II. L'ANALYSE DES PROGRAMMES « ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR »

(Philippe Adnot)

Les crédits consacrés à l'enseignement supérieur et correspondant aux programmes 150 et 231 de la mission ont été bien exécutés, avec une consommation totale de 15,07 milliards d'euros en AE et 15,12 milliards d'euros en CP, correspondant à un taux d'exécution respectivement de 100 % et 99,9 %.

A. LE PROGRAMME 150 « FORMATIONS SUPÉRIEURES ET RECHERCHE UNIVERSITAIRE »

1. Une consommation des crédits proche de la prévision initiale pour un budget toujours prioritaire

La consommation des crédits du programme 150, qui représente près de la moitié du budget total de la mission, est conforme à la prévision de la loi de finances initiale pour 2013, avec une dépense de 12,75 milliards d'euros en AE et 12,79 milliards d'euros en CP, soit une exécution respective de 100 % et 99,8 % 152 ( * ) .

Comme les années précédentes, les dépenses de ce programme continuent de progresser, avec une augmentation de près de 2 % des crédits de paiement, soit 243 millions d'euros, entre 2012 et 2013 .

Placé sous la responsabilité du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, le programme 150 finance principalement la formation des étudiants inscrits dans les universités, les instituts d'études politiques, les formations d'ingénieurs, les écoles normales supérieures . L'essentiel des crédits consommés correspondent ainsi à des dépenses de fonctionnement et couvrent les subventions pour charges de service public servies aux établissements passés aux « responsabilités et compétences élargies » (RCE).

Deux mouvements de fongibilité asymétrique , respectivement de 120 millions d'euros et 11,5 millions d'euros (AE=CP), ont été opérés en cours d'année, compte tenu de l'accession aux RCE de cinq établissements en plus des trois universités ultramarines (Antilles-Guyane, La Réunion et Polynésie Française). Dans sa note d'analyse, la Cour des comptes précise que le contrôleur budgétaire et comptable ministériel a donné un avis défavorable au second mouvement, considérant qu'il visait uniquement à consommer les crédits inscrits en titre 2 et manifestement surbudgétisés. Elle constate que, « de fait, sur ces 11,5 millions d'euros, 3,5 millions d'euros n'ont pas été mandatés et devraient servir à financer le rééquilibrage du dispositif de compensation boursière mis en place par le [ministère] à compter de 2014. »

Une réserve de précaution de 3,54 millions d'euros a été constituée sur le titre 2. Par ailleurs, 80,6 millions d'euros en AE et 71,9 millions d'euros en CP ont également été gelés sur les autres crédits du programme, dont 35 millions d'euros au titre de mise en réserve sur les crédits de subvention pour charges de service public. Un gel complémentaire de 168,1 millions d'euros en AE et 55,1 millions d'euros en CP a été également décidé.

En fin d'exercice, plus de 80 % de ces crédits de paiement ont été dégelés soit 2,4 millions d'euros sur le titre 2 et, surtout, 105,9 millions d'euros hors titre 2 afin de couvrir les besoins des établissements d'enseignement supérieur en matière de masse salariale .

2. Un dégel des crédits pour couvrir les besoins des établissements en matière de masse salariale : une évaluation qui demeure difficile

Comme les années précédentes, les établissements d'enseignement supérieur ont bénéficié de crédits supplémentaires en fin d'année, issus de dégels, afin de couvrir principalement leurs dépenses de personnel.

Certes, l'augmentation des dépenses de personnel des opérateurs du programme 151 (+ 5,1 %par rapport à 2012 selon le rapport annuel de performances) s'explique principalement par le passage aux RCE de huit établissements en 2013 .

Ensuite, la loi de finances initiale pour 2013 avait aussi prévu la création de 1 000 emplois supplémentaires pour une dépense estimée à 27,9 millions d'euros en 2013 (60,7 millions d'euros en année pleine). Lors de son audition par la commission des finances, à l'occasion de l'examen de la loi de règlement du budget et d'approbation des comptes, le 4 juin 2014, Geneviève Fioraso, secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche, a indiqué que « ces postes ont été créés là où les besoins étaient les plus manifestes, selon des critères définis avec la [Conférence des présidents d'université] et en tenant compte du [Système de répartition des moyens à la performance et à l'activité (modèle SYMPA)]. En gestion, les universités sont autonomes et peuvent geler des postes. En tout état de cause, nous vérifions que les postes créés ciblent d'abord le premier cycle, qui est notre priorité tout au long du quinquennat. »

Toutefois, d'autres éléments expliquent également la difficile évaluation de la masse salariale de ces établissements. Ainsi en est-il notamment de l'augmentation du CAS « Pensions » (augmentation du taux de 68,92 % à 74,6 % en 2013, intégralement compensée par l'État) ou du glissement-vieillesse-technicité (GVT) solde , qui ne sont pas pris en compte lors de la fixation initiale de la dotation des établissements, ou alors pour certains emplois seulement s'agissant du CAS « pensions ».

En outre, comme en 2012, la Cour des comptes constate que les crédits de masse salariale notifiés sont supérieurs à ceux prévus en loi de finances initiale, estimant l'écart à 55 millions d'euros.

Ainsi, selon la Cour des comptes, les crédits dégelés fin 2013, ainsi qu'un report de crédits de 10,3 millions d'euros, « ont été ventilés de la façon suivante : 50 millions d'euros, issus du surgel 2013 positionné sur les crédits de fonctionnement des établissements, leur ont été rendus ; 43,7 millions d'euros leur ont été versés au titre de la masse salariale notifiée ; 25 millions d'euros ont été versés aux établissements au titre du glissement-vieillesse-technicité 2013 de façon « exceptionnelle » comme tous les ans . »

Comme dans ses rapports précédents, votre rapporteur spécial ne peut, face à ces éléments, que constater la persistance des difficultés rencontrées en termes de maîtrise de la masse salariale des établissements d'enseignement supérieur. Il lui semble indispensable qu' une clarification soit opérée afin de fiabiliser les crédits alloués aux opérateurs tout en maintenant leur autonomie de gestion et en garantissant une égalité de traitement entre eux.

