Article 4
(art. L. 1131-4, L. 1131-6 et art. L. 1131-7
et L. 1132-6
nouveaux du code de la santé publique)
Echantillons biologiques
humains
Objet : Cet article précise les conditions
auxquelles sont soumises la constitution et l'utilisation de collections
d'échantillons biologiques humains à des fins de recherche.
I - Le dispositif proposé
Le
1°
du présent article propose une nouvelle
rédaction de l'article L. 1131-4 du code de la santé
publique en soumettant la constitution et l'utilisation de collections
d'échantillons biologiques humains à des fins de recherche
génétique au régime d'encadrement de droit commun
prévu pour la conservation et l'utilisation des tissus et cellules. Ce
régime est prévu notamment aux articles L. 1243-3 et
L. 1243-4 du code de la santé publique, que l'article 8 du
présent projet de loi modifie substantiellement.
En effet, dans leur rédaction nouvelle, ces deux articles
définissent un régime juridique unique pour les
établissements qui manipulent les tissus, cellules et leurs
dérivés, régime comportant le principe d'une obligation de
déclaration et d'une autorisation préalable du ministre de la
recherche qui dispose d'une faculté d'opposition. Le ministre recueille
l'avis du
comité consultatif sur le traitement de l'information en
matière de recherche dans le domaine de la santé
. Ces
dispositions s'appliqueront aux collections d'échantillons biologiques
humains prévues par le nouvel article L. 1131-4.
Le
2°
prévoit de supprimer le 3° du L. 1131-6 du
code de la santé publique, devenu superfétatoire du fait des
modifications prévues par le 1°. La disparition d'un régime
spécifique pour les collections d'échantillons rend inutile le
maintien d'un dispositif réglementaire
ad hoc
.
Le
3°
introduit une dérogation. Les examens visant à
vérifier la compatibilité avant le don, qui seront soumis aux
dispositions du livre II, première partie, relative
«
aux don et utilisation des éléments et produits du
corps humain
» ne relèvent pas du régime
décrit ci-dessus. S'appliquent à ces examens les conditions
relatives au recueil du consentement appliquées au
prélèvement.
Le
4°
introduit en la reproduisant dans le code de la santé
publique une disposition du code pénal qui concerne la
responsabilité des personnes morales en matière d'infraction
à la législation relative à l'examen et identification par
les caractéristiques génétiques.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté un amendement remplaçant
dans le 3° de cet article les mots «
préalablement en
vue du don
» par les mots «
dans le contexte du
don
».
La nécessité d'utiliser des échantillons à tout
moment antérieurement au don mais également
postérieurement pour faciliter le suivi justifiait cette modification.
III - La position de votre commission
Votre rapporteur souhaite formuler un certain nombre de considérations
sur le 1° du présent article.
La genèse de l'article L. 1131-4 du code de la santé
publique
Cet article a été introduit dans la loi n° 96-452 du 28
mai 1996, par un amendement déposé à l'Assemblée
nationale à l'initiative de M. Jean-François Mattei.
Examinant cette disposition, M. Claude Huriet, rapporteur de votre
commission, avait préconisé de ne pas l'adopter au motif que la
superposition des régimes juridiques applicable à la collection
d'échantillons biologiques rendrait difficile, voire impossible, leur
application.
Les difficultés posées par l'article
proposé par l'Assemblée nationale
Dans son
rapport n° 285 du 26 mars 1996 relatif au projet de loi portant
diverses mesures d'ordre sanitaire, social et statutaire, M. Claude Huriet
justifiait la proposition de la commission des Affaires sociales de ne pas
retenir cette rédaction en ces termes.
« L'article proposé indique clairement qu'il se superpose
à la législation relative aux recherches biomédicales et
à la loi dite « Fillon » de juillet 1994 ;
« - il laisse la possibilité, soit à une personne,
soit à un organisme, de constituer une collection (...) ;
« - il fait référence, sans les définir,
à l'« utilisation » des prélèvements
et à l'« exploitation » de la collection (...) ;
« - il introduit des notions nouvelles (...). Ainsi, la notion
de « bon usage » des données recueillies, sans autre
précision ;
« - sa méconnaissance n'est pas assortie de sanctions
pénales.
« La portée de ces changements est difficile à
apprécier, les notions nouvelles n'étant pas plus définies
que les précédentes.
« Si votre commission approuve la nécessité d'un texte
législatif pour certaines collections qui n'en sont pas pourvues
aujourd'hui, elle ne peut, en l'état, accepter cet article additionnel.
Une législation concernant les collections d'échantillons doit
répondre aux questions suivantes :
« - qui peut constituer une collection ?
