c) Les ambiguïtés de la gestion des projets

Le décalage entre autorisations de programme et crédits de paiement, qui s'était aggravé en 2002 et 2003, tend à se réduire puisque les AP s'inscrivent en baisse de 11,1 % et les CP en hausse de 15,3 %. Avec respectivement 169 millions et 158 millions d'euros, cet écart entre AP et CP n'est donc plus que de 11 millions d'euros, contre 53 millions en 2003. Cette prévision paraît à la fois plus réaliste et de nature à donner à l'Agence les moyens de ses ambitions, mais aussi de lui permettre de démarrer les projets qui auront été affectés par la régulation en 2003. Il est ainsi permis d'espérer que les difficultés de paiement en fin d'exercice que l'Agence a connus au cours des exercices récents, et que votre rapporteur avait à juste raison craint pour 2003, s'estompent en 2004.

Un examen rapide de la liste des projets vivants, synthétisé dans le tableau ci-après, révèle que le quart ont été décidé en 1997 ou au cours des exercices précédents 57( * ) , et un taux de décaissement moyen assez réduit (36,4 %), quoiqu'en progression par rapport à 2002 (34 %). On constate également que le nombre annuel de projets comme les engagements unitaires ont augmenté au cours de la dernière décennie, mais l'année 2003 et les prochains exercices devraient être marqués par une relative concentration des opérations conformément au repositionnement stratégique de l'AFD. Ces nouvelles orientations, déclinées dans le plan stratégique présenté en mars 2002, devraient se traduire par la confirmation de la priorité accordée à l'Afrique, un positionnement accentué sur les avantages comparatifs de l'Agence, une augmentation des co-financements et un relèvement du montant moyen des prêts, dans le cadre d'une recherche de la taille critique pour une meilleure efficacité sur le terrain. Votre rapporteur spécial tient toutefois à réitérer les réserves qu'il a communiquées au Conseil de surveillance, dont il est membre suppléant, sur le montant élevé de certaines études préparatoires à la mise en oeuvre des C2D.

Dans un courrier adressé fin décembre 2002 à votre rapporteur, l'AFD contestait les données relatives au niveau de décaissement mentionnées dans le rapport budgétaire pour 2003, et faisait état de taux de décaissement de 91 % pour 2000, de 74 % pour 2001 et de 76 % pour 2002. Les chiffres relatifs aux projets vivants avaient pourtant été communiqués par le ministère des finances, si bien que l'important écart constaté entre les deux sources entretient le doute quant à la qualité de la communication entre le Trésor et l'Agence. L'AFD indiquait également qu'à fin 2002, les restes à verser « représenteront moins de cinq années d'engagements, ce qui (la) place en termes de performances parmi les meilleures agences mondiales d'aide au développement ». Votre rapporteur spécial ne demande qu'à croire ces affirmations, mais considère qu'on ne peut pas encore se satisfaire d'un tel niveau d'exécution.

Ventilation des projets vivants de l'AFD (hors Proparco) par année d'octroi

(en millions d'euros)

 

Avt 1995

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Août

2003

Total

Nombre de projets

25

15

31

42

57

67

61

67

61

23

449

Engagements globaux

117,3

115,7

198,9

349,3

368

423,4

418

498,3

533,5

153,8

3.176,2

Montant unitaire moyen

4,7

7,7

6,4

8,3

6,5

6,3

6,8

7,4

8,7

6,7

7,1

Versements effectués

87,5

95,2

105,5

252,9

201,2

200,2

110,5

88,5

15,7

0

1.157,2

Taux de décaissement moyen

74,6 %

82,3 %

53 %

72,4 %

54,7 %

47,3 %

26,4 %

17,8 %

2,9 %

0 %

36,4 %

Cumul montants en %

3,7 %

7,3 %

13,6 %

24,6 %

36,2 %

49,5 %

62,7 %

78,4 %

95,2 %

100 %

 

Cumul nombre en %

5,6 %

8,9 %

15,8 %

25,2 %

37,9 %

52,8 %

66,4 %

81,3 %

94,9 %

100 %

 

Source : calculs d'après les réponses du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

La date retenue pour chaque projet est celle de l'année d'octroi et non celle de la signature de la convention.

Au titre de la régulation budgétaire, qui a affecté en 2001 et 2002 le respect des engagements de l'Agence, le courrier relevait que « ces suspensions de décaissements créent de graves perturbations dans la mise en oeuvre des projets. Elles mettent, de surcroît, l'AFD en risque juridique pour non-respect des conventions de financements signées avec les bénéficiaires des concours. La répercussion est également notable auprès des bénéficiaires eux-mêmes, mis en risque pour non-respect des contrats qui les lient à leurs fournisseurs, notamment français. Enfin, la suspension des décaissements a des effets désastreux au niveau politique et en termes d'image auprès des opinions publiques ». Votre rapporteur spécial partage ce constat, qui traduit bien le fait que la nécessaire régulation procède dans certains cas de décisions « à l'aveuglette », incompatibles avec la mise en oeuvre de projets de long terme et avec la logique de pluri-annualité que comporte l'aide au développement .

