réinsertion, qui est essentielle, mais j'y reviendrai.

À l'aune de ces constats, que penser du budget proposé pour 2026 ?

Au titre de ce programme, le projet de loi de finances (PLF) prévoit d'inscrire 5,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 5,5 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Hors charges de pensions, le total des ouvertures proposées en CP s'élève à 4,3 milliards d'euros, ce qui représente une progression de 3 % par rapport à la loi de finances pour 2025.

Dans le détail, le tableau est plus nuancé, puisque la hausse des crédits ne porte que sur les dépenses de personnel. Les dépenses de fonctionnement et d'investissement sont seulement stabilisées.

Cette hausse des dépenses de personnel s'explique principalement par la création prévue de 855 équivalents temps plein (ETP). Ce total peut paraître élevé si on le compare à celui des autres administrations, mais il reste nettement en deçà des besoins exprimés par la direction de l'administration pénitentiaire (DAP). Lors de la phase d'élaboration du PLF, celle-ci avait demandé près du double de postes.

Les moyens ne seront pas à la hauteur des besoins. Pour autant, dans le contexte dégradé de nos finances publiques, l'augmentation des crédits proposée est assurément louable.

J'en viens au contenu de ce budget. L'un des principaux chantiers en cours est la mise en oeuvre du « plan 15 000 ». À cet égard, les retards continuent de s'accumuler. Alors que l'exécution du plan devait s'achever en 2027, seules 7 504 places ont été livrées. Si l'on déduit les suppressions intervenues dans le même temps, seules 5 531 places ont été créées depuis 2018.

Il faut le reconnaître, le calendrier initial est hors d'atteinte. Il l'est d'autant plus qu'une bonne dizaine d'opérations sont prêtes à être lancées et n'attendent plus qu'une signature de Bercy, qui tarde à venir.

En réalité, le « plan 15 000 » est obsolète. Lorsqu'il a été conçu en 2017, l'objectif était d'atteindre les 75 000 places de prison. À l'heure où nous parlons, le nombre de détenus tutoie la barre des 85 000.

La réponse bâtimentaire, bien que nécessaire, est structurellement insuffisante. De plus, cette politique est très coûteuse pour le budget de l'État. Ainsi, près de 500 millions d'euros d'AE sont prévus à ce titre en 2026. Pour tout dire, eu égard à la dynamique des incarcérations, qui continue de se renforcer, la politique de création de places s'est transformée avec le temps en une tentative désespérée de vider l'océan à la petite cuillère.

Au-delà du « plan 15 000 », le garde des sceaux a annoncé le lancement d'un nouveau programme immobilier, tendant à la création de prisons dites modulaires, dont la sécurisation sera adaptée à des détenus peu dangereux et donc moins coûteuse. À terme, 1 500 places doivent être créées au sein des quartiers de semi-liberté (QSL) et 1 500 au sein des nouveaux quartiers courtes peines (QCP).

La philosophie qui préside à la création de ces QCP me paraît intéressante. Elle témoigne du souci de rationaliser l'immobilier pénitentiaire, en s'écartant du modèle unique et en adaptant la sécurisation des établissements au profil de dangerosité des détenus qu'ils ont vocation à accueillir. À cet égard, la création des QCP complète celle des quartiers de lutte contre la criminalité organisée (QLCO), prévue par la loi du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic, qui consomme d'importantes ressources. Nous aurions ainsi une échelle comportant différents types de prisons, allant des plus sécurisées aux moins sécurisées, des plus chères aux moins chères, ce qui semble être une très bonne chose, en termes d'économies réalisées et de temps gagné.

S'agissant du volet QSL, les sites ont déjà été identifiés et les choix se sont prioritairement portés sur du foncier pénitentiaire existant, ce qui devrait permettre de réduire les temps des opérations.

