Article 7
Prélèvements
d'organes
Objet : Cet article propose une réforme
substantielle des dispositions relatives aux prélèvements et au
don d'organes tant post mortem qu'entre vifs.
I - Le dispositif proposé
Le présent article propose une série de modifications pour le
titre III du livre premier de la première partie du code de la
santé publique, relatif aux organes humains.
Le
I
de cet article modifie le chapitre premier de ce titre, qui
rassemble les dispositions relatives au
« prélèvement sur une personne
vivante »
.
Le
1°
du I propose trois modifications essentielles au
régime du don d'organes entre vifs prévu par
l'article
L. 1231-1 du code de la santé publique
:
- le cercle des donneurs potentiels est élargi. Si le texte
proposé pour cet article prévoit toujours que la règle est
le don dans le cadre familial
(premier alinéa)
, ce dernier est
élargi
« par dérogation »
à
toute personne ayant un
« lien étroit et
stable »
avec le receveur
(deuxième
alinéa)
;
- les conjoints regagnent le cercle des donneurs familiaux (père,
mère, fils, fille, frères et soeurs) sans qu'il soit exigé
une urgence pour recourir à eux ;
- il n'est plus fait mention du don de moelle osseuse qui n'est plus
considérée comme un organe et dont le régime est
désormais fixé par les articles L. 1241-1, L. 1241-3 et L. 1241-4
(cf. commentaire ci-après de l'article 8) ;
- le régime d'expression du consentement est conservé dans
ses grandes lignes avec néanmoins plusieurs aménagements.
Celui-ci est toujours exprimé devant un magistrat, le Président
du tribunal de grande instance ou tout autre magistrat désigné
par lui, ou en cas d'urgence devant le procureur de la République
(troisième alinéa)
. En revanche, il est prévu
l'autorisation d'un comité d'experts pour les donneurs non issus du
cercle familial, et même pour ceux issus de ce cercle lorsque le
magistrat chargé de recueillir le consentement l'estime
nécessaire
(quatrième et cinquième alinéas)
.
Le présent article maintient en outre l'obligation préalable
d'information du donneur sur les risques et les conséquences possibles
de son don
(troisième alinéa)
. Il est également
prévu que
l'Etablissement français des greffes
(EFG) est
préalablement informé de tout prélèvement d'organe
à des fins thérapeutiques
(dernier alinéa)
.
Les autres modifications prévues pour les articles de ce chapitre sont
de conséquence.
Le
2°
propose une nouvelle rédaction pour
l'article
L. 1231-3 du code de la santé publique
, les dispositions
prévues par la rédaction précédente étant
devenues sans objet. En effet, celles-ci définissaient les règles
relatives au prélèvement de moelle osseuse sur mineur. Cette
dernière n'étant plus considérée comme un organe,
les dispositions relatives à son prélèvement sont
transférées par le présent projet de loi à
l'article L. 1241-3 du même code.
Ces dispositions sont remplacées par celles régissant la
composition et le fonctionnement des comités d'experts prévus
à l'article précédent et aux articles L. 1241-3 et
L. 1241-4 du code de la santé publique. Il est ainsi prévu
que ces comités :
- siègent en deux formations de cinq membres, dont trois sont
communs aux deux formations
(deux médecins et un spécialiste
dans le domaine des sciences humaines et sociales)
, ; lorsque le
comité se prononce sur les prélèvements sur
personne
majeure
, il comporte un
troisième médecin
et un
psychologue
; lorsqu'il se prononce sur les
prélèvements sur
personne mineure
, il comporte un
pédiatre
et
« une personne qualifiée dans le
domaine de la psychologie de l'enfant »
; le comité
se « prononce »
stricto sensu :
.
sur les prélèvements d'organes sur personne majeure
n'appartenant pas au cercle familial ou sur les personnes majeures appartenant
à ce cercle dès lors que le magistrat chargé de recueillir
le consentement l'estime nécessaire
(article L. 1231-1)
;
.
sur les prélèvements de moelle osseuse sur personne
mineure ou sur personne majeure faisant l'objet d'une mesure de curatelle ou de
sauvegarde de justice dès lors qu'elle a la faculté d'exprimer
son consentement
(articles L. 1241-3 et L. 1241-4)
;
.
et,
pour avis
, sur les prélèvements de
moelle osseuse autorisés par le juge des tutelles
(article L.
