Article 7
Prélèvements d'organes

Objet : Cet article propose une réforme substantielle des dispositions relatives aux prélèvements et au don d'organes tant post mortem qu'entre vifs.

I - Le dispositif proposé


Le présent article propose une série de modifications pour le titre III du livre premier de la première partie du code de la santé publique, relatif aux organes humains.

Le I de cet article modifie le chapitre premier de ce titre, qui rassemble les dispositions relatives au « prélèvement sur une personne vivante » .

Le du I propose trois modifications essentielles au régime du don d'organes entre vifs prévu par l'article L. 1231-1 du code de la santé publique :

- le cercle des donneurs potentiels est élargi. Si le texte proposé pour cet article prévoit toujours que la règle est le don dans le cadre familial (premier alinéa) , ce dernier est élargi « par dérogation » à toute personne ayant un « lien étroit et stable » avec le receveur (deuxième alinéa) ;

- les conjoints regagnent le cercle des donneurs familiaux (père, mère, fils, fille, frères et soeurs) sans qu'il soit exigé une urgence pour recourir à eux ;

- il n'est plus fait mention du don de moelle osseuse qui n'est plus considérée comme un organe et dont le régime est désormais fixé par les articles L. 1241-1, L. 1241-3 et L. 1241-4 (cf. commentaire ci-après de l'article 8) ;

- le régime d'expression du consentement est conservé dans ses grandes lignes avec néanmoins plusieurs aménagements. Celui-ci est toujours exprimé devant un magistrat, le Président du tribunal de grande instance ou tout autre magistrat désigné par lui, ou en cas d'urgence devant le procureur de la République (troisième alinéa) . En revanche, il est prévu l'autorisation d'un comité d'experts pour les donneurs non issus du cercle familial, et même pour ceux issus de ce cercle lorsque le magistrat chargé de recueillir le consentement l'estime nécessaire (quatrième et cinquième alinéas) .

Le présent article maintient en outre l'obligation préalable d'information du donneur sur les risques et les conséquences possibles de son don (troisième alinéa) . Il est également prévu que l'Etablissement français des greffes (EFG) est préalablement informé de tout prélèvement d'organe à des fins thérapeutiques (dernier alinéa) .

Les autres modifications prévues pour les articles de ce chapitre sont de conséquence.

Le propose une nouvelle rédaction pour l'article L. 1231-3 du code de la santé publique , les dispositions prévues par la rédaction précédente étant devenues sans objet. En effet, celles-ci définissaient les règles relatives au prélèvement de moelle osseuse sur mineur. Cette dernière n'étant plus considérée comme un organe, les dispositions relatives à son prélèvement sont transférées par le présent projet de loi à l'article L. 1241-3 du même code.

Ces dispositions sont remplacées par celles régissant la composition et le fonctionnement des comités d'experts prévus à l'article précédent et aux articles L. 1241-3 et L. 1241-4 du code de la santé publique. Il est ainsi prévu que ces comités :

- siègent en deux formations de cinq membres, dont trois sont communs aux deux formations (deux médecins et un spécialiste dans le domaine des sciences humaines et sociales) , ; lorsque le comité se prononce sur les prélèvements sur personne majeure , il comporte un troisième médecin et un psychologue ; lorsqu'il se prononce sur les prélèvements sur personne mineure , il comporte un pédiatre et « une personne qualifiée dans le domaine de la psychologie de l'enfant » ; le comité se « prononce » stricto sensu :

. sur les prélèvements d'organes sur personne majeure n'appartenant pas au cercle familial ou sur les personnes majeures appartenant à ce cercle dès lors que le magistrat chargé de recueillir le consentement l'estime nécessaire (article L. 1231-1) ;

. sur les prélèvements de moelle osseuse sur personne mineure ou sur personne majeure faisant l'objet d'une mesure de curatelle ou de sauvegarde de justice dès lors qu'elle a la faculté d'exprimer son consentement (articles L. 1241-3 et L. 1241-4) ;

