Article 12
Dispositions
pénales
Objet : Cet article a pour objet de reproduire, au
sein
du code de la santé publique, le contenu des rédactions pour les
infractions relatives à l'utilisation de produits et
éléments du corps humain.
I - Le dispositif proposé
Le présent article vise à insérer deux articles dans le
code de la santé publique :
- un article L. 1272-4-1 qui reproduit le contenu de l'article
511-5-1 du code pénal, tel que modifié par l'article 11 du
présent projet de loi ;
- un article L. 1272-4-2 qui reproduit le contenu de l'article
511-5-2 du code pénal, tel que modifié également par ledit
article 11.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
A l'initiative de sa commission spéciale, l'Assemblée nationale a
adopté un amendement de coordination, modifiant le présent
article compte tenu des modifications à l'article 11 qu'elle avait
apportées aux deux articles du code pénal reproduits au
présent article.
III - La position de votre commission
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article 12 bis
Non-brevetabilité des éléments du corps
humain
Objet : Cet article, introduit par
l'Assemblée
nationale, vise à affirmer le principe de la non-brevetabilité
des éléments du corps humain.
I - Le dispositif proposé
Sur proposition de M. Leroy d'une part, et MM. Lefort et Mei d'autre part,
avec l'avis favorable de la commission spéciale, le Gouvernement s'en
remettant à sa sagesse, l'Assemblée nationale a introduit le
présent article disposant qu'un élément du corps humain,
qu'il soit isolé ou produit par un procédé technique ne
peut constituer une invention brevetable.
Cette disposition vise également, d'une manière expresse, la
séquence d'un gène.
II - La position de votre commission
Cet article pose la question de la brevetabilité éventuelle du
vivant.
La législation nationale bousculée par la directive
98/44/CE
L'article 7 de la loi n° 94-653 du 29 janvier 1994 avait prévu
l'insertion au sein du code de la propriété intellectuelle d'un
article énumérant une liste de sujets non brevetables. Aux termes
de cette disposition, devenue l'article L. 611-17 du code de la
propriété intellectuelle
« (...) le corps
humain, ses éléments et ses produits, ainsi que la connaissance
de la structure totale ou partielle d'un gène humain ne peuvent, en tant
que tels, faire l'objet de brevet (...) »
.
La disposition alors adoptée a suscité un grand nombre de
commentaires dont le Conseil d'Etat s'est, dans son rapport, fait
l'écho, en notant le caractère équivoque de la notion
« en tant que tels »
appliqué au gène.
En effet, il n'apparaît pas clairement si les gènes sont pris en
compte une fois
« en tant que connus par leur
structure »
ou deux fois «
par le biais de cette
connaissance et par le fait qu'ils sont les éléments constitutifs
du corps humain ».
Selon le Conseil d'Etat, trois interprétations différentes de
l'intention du législateur seraient possibles :
- la première interprétation est qu'il aurait posé
comme règle de principe l'interdiction de breveter tous les
éléments et produits du corps humain ;
- la deuxième interprétation est qu'il aurait posé
comme règle la non-brevetabilité des éléments du
corps humain en
« l'état de leur structure
naturelle
». Dans ce cas,
«ces éléments
pourraient toutefois être brevetables quand ils sont dupliqués et
copiés dans le cadre d'une invention
technique »
;
- enfin la troisième interprétation est qu'il aurait
seulement cherché à exclure du champ du brevetable les
gènes dont
« on aurait procédé à la
caractérisation, sans avoir déterminé leur fonction
codante »
;
Il reste que, pour le Conseil d'Etat,
«
l'état du droit
européen ne permet pas, en tout état de cause et même si
les ambiguïtés générées par cette
rédaction sont levées, de conserver le « en tant que tels
»
, dès lors que le niveau biologique où peut s'exercer
la revendication du brevet ne peut plus être « le corps humain, ses
éléments et ses produits... en tant que tels » car celui-ci,
en l'état, n'est pas compatible avec les dispositions de la directive
98/44 CE »
.
L'article 5 de la directive 98/44 CE
1. Le corps humain, aux différents stades de sa
constitution et de son développement, ainsi que la simple
découverte d'un de ses éléments, y compris la
séquence ou la séquence partielle d'un gène, ne peuvent
constituer des inventions brevetables.
2.
Un élément isolé du corps humain ou autrement
produit par un procédé technique, y compris la séquence ou
la séquence partielle d'un gène, peut constituer une invention
brevetable, même si la structure de cet élément est
identique à celle d'un élément naturel.