Le positionnement de l'Agence à l'égard des pays de la ZSP est soumis à certaines contraintes. L'apparent désengagement de l'Afrique pour l'activité de prêts vient de ce qu'un grand nombre de pays de la ZSP ne soient plus autorisés à emprunter auprès de l'AFD, du fait des décisions successives concernant le traitement de la dette (Dakar 1, Dakar 2, initiative PPTE), qui ont manifesté la baisse de la solvabilité de ces pays. Aussi la ZSP est-elle perçue par l'Agence comme « à la fois trop large pour les subventions et trop étroite pour les prêts » , ce qui l'a conduite à ne pouvoir traduire sa priorité africaine, mise en exergue dans le Plan d'orientation stratégique, que par une concentration des subventions sur ce continent (et en particulier sur les pays avec lesquels la France entretien depuis longtemps des liens privilégiés), et à obtenir de pouvoir intervenir en prêts en dehors de la ZSP, ainsi qu'il a été précédemment évoqué.

Orientations et bilan du nouveau Plan d'orientations stratégiques (POS) de l'AFD

1 - Les grands axes du POS

A la suite de la lettre de mission adressée par les tutelles à son Directeur général en novembre 2001, l'Agence a décliné en mars 2002 ses objectifs et orientations opérationnelles dans un document stratégique global, approuvé par les deux ministères de tutelle.

Le POS dresse d'abord le constat réaliste d'une tendance à la marginalisation croissante de la position financière de l'établissement dans le financement du développement , notamment s'agissant des pays les plus pauvres, et met en évidence de profondes transformations des méthodes de financement du développement, se caractérisant à la fois par de nouvelles approches (programmes plutôt que projets), la tendance à la globalisation des problématiques (notamment les biens publics mondiaux et globaux...) et l'émergence de nouveaux acteurs et méthodes.

Sur la base de ce constat, l'AFD bâtit un scénario stratégique schématiquement articulé autour de trois axes d'action :

- l'amélioration de ses instruments financiers par la promotion d'une politique de prêts plus efficace ;

- le repositionnement de ses actions sur des priorités sectorielles stratégiques à forte « valeur ajoutée », où l'AFD dispose d'un avantage comparatif ;

- la meilleure insertion de l'AFD dans le dialogue global sur les enjeux du développement.

Le premier axe d'action proposé par le POS de l'établissement vise à augmenter, même dans l'hypothèse d'une enveloppe budgétaire constante, le volume d'APD mis en oeuvre en maximisant l'effet de levier , c'est-à-dire le volume d'APD rapporté au coût pour l'Etat, tant interne (optimisation de l'utilisation des ressources budgétaires, développement de nouveaux instruments) qu'externe (développement des partenariats financiers avec les autres bailleurs de fonds). L'Agence a ainsi accordé une attention particulière aux partenariats stratégiques et financiers avec l'ensemble de ses partenaires dans le cadre du « bi-multilatéralisme » : institutions de l'Union européenne, les banques de développement multilatérales et régionales, secteur privé, collectivités locales, société civile, organismes de recherche, organismes financiers spécialisés tels que la BDPME et la Caisse des Dépôts... Elle recherchera davantage encore les synergies et la complémentarité avec les autres bailleurs de fonds dans le but de capitaliser les expériences, de renforcer la cohérence des interventions et des procédures, ou encore de diversifier l'origine des fonds que l'Agence met en oeuvre en recourant le plus possible aux procédures de délégation de crédits, aux co-financements, notamment avec l'Union européenne. Cette volonté s'est concrétisée par une modification de ses statuts pour lui permettre de gérer des fonds d'un bailleur tiers (Union Européenne en particulier).

La recherche de l'effet de levier est en outre appuyée par la mise en oeuvre d'une politique de sélectivité (géographique et sectorielle) accrue, mais concertée et maîtrisée, propice à la lisibilité et à la réalisation d'une masse critique.

Le deuxième axe proposé vise à repositionner les métiers de développeur de l'Agence . A cet effet, l'AFD propose une matrice de positionnement de ses secteurs d'interventions traditionnels ou potentiels classés en fonction de leur « sensibilité stratégique » en termes de développement et des avantages comparatifs supposés de l'Agence dans ces secteurs. A titre d'exemple, on trouve au plus bas de l'échelle (faible/faible) les grands travaux d'infrastructures et au plus haut (fort/fort) l'environnement et la gestion concertée des ressources naturelles ou l'aménagement du territoire. Ce « recentrage » ne figure toutefois pas comme un principe d'action systématique , compte tenu de l'utilité encore largement avérée de projets d'études et de travaux en matière d'infrastructures.