Cependant, une telle orientation présente aussi un revers, car ces sites sont souvent éloignés des bassins d'emplois. Ainsi, la conduite d'activités pourrait être compliquée et la réinsertion fragilisée. Il faudrait prévoir des mesures spéciales pour rapprocher les détenus des lieux où se trouve le travail.

La réponse bâtimentaire étant, je l'ai dit, structurellement insuffisante, il faut en revenir aux fondamentaux. L'effort d'endiguement de la surpopulation carcérale est indissociablement lié à la politique pénale et à la politique d'exécution des peines. Ce constat a été rappelé avec force par Elsa Schalck, Dominique Vérien et Laurence Harribey dans leur récent rapport d'information sur l'exécution des peines. Je tiens à saluer leur travail, qui dessine des pistes et m'a servi de boussole pour l'analyse de ce budget.

Ce rapport montre bien que le renforcement du rôle de l'administration pénitentiaire est essentiel à l'amélioration de la politique d'exécution des peines. Ce renforcement est notamment recommandé en phase pré-sentencielle. Il faut mettre à la disposition des magistrats un véritable plateau technique, composé de représentants de l'administration pénitentiaire, d'agents des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) et de surveillants. Cela permettra d'accompagner le magistrat dans la recherche de la réponse pénale la plus adaptée, qui n'est pas nécessairement une peine d'incarcération.

La crédibilisation des peines alternatives à la détention aux yeux de la société et des magistrats constitue un autre enjeu important. Les magistrats se montrent méfiants quant à l'effectivité du contrôle de ces peines et n'y recourent pas.

Il en va ainsi en particulier des peines de travaux d'intérêt général (TIG), qui présentent pourtant un intérêt évident en termes de réinsertion pour certains profils de détenus. Le nombre de mesures de TIG a chuté au cours de la dernière décennie, malgré le contexte de surpopulation carcérale.

Pour crédibiliser les peines alternatives, le rapport d'information prévoit soit la spécialisation de certains agents des SPIP dans le contrôle de ces mesures, soit la création d'une véritable police de la probation. Cette dernière piste me paraît d'autant plus intéressante que les SPIP sont déjà chargés d'accomplir trois missions différentes : l'expertise criminologique, l'accompagnement des détenus en vue de leur réinsertion et le contrôle des mesures de probation.

Outre la politique d'exécution des peines stricto sensu, le rapport a rappelé que certaines évolutions de la législation pénale ont eu une influence significative sur la croissance de la population carcérale. Quelles ont été les conséquences de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, qui a notamment prévu un aménagement ab initio obligatoire pour les peines d'emprisonnement de moins de six mois ? Alors que cette mesure visait à endiguer la surpopulation carcérale, son effet a été rigoureusement inverse, puisqu'elle n'a fait qu'inciter les magistrats à prononcer des peines plus longues pour contourner le nouveau seuil.

C'est donc également au niveau de la politique pénale qu'il faut agir pour régler le problème de la surpopulation carcérale. En tant que législateurs, nous devrons nous montrer particulièrement vigilants sur ce sujet à l'avenir.

Force est de constater que les moyens qui seraient dévolus en 2026 aux services de l'administration pénitentiaire, et singulièrement aux SPIP, ne sont pas à la hauteur des ambitions.

Certes, sur les 855 créations de postes prévues par le PLF, 100 sont fléchées vers les SPIP. Ce renfort est bienvenu, mais il est loin de suffire à combler les 856 vacances de postes décomptées par la DAP.

Début 2025, les effectifs des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation s'élevaient à un peu plus de 4 000 ETP, ce qui correspond à un ratio d'environ un conseiller pour 68 personnes placées sous main de justice, ce qui est loin de permettre un suivi efficace.

L'accompagnement des détenus aux fins de leur réinsertion dans la société constitue pourtant un levier essentiel de la lutte contre la récidive et représente le meilleur moyen d'endiguer de manière structurelle la surpopulation carcérale. Cet investissement est à la fois budgétairement efficace et politiquement nécessaire.

