III. LA POSITION DE LA COMMISSION : RESTREINDRE LES PRÉROGATIVES DU GOUVERNEMENT AU STRICT NÉCESSAIRE, SANS ENTRAVER LA LUTTE CONTRE L'ÉPIDÉMIE DE COVID-19

A. ASSURER, JURIDIQUEMENT, LA SORTIE DE L'ÉTAT D'URGENCE SANITAIRE

Compte tenu de l'amélioration sensible de la situation sanitaire, le maintien à l'identique, au-delà du 11 juillet, de plusieurs mesures du régime de l'état d'urgence sanitaire n'apparaît, de l'avis de la commission, ni justifié, ni solide sur le plan constitutionnel, au regard des atteintes fortes susceptibles d'être portées aux libertés publiques et individuelles.

C'est au demeurant l'avis du Défenseur des droits qui, dans un courrier adressé au rapporteur, s'est inquiété des « atteintes aux droits et libertés qui pourraient (...) résulter » de l'adoption du projet de loi du Gouvernement, qui « ne met pas réellement fin à l'état d'urgence sanitaire ».

Tout en admettant la nécessité de maintenir des mesures de contrôle, la commission des lois, à l'initiative de son rapporteur, a souhaité restreindre le champ d'application du dispositif aux mesures strictement nécessaires à la gestion de la sortie de la crise sanitaire.

Faisant siens les propos du Premier ministre qui, lors de l'annonce de la phase 2 du déconfinement, a assuré que « la liberté (allait) redevenir la règle, et l'interdiction l'exception », elle a ainsi supprimé toute possibilité, pour les pouvoirs publics, de prononcer des interdictions générales et absolues afin que soit systématiquement privilégiée une approche individualisée et plus respectueuse des libertés.

Elle a, dans le même esprit, tenu à mieux encadrer et sécuriser le régime applicable aux situations de menaces sanitaires graves, auquel le Gouvernement entend recourir au cours des prochaines semaines.

Ces modifications n'ont en aucun cas pour effet de priver le Gouvernement des moyens nécessaires pour lutter contre la covid-19 . Bien au contraire, elles sécurisent son action, dans un contexte où l'acceptabilité sociale des restrictions aux libertés tend à s'éroder.

La commission rappelle, au surplus, que le Gouvernement, loin d'être démuni face à une éventuelle recrudescence de l'épidémie, conservera, à tout moment, la possibilité de rétablir par simple décret, y compris de manière territorialisée, l'état d'urgence sanitaire , dont les derniers mois ont montré qu'il permettait de faire face aux situations de tensions sanitaires.

B. ACCEPTER UNE DÉROGATION DE PORTÉE LIMITÉE CONCERNANT LA DURÉE DE CONSERVATION DES DONNÉES NÉCESSAIRES À LA VEILLE ÉPIDÉMIOLOGIQUE ET