3. L'application industrielle d'une séquence ou d'une
séquence partielle d'un gène doit être concrètement
exposée dans la demande de brevet.
L'article 5 de cette directive prévoit ainsi un domaine brevetable et un
domaine non brevetable. Pour M. Alain Claeys, auteur du rapport de l'OPECST sur
la brevetabilité du vivant
la présence du
« peut »
au deuxième aliéna ne saurait
être interprétée comme
« une sorte de choix
d'accepter ou de refuser le brevet. Cette expression doit être
interprétée dans le contexte du droit des brevets et indique que,
si les conditions de brevetabilité sont remplies, le brevet doit
être délivré »
60(
*
)
.
Aux termes de cette disposition, un gène est donc brevetable s'il est
isolé par un procédé technique et susceptible d'une
application industrielle.
Les difficultés éthiques soulevées par les dispositions de
cet article ne sont pas minces. Peut-on en effet considérer que les
gènes de l'homme et leur combinaison ne sont pas davantage que des
molécules ?
Le Comité consultatif national d'éthique, dans son avis n°
64 du 8 juin 2000 affirmait avec force que
«
le
gène humain porte inscrits dans sa séquence des
déterminants élémentaires fondamentaux de l'être
humain
; son rapport au corps humain est, de ce fait, d'une tout autre
signification que pour d'autres molécules ; décrypter
l'information que porte le gène, c'est ouvrir la compréhension du
vivant et si ce vivant est humain, cette compréhension est fondamentale
pour les êtres humains que nous sommes. Comment imaginer, si l'on
décidait de traiter le gène comme un produit banal, que cette
conception ne s'étendrait pas à une cellule, à un organe
ou à des transactions concernant la reproduction ?
Le CCNE
persiste donc à penser que ce qui serait dit du gène, à
propos de la propriété intellectuelle, pourrait si l'on n'y prend
garde, fragiliser la règle qui met le corps humain hors commerce et
qu'il faut éviter d'en arriver là
».
Cette position témoigne de l'émoi suscité par la
possibilité ouverte par les dispositions de la directive dont la
transposition a rencontré un nombre croissant
d'opposition notamment celle d'une pétition lancée par
MM. Jean François Mattei et Wolfgang Wodarg
61(
*
)
et celle du Comité
consultatif national d'éthique qui a formulé, dans son avis
mentionné ci-dessus, de strictes réserves.
Telle que conçue, la directive ne permet pas de conserver la position
jusqu'ici inscrite dans la loi française et consistant à
soustraire du champ de la brevetabilité les éléments du
corps humain.
Doit-on et peut-on contrer les dispositions prévues par cette
directive ?
Devant ce sujet éminemment complexe, votre rapporteur s'attachera
à isoler les problèmes pour mieux en présenter les enjeux.
La première question posée est celle de l'opportunité de
remettre en cause les principes posés par la directive en les
considérant comme dénués de toute légitimité.
Interrogé sur ce point lors de son audition par votre commission,
M. Axel Kahn a exprimé
62(
*
)
une position nuancée.
« L'article 12 bis voté en première lecture, si
vous me permettez d'être un peu brutal, ne convient pas.
Il
dit : « Un élément isolé du corps humain ou
autrement produit par un procédé technique, y compris la
séquence ou la séquence partielle d'un gène ne peut
constituer une invention brevetable. »
Cet article ne me choque
pas mais il est un peu dangereux
. En effet, dans l'histoire des
biotechnologies, une des premières grandes innovations ayant
nécessité une très grande créativité
intellectuelle a été de reconnaître
l'érythropoïétine, de cloner son gène, de le
fabriquer par un procédé technique utilisant l'ADN recombinant et
de l'utiliser en thérapeutique. Est-il anormal de demander, suivant la
logique des brevets que je ne veux pas employer ici, de remettre en cause,
à ce titre, un brevet sur l'erythropoïétine recombinante ?
Je ne le crois pas et
si jamais nous devions en arriver à rendre
impossible cela, ce serait un obstacle très important à
l'évolution des biotechnologies. En revanche, le texte de la loi
antérieure me semblait tout à fait correct. Il disait qu'en tant
que telle, la connaissance totale ou partielle d'un gène ne pouvait
faire l'objet d'un brevet.
« J'en arrive aux contradictions entre le nouvel article 12 bis et
l'article 5 de la directive 98/44 CE.
Selon cette dernière,
lorsqu'on a trouvé la fonction d'un gène et qu'il se trouve hors
de sa situation naturelle, il peut faire l'objet d'un brevet.