1241-4) ;
- se prononcent dans le respect des principes énoncés au
titre premier, qui sont les principes généraux prévus
pour le don d'organes par le code de la santé publique et le code
civil : gratuité, consentement éclairé, vigilance
sanitaire et, le cas échéant, anonymat
(deuxième
alinéa)
;
- ont accès aux informations médicales concernant le donneur
et le receveur, et sont soumis à l'obligation de secret médical
qu'un tel accès impose
(troisième alinéa)
;
- ne motivent pas leurs décisions de
refus
(quatrième alinéa)
.
Le
3°
modifie la rédaction de
l'article L. 1231-4 du
code de la santé publique
, devenu lui aussi sans objet. Cet article
prévoyait les dispositions régissant les comités d'experts
chargés d'autoriser le prélèvement de moelle sur mineurs.
Ces comités sont à présent prévus à
l'article L. 1231-3
(cf. ci-dessus)
. Le présent article
prévoit dans sa nouvelle rédaction que les modalités
d'application de ces articles sont prises par décret en Conseil d'Etat.
Le
4°
abroge l'ancien
article L. 1231-5 du code de la
santé publique
qui prévoyait ce même renvoi au pouvoir
réglementaire.
Le
II
modifie le chapitre II qui contient les dispositions relatives
«
au prélèvement sur les personnes
décédées »
.
Le
1°
modifie les
articles L. 1232-1 à
L. 1232-3 du code de la santé publique
.
La rédaction proposée pour
l'article L. 1232-1
prévoit cinq modifications principales :
- une précision sur le régime juridique de la mort
autorisant le prélèvement. La rédaction initiale,
disposant que le prélèvement est effectué
« après que le constat de la mort a été
établi »
est remplacée par celle disposant que
« la mort a été dûment
constatée »
. Ce constat renvoie aux trois critères
cliniques du constat de la mort prévus par le décret
n° 96-1041 : absence totale de conscience et d'activité
motrice cérébrale, abolition de tous réflexes du tronc
cérébral et absence totale de ventilation spontanée
(premier alinéa)
;
- la confirmation du principe de consentement présumé au
prélèvement qui ne peut avoir lieu qu'à des fins
thérapeutiques ou scientifiques. Ce consentement peut être
« exprimé par tout moyen »
, dont
l'inscription sur le registre national des greffes
(fusion des
deuxième et troisième alinéas anciens dans un
deuxième alinéa)
;
- l'élargissement du cercle des
« témoins » potentiels. La volonté du
défunt n'étant plus recherchée auprès de la seule
« famille »
mais
« des
proches »
(troisième alinéa)
;
- l'amélioration de l'information des proches à la fois sur
l'objet du prélèvement
(troisième alinéa)
et
la nature des prélèvements effectués
(quatrième
alinéa)
;
- l'information préalable de l'EFG lors de tout
prélèvement
(dernier alinéa)
.
La rédaction proposée pour
l'article L. 1232-2
conserve les grandes lignes des règles régissant le
prélèvement sur mineur en introduisant
néanmoins :
- une
précision
: en remplaçant, pour les
majeurs protégés décédés, le consentement du
« représentant légal »
par celui du
« tuteur »
, et ce pour permettre aux majeurs faisant
l'objet d'une protection légale qui n'est pas la tutelle (sauvegarde de
justice ou curatelle) d'exprimer par eux-mêmes leur volonté
lorsqu'ils en sont aptes
(premier alinéa)
;
- une
harmonisation
: en mettant fin à la
différence d'expression du consentement des titulaires de
l'autorité parentale selon la finalité du
prélèvement. Les dispositions en vigueur du code de la
santé publique prévoient en effet que, pour le
prélèvement thérapeutique, le double consentement soit
nécessaire alors que le consentement d'un seul titulaire de
l'autorité parentale suffit à autoriser le
prélèvement à des fins scientifiques. Le texte
proposé par cet article prévoit une harmonisation du
régime de consentement quelles que soient les finalités du
prélèvement
(premier alinéa)
;
- une
innovation
: en permettant que le consentement
exprès et formulé par écrit d'un seul des titulaires de
l'autorité parentale permette le prélèvement, lorsque le
second n'a pu être consulté
(second alinéa)
;
La rédaction proposée pour
l'article L. 1232-3
remplace les dispositions existantes relatives au prélèvement
à finalité scientifique sur les mineurs, reprises dans l'article
précédent, par l'obligation d'établir un protocole de
recherche transmis préalablement à l'EFG pour tout
prélèvement à des fins scientifiques. En cas de
non-pertinence de la recherche ou de l'inutilité du
prélèvement, le ministre chargé de la recherche peut
suspendre ou interdire leur mise en oeuvre.