. et, pour avis , sur les prélèvements de moelle osseuse autorisés par le juge des tutelles (article L. 1241-4) ;

- se prononcent dans le respect des principes énoncés au titre premier, qui sont les principes généraux prévus pour le don d'organes par le code de la santé publique et le code civil : gratuité, consentement éclairé, vigilance sanitaire et, le cas échéant, anonymat (deuxième alinéa) ;

- ont accès aux informations médicales concernant le donneur et le receveur, et sont soumis à l'obligation de secret médical qu'un tel accès impose (troisième alinéa) ;

- ne motivent pas leurs décisions de refus (quatrième alinéa) .

Le modifie la rédaction de l'article L. 1231-4 du code de la santé publique , devenu lui aussi sans objet. Cet article prévoyait les dispositions régissant les comités d'experts chargés d'autoriser le prélèvement de moelle sur mineurs. Ces comités sont à présent prévus à l'article L. 1231-3 (cf. ci-dessus) . Le présent article prévoit dans sa nouvelle rédaction que les modalités d'application de ces articles sont prises par décret en Conseil d'Etat.

Le abroge l'ancien article L. 1231-5 du code de la santé publique qui prévoyait ce même renvoi au pouvoir réglementaire.

Le II modifie le chapitre II qui contient les dispositions relatives « au prélèvement sur les personnes décédées » .

Le modifie les articles L. 1232-1 à L. 1232-3 du code de la santé publique .

La rédaction proposée pour l'article L. 1232-1 prévoit cinq modifications principales :

- une précision sur le régime juridique de la mort autorisant le prélèvement. La rédaction initiale, disposant que le prélèvement est effectué « après que le constat de la mort a été établi » est remplacée par celle disposant que « la mort a été dûment constatée » . Ce constat renvoie aux trois critères cliniques du constat de la mort prévus par le décret n° 96-1041 : absence totale de conscience et d'activité motrice cérébrale, abolition de tous réflexes du tronc cérébral et absence totale de ventilation spontanée (premier alinéa) ;

- la confirmation du principe de consentement présumé au prélèvement qui ne peut avoir lieu qu'à des fins thérapeutiques ou scientifiques. Ce consentement peut être « exprimé par tout moyen » , dont l'inscription sur le registre national des greffes (fusion des deuxième et troisième alinéas anciens dans un deuxième alinéa) ;

- l'élargissement du cercle des « témoins » potentiels. La volonté du défunt n'étant plus recherchée auprès de la seule « famille » mais « des proches » (troisième alinéa) ;

- l'amélioration de l'information des proches à la fois sur l'objet du prélèvement (troisième alinéa) et la nature des prélèvements effectués (quatrième alinéa) ;

- l'information préalable de l'EFG lors de tout prélèvement (dernier alinéa) .

La rédaction proposée pour l'article L. 1232-2 conserve les grandes lignes des règles régissant le prélèvement sur mineur en introduisant néanmoins :

- une précision : en remplaçant, pour les majeurs protégés décédés, le consentement du « représentant légal » par celui du « tuteur » , et ce pour permettre aux majeurs faisant l'objet d'une protection légale qui n'est pas la tutelle (sauvegarde de justice ou curatelle) d'exprimer par eux-mêmes leur volonté lorsqu'ils en sont aptes (premier alinéa) ;

- une harmonisation : en mettant fin à la différence d'expression du consentement des titulaires de l'autorité parentale selon la finalité du prélèvement. Les dispositions en vigueur du code de la santé publique prévoient en effet que, pour le prélèvement thérapeutique, le double consentement soit nécessaire alors que le consentement d'un seul titulaire de l'autorité parentale suffit à autoriser le prélèvement à des fins scientifiques. Le texte proposé par cet article prévoit une harmonisation du régime de consentement quelles que soient les finalités du prélèvement (premier alinéa) ;

- une innovation : en permettant que le consentement exprès et formulé par écrit d'un seul des titulaires de l'autorité parentale permette le prélèvement, lorsque le second n'a pu être consulté (second alinéa) ;

La rédaction proposée pour l'article L. 1232-3 remplace les dispositions existantes relatives au prélèvement à finalité scientifique sur les mineurs, reprises dans l'article précédent, par l'obligation d'établir un protocole de recherche transmis préalablement à l'EFG pour tout prélèvement à des fins scientifiques. En cas de non-pertinence de la recherche ou de l'inutilité du prélèvement, le ministre chargé de la recherche peut suspendre ou interdire leur mise en oeuvre.