De plus, il
est ajouté que la revendication d'un brevet sur la séquence du
gène en tant que telle est légitime.
La loi française,
quant à elle, déclarait qu'un brevet dérivé de la
séquence du gène peut être légitime, en revanche en
tant que telle la connaissance du gène doit rester libre pour pouvoir
réaliser tout ce qui n'a pas été prévu par le
premier breveté.
Cette position est scientifiquement
juste
. En effet, l'idée selon laquelle un gène n'a
qu'une fonction est scientifiquement fausse : un gène a une
très grande quantité de fonctions. Un inventeur peut isoler un
gène, en trouver une fonction importante, fabriquer un
médicament, par exemple une protéine recombinante et demander,
à mon avis légitimement, une propriété industrielle
sur cette invention.
En revanche, qu'il en arrive à considérer
que le gène en lui-même, ou la séquence du gène, est
un objet brevetable pour toute utilisation possible, même celle dont la
plausibilité n'a pas été établie par le premier
brevet, n'est pas légitime et me semble contraire à
l'intérêt bien compris des biotechnologies »
.
Le choix se porte aujourd'hui sur trois rédactions : celle du droit
en vigueur, celle proposée par le présent article 12
bis
et celle de la directive européenne qui
in fine
l'emporte
aujourd'hui puisque cette directive, le délai de ratification ayant
expiré, peut faire valoir ses effets en droit interne. Il conviendrait
donc
a priori
d'adopter une rédaction qui ne prenne pas son exact
contre-pied.
Votre rapporteur s'attachera donc à démontrer, en second lieu,
la marge de manoeuvre offerte aujourd'hui au législateur.
La rédaction proposée par l'Assemblée nationale n'a pas
pris la voie de la conciliation. Sans doute vise-t-elle à donner un
mandat fort au Gouvernement pour renégocier le contenu de l'article 5
avec les autorités européennes. Cette voie, pose néanmoins
un problème de légitimité car, ainsi que le rappelle M.
Axel Kahn,
« la situation est difficile, parce qu'en 1998, cette
directive a été votée notamment avec l'appui soutenu de la
France. Cela ne la met, d'ailleurs, pas dans une position facile lors de ces
discussions avec la Commission de Bruxelles pour la renégociation de
cette directive ».
Toutefois, et M. Kahn le rappelle fort bien,
« aujourd'hui,
elle n'a été transposée que par six pays et donc pas par
les neuf autres, ce qui montre l'extraordinaire réticence des Etats.
Parmi ceux n'ayant pas procédé à la transposition, au
moins deux sont sur la même longueur d'onde, à savoir l'Allemagne
et la France. L'idée selon laquelle cette directive n'est pas bonne me
semble aujourd'hui gagner du terrain.
Tout travail législatif
laissant ouverte la possibilité de préciser la signification ou
de réviser la directive me semble extrêmement
bénéfique
».
La tentation d'une voie intermédiaire existe, et se trouve, à
certains égards légitime car, comme le rappelait M. Axel
Kahn ci-dessus, certaines activités scientifiques devraient pouvoir
faire l'objet d'un brevet.
Nombreux sont les intervenants de la table ronde organisée par votre
commission qui ont rappelé la distinction possible et reconnue dans le
droit des brevets, entre découverte et invention
63(
*
)
.
«
M. Michel GUGENHEIM - (...) La difficulté, ici,
réside, en fait, dans la tension entre deux intérêts, entre
le risque, en brevetant, de brider l'accueil aux soins, et ne le faisant pas,
de manquer de moyens commerciaux pour la recherche. Sur ce point, il n'y a
pas véritablement de point de vue religieux pouvant, à mon sens,
s'exprimer.
Simplement, d'une certaine manière, on pourrait demander
un brevet sur une découverte sur le corps humain même si ce n'est
pas une invention.
»
« Dr. Stéphane MEYER -
En fait, la grande différence
classique entre découvrir et inventer existe. Les découvertes, au
niveau du génome, doivent rester dans le patrimoine planétaire
et, en aucun cas, une appropriation ne doit être possible
.
Là-dessus, la France, avec votre aide, conserve une position très
ferme, contre l'avis de la majorité de l'Europe, qu'il faudra maintenir
pour contrer tous les projets mercantilistes de rachat du corps humain sous
toutes ses formes. (...) Vous, législateurs, devez trouver le juste
milieu entre ces deux extrêmes pour les uns exceptionnels et pour les
autres intolérables. »
« M. Patrick VERSPIEREN - (...) La principale question me
paraît être une question de justice sociale et internationale, plus
encore que du respect du corps. Au nom de quoi un découvreur, parce
qu'il dispose d'une petite avance, va accaparer les connaissances ? Nous devons
réfléchir sur cette question difficile.