Le
2°
modifie
l'article L. 1232-4 du code de la
santé publique
pour substituer au premier alinéa le terme
« greffe » à celui de
« transplantation » (
a
) et, par coordination,
supprimer l'obligation d'information de l'EFG prévue par cet article
dans la rédaction proposée pour l'article L. 1232-1 du
même code (
b
).
Le
3°
modifie
l'article L. 1232-5 du code de la
santé publique
pour étendre l'obligation de
« restauration décente du corps »
au cas
où celui-ci a subi une autopsie médicale, le droit en vigueur
limitant cette obligation aux activités de prélèvement.
Le
4°
modifie les 1° et 2° de
l'article L. 1232-6
du code de la santé publique,
qui prévoit le renvoi à
un décret en Conseil d'Etat de la rédaction des modalités
de prélèvement sur les personnes
décédées :
- le (
a
) modifie le premier alinéa pour y inscrire que les
conditions dans lesquelles est établi le constat de la mort sont
prévues au L. 1232-1 ;
- le (
b
) complète cet article par un troisième
alinéa qui prévoit que seront fixées par décret en
Conseil d'Etat les modalités d'interdiction de suspension par le
ministre de la recherche des protocoles relatifs au prélèvement
à des fins scientifiques ainsi que la transmission par l'EFG des
informations dont il dispose sur ces protocoles.
Le
III
modifie le chapitre III où figurent les dispositions
relatives au régime juridique des établissements autorisés
à prélever des organes.
Le
1°
introduit dans
l'article L. 1233-1 du code de la
santé publique
qui traite de ces établissements deux
précisions :
- les dispositions de cet article visent les prélèvements
d'organes
« en vue de don à des fins
thérapeutiques »
, formulation reprise de l'article
R. 671-9 du code de la santé publique ;
- l'EFG formule un avis sur l'autorisation délivrée par
l'autorité administrative.
La rédaction proposée par le
1°
déclasse
certaines dispositions relatives à l'autorisation qui figuraient
précédemment dans un second alinéa de cet article, et
notamment, que cette autorisation est délivrée pour cinq ans et
est renouvelable. En effet, ces dispositions figurent dans l'article
R. 671-9 précité. Elles ne seront donc plus de nature
législative.
Par coordination
,
le
2°
prévoit la même
précision -
« prélèvements d'organes en vue de
don »
- dans
l'article L. 1233-2 du code de la
santé publique
qui prévoit le principe de
non-rémunération des prélèvements.
Le
3°
prévoit une modification rédactionnelle en
complétant
l'article L. 1233-3 du code de la santé
publique
, pour ajouter
« à des fins de
greffe »
à la notion de
« prélèvements d'organes »
qui y
figure.
Le
IV
prévoit deux séries de modifications au
chapitre IV de ce titre:
- rédactionnelles, en remplaçant dans l'intitulé du
chapitre ainsi qu'aux articles L. 1234-2 et L. 1234-3 les mots
« transplantations »
par
« greffes d'organes »
et
«
greffe »
(
1°
et
3°
) ;
- de coordination en mettant à jour les références du
code (
2°
).
Le
V
propose pour le chapitre V relatif aux dispositions communes trois
séries de mesures :
- le « nettoyage » des dispositions relatives aux
produits du corps humain qui ne sont pas des organes et qui n'ont plus vocation
à figurer dans les dispositions relatives à ces derniers. Ainsi
le 1° prévoit la suppression dans l'article L. 1235-1 de la
référence aux produits issus du
sang
humain
(article
L. 1221-12)
et le 2° prévoit la suppression de la
référence à la
moelle osseuse
qui y figure ;
- la précision du régime du consentement applicable aux
organes prélevés à l'occasion d'une intervention
médicale pratiquée dans l'intérêt de la personne
opérée. L'autorisation d'utilisation est présumée,
la personne conservant une faculté d'opposition. Elle doit avoir
bénéficié d'une information sur l'objet de cette
utilisation. Pour les personnes mineures ou majeures sous tutelle, l'opposition
est exprimée par les titulaires de l'autorité parentale ou le
tuteur ;
- l'introduction de deux dispositions nouvelles prévoyant pour
l'article L. 1235-3 une nouvelle rédaction et créant un
article L. 1235-4 nouveau.