Le modifie l'article L. 1232-4 du code de la santé publique pour substituer au premier alinéa le terme « greffe » à celui de « transplantation » ( a ) et, par coordination, supprimer l'obligation d'information de l'EFG prévue par cet article dans la rédaction proposée pour l'article L. 1232-1 du même code ( b ).

Le modifie l'article L. 1232-5 du code de la santé publique pour étendre l'obligation de « restauration décente du corps » au cas où celui-ci a subi une autopsie médicale, le droit en vigueur limitant cette obligation aux activités de prélèvement.

Le modifie les 1° et 2° de l'article L. 1232-6 du code de la santé publique, qui prévoit le renvoi à un décret en Conseil d'Etat de la rédaction des modalités de prélèvement sur les personnes décédées :

- le ( a ) modifie le premier alinéa pour y inscrire que les conditions dans lesquelles est établi le constat de la mort sont prévues au L. 1232-1 ;

- le ( b ) complète cet article par un troisième alinéa qui prévoit que seront fixées par décret en Conseil d'Etat les modalités d'interdiction de suspension par le ministre de la recherche des protocoles relatifs au prélèvement à des fins scientifiques ainsi que la transmission par l'EFG des informations dont il dispose sur ces protocoles.

Le III modifie le chapitre III où figurent les dispositions relatives au régime juridique des établissements autorisés à prélever des organes.

Le introduit dans l'article L. 1233-1 du code de la santé publique qui traite de ces établissements deux précisions :

- les dispositions de cet article visent les prélèvements d'organes « en vue de don à des fins thérapeutiques » , formulation reprise de l'article R. 671-9 du code de la santé publique ;

- l'EFG formule un avis sur l'autorisation délivrée par l'autorité administrative.

La rédaction proposée par le déclasse certaines dispositions relatives à l'autorisation qui figuraient précédemment dans un second alinéa de cet article, et notamment, que cette autorisation est délivrée pour cinq ans et est renouvelable. En effet, ces dispositions figurent dans l'article R. 671-9 précité. Elles ne seront donc plus de nature législative.

Par coordination , le prévoit la même précision - « prélèvements d'organes en vue de don » - dans l'article L. 1233-2 du code de la santé publique qui prévoit le principe de non-rémunération des prélèvements.

Le prévoit une modification rédactionnelle en complétant l'article L. 1233-3 du code de la santé publique , pour ajouter « à des fins de greffe » à la notion de « prélèvements d'organes » qui y figure.

Le IV prévoit deux séries de modifications au chapitre IV de ce titre:

- rédactionnelles, en remplaçant dans l'intitulé du chapitre ainsi qu'aux articles L. 1234-2 et L. 1234-3 les mots « transplantations » par « greffes d'organes » et « greffe » ( et ) ;

- de coordination en mettant à jour les références du code ( ).

Le V propose pour le chapitre V relatif aux dispositions communes trois séries de mesures :

- le « nettoyage » des dispositions relatives aux produits du corps humain qui ne sont pas des organes et qui n'ont plus vocation à figurer dans les dispositions relatives à ces derniers. Ainsi le 1° prévoit la suppression dans l'article L. 1235-1 de la référence aux produits issus du sang humain (article L. 1221-12) et le 2° prévoit la suppression de la référence à la moelle osseuse qui y figure ;

- la précision du régime du consentement applicable aux organes prélevés à l'occasion d'une intervention médicale pratiquée dans l'intérêt de la personne opérée. L'autorisation d'utilisation est présumée, la personne conservant une faculté d'opposition. Elle doit avoir bénéficié d'une information sur l'objet de cette utilisation. Pour les personnes mineures ou majeures sous tutelle, l'opposition est exprimée par les titulaires de l'autorité parentale ou le tuteur ;

- l'introduction de deux dispositions nouvelles prévoyant pour l'article L. 1235-3 une nouvelle rédaction et créant un article L. 1235-4 nouveau.