Personnellement, il me
paraît sage de bien marquer la différence entre découverte
et invention
. »
« M. Geoffroy de TURCKHEIM -
Cette distinction (entre
découverte et invention) reste tout à fait pertinente.
Elle
était très chère à France Quéré qui
nous disait souvent, en comité d'éthique, qu'une
découverte n'est pas brevetable, contrairement à une invention.
Je suis sensible à certains arguments, développés ce
matin, selon lesquels certains procédés découlant de
découvertes devraient, hélas, dans la logique du système,
être brevetés. Le législateur ne pourra pas éviter,
ici, une certaine ouverture mais dans le domaine des inventions et surtout des
applications. »
« Pr. Sadek BELOUCIF -
Au sujet des brevets, je reste
touché par la différence entre invention et
découverte.
Nous pourrions, par rapport au gène, opposer de
façon binaire deux conceptions, l'une considérant qu'il constitue
un nouveau Far West ou une nouvelle frontière, et l'autre prenant en
compte une inspiration plus rousseauiste.
La proposition du professeur Axel
Kahn de revenir à la formulation ancienne : « en tant que
telle, la connaissance totale ou partielle d'un gène ne peut faire
l'objet d'un brevet » permet pleinement de différencier le
travail mécanique d'un séquenceur automatique par rapport
à la valeur ajoutée intellectuelle qui doit mériter
salaire ».
»
Ce dernier rappel aux réflexions de M. Kahn fait par M. Beloucif
reste une des clefs du problème. Devant la mécanisation des
moyens de recherche, la distinction entre découverte et invention en
matière de génétique garde-t-elle toute sa
pertinence ? Est-elle suffisamment robuste pour être traduite en
droit positif ? Certains en doutent.
La
distinction invention - découverte dans le domaine
génétique
est-elle encore pertinente ?
Une
invention doit satisfaire à trois critères pour être
susceptible d'être protégée par un brevet :
nouveauté, utilité et inventivité.
La nouveauté ne semble pas devoir poser de problèmes dans ce
domaine puisque, par exemple, une séquence génétique
clonée est bien mise à disposition sous une forme sous laquelle
on ne la trouvait pas auparavant. L'utilité rejoint l'exigence de
décrire une application pratique, de démontrer que la
séquence génétique en l'occurrence peut servir à
quelque chose. Il n'est pas niable que ce critère peut être rempli
en envisageant par exemple les tests diagnostiques qui permettent et
permettront certainement de plus en plus de mettre en évidence les
origines génétiques d'un certain nombre d'affections.
Reste le problème de l'inventivité.
C'est un problème crucial car en droit des brevets une
invention
s'oppose à une
découverte
et
il est
établi que celle-là est brevetable mais que celle-ci ne l'est
pas. La définition de l'invention est donc essentielle. Le dictionnaire
enseigne qu'une invention est à la fois la création de quelque
chose de nouveau et la découverte de choses cachées. Le code de
la propriété industrielle dans son article L. 611-10-2 ne
donne pas de définition positive de l'invention, se contentant d'en
exclure certaines choses comme par exemple, entre autres, les méthodes
mathématiques ou les théories scientifiques.
On peut par contre retenir la distinction faite par M. Jean-Marc Mousseron
dans son « Traité des brevets » entre invention et
découverte :
« La découverte se distingue en ce qu'elle est la
perception par voie d'observation d'un phénomène naturel
préexistant à toute intervention de l'homme, alors que
l'invention se caractérise en ce qu'elle est la coordination volontaire
par l'homme de moyens matériels. L'aspect naturel d'un objet distingue
la découverte de l'invention industrielle nécessairement
marquée par une intervention artificielle de l'homme ».
Comme l'ont noté de nombreux chercheurs, l'inventivité en
matière d'isolement de gènes a considérablement
changé depuis un certain nombre d'années.
En effet il y a quelques années, lorsqu'on isolait un gène,
c'était le plus souvent après avoir lancé une recherche
biologique dans un but particulier. On travaillait ainsi sur une hormone, une
enzyme, un récepteur ou un phénomène biologique quelconque
et on essayait de trouver le gène responsable.
Pour arriver à ce résultat, on mettait en oeuvre une recherche
souvent fortement inventive qui permettait d'aboutir au gène. Isoler un
gène constituait à cette époque un tour de force
expérimental et résultait d'une approche pouvant à juste
titre être assimilée à une démarche inventive.