L'investissement dans la réinsertion est budgétairement efficace, car la croissance de la population pénale, comme la nécessaire construction de places de prisons qui l'accompagne, est extrêmement coûteuse pour les finances publiques. Je rappelle que le coût global moyen de chaque journée de détention dans un établissement pénitentiaire a été évalué en 2024 à 128 euros.

Cet investissement est aussi politiquement nécessaire. En effet, il est impératif d'assurer à notre administration pénitentiaire des conditions de travail sereines et sécurisées, et de garantir aux détenus des conditions d'incarcération respectueuses de leurs droits et favorisant leur réinsertion.

Malgré certaines réserves, je donne un avis favorable à l'adoption des crédits du programme, qui sont en augmentation.

Mme Laurence Harribey. - Nous soutenons les axes essentiels de votre rapport, mais je m'interroge. En effet, vous évoquez les limites de la réforme de 2019, expliquez que la surpopulation carcérale est contraire à la mission d'exécution des peines et à l'objectif de réinsertion, et affirmez que la justice française n'est pas laxiste et que l'enfermement ne devrait pas être une solution systématique. Nous sommes d'accord sur tous ces points. Pourtant, le travail législatif accompli par la majorité sénatoriale est animé par une frénésie sécuritaire. Lorsque nous travaillons ensemble, au sein d'une mission d'information par exemple, nous sommes capables de produire des choses constructives, mais dans l'hémicycle, tout devient différent.

Vous avez souligné d'autres éléments importants, comme la différenciation des établissements en fonction de la dangerosité des détenus, ce qui permettra de mener un travail plus intelligent en matière de réinsertion ainsi qu'une politique immobilière moins coûteuse et plus efficace. Nous souscrivons aussi à une augmentation des crédits bénéficiant à la sécurisation des établissements et à la protection des personnels. Si le personnel ne peut pas travailler dans de bonnes conditions, le respect de la dignité des détenus et le travail de réinsertion en sont affectés. Nous sommes d'accord aussi quant à la nécessité de revoir le système d'aménagement ab initio.

Nous souscrivons à ces éléments, mais il manque une réflexion de fond derrière ce budget. Nous nous abstiendrons, car nous avons des réserves sérieuses sur le fondement même de la politique carcérale actuelle.

Mme Lauriane Josende. - Si nous ne rappelons pas que c'est d'abord l'application d'une politique pénale qui nous a menés là où nous en sommes, nous oublions l'essentiel.

Dans le cadre de l'examen des crédits du programme « Justice judiciaire », nous avons découvert que certains projets immobiliers et bâtimentaires, en cours ou actés, étaient remis en question. Dans les Pyrénées orientales, où nous souffrons d'une surpopulation carcérale qui génère des incidents, un projet mis en oeuvre depuis dix ans pourrait être remis en cause, en raison de la priorisation choisie par le ministère.

Lors de son audition, le garde des sceaux a donné une réponse évasive sur la politique immobilière et bâtimentaire. Avez-vous obtenu des précisions supplémentaires ?

M. Marc-Philippe Daubresse. - Quand le garde des sceaux a pris ses fonctions, je l'ai rencontré pour évoquer la question de l'immobilier, sur laquelle j'ai beaucoup travaillé. Il faut différencier les établissements en fonction de la dangerosité des détenus accueillis. Surtout, il faut savoir qu'on ne réglera pas le problème en s'orientant vers le modulaire. Il y a quelques années, nous avons adopté cette approche pour le logement étudiant, mais nous avons compris rapidement la limite du logement modulaire, qui ne permet que de bricoler.

Pour mettre en place quelque chose de durable, rapide et efficace, il faut pouvoir avoir recours à une procédure spécifique. Jean-Louis Borloo a raison d'expliquer que nous n'aurions jamais reconstruit Notre-Dame de Paris en respectant les procédures actuelles. La procédure spécifique pourrait s'appliquer de façon générale à l'immobilier stratégique de l'État, dans les domaines de la défense, de l'intérieur et de la justice. Il s'agirait de mener à bien en trois ans des projets qu'on met normalement en oeuvre en sept ans, en simplifiant un grand nombre de procédures d'urbanisme.