Le premier de ces articles dispose que tout prélèvement d'organes réalisé conformément aux dispositions prévues par le chapitre III est une activité médicale. Cette reconnaissance est « destinée à valoriser cette activité » qui pourra ainsi figurer dans le cursus des études de médecine et être répertoriée au PMSI.

Le second prévoit que les prélèvements effectués dans le cadre des recherches biomédicales sont regardés comme des prélèvements thérapeutiques et bénéficient en conséquence des garanties de sécurité sanitaire afférentes prévues par les dispositions figurant aux articles L. 1211-6 et L. 1211-7 du code de la santé publique.

Le 3°, en numérotant l'article L. 1235-3 en L. 1235-5 nouveau transfère dans ce dernier les dispositions figurant dans le premier. Le principe d'une application des dispositions du présent chapitre par le biais d'un décret en Conseil d'Etat est donc conservé.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a modifié cet article à neuf reprises, en adoptant sept amendements à l'initiative de sa commission spéciale et deux à l'initiative de MM. Jean-François Mattei et plusieurs de ses collègues.

A l'initiative de ces derniers, elle a adopté :

- avec l'avis favorable de la commission spéciale et du Gouvernement, un amendement visant à introduire en tête de cet article, une modification de l'article 16-3 du code civil précisant qu'il peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain, à titre exceptionnel, dans l'intérêt thérapeutique d'autrui et ce afin d'y traduire le principe du don d'organes entre vifs ;

- contre l'avis de la commission spéciale, le Gouvernement s'en remettant à la sagesse de l'Assemblée nationale, un amendement prévoyant au troisième alinéa de l'article L. 1231-1 que l'information préalable du donneur d'organe est assurée par le comité d'experts prévu au L. 1231-3 ;

- il est en outre notable que, contre l'avis de la commission spéciale et du Gouvernement, elle a adopté dans un premier temps un amendement prévoyant au troisième alinéa de l'article proposé pour le L. 1231-1 du code de la santé publique le consentement du conjoint au don lorsque le donneur est marié, ou de l'autre parent, lorsque celui-ci a charge d'enfant ; cette modification a ensuite été supprimée lors d'une seconde délibération.

A l'initiative de sa commission spéciale et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté :

-  un amendement complétant l'article L. 1231-1 par un alinéa prévoyant un rapport quadriennal d'évaluation de la pratique des prélèvements ;

-  un amendement prévoyant au premier alinéa de l'article L. 1231-3 que les membres des comités d'experts sont nommés pour trois ans par le ministre de la santé ;

-  un amendement prévoyant au dernier alinéa de l'article L. 1231-3 que l'ensemble des décisions des comités d'experts ne seront pas motivées et non les seules décisions de refus ;

-  un amendement de précision au troisième alinéa de l'article L. 1232-3 qui remplace le terme « objet » par celui de « finalité » ;

- avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement rétablissant le second alinéa de l'article L. 1233-3 du code de la santé publique, qui prévoit d'inscrire dans la loi la durée et le caractère renouvelable de l'autorisation délivrée aux établissements de santé pour le prélèvement d'organes ;

-  un amendement prévoyant au dernier alinéa de l'article L. 1235-3 que l'autorisation d'exporter et d'importer des organes à des fins scientifiques est délivrée après consultation de l'EFG ;

-  un amendement introduisant au deuxième alinéa de l'article L. 1235-2 le principe de l'absence d'opposition du mineur ou du majeur sous tutelle pour l'utilisation des organes prélevés sur ces derniers au cours d'une intervention médicale pratiquée dans leur intérêt.