« - que peut-on faire avec une telle collection ?
« - quelles données peut-on recueillir et à
quelles fins ?
« En l'état, le dispositif proposé répond
surtout à la troisième question.
« Il se superpose à des législations existantes :
« - le livre II bis sur les recherches biomédicales,
dont l'article premier A ne reprend pas les catégories
(investigateur-promoteur) comme l'avait fait l'article 8 undecies ;
« - la loi dite Fillon du 1
er
juillet 1994
relative au traitement de données nominatives ayant pour fin la
recherche dans le domaine de la santé, dont le mécanisme de
contrôle s'appliquerait en addition de celui prévu par l'article
premier A (...) ;
« - l'article L. 145-16 du code de la santé publique
qui prévoit que « sont seules habilitées à
procéder à des identifications par empreintes
génétiques à des fins médicales ou de recherche les
personnes ayant fait l'objet d'un agrément dans des conditions
fixées par décret en Conseil d'Etat » ;
« - l'article L. 672-10 du code de la santé publique
qui prévoit que seuls des établissements de santé publics
et des organismes à but non lucratif peuvent être autorisés
à conserver des cellules et tissus.
« Considérant que la coordination des législations
pourrait être mieux assurée et que des questions importantes sont
malgré tout laissées sans réponse,
votre
commission
, s'engageant à mener une réflexion active sur ce
sujet qui le mérite,
vous propose de supprimer cet
article. »
Le Gouvernement avait invité le Parlement, au cours de la navette,
à mieux définir l'articulation de ces régimes. La
commission mixte paritaire avait
in fine
retenu cet article non sans
avoir préalablement cherché à préciser certains
points de son contenu.
Les conclusions de la commission mixte paritaire
sur
les
collections d'échantillons biologiques
« M. Jean-François Mattei,
député, a rappelé que l'objectif de cet article, introduit
à l'Assemblée nationale, était d'empêcher
d'éventuelles dérives, notamment commerciales, susceptibles de se
manifester dans le cadre de certaines recherches génétiques
nécessitant la constitution de collections d'échantillons
biologiques. Il a indiqué que grâce à cet article, un
contrôle pourrait être institué, non seulement à
l'occasion de la constitution initiale de la collection, mais aussi en cas de
modification de l'objet de la recherche.
« M. Claude Huriet, rapporteur pour le Sénat, a
estimé que les propos tenus par M. Jean-François Mattei,
député, répondaient en large partie aux interrogations qui
s'étaient exprimées au Sénat au cours de l'examen du
projet de loi en deuxième lecture. Il lui a cependant demandé de
préciser les termes « exploitation » et
« autorité administrative compétente ».
« M. Jean-François Mattei, député, a
indiqué que le terme exploitation devait être compris comme
n'ayant aucun caractère industriel ou commercial et que
l'autorité administrative compétente en matière de
contrôle des collections d'échantillons biologiques devait
être le ministre chargé de la santé, le ministre
chargé de la recherche devant être invité à donner
son avis.
« Sous le bénéfice de ces explications, la commission
mixte paritaire a adopté cet article dans le texte de l'Assemblée
nationale. »
Rapport
de commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses
mesures
d'ordre sanitaire, social et statutaire (rapport Sénat
n° 351) session 1995-1996, p.9
Un
dispositif à bien des égards insatisfaisant
La complexité du dispositif, dénoncée alors par
M. Claude Huriet est clairement établie par le Conseil d'Etat qui,
lors de son étude de 1999, s'est interrogé sur le statut
des
collections d'échantillons biologiques humains constituées
à des fins scientifiques
50(
*
)
.
«
Afin de concilier le respect de l'individu et
l'efficacité scientifique, le législateur a mis en place un
régime dont la complexité a pu être soulignée
.
L'intérêt des donneurs est préservé de deux
manières. Tout d'abord, les personnes dont proviennent les
échantillons doivent dans tous les cas consentir explicitement à
participer à une étude, dont elles ont le droit de
connaître les résultats, comme de les ignorer, et l'utilisation
d'une collection doit, en outre, être limitée à ce à
quoi ont initialement consenti les donneurs. D'autre part, la constitution de
collections informatisées et l'utilisation des échantillons sont
soumises à des procédures d'autorisation strictes. La loi du
1
er
juillet 1994 relative au traitement de données
nominatives ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé, a
tout d'abord complété la loi « informatique et
liberté » du 6 janvier 1978 en soumettant à
autorisation de la CNIL le traitement automatisé de données
génétiques -fichiers constitués dans le cadre de
consultations d'onco-génétique, sérothèques ou
cellulothèques. Deux textes prévoient ensuite des dispositifs
différents selon que les échantillons sont destinés
à une recherche génétique ou non. L'article
L. 145-16-1 du code de la santé publique, issu de la loi du 28 mai
1996, instaure un régime de déclaration auprès de
« l'autorité administrative » pour les collections
d'échantillons biologiques humains constituées dans le cas de
recherches génétiques. Pour celles qui sont utilisées
à des fins de recherche non génétique, un système
analogue de déclaration au ministre chargé de la recherche a
été prévu par l'article 19 de la loi du
1
er
juillet 1998 relative à la veille sanitaire, afin de
ne pas les soumettre au régime d'autorisation prévu à
l'article L. 672-10 du code de la santé publique.