Comme l'a dit le rapporteur pour avis, les SPIP doivent déjà assumer trois missions simultanément. Ils le font donc mal et ce n'est pas leur faute ; c'est le système qui est mauvais. Il faudrait revoir le fonctionnement de ces services et développer une politique dédiée à la réinsertion qui soit plus volontariste.

M. Michel Masset. - Notre groupe s'abstiendra, pour les raisons évoquées par Mme Harribey.

Nous avons rencontré des représentants des SPIP, qui nous ont fait part de leur inquiétude, notamment en matière de recrutement des agents. Ceux qui sont en place sont à bout de souffle et il faut entendre le cri de ces personnels essentiels. Les recrutements envisagés par le PLF restent en deçà des besoins.

Chaque mois, nous comptons environ 500 détenus supplémentaires, ce qui nécessiterait de construire une prison par mois !

Enfin, il ne faut pas oublier l'école nationale d'administration pénitentiaire (Enap) et les besoins de formation de ses personnels, qui sont en souffrance.

M. Francis Szpiner. - Il faudra adopter un jour une loi spéciale pour qu'on puisse construire plus rapidement les prisons.

Nous avons un angle mort : le contrôle des libérations conditionnelles et du contrôle judiciaire, qui est inexistant, comme le montrent régulièrement les faits divers. Il faut créer une véritable police pour prendre en charge ce contrôle et mettre en oeuvre des sanctions en cas de violation. À cet égard, nous sommes très en retard. On peut désengorger les prisons, mais à la condition d'assurer que celui qui est sous contrôle judiciaire ou en libération conditionnelle ne se trouve pas dans la nature, comme c'est le cas actuellement.

Mme Marie Mercier. - Avec Mme Harribey, nous avons produit un rapport d'information sur les SPIP, en 2023. Les agents de ces services accomplissent un travail remarquable. Ils ne sont pas assez nombreux, mais surtout, ils ne sont pas assez payés.

M. Guy Benarroche. - Nous ne sommes pas favorables à l'adoption des crédits du programme, pour une série de raisons, au premier rang desquelles l'insuffisance du budget proposé pour les SPIP. Sans volonté de créer un véritable service pénitentiaire consacré entièrement à la probation et à la réinsertion, je ne vois pas comment nous pourrons nous en sortir. La construction de nouvelles prisons n'est pas une solution ; il s'agit d'une course sans fin qui nous coûte cher et ne conduit à rien d'autre qu'à remplir de nouveaux établissements à mesure qu'ils sont construits.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Chaque année je ressens la même gêne. Louis Vogel fait un constat sincère, rigoureux et implacable. Il dit des choses importantes, comme le fait que la justice n'est pas laxiste. Cependant, j'aimerais que la majorité se positionne en cohérence, si elle partage ce point de vue. Nous avons la responsabilité de tenir un discours public qui soit cohérent avec ce que nous pensons. Pourtant, régulièrement, ici et dans l'hémicycle, les demandes pour une plus grande sévérité sont soutenues. À quel moment êtes-vous sincères ?

Vous faites le même constat que nous sur les SPIP, mais j'ai entendu des personnes de votre formation politique accuser ces services en réaction à certains faits divers. Je suis heureuse que nous partagions un même constat, mais j'aimerais que vous l'assumiez.

Nous ne sommes en désaccord que sur la question bâtimentaire. De votre côté, vous considérez que si l'on pouvait construire autant de prisons qu'on le voulait, le problème serait réglé. Du nôtre, nous constatons que cette politique ne marche pas et qu'il nous faut appréhender le sujet de façon différente. Nous plaidons depuis longtemps en faveur de la régulation carcérale.