III - La position de votre commission

La pénurie des greffons


Les besoins d'organes sont précisément recensés par l'EFG. Son rapport d'activités pour 2001 rappelle qu'au 31 décembre 2000, 6.033 patients restaient en attente de greffe d'organes.

Ce nombre s'accroît d'ailleurs au cours de l'année, les patients s'inscrivant en liste d'attente : 4.326 inscriptions pour l'année 2001.

Patients restant inscrits en attente de greffe d'organes

 

1997

1998

1999

2000

2001

Coeur

247

270

339

337

345

Coeur-poumons

69

69

66

59

70

Poumons

113

108

115

115

128

Foie

238

261

346

404

457

Reins

4.428

4.504

4.852

4.903

5.124

Pancréas

119

132

176

197

195

Intestin

10

9

13

18

13

Total

5.224

5.353

5.907

6.033

6.332

Source EFG 2002

Evolution de l'activité de greffe d'organes

 

1997

1998

1999

2000

2001

Coeur

366

370

321

328

316

Coeur-poumons

25

26

28

25

26

Poumons

65

88

71

70

91

Foie

621

693

699

806

803

Reins

1.690

1.882

1.842

1.924

2.022

Pancréas total

63

47

48

54

60

Intestin

10

9

7

4

7

Total

2.840

3.115

3.016

3.211

3.325

Source EFG 2002

Cette situation implique nécessairement que les pouvoirs publics améliorent les mécanismes de prélèvement.

Pour autant doit-on considérer les deux sources de greffons, prélèvements post mortem et donneurs vivants, comme susceptibles d'être sollicitées avec la même insistance ?

Votre rapporteur ne le pense pas.

Les limites et les risques du recours aux donneurs vivants

Votre rapporteur a déjà détaillé, dans son exposé général, ainsi qu'à l'article 5, les difficultés rencontrées aujourd'hui par la pratique du prélèvement post mortem . Près de 50 % des décès pouvant donner lieu à prélèvement n'y donnent pas lieu, malgré la règle du consentement présumé.


Les cas limitatifs où la règle de présomption du consentement
n'est pas applicable

- Lorsque l'intéressé a fait connaître son refus de son vivant : un rôle essentiel mais non exclusif est dévolu à cet effet au registre national automatisé . Il remplace le registre spécial dont la loi Caillavet avait prévu le dépôt dans chaque établissement hospitalier concerné et qui n'était que très rarement utilisé. A défaut d'une volonté exprimée par l'inscription sur ce registre (ou par tout autre moyen), le médecin « doit s'efforcer de recueillir le témoignage de la famille » ;

- lorsque le prélèvement en vue d'une greffe s'applique à une personne décédée qui était mineure ou majeure incapable : le consentement écrit et exprès de chacun des titulaires de l'autorité parentale ou du représentant légal est alors nécessaire ;

- lorsque le prélèvement a lieu à des fins exclusivement scientifiques : la loi distingue ici les autopsies cliniques (en vue de rechercher les causes de la mort) dont la famille est simplement informée, et les autopsies scientifiques pour lesquelles le consentement doit avoir été exprimé, soit directement par le défunt, soit par le témoignage de la famille qui peut donc jouer ici un rôle plus déterminant que pour les prélèvements à des fins thérapeutiques. On verra plus loin les critiques adressées par les anatomopathologistes à cette distinction qu'ils jugent artificielle et préjudiciable à la pratique des autopsies.

Rapport de l'OPECST, p. 59

L'autre source potentielle de greffons est constituée des dons en provenance de personnes vivantes, dons que la législation en vigueur réglemente strictement : seuls peuvent donner un organe les personnes majeures, au bénéfice de leurs père, mère, frère, soeur, fils et fille.

Certes la pratique du don entre vifs est répandue, notamment dans les pays du Nord de l'Europe, pour les dons de reins.