« La CNIL et les organismes de recherche font valoir que la
multiplicité de ces procédures administratives est difficile
à gérer pour les chercheurs. Il n'est pas toujours aisé,
en effet, de distinguer entre une recherche à fin
génétique et une recherche à fin scientifique, et tout
élément biologique est potentiellement génétique.
Aussi une harmonisation des deux dispositifs est-elle souhaitable
pour
garantir le développement de la recherche dans les sciences de la vie,
mais aussi sa transparence et sa légitimité. »
Devant ces difficultés, le Conseil d'Etat proposait une alternative.
La première solution avancée par la Haute juridiction
était une simplification drastique du régime juridique de ces
collections.
« Elle consisterait à
supprimer toute
déclaration
auprès du ministre chargé de la recherche
ou de la santé et à
se contenter de soumettre à une
autorisation de la CNIL
la constitution, l'utilisation et la conservation
de toutes les collections d'échantillons biologiques humains quel que
soit le caractère de la recherche à laquelle ils sont
destinés.
« Cette première solution souffrirait cependant de
certaines insuffisances.
En effet, s'il est souhaitable d'unifier le
régime juridique des collections d'échantillons biologiques
humains à des fins de recherche génétique et à des
fins scientifiques, le maintien d'une déclaration de toutes les
collections au ministre chargé de la recherche paraît
nécessaire compte tenu de la diversité des enjeux en
cause. »
En effet, le Conseil d'Etat constate que l'encadrement juridique de ces
collections vise non seulement un premier but, la protection des personnes
concernées, ce qui revient à la CNIL, mais également
à s'assurer de la pertinence scientifique du projet et du respect des
règles d'hygiène et de sécurité. Pour votre
rapporteur, ces deux derniers rôles ne relèvent pas de la CNIL,
mais bien des deux ministres en charge de ces secteurs.
Une seconde solution avait donc davantage la faveur du Conseil d'Etat.
«
Aussi, afin de préserver les exigences scientifiques de
transparence et d'évaluation, l'unification des régimes
définis par les articles L. 145-16-1
(devenu l'article
L.1131-4)
et L. 672-11
(devenu l'article L. 1243-2)
du code de
la santé publique devra-t-elle s'accompagner du maintien d'une
déclaration préalable de toutes les collections
d'échantillons biologiques humains auprès du ministre
chargé de la recherche. Celui-ci, après avis du comité
consultatif des traitements de données dans le domaine de la recherche
en santé, conserverait le pouvoir de s'opposer dans un délai de
trois mois à l'exploitation d'une collection.
« L'adoption de cet encadrement juridique à la
lisibilité plus grande serait de nature à permettre un
contrôle plus efficace du développement de ces collections du
point de vue du droit des personnes comme celui de la recherche
scientifique.
»
Le régime proposé, qui reprend la deuxième option
présentée par le Conseil d'Etat, laisse subsister une
interrogation.
La nouvelle rédaction proposée pour l'article L. 1131-4 du
code de la santé publique vise à soumettre les collections
d'échantillons biologiques aux règles régissant la
conservation et la transformation d'éléments du corps humain
à des fins de recherche scientifique.
Ces règles définies à l'article 8 du présent projet
de loi comprennent la faculté d'opposition du ministre de la recherche.
Le souhait du Conseil d'Etat, rappelé ci-dessus, que subsiste une
obligation générale de déclaration lors de la constitution
de ces collections subsiste ainsi que la compétence du ministre de la
recherche.
Si l'unification de ce régime était souhaitable, elle laisse
subsister une interrogation qui était un point d'achoppement en 1996. En
effet la commission mixte paritaire s'était interrogée sur la
notion de
« autorité administrative »
qu'elle
avait définie comme étant les ministres en charge de la recherche
et de la santé. La nouvelle rédaction unifie le dispositif au
bénéfice du ministre en charge de la recherche, le ministre de la
santé n'étant désormais plus consulté.
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous
propose d'adopter cet article sans modification
.