III. LA POSITION DE LA COMMISSION : REJETER DES DISPOSITIONS DE NATURE À FRAGILISER L'ACTION DES FORCES DE L'ORDRE

Alors que le climat des manifestations se déroulant sur la voie publique ne cesse de se dégrader, il est assurément pertinent de s'interroger, à l'instar des auteurs de la proposition de loi, sur l'adéquation de nos dispositifs de maintien de l'ordre.

Votre commission a néanmoins estimé que la proposition de loi, outre les difficultés juridiques qu'elle présente, n'apportait pas de réponse satisfaisante aux questions soulevées et risquait, par les évolutions proposées, d'affaiblir considérablement les capacités opérationnelles de nos forces de l'ordre.

A. UN TEXTE IMPRÉCIS QUI SOULÈVE DES DIFFICULTÉS JURIDIQUES CERTAINES

Avant même de s'interroger sur l'opportunité des dispositifs proposés, votre commission constate que la proposition de loi soulève plusieurs difficultés d'ordre juridique.

1. Des dispositions de nature réglementaire

En premier lieu, la plupart des dispositions de ce texte ne relèvent pas du domaine réglementaire, mais du domaine de la loi .

Ainsi en est-il tout d'abord de son article 1 er relatif à l'interdiction de l'usage des lanceurs de balles de défense dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre. Conformément au dernier alinéa de l'article L. 211-9 du code de la sécurité intérieure, les conditions d'emploi des armes dans le cadre des opérations de maintien et de rétablissement de l'ordre et, a fortiori , la description des armes susceptibles d'être employées, sont définies par voie réglementaire.

Votre commission observe en outre que le fait d'introduire, dans la loi, des références aux marques et modèles de lanceurs de balles de défense - Flash-Ball Super Pro et LBD 40x46 -, risquerait de priver rapidement les dispositions de toute portée normative, dès lors que les modèles d'armes utilisés par les forces de l'ordre sont susceptibles d'évoluer dans le temps. Il peut d'ailleurs, à cet égard, être observé que le lanceur de balles de défense Flash-Ball Super Pro a été retiré de l'équipement de la police nationale depuis 2017, eu égard à sa dangerosité.

L'article 2 de la proposition de loi, qui prévoit une ouverture au public du traitement relatif à l'usage des armes, soulève les mêmes difficultés. Les conditions d'accès à ce fichier, créé par un arrêté du ministre de l'intérieur, sont en effet fixées par voie réglementaire et ne sauraient, en conséquence, être modifiées par la loi.

2. Des dispositions imprécises qui ne paraissent pas atteindre l'objectif poursuivi

Votre commission observe, en second lieu, que les dispositions de la proposition de loi, en raison de leur imprécision et des incohérences qu'elles présentent, risquent de ne pas atteindre l'objectif poursuivi par leurs auteurs .

L'article 1 er vise à interdire l'emploi des lanceurs de balles de défense par toutes les forces de sécurité intérieure dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre. En complétant l'article L. 211-9 du code de la sécurité intérieure relatif à l'usage de la force en vue de dissiper un attroupement sur la voie publique, le dispositif prévu couvre toutefois uniquement les cas d'emploi collectif du lanceur de balles de défense, dans le cadre spécifique des opérations de rétablissement de l'ordre.

Il ne permet pas, en revanche, d'interdire le recours à cette arme sur les autres fondements juridiques d'usage des armes, qu'il s'agisse des cas prévus par l'article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure, de la légitime défense ou encore de l'état de nécessité. L'objectif poursuivi par les auteurs de la proposition de loi ne serait, dès lors, que partiellement atteint.

Votre commission observe en outre une incohérence certaine entre les deux premiers articles de la proposition de loi . En effet, si l'article 1 er tend à interdire tout usage des lanceurs de balles de défense dans le cadre des manifestations, l'article 2 de la proposition de loi a pour objet de permettre une plus grande transparence sur leur usage à l'issue des manifestations sur la voie publique. Or, il y a, pour le moins, une certaine contradiction à rendre publics les usages d'une arme dont l'emploi ne sera plus autorisé.

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