Nombre de prélèvements rénaux par million d'habitants

 

Donneurs vivants

Donneurs cadavériques

Norvège

16

26

Suède

14

24

Danemark

9

22

Suisse

8

26

Pays-Bas

6

27

Allemagne

4

23

Grande-Bretagne

3

26

France

1

27

Source EFG 2002

Toutefois, les complications parfois mortelles, que peut entraîner le don entre vif, doivent conduire à y recourir avec modération.

La transplantation rénale est une pratique maîtrisée, qui donne de bons résultats.

Les autres types de transplantations : hépatique, pulmonaire ou en domino, doivent être envisagées avec la plus grande prudence. Le rapport de l'OPECST rappelle 58( * ) que, pour les donneurs de foie, la mortalité atteint 0,2 % et la morbidité 12 %.

Pour votre commission, il est nécessaire de mieux encadrer ce type de prélèvement. Le présent article propose un élargissement du cercle des donneurs. Outre la levée du caractère « d'urgence » qui subordonnait le prélèvement au profit du conjoint, le présent article propose d'élargir « par dérogation » la liste des donneurs au cercle affectif, c'est-à-dire à toute « personne pouvant justifier de liens étroits et stables » avec le receveur.

Votre commission ne s'oppose pas à l'idée qu'un deuxième cercle de donneurs vivants puisse être proposé, mais estime que celui-ci doit être défini précisément.

En effet, la pratique du don entre vifs peut donner lieu à deux dérives que ne saurait connaître le don post mortem , le chantage psychologique et la négociation commerciale.

Certes le présent projet de loi prévoit (cf. tableau ci-après) , que le consentement est formulé devant un magistrat et l'autorisation délivrée par un comité d'experts.


Les comités d'experts autorisant le prélèvement de moelle osseuse sur mineurs

Les comités d'experts ont été créés par la loi du 29 juillet 1994 et sont chargés d'autoriser les prélèvements de moelle osseuse sur les personnes mineures. Le décret n° 96-375 du 29 avril 1996 les a mis en place.

Au nombre de sept, les comités d'experts sont répartis en centres interrégionaux.

Ils sont composés de trois membres titulaires et trois membres suppléants. Ils sont bénévoles et désignés pour trois ans par le ministre de la santé.

Ils comportent un médecin non-pédiatre désigné sur proposition du directeur général de l'EFG, et choisi au sein du personnel de cet établissement, un pédiatre et une personnalité non médicale choisie en fonction de sa compétence et de son expérience dans le domaine de la psychologie de l'enfant.

Le présent projet de loi renforce les missions des comités d'experts du fait de l'extension du cercle du don entre vifs, et l'introduction de la faculté de don de moelle par les majeurs protégés. Ils comporteront désormais cinq membres et seront appelés à siéger sous deux formations différentes selon qu'ils autorisent un prélèvement sur une personne mineure ou majeure.


Toutefois, ces deux réserves ne permettent pas de lever tous les risques. Ainsi votre commission vous propose, par amendement, de définir précisément le cercle élargi des donneurs qui comprendrait outre le premier cercle familial, les grands-parents, les oncles et tantes, les cousins germains , ainsi que les conjoints des parents du receveur . Elle vous propose, en sus, d'autoriser le prélèvement sur la personne susceptible d'apporter la preuve d'une vie commune d'au moins deux ans avec le receveur.

Votre commission vous propose, en conséquence, de préciser, par amendement, que le rapport quadriennal d'évaluation remis au Parlement par le Gouvernement et consacré à « l'élargissement du cercle du donneur à toute personne ayant des liens étroits et stables avec le receveur » , soit, par cohérence, puisqu'elle vous propose de ne pas conserver cette notion, étendu à l'ensemble de la question du don d'organes entre vifs.