Le premier de ces articles dispose que tout prélèvement d'organes
réalisé conformément aux dispositions prévues par
le chapitre III est une activité médicale. Cette reconnaissance
est
« destinée à valoriser cette
activité »
qui pourra ainsi figurer dans le cursus des
études de médecine et être répertoriée au
PMSI.
Le second prévoit que les prélèvements effectués
dans le cadre des recherches biomédicales sont regardés comme des
prélèvements thérapeutiques et bénéficient
en conséquence des garanties de sécurité sanitaire
afférentes prévues par les dispositions figurant aux articles
L. 1211-6 et L. 1211-7 du code de la santé publique.
Le
3°,
en numérotant l'article L. 1235-3 en
L. 1235-5 nouveau transfère dans ce dernier les dispositions
figurant dans le premier. Le principe d'une application des dispositions du
présent chapitre par le biais d'un décret en Conseil d'Etat est
donc conservé.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a modifié cet article à neuf
reprises, en adoptant sept amendements à l'initiative de sa commission
spéciale et deux à l'initiative de MM. Jean-François
Mattei et plusieurs de ses collègues.
A l'initiative de ces derniers, elle a adopté :
- avec l'avis favorable de la commission spéciale et du
Gouvernement, un amendement visant à introduire en tête de cet
article, une modification de l'article 16-3 du code civil précisant
qu'il peut être porté atteinte à l'intégrité
du corps humain, à titre exceptionnel, dans l'intérêt
thérapeutique d'autrui et ce afin d'y traduire le principe du don
d'organes entre vifs ;
- contre l'avis de la commission spéciale, le Gouvernement s'en
remettant à la sagesse de l'Assemblée nationale, un amendement
prévoyant au troisième alinéa de l'article L. 1231-1
que l'information préalable du donneur d'organe est assurée par
le comité d'experts prévu au L. 1231-3 ;
- il est en outre notable que, contre l'avis de la commission
spéciale et du Gouvernement, elle a adopté dans un premier temps
un amendement prévoyant au troisième alinéa de l'article
proposé pour le L. 1231-1 du code de la santé publique le
consentement du conjoint au don lorsque le donneur est marié, ou de
l'autre parent, lorsque celui-ci a charge d'enfant ; cette modification a
ensuite été supprimée lors d'une seconde
délibération.
A l'initiative de sa commission spéciale et avec l'avis favorable du
Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté :
- un amendement complétant l'article L. 1231-1 par un
alinéa prévoyant un rapport quadriennal d'évaluation de la
pratique des prélèvements ;
- un amendement prévoyant au premier alinéa de l'article
L. 1231-3 que les membres des comités d'experts sont nommés
pour trois ans par le ministre de la santé ;
- un amendement prévoyant au dernier alinéa de l'article
L. 1231-3 que l'ensemble des décisions des comités d'experts
ne seront pas motivées et non les seules décisions de refus ;
- un amendement de précision au troisième alinéa de
l'article L. 1232-3 qui remplace le terme
« objet »
par celui de
« finalité »
;
- avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement rétablissant
le second alinéa de l'article L. 1233-3 du code de la santé
publique, qui prévoit d'inscrire dans la loi la durée et le
caractère renouvelable de l'autorisation délivrée aux
établissements de santé pour le prélèvement
d'organes ;
- un amendement prévoyant au dernier alinéa de l'article
L. 1235-3 que l'autorisation d'exporter et d'importer des organes à
des fins scientifiques est délivrée après consultation de
l'EFG ;
- un amendement introduisant au deuxième alinéa de
l'article L. 1235-2 le principe de l'absence d'opposition du mineur ou du
majeur sous tutelle pour l'utilisation des organes prélevés sur
ces derniers au cours d'une intervention médicale pratiquée dans
leur intérêt.
III - La position de votre commission
La pénurie des greffons
Les besoins d'organes sont précisément recensés par l'EFG.
