EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER
-
DROITS DE LA PERSONNE
ET CARACTÉRISTIQUES
GÉNÉTIQUES
CHAPITRE PREMIER
Prohibition des discriminations
Votre commission vous propose d'adopter l'intitulé du présent titre tel que retenu par l'Assemblée nationale et de maintenir la suppression de la division et de l'intitulé du présent chapitre premier (cf. commentaire ci-dessous de l'article premier).
Article premier
Prohibition des discriminations en raison
des
caractéristiques
génétiques
Objet : Cet article unique du présent
chapitre
tendait, dans le texte initial du projet de loi, à interdire toute
discrimination en raison des caractéristiques
génétiques.
I - Le dispositif proposé
Le présent article pose le principe de non-discrimination en raison des
caractéristiques génétiques. Son dispositif a
été repris à l'identique dans le projet de loi relatif aux
droits des malades et à la qualité du système de
santé devenu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002.
Dans son commentaire de l'article premier
bis
de ce projet de loi
(article 4 de la loi du 4 mars 2002),
votre rapporteur avait
présenté le contenu de la rédaction proposée par
cet article pour l'article 16-13 du code civil en ces termes :
« Cet article se propose de combler une lacune de la
législation relative à l'interdiction des discriminations en
modifiant tout à la fois le code civil, le code pénal et le code
du travail.
« Un principe d'interdiction des discriminations est actuellement
édicté par les articles 225-1 à 225-4 du code
pénal ainsi que par l'article L. 122-45 du code du travail, mais
ces dispositions ne prennent pas en compte le nouveau facteur de discrimination
à l'égard des personnes que peut constituer la connaissance de
leurs caractéristiques génétiques.
« Or, les risques potentiels liés à une utilisation
discriminatoire des résultats des examens génétiques
tendent à croître, dans des domaines tels que ceux du contrat
d'assurance ou du contrat de travail. En effet, en raison des progrès
intervenus en matière de tests génétiques, les
prédispositions à des pathologies susceptibles d'être
révélées sont de plus en plus nombreuses. En outre, on
assiste à l'apparition d'une offre de dispositifs de tests dont la
nature n'exclut pas qu'ils puissent échapper à l'avenir au cadre
de la prescription et de la mise en oeuvre par des professionnels de
santé.
« Il convient de rappeler qu'un principe de prohibition des
discriminations fondées sur les caractéristiques
génétiques des personnes a été énoncé
par des instruments internationaux récents tels que la convention du
Conseil de l'Europe sur les droits de l'Homme et la biomédecine, dans
son article 11, et la Déclaration universelle sur le génome
humain et les droits de l'Homme, dans son article 6.
« De même, les caractéristiques génétiques
sont expressément mentionnées, en tant que source possible de
discrimination, dans le principe de non-discrimination figurant à
l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
« Le I du présent article insère au chapitre III du
titre I
er
du livre I
er
du code civil, qui contient
les garanties de protection en matière d'examen des
caractéristiques génétiques d'une personne, un article
16-13 stipulant que nul ne peut faire l'objet de discriminations en raison de
ses caractéristiques génétiques.
« Le II étend le délit de discrimination défini
aux articles 225-1 et 225-2 du code pénal aux discriminations
opérées à raison des caractéristiques
génétiques des personnes et précise la portée de la
dérogation prévue au 1° de l'article 225-3 en ce qui
concerne les discriminations fondées sur l'état de santé.
La répression de telles discriminations, lorsqu'il s'agit de prendre en
compte les résultats des test prédictifs d'une maladie future ou
d'une prédisposition génétique à une maladie, est
maintenue.
« Enfin, le III complète l'article L. 122-45 du code du
travail en étendant l'interdiction des discriminations en matière
de recrutement, de sanction et de licenciement qui y figure aux discriminations
fondées sur les caractéristiques
génétiques.
»
37(
*
)
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
Ayant introduit, le 3 octobre 2001, la teneur du présent article dans le
projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité
du système de santé
, l'Assemblée nationale en a, en
conséquence, adopté la suppression dans le présent
projet de loi relatif à la bioéthique
, le 16 janvier 2002,
lors de son examen en première lecture. Votre rapporteur observe que
cette « coordination », en quelque sorte interne aux
délibérations de l'Assemblée nationale, a
été opérée avant même que le Sénat ait
confirmé cette procédure et ce changement de support
législatif. La Haute Assemblée n'a en effet adopté, en
première lecture, le projet de loi « droits des
malades » que le 6 février 2002.
III - La position de votre commission
Sur le fond, votre commission qui réitère son avis favorable sur
ce dispositif, formulera cependant deux remarques.
La première est relative aux interrogations que suscite la
multiplication des dispositions de principe relatives à l'interdiction
des discriminations. Ces dispositions sont, dans leur intention,
éminemment louables mais leur application reste toujours l'objet de
difficultés, sauf à admettre que leur finalité est
circonscrite à l'affirmation de grands principes.
A titre d'exemple, elle rappellera la difficulté formulée par
l'un de ses anciens membres les plus éminents, M. Claude Huriet
lors de son audition devant la commission
38(
*
)
, à propos des « kits
génétiques » :
« On peut disposer de puces à ADN et de kits de diagnostics
déjà largement accessibles aux Etats-Unis. Nous devons nous
interroger, non pas sur le bien fondé des dispositions
législatives encadrant l'utilisation et l'accès aux
données génétiques, mais sur la question de savoir si la
diffusion de ces procédés ne va pas changer fondamentalement
l'application de la loi ».
A juste titre, il conclut que
« rien n'empêchera des personnes ayant réalisé
leur propre diagnostic génétique et disposant d'un
« profil idéal », de le faire valoir auprès
des assureurs, pour bénéficier d'un bonus, ou des employeurs,
pour obtenir une priorité à l'embauche. Il est nécessaire,
dans le cadre de l'évaluation et de la révision de la loi, de
tenir compte de ces nouvelles possibilités de diagnostic »
.
Comment donc l'affirmation posée par cet article trouvera-t-elle
à s'appliquer dans ce cas de discrimination à son profit
suscitée par celui-là même que le législateur a
souhaité protéger ?
Ce point renforce le grief alors formulé par votre rapporteur lors de
l'examen de cette disposition dans le projet de loi relatif aux droits des
malades à savoir qu'elle
« partage naturellement les
objectifs poursuivis par cet article. Elle regrette cependant que
l'Assemblée nationale ait souhaité dissocier cet article du
projet de loi relatif à la bioéthique, anticipant de la sorte sur
un débat plus global.
Cet article avait, à l'évidence,
davantage vocation à être examiné à la
lumière des autres dispositions dudit projet de loi
».
C'est en effet
lorsque l'ensemble des dispositions sont examinées
que les possibilités de mieux encadrer les principes qu'elles viennent
réglementer apparaissent plus cohérentes.
La seconde remarque vient, une nouvelle fois, déplorer le retard pris
par l'examen du présent projet de loi, du fait de la gestion de l'ordre
du jour par le précédent gouvernement. Aux yeux des auteurs de
l'amendement, il était manifeste que le texte relatif aux droits des
malades constituait un véhicule législatif rapide -il
était de fait assorti d'une procédure d'urgence- tandis que le
texte relatif à la bioéthique faisait figure
« d'omnibus ». Sans doute, puisqu'on l'avait attendu
déjà trois ans, son adoption était-elle susceptible
d'être à nouveau différée.
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous
propose, par cohérence, de maintenir la suppression de cet article
.