Elle vous propose en outre trois amendements de précision rédactionnelle à l'article L. 1231-1 :

- le premier précise la mission du magistrat chargé de recueillir le consentement de la personne qui fait un don d'organe ; le texte dispose en effet que le magistrat s'assure que « (le consentement)... est donné dans les conditions prévues, selon le cas, par le premier ou le deuxième alinéa » de cet article ; or, ces alinéas ne prévoient pas de conditions dans lesquelles le consentement pourrait être donné, mais la finalité thérapeutique du prélèvement et la qualité du donneur (lien avec le receveur). Aussi, votre commission vous propose-t-elle de prévoir que le magistrat « s'assure que le don est conforme aux conditions prévues » par ces alinéas. Il appartiendra au magistrat de s'assurer de l'identité de la personne consentante et de la nature de ses liens avec le receveur -notamment les preuves d'une vie commune de deux ans- ainsi que, le cas échéant, la finalité du prélèvement. Il reste qu'il n'appartient pas au juge d'autoriser le prélèvement mais simplement de recueillir le consentement du donneur qui doit être « libre et éclairé » ;

- le deuxième amendement écarte une ambiguïté s'agissant de la révocabilité sans forme et à tout moment du consentement. Cette révocabilité doit être générale. Or, la rédaction actuelle retenant un article démonstratif (ce consentement) semble ne s'appliquer qu'au consentement recueilli en urgence par le procureur de la République. Aussi est-il proposé de lui substituer un article défini (le consentement) ;

- le troisième amendement est de même nature. Le quatrième alinéa de cet article prévoit que le don d'organes, quand le donneur fait partie du « cercle élargi », doit être autorisé par « l'un des comités d'experts chargés d'autoriser le prélèvement sur une personne vivante, mentionnés à l'article L. 1231-3 » . Cette formule apparaît inutilement lourde par rapport à celle retenue dans l'alinéa précédent ( « le comité d'experts mentionné à l'article L. 1231-3 » ) et, de ce fait, pourrait laisser entendre que serait visée l'une ou l'autre formation du comité d'experts selon qu'il se prononce sur des prélèvements sur majeur ou sur mineur. Or, il ne saurait y avoir d'ambiguïté sur ce point : le prélèvement d'organes sur un mineur vivant est proscrite.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Don d'organes et moelle osseuse par personne vivante

 

DROIT EN VIGUEUR

PROJET DE LOI

PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

Personne majeure

Mineur

Personne majeure

Mineur ou majeur sous tutelle (moelle) (3)

Curatelle et sauvegarde
(moelle) (3)

Personne majeure

Mineur ou majeur sous tutelle
(moelle) (3)

Curatelle et sauvegarde
(moelle) (3)

Organes

Moelle osseuse

Moelle osseuse (3)

Organes

Moelle osseuse

Mineur

Majeur sous tutelle

Apte à consentir

Inapte à consentir

Organes

Moelle osseuse

Mineur

Majeur sous tutelle

Apte à consentir

Inapte à consentir

- 101 -

Frères, soeurs

 

Information sur le risque

Praticien

Comité d'experts

Praticien

 

Praticien

 

Comité d'experts

Praticien

 

Praticien

 

Expression du consentement

TGI (1)

TGI (2)

TGI (1)

TGI (2)

 

TGI (1)

 

TGI (1)

TGI (2)

 

TGI (1)

 

Autorisation

Non

Non

Comité d'experts

Père, mère, fils, filles frères, soeurs, conjoint : comité d'experts si le juge l'estime nécessaire. Les autres : comité d'experts

Non

Comité d'experts

Juge des tutelles après avis du comité d'experts

Comité d'experts

Juge des tutelles après avis du comité d'experts

Père, mère, fils, filles, frères, soeurs, conjoint : comité d'experts si le juge l'estime nécessaire.
Les autres : comité d'experts

Non

Comité d'experts

Juge des tutelle après avis du comité d'experts

Comité d'experts

Juge des tutelles après avis du comité d'experts

( 1) Président du Tribunal de Grande Instance ou tout magistrat désigné par lui, ou, en cas d'urgence, procureur de la République.

(2) Consentement des parents dans les conditions prévues au (1) ci-dessus.

(3) Le prélèvement d'organes n'est pas autorisé sur les mineurs et majeurs protégés


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