J'aimerais que nous réussissions à mener une réflexion pragmatique qui soit dégagée de nos postures idéologiques. Dans une semaine sortira un livre dans lequel un ancien Président de la République va nous expliquer à quel point passer trois semaines en détention relève du cauchemar. Je suis curieuse de découvrir ce qui va nous être raconté.

Chaque année, j'écoute Louis Vogel avec plaisir, et puis chacun retourne à ses habitudes et rien n'avance. J'aimerais que nous arrivions à accomplir quelque chose de plus opérationnel, dans cette assemblée au sein de laquelle vous êtes majoritaires.

Mme Lana Tetuanui. - Je serais tentée de voter contre l'adoption de ces crédits, car on oublie les outre-mer, qui n'intéressent personne à Paris. Entre les annonces et les réalisations, rien n'advient. Je veux mentionner la réhabilitation prévue des centres pénitentiaires de Faa'a-Nuutania en Polynésie française, de Majicavo à Mayotte et de Camp Est à Nouméa, mais une fois de plus cela n'intéresse personne. Il s'agit d'un cri du coeur : n'oubliez pas les outre-mer !

Je voudrais aussi rendre hommage aux agents pénitentiaires du Pacifique. En effet, de très nombreux candidats aux concours pour devenir agents pénitentiaires viennent des outre-mer, en particulier de Wallis-et-Futuna, de Nouvelle-Calédonie et surtout de Polynésie française. Il faudra faciliter la venue de ces nouveaux agents, qui seront confrontés à des difficultés, notamment administratives, quand ils viendront en métropole pour suivre leur formation.

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis. - Tout d'abord, Lana Tetuanui a raison de rappeler que le problème est démultiplié dans les outre-mer. La densité carcérale y est de 147 %, soit 11 points de plus que dans l'Hexagone. L'effort en faveur de ces territoires doit assurément être renforcé.

Nous sommes tous conscients du problème auquel nous sommes confrontés, qui dépasse les divisions entre majorité et opposition. Je crois néanmoins que c'est un problème que nous pouvons résoudre, en agissant sur tous les moyens qui sont à notre disposition.

À cet égard, le garde des sceaux actuel choisit une orientation qui me semble bien plus efficiente que la précédente. Avant, il s'agissait seulement de construire plus de prisons. Maintenant, nous convenons du fait qu'il ne faut pas construire partout les mêmes prisons. Nous sommes en train de faire des progrès.

Au Sénat, nous avons attiré l'attention sur le fait que le « plan 15 000 » était dépassé. Le premier garde des sceaux à qui nous l'avons dit n'a pas bougé, mais le suivant l'a fait. Par conséquent, il ne faut pas désespérer. C'est aussi le rôle du Parlement de tracer des perspectives à l'action de l'exécutif lorsqu'il constate que celle-ci n'est pas efficace.

Nous reconnaissons tous que la justice n'est pas laxiste. Pourquoi continue-t-on d'en appeler à la sévérité pénale? Parce que l'exécution des peines est encore trop inefficace.

Nous avons besoin d'une police qui contrôle l'exécution des peines, sinon les magistrats ne changeront pas d'approche quant aux peines alternatives à l'incarcération. Nous avons beaucoup de mal à avancer dans ce domaine parce que nous sommes confrontés à un problème d'opposition entre les magistrats et l'administration pénitentiaire, qui ne travaillent pas assez ensemble. À titre d'exemple, nous avons créé des tribunaux à l'intérieur des prisons, qui ont coûté très cher, mais que les magistrats n'utilisent pas, pour différentes raisons. Pourtant, nous en avons besoin, car nous n'avons pas assez de personnel pour encadrer les transferts. De la même manière, les magistrats ne consultent pas assez les surveillants, qui ont pourtant des informations importantes à partager avec eux sur les détenus. Les choses ne pourront pas évoluer sans une impulsion politique forte.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 107 « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice ».

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