C. LES RISQUES RELATIFS À LA STABILITÉ DU SOUS-SOL

Les  explosions souterraines réalisées sur l'atoll de Moruroa ont eu des effets reconnus sur la stabilité du sous-sol. Des arrachements au niveau de la falaise corallienne et des avalanches sous-marines se sont ainsi produits par le passé 11 ( * ) . De tels phénomènes peuvent encore se produire, notamment dans les secteurs sud-ouest et nord-est de l'atoll.

1. Le risque de vague à Tureia

Selon des simulations faites par le CEA début 2011, il est possible qu'un effondrement de terrain à Moruroa , résultant de la fragilisation du sous-sol par les essais nucléaires souterrains, provoque un jour le déferlement d'une vague pouvant atteindre en 10 minutes seulement l'atoll de Tureia, situé à une centaine de kilomètres.

Le seul village de l'île (318 habitants) devrait, selon cette étude, être préservé car il est situé à quelques mètres d'altitude. Malgré ces conclusions rassurantes, ce rapport a suscité une grande inquiétude , d'autant que le tsunami survenu peu de temps après au Japon a montré que le risque de tsunami pouvait être grandement sous-estimé, même dans un pays disposant des meilleures capacités de recherche et de prévision.

M. Bernard Duprat, délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense (DSND), a indiqué à votre rapporteur qu'un effondrement de cette importance serait précédé de signes avant-coureurs plusieurs jours, voire plusieurs semaines à l'avance, ce qui permettrait d'organiser les secours.

2. La situation géomécanique actuelle

Le dernier rapport de surveillance géomécanique de Moruroa du DSCEN, publié en 2011 mais portant sur les données mesurées en 2009, indique que le mouvement du sol est globalement conforme aux prévisions de ralentissement mais que les mouvements sont toujours mesurables.

« Rapport sur la situation de surveillance géomécanique de Mururoa » (extrait du résumé)

« L'activité microsismique en 2009 en zone nord-est de Mururoa présente depuis 2006 une stabilisation du nombre annuel d'événements et demeure à un niveau faible en nombre et en magnitude. Elle se concentre en zone Françoise, à la limite ouest de la zone en évolution. La répartition de la sismicité reste similaire à celle observée antérieurement au système TELSITE tant en surface qu'en profondeur et ne traduit pas d'évolution particulière de la géométrie de ces zones depuis la fin des essais.

« Les déplacements superficiels verticaux et horizontaux sont maximaux au niveau du PK8, minimes dans les autres zones. Excepté en quelques points très localisés, les résultats des données continues complétés de ceux de la campagne topographique 2007, confortent globalement les prévisions d'un ralentissement global progressif ou la stagnation des vitesses de déplacement en surface en zone nord.

« Les déplacements en profondeur restent faibles et ne révèlent pas d'évolution inattendue. L'évolution des vitesses des capteurs de déformation, dans une tendance normale ou stagnante depuis 2005, se confirme en 2009.

« Ces mesures montrent que le mouvement reste globalement cohérent avec les prévisions d'un mouvement progressivement plus lent depuis la fin des essais, mais que celui-ci reste néanmoins mesurable.

« L'activité géologique actuelle de la zone nord-est peut être classée au niveau zéro de l'échelle des risques et correspond à la situation normale. »

Votre rapporteur note toutefois qu' une refonte du système de surveillance géomécanique est indispensable . Le rapport indique en effet que la durée de vie de ce système, mis en service opérationnel au début de 1997, est d'une dizaine d'années. L'instrumentation en profondeur, notamment les inclinomètres, doit faire l'objet d'une attention toute particulière. Le chef du DSCEN, auditionné par votre rapporteur, a indiqué qu'un programme de rénovation était en cours.

3. Un double système d'alerte

Le système d'alerte, concernant le risque de vague consécutive à un effondrement, comporte deux dimensions :

- en cas d'effondrement peu important entrainant le déferlement d'une vague sur l'atoll de Moruroa, un dispositif d'alerte à 90 secondes repose sur la détection en temps réel d'événements sismiques à l'aide de stations sismiques de surface et souterraines. En cas de déclenchement, les personnels présents à ce moment-là doivent se réfugier sur l'une des plateformes surélevées qui sont installées sur le site ;

- un effondrement plus important , susceptible d'entraîner la formation d'une vague qui, comme on l'a vu précédemment, pourrait atteindre Tureia, devrait selon les experts du ministère être précédé de signes avant-coureurs, ce qui permettrait d' évacuer l'atoll de Moruroa, ainsi que la partie sud de l'atoll de Tureia , dans les conditions prévues dans le plan communal de sauvegarde de cette commune.

4. L'impact éventuel du changement climatique

Les Polynésiens s'interrogent également sur l'impact que pourrait avoir le changement climatique . L'altitude des deux atolls ne dépasse en effet pas trois mètres et certaines zones ont déjà subi des affaissements consécutifs aux essais souterrains.

La Délégation pour le suivi des conséquences des essais nucléaires, rattachée au ministère de l'environnement, de l'énergie et des mines de Polynésie française, note ainsi dans un document transmis à votre rapporteur que l'élévation du niveau de la mer pourrait fragiliser la couronne corallienne des atolls .

Le rapport rendu par l' AIEA en 1998 reconnaît que, malgré une accélération du développement des récifs coralliens qui en compenserait partiellement les effets, une élévation du niveau de l'eau pourrait accélérer quelque peu le transfert vers l'océan du plutonium actuellement présent dans le lagon , mais qu'elle n'aurait pas d'impact notable sur le relâchement de radionucléides à partir des cavités-cheminées, et qu' il n'en résulterait pas au total d'impact sur la dose de rayonnement aux personnes .


* 11 Document précité « La dimension radiologique des essais nucléaires français en Polynésie » (Ministère de la Défense, 2006).

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