Mais depuis une dizaine ou une quinzaine d'années l'isolement de
gènes humains et la détermination de leur structure chimique a
considérablement changé grâce à l'apport des
puissantes capacités de calcul de l'informatique. Cette contribution de
l'informatique à la biologie a d'ailleurs donné lieu au
développement d'une nouvelle branche de celle-ci : la
bio-informatique. Celle-ci a révélé toute son
efficacité et son caractère irremplaçable dans le
développement du projet « Génome
humain » ; sans elle celui-ci n'aurait sans doute pu être
envisageable. (...)
Le rôle irremplaçable joué dans cette recherche par la
bio-informatique conduit de très nombreux chercheurs à estimer
abusif de parler d'invention puisque l'essentiel du travail est effectué
par des programmes informatiques, certes sophistiqués, qu'il suffit
simplement de savoir faire marcher.
Beaucoup de ces chercheurs estiment aussi que les prédictions
d'activité biologique qui peuvent être faites au vu des
résultats donnés par ces programmes informatiques peuvent rester
très souvent assez vagues et les applications potentielles
proposées génériques. (...)
Il semble donc que la frontière entre la découverte et
l'invention devienne, dans ce domaine, de plus en plus floue. La tendance
semble bien s'être établie de ne plus chercher, dans ce domaine
des biotechnologies, à faire réellement la séparation
entre découverte et invention au profit de cette dernière. Cette
attitude serait-elle due à la volonté de faciliter
l'appropriation privée du génome ?
Source
Alain Clayes, rapport précité de l'OPESCT
sur la
brevetabilité du vivant, p.47 et suivantes
Devant
cette difficulté, les administrations françaises ne sont pas
restées sans formuler des propositions.
L'Institut national de la propriété intellectuelle
(INPI)
a formulé une proposition de rédaction reprenant le texte
même de la directive mais en modifiant sa structure.
La
proposition de rédaction de l'INPI
Le corps
humain, aux différents stades de sa constitution et de son
développement, ainsi que la simple découverte de l'un de ses
éléments, y compris la séquence ou la séquence
partielle d'un gène, ne peuvent constituer des inventions brevetables.
Un élément isolé du corps humain ou autrement produit par
un procédé technique, y compris la séquence ou la
séquence partielle d'un gène, peut constituer une invention
brevetable, même si la structure de cet élément est
identique à celle d'un élément naturel .
Le Conseil d'Etat a critiqué
64(
*
)
cette proposition au motif que
«
les marges de manoeuvre du législateur national
pourraient toutefois être davantage utilisées à propos de
la notion « d'élément isolé du corps
humain »
: un prélèvement est bien une
manière d'isoler un tel élément et le terme d'isoler n'a
pas le même sens selon le niveau biologique auquel il s'applique :
molécule, gène, cellules, organes ».
Et de formuler sa proposition de
« spécifier la notion
d'isolement des éléments du corps humain pour exclure les organes
de la brevetabilité et dire à
quels procédés
techniques il est fait allusion
, afin de protéger le
prélèvement de velléités brevetaires. On peut
également se demander s'il ne conviendrait pas a minima de
subordonner explicitement la brevetabilité d'une séquence d'un
gène à la précision de sa fonction au sens de
l'application trouvée
(production d'une protéine ayant une
activité thérapeutique par exemple). En effet, le brevet doit
porter sur une invention avec une application déterminée et
l'alinéa 3 de l'article 5 de la directive prévoyait que :
"L'application industrielle d'une séquence ou d'une séquence
partielle d'un gène doit être concrètement exposée
dans la demande de brevet».
Entendu dans ce sens strict, un brevet
n'interdit pas aux chercheurs de chercher des applications nouvelles sur des
molécules déjà brevetées
. Un nouveau brevet
portera alors sur la nouvelle application à partir du même
gène (un gène ayant plusieurs fonctions), le brevet
précédent n'interdisant pas la recherche sur ce gène
initial) dès lors que son adoption consacre des choix qui sont
directement contraires à ceux effectués par le législateur
en 1994 »
.
Pour sa part, M. Jean François Mattei, s'exprimant devant votre
commission, a exprimé l'intention du Gouvernement de déposer un
amendement qui permette d'aller
« vers une transposition
partielle, à condition d'avoir prévu dans notre texte une
disposition que nous pourrions faire accepter à la Commission comme
notre interprétation du texte ».
Sous le bénéfice de ces observations, et dans cette attente,
votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.