Son rapport d'activités pour 2001 rappelle qu'au 31 décembre
2000, 6.033 patients restaient en attente de greffe d'organes.
Ce nombre s'accroît d'ailleurs au cours de l'année, les patients
s'inscrivant en liste d'attente : 4.326 inscriptions pour l'année
2001.
Patients restant inscrits en attente de greffe d'organes
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
Coeur |
247 |
270 |
339 |
337 |
345 |
Coeur-poumons |
69 |
69 |
66 |
59 |
70 |
Poumons |
113 |
108 |
115 |
115 |
128 |
Foie |
238 |
261 |
346 |
404 |
457 |
Reins |
4.428 |
4.504 |
4.852 |
4.903 |
5.124 |
Pancréas |
119 |
132 |
176 |
197 |
195 |
Intestin |
10 |
9 |
13 |
18 |
13 |
Total |
5.224 |
5.353 |
5.907 |
6.033 |
6.332 |
Source EFG 2002
Evolution de l'activité de greffe d'organes
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
Coeur |
366 |
370 |
321 |
328 |
316 |
Coeur-poumons |
25 |
26 |
28 |
25 |
26 |
Poumons |
65 |
88 |
71 |
70 |
91 |
Foie |
621 |
693 |
699 |
806 |
803 |
Reins |
1.690 |
1.882 |
1.842 |
1.924 |
2.022 |
Pancréas total |
63 |
47 |
48 |
54 |
60 |
Intestin |
10 |
9 |
7 |
4 |
7 |
Total |
2.840 |
3.115 |
3.016 |
3.211 |
3.325 |
Source EFG 2002
Cette
situation implique nécessairement que les pouvoirs publics
améliorent les mécanismes de prélèvement.
Pour autant doit-on considérer les deux sources de greffons,
prélèvements
post mortem
et donneurs vivants, comme
susceptibles d'être sollicitées avec la même
insistance ?
Votre rapporteur ne le pense pas.
Les limites et les risques du recours aux donneurs vivants
Votre rapporteur a déjà détaillé, dans son
exposé général, ainsi qu'à l'article 5, les
difficultés rencontrées aujourd'hui par la pratique du
prélèvement
post mortem
. Près de 50 % des
décès pouvant donner lieu à prélèvement n'y
donnent pas lieu, malgré la règle du consentement
présumé.
Les cas limitatifs où la règle de
présomption du consentement
n'est pas applicable
- Lorsque l'intéressé a fait
connaître son
refus de son vivant : un rôle essentiel mais non exclusif est
dévolu à cet effet au
registre national automatisé
.
Il remplace le registre spécial dont la loi Caillavet avait prévu
le dépôt dans chaque établissement hospitalier
concerné et qui n'était que très rarement utilisé.
A défaut d'une volonté exprimée par l'inscription sur ce
registre (ou par tout autre moyen), le médecin «
doit
s'efforcer de recueillir le témoignage de la
famille »
;
- lorsque le prélèvement en vue d'une greffe s'applique
à une personne décédée qui était mineure ou
majeure incapable : le consentement écrit et exprès de
chacun des titulaires de l'autorité parentale ou du représentant
légal est alors nécessaire ;
- lorsque le prélèvement a lieu à des fins
exclusivement scientifiques : la loi distingue ici les
autopsies
cliniques
(en vue de rechercher les causes de la mort) dont la famille est
simplement informée, et les
autopsies scientifiques
pour
lesquelles le consentement doit avoir été exprimé, soit
directement par le défunt, soit par le témoignage de la famille
qui peut donc jouer ici un rôle plus déterminant que pour les
prélèvements à des fins thérapeutiques. On verra
plus loin les critiques adressées par les anatomopathologistes à
cette distinction qu'ils jugent artificielle et préjudiciable à
la pratique des autopsies.
Rapport de l'OPECST, p. 59
L'autre
source potentielle de greffons est constituée des dons en provenance de
personnes vivantes, dons que la législation en vigueur réglemente
strictement : seuls peuvent donner un organe les personnes majeures, au
bénéfice de leurs père, mère, frère, soeur,
fils et fille.
Certes la pratique du don entre vifs est répandue, notamment dans les
pays du Nord de l'Europe, pour les dons de reins.