Le troisième et dernier axe stratégique insiste sur l'inscription de l'action de l'Agence dans une perspective stratégique globale, sans toutefois remettre en cause les fondements du dispositif actuel de coopération. La création du « pôle de recherche et de gestion du savoir » et son corollaire, la mise en place de la direction de la stratégie et d'une direction des opérations , sont menés dans le cadre d'une étroite concertation avec les tutelles et sans que l'AFD ne dispose d'une stratégie véritablement autonome.

2 - Un premier bilan positif

Les objectifs quantitatifs de production du POS ont été tenus en 2002 voire même dépassés en raison d'un effet de levier meilleur que prévu . Aussi bien dans les DOM-TOM que dans les Etats Etrangers, les objectifs 2002 de concours annoncés dans le POS sont atteints. 2003 devrait connaître un dépassement substantiel de ces mêmes objectifs. En effet dans les DOM-TOM la cession des filiales courant 2003 conduira l'Agence à pratiquer un refinancement d'un montant égal à une année courante. Dans les Etats Etrangers, en utilisant un effet de levier accru, l'Agence augmenterait sa production en prêts souverains (346 millions d'euros contre 250 millions d'euros en 2002). Enfin en ce qui concerne les garanties, instruments financiers que l'AFD souhaite promouvoir, l'Agence réaliserait ses prévisions avec un volume de 50 millions d'euros.

Les concours se sont davantage concentrés en termes géographiques et en volume . L'Agence a défini clairement des cercles d'intervention parmi les 54 pays de la ZSP : dans une douzaine de pays, elle souhaite jouer le rôle de bailleur bilatéral de référence, ce qui pourrait se traduire en 2003 par un volume vers ces pays de 50% des engagements et de 60% des subventions. Treize autres pays relèveront de la coopération plus ciblée et recevraient environ 40% des engagements. Enfin, hors de ces deux zones, l'AFD interviendra dans une dizaine de pays au coup par coup. L'Afrique subsaharienne est une priorité affichée puisqu'il est prévu qu'elle recevra 80 % du montant des subventions et 55 % des engagements (y compris les contrats de désendettement-développement).Cette concentration des interventions de l'Agence se retrouve dans les choix sectoriels effectués.

Outre les relations permanentes que l'AFD entretient déjà avec le FMI (financement de la FRPC), la Banque mondiale (mise en cohérence des interventions et cofinancements) et les services d'aide extérieure de la Commission, l'Agence intensifie ses partenariats avec la KfW allemande (cofinancements, harmonisations des procédures, programmation, mandats de gestion, évaluations réciproques) et a engagé des travaux communs avec le DFID britannique et la JBIC du Japon (relations intellectuelles permanentes, mais pour le moment aucune opération commune n'a été menée en Afrique, excepté au Maroc, dans la mesure où les Japonais interviennent dans des secteurs différents).

L'AFD met aujourd'hui en oeuvre trois types principaux de cofinancements de projets : des projets clairement identifiés et faisant l'objet d'un financement conjoint de plusieurs bailleurs de fonds, que leurs interventions soient pari passu ou en parallèle ; des projets s'inscrivant dans un plan de développement explicite et cohérent d'une entreprise bénéficiant de l'appui de plusieurs bailleurs de fonds ; et des projets ou programmes s'inscrivant dans une politique sectorielle, et bénéficiant du soutien de plusieurs bailleurs de fonds dans le cadre d'une démarche coordonnée principalement par l'État et/ou les bailleurs de fonds.

En 2002, le montant des concours en cofinancement auxquels l'AFD a participé s'est élevé à 620 millions d'euros et la part moyenne de l'Agence dans les montages était de 38%.

Le suivi du portefeuille et de sa qualité fait l'objet d'un plan d'action volontaire
. Au cours de l'année 2002, la direction des opérations des Etats étrangers a mis en place, à titre expérimental, un dispositif d'évaluation de la qualité des projets et des risques de mise en oeuvre qui leur sont associés. Ce dispositif, inspiré de celui de la Banque mondiale, vise à avoir une vision globale du portefeuille et des actions à mener pour l'améliorer. Sur 349 projets vivants, 28 % sont jugés problématiques et 14 % à surveiller, soit une part importante de projets en souffrance (42 %) . En 2003, l'objectif prioritaire est de rendre opérationnel ce dispositif de suivi de la qualité de l'exécution et d'obtenir une amélioration sensible et similaire à celle de la Banque mondiale, qui est passé de 20 % à 10 % de projets à problèmes en cinq ans.

La réorganisation de l'AFD et la mise en place d'une direction stratégique portent leurs premiers effets . Ainsi l'AFD a été particulièrement présente dans le dispositif interministériel de préparation et dans la participation au sommet mondial sur le développement durable de Johannesburg ainsi qu'à celui sur l'eau à Kyoto. L'AFD a également participé au soutien français à l'initiative NEPAD, dans le cadre de la présidence française du G8, en organisant une rencontre à haut niveau des agences de développement sur ce thème.

Source : réponses du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie au questionnaire budgétaire

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page