Votre rapporteur spécial rappelle, à cette occasion, que, dans le rapport d'information établi avec notre collègue Dominique Gillot, sur le bilan consolidé des sources de financement des universités 153 ( * ) , il avait notamment préconisé l'intégration de la masse salariale , au moins à hauteur de 90 %, dans le modèle SYMPA pour obtenir un rééquilibrage, si ce n'est total à tout le moins partiel, des crédits et emplois affectés à chaque université. Une refonte de SYMPA est actuellement en cours auprès du ministère.

3. L'indispensable suivi des établissements passés aux RCE et leur accompagnement en cas de difficultés

À la suite du passage des établissements d'enseignement supérieur aux responsabilités et compétences élargies, plusieurs d'entre eux ont rencontré des difficultés financières , parfois considérables. Le ministère a été amené à développer un outil de suivi, d'alerte et d'accompagnement afin d'anticiper ces situations et de pouvoir y faire face avec efficacité.

Interrogée par votre rapporteur spécial lors de son audition à la commission des finances le 4 juin 2013, Geneviève Fioraso, secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche a indiqué que le nombre d'établissements passés aux RCE et rencontrant des difficultés financières s'était considérablement réduit. Ainsi, en 2013, huit établissements étaient en déficit, contre seize en 2012. Seuls quatre établissements connaissaient deux déficits d'affilée, contre cinq en 2012, à savoir les universités de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, Clermont-Ferrand, Paris XIII et Montpellier III. En tout état de cause, votre rapporteur spécial considère qu'il convient de distinguer les établissements rencontrant des difficultés conjoncturelles de ceux pour lesquelles elles sont plus structurelles.

Par ailleurs, toujours selon la Secrétaire d'État lors de son audition par la commission des finances, la situation globale des universités s'améliorerait, avec un résultat cumulé à 208 millions d'euros, contre 142 millions d'euros en 2012 et 137 millions d'euros en 2011. Leur fonds de roulement s'élèverait à 1,531 milliard d'euros, contre 1,524 milliard d'euros en 2012. Certes, il s'élevait à 1,785 milliard d'euros en 2010 mais un nombre significatif d'établissements est, depuis, passé aux RCE.

Dans sa note d'analyse pour l'exercice 2013, la Cour des comptes affirme que « malgré les difficultés financières ressenties, la santé financière des universités reste globalement satisfaisante ».

Le dispositif de suivi, d'alerte et d'accompagnement des établissements mis en place par le ministère comprend, en particulier un « tableau de bord de suivi financier » qui, à partir de plusieurs indicateurs, doit permettre d'appréhender globalement la situation financière d'un établissement. Il participe ainsi à l'anticipation des difficultés éventuellement rencontrées par certains établissements, pour les accompagner le plus efficacement possible.

Ce travail de suivi, d'alerte et d'accompagnement s'effectue en étroite collaboration avec les recteurs et les contrôleurs budgétaires, notamment dans le cadre du comité de pilotage du dispositif.

Plusieurs types d' audits ont également été mis en place, soit en cas de situation financière dégradée (« diagnostics flashs » et « diagnostics approfondis »), soit en tant que mesures d'accompagnement (« diagnostics économiques et stratégiques » et « audits précontractuels »).

Certaines universités bénéficient également d'un suivi renforcé du ministère dans la recherche d'un retour à l'équilibre de leurs comptes. Compte tenu de sa situation financière particulièrement dégradée, l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines a ainsi bénéficié d'une avance de trésorerie de 800 000 euros en décembre 2013, avant l'annonce en mars 2014 d'une seconde avance remboursable de 2,6 millions d'euros pour cette année.

Votre rapporteur spécial se félicite du développement de ce dispositif et réaffirme la nécessité d'intervenir le plus en amont possible , par un système efficace qui permette d' éviter que des situations financières fragiles ne se détériorent au point qu'elles ne deviennent par la suite bien plus difficilement maîtrisables. Toute la difficulté de ces interventions consiste à les concilier avec le principe d'autonomie financière des établissements . Il ne serait pas opportun non plus que les aides financières exceptionnellement consenties ne conduisent à « récompenser » les mauvais gestionnaires.

Enfin, alors que les universités disposent de divers modes de financement (crédits budgétaires, PIA, plan Campus, contrats de plan État-région, autres financements propres aux organismes de recherche...), la Cour des comptes constate que le ministère ne dispose pas d'une « vision consolidée » de ces différentes sources , pourtant indispensable pour « appréhender globalement leur situation financière ». En particulier, l'information fait souvent défaut concernant les ressources issues des unités de recherche, de la valorisation de la recherche ou encore des fondations. Elle recommande ainsi, « dans le cadre des enquêtes réalisées par le [ministère] auprès de ses opérateurs, [de] faire remonter des informations sur les ressources propres dont ceux-ci bénéficient, y compris celles issues de structures ayant une personnalité morale distincte . »


* 152 Prévision en loi de finances initiale, y compris les fonds de concours et les attributions de produits.

* 153 Rapport d'information n° 547 (2012-2013) établi par Philippe Adnot et Dominique Gillot, au nom de la commission des finances et de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, sur le bilan consolidé des sources de financement des universités, « Financement des universités : l'équité au service de la réussite de tous ».

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