B. ÉVALUATION IMPOSSIBLE, TRANSPARENCE INTROUVABLE
Par-delà les lacunes des indicateurs quantitatifs, la rapporteure constate que le programme 182 ne dispose pas, contrairement à d'autres programmes, d'indicateurs chiffrés permettant de rendre compte de l'efficacité qualitative de la PJJ22(*) - donc, en l'espèce, du contenu des prises en charge et de leur effectivité pour la prévention de la récidive des mineurs.
L'insuffisance des outils informatiques joue un rôle majeur dans cette lacune ; cependant, la rapporteure déplore que les développements littéraires présentés dans le projet annuel de performance tendent à devenir un exercice standardisé, dénué de toute valeur ajoutée - voire, sur certains aspects, un recueil de formules trompeuses. Les explications avancées dans le PAP ne permettent pas de comprendre le stade d'avancement de certains projets, à l'instar du « nouveau modèle d'établissement » en matière de placement évoqué depuis plusieurs années sans que la nature de l'innovation ainsi portée soit précisée.
Plus préoccupante encore est la stabilité des rédactions en matière de réinsertion des mineurs, dont le laconisme confine au dédain envers le lecteur : le projet annuel de performance reprend, en effet, les exactes mêmes formules depuis trois exercices budgétaires, seule ayant été supprimée la référence aux Jeux olympiques et paralympiques 2024 après leur tenue23(*). Cette méthode n'est pas de nature à rassurer le Parlement sur la nature des actions mises en oeuvre pour garantir l'insertion des mineurs suivis, notamment en ce qui concerne le contenu des partenariats « dynamiques » vantés par la DPJJ : les précisions demandées par la rapporteure ont fait apparaître que le principal partenariat mis en avant, à savoir « le partenariat interministériel Justice/Armées/FSI (ouverture de parcours militaires aux jeunes) » n'avait concerné que 400 mineurs environ, dont la grande majorité n'a bénéficié que d'actions ponctuelles (stages de découverte, sessions de la journée de défense et de citoyenneté - au demeurant obligatoires -, « activités physiques et sportives, sensibilisation citoyenne et mémorielle, découverte du monde militaire », etc.) : au total, ce sont à peine plus cent mineurs qui ont été pris en charge de manière pérenne par le biais d'une initiation militaire (PIM, 42 jeunes), d'un module « armée-nation » (66 jeunes) ou d'une orientation en EPIDE (6 jeunes). La rapporteure ne peut que déplorer la faiblesse de cet effectif au vu de la richesse qu'un tel partenariat peut recéler et de l'importance des leviers dont disposent les Armées pour offrir aux mineurs une alternative positive à la délinquance.
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Bien qu'il mette en lumière des dysfonctionnements, et même dans certains cas de lourdes défaillances en exécution, le présent rapport montre que des efforts sont consentis pour augmenter les moyens dévolus à la PJJ dès 2026 et, surtout, pour rationaliser à l'avenir l'emploi de ses ressources matérielles et humaines. En témoigne la vision renouvelée du ministère de la justice sur :
- le programme de construction de nouveaux CEF, visiblement promis à un moratoire ;
- la répartition des effectifs, avec une promesse de redéploiement vers le terrain ;
- la mise en service du logiciel PARCOURS, dont la supervision semble avoir fait l'objet d'une salutaire reprise en main.
Ces trois éléments militent pour une approche constructive des crédits du programme 182, car malgré la « détresse » de la PJJ, rappelée par le ministre de la justice lui-même24(*), les travaux de la rapporteure attestent de l'existence de signaux encourageants.
C'est pourquoi la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » inscrits au projet de loi de finances pour 2026.
* 22 À l'instar du taux de cassation pour le programme 106 « Justice judiciaire », ou du taux de violence pour 1 000 personnes détenues et du taux de détenus radicalisés ayant suivi un programme de prévention de la radicalisation violente pour le programme 107 « Administration pénitentiaire ».
* 23 Le PAP indique cette année, comme en 2025 et en 2024 : « la réinsertion des mineurs suivis est un des leviers essentiels de la sortie de la délinquance et l'une des missions prioritaires de la PJJ. Un plan d'action national dédié à l'insertion a été formalisé en 2022 pour renforcer les dispositifs existants. La DPJJ s'appuie sur des dispositifs d'insertion propres et sur des partenariats dynamiques, en particulier le partenariat interministériel Justice/Armées/FSI (ouverture de parcours militaires aux jeunes) et l'insertion par la pratique sportive ».
* 24 Voir supra.