Nombre de prélèvements rénaux par million d'habitants
|
Donneurs vivants |
Donneurs cadavériques |
Norvège |
16 |
26 |
Suède |
14 |
24 |
Danemark |
9 |
22 |
Suisse |
8 |
26 |
Pays-Bas |
6 |
27 |
Allemagne |
4 |
23 |
Grande-Bretagne |
3 |
26 |
France |
1 |
27 |
Source EFG 2002
Toutefois, les complications parfois mortelles, que peut
entraîner le don entre vif, doivent conduire à y recourir avec
modération.
La transplantation rénale est une pratique maîtrisée, qui
donne de bons résultats.
Les autres types de transplantations : hépatique, pulmonaire ou en
domino, doivent être envisagées avec la plus grande prudence. Le
rapport de l'OPECST rappelle
58(
*
)
que, pour les donneurs de foie, la mortalité atteint 0,2 % et la
morbidité 12 %.
Pour votre commission, il est nécessaire de mieux encadrer ce type de
prélèvement. Le présent article propose un
élargissement du cercle des donneurs. Outre la levée du
caractère « d'urgence » qui subordonnait le
prélèvement au profit du conjoint, le présent article
propose d'élargir
« par dérogation »
la liste des donneurs au cercle affectif, c'est-à-dire à toute
« personne pouvant justifier de liens étroits et
stables »
avec le receveur.
Votre commission ne s'oppose pas à l'idée qu'un deuxième
cercle de donneurs vivants puisse être proposé, mais estime que
celui-ci doit être défini précisément.
En effet, la pratique du don entre vifs peut donner lieu à deux
dérives que ne saurait connaître le don
post mortem
, le
chantage psychologique et la négociation commerciale.
Certes le présent projet de loi prévoit
(cf. tableau
ci-après)
, que le consentement est formulé devant un
magistrat et l'autorisation délivrée par un comité
d'experts.
Les comités d'experts autorisant le
prélèvement de moelle osseuse sur mineurs
Les
comités d'experts ont été créés par la loi
du 29 juillet 1994 et sont chargés d'autoriser les
prélèvements de moelle osseuse sur les personnes mineures. Le
décret n° 96-375 du 29 avril 1996 les a mis en place.
Au nombre de sept, les comités d'experts sont répartis en centres
interrégionaux.
Ils sont composés de trois membres titulaires et trois membres
suppléants. Ils sont bénévoles et désignés
pour trois ans par le ministre de la santé.
Ils comportent un médecin non-pédiatre désigné sur
proposition du directeur général de l'EFG, et choisi au sein du
personnel de cet établissement, un pédiatre et une
personnalité non médicale choisie en fonction de sa
compétence et de son expérience dans le domaine de la psychologie
de l'enfant.
Le présent projet de loi renforce les missions des comités
d'experts du fait de l'extension du cercle du don entre vifs, et l'introduction
de la faculté de don de moelle par les majeurs protégés.
Ils comporteront désormais cinq membres et seront appelés
à siéger sous deux formations différentes selon qu'ils
autorisent un prélèvement sur une personne mineure ou majeure.
Toutefois, ces deux réserves ne permettent pas de lever tous les
risques. Ainsi votre commission vous propose, par
amendement,
de
définir précisément le cercle élargi des donneurs
qui comprendrait outre le premier cercle familial,
les grands-parents, les
oncles et tantes, les cousins germains
, ainsi que les
conjoints des
parents du receveur
. Elle vous propose, en sus, d'autoriser le
prélèvement sur la personne susceptible d'apporter
la preuve
d'une vie commune d'au moins deux ans
avec le receveur.
Votre commission vous propose, en conséquence, de préciser, par
amendement,
que le rapport quadriennal d'évaluation remis au
Parlement par le Gouvernement et consacré à
« l'élargissement du cercle du donneur à toute
personne ayant des liens étroits et stables avec le
receveur »
, soit, par cohérence, puisqu'elle vous propose
de ne pas conserver cette notion, étendu à l'ensemble de la
question du don d'organes entre vifs.
Elle vous propose en outre trois
amendements
de précision
rédactionnelle à l'article L. 1231-1 :
- le premier précise la mission du magistrat chargé de
recueillir le consentement de la personne qui fait un don d'organe ; le
texte dispose en effet que le magistrat s'assure que
« (le
consentement)... est donné dans les conditions prévues, selon le
cas, par le premier ou le deuxième alinéa »
de cet
article ; or, ces alinéas ne prévoient pas de conditions
dans lesquelles le consentement pourrait être donné, mais la
finalité
thérapeutique du prélèvement et la
qualité
du donneur (lien avec le receveur). Aussi, votre
commission vous propose-t-elle de prévoir que le magistrat
« s'assure que le don est conforme aux conditions
prévues »
par ces alinéas. Il appartiendra au
magistrat de s'assurer de l'identité de la personne consentante et de la
nature de ses liens avec le receveur -notamment les preuves d'une vie commune
de deux ans- ainsi que, le cas échéant, la finalité du
prélèvement. Il reste qu'il n'appartient pas au juge d'autoriser
le prélèvement mais simplement de recueillir le consentement du
donneur qui doit être
« libre et
éclairé »
;
- le deuxième amendement écarte une ambiguïté
s'agissant de la révocabilité sans forme et à tout moment
du consentement. Cette révocabilité doit être
générale. Or, la rédaction actuelle retenant un article
démonstratif
(ce consentement)
semble ne s'appliquer qu'au
consentement recueilli en urgence par le procureur de la République.
Aussi est-il proposé de lui substituer un article défini
(le
consentement) ;
- le troisième amendement est de même nature. Le
quatrième alinéa de cet article prévoit que le don
d'organes, quand le donneur fait partie du « cercle
élargi », doit être autorisé par
« l'un des comités d'experts chargés d'autoriser le
prélèvement sur une personne vivante, mentionnés à
l'article L. 1231-3 »
. Cette formule apparaît
inutilement lourde par rapport à celle retenue dans l'alinéa
précédent (
« le comité d'experts
mentionné à l'article L. 1231-3 »
) et, de ce
fait, pourrait laisser entendre que serait visée l'une ou l'autre
formation du comité d'experts selon qu'il se prononce sur des
prélèvements sur majeur ou sur mineur. Or, il ne saurait y avoir
d'ambiguïté sur ce point : le prélèvement
d'organes sur un mineur vivant est proscrite.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Don d'organes et moelle osseuse par personne vivante
|
DROIT EN VIGUEUR |
PROJET DE LOI |
PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION |
||||||||||||||
Personne majeure |
Mineur |
Personne majeure |
Mineur ou majeur sous tutelle (moelle) (3) |
Curatelle et sauvegarde
|
Personne majeure |
Mineur
ou majeur sous tutelle
|
Curatelle et sauvegarde
|
||||||||||
Organes |
Moelle osseuse |
Moelle osseuse (3) |
Organes |
Moelle osseuse |
Mineur |
Majeur sous tutelle |
Apte à consentir |
Inapte à consentir |
Organes |
Moelle osseuse |
Mineur |
Majeur sous tutelle |
Apte à consentir |
Inapte à consentir |
- 101 -
Frères, soeurs
|
||||||||||||||||||
Information sur le risque |
Praticien |
Comité d'experts |
Praticien |
|
Praticien |
|
Comité d'experts |
Praticien |
|
Praticien |
|
|||||||
Expression du consentement |
TGI (1) |
TGI (2) |
TGI (1) |
TGI (2) |
|
TGI (1) |
|
TGI (1) |
TGI (2) |
|
TGI (1) |
|
||||||
Autorisation |
Non |
Non |
Comité d'experts |
Père, mère, fils, filles frères, soeurs, conjoint : comité d'experts si le juge l'estime nécessaire. Les autres : comité d'experts |
Non |
Comité d'experts |
Juge des tutelles après avis du comité d'experts |
Comité d'experts |
Juge des tutelles après avis du comité d'experts |
Père, mère, fils, filles, frères, soeurs,
conjoint : comité d'experts si le juge l'estime
nécessaire.
|
Non |
Comité d'experts |
Juge des tutelle après avis du comité d'experts |
Comité d'experts |
Juge des tutelles après avis du comité d'experts |
(
1)
Président du Tribunal de Grande Instance ou tout magistrat
désigné par lui, ou, en cas d'urgence, procureur de la
République.
(2) Consentement des parents dans les conditions prévues au
(1)
ci-dessus.
(3)
Le prélèvement d'organes
n'est pas autorisé
sur les mineurs
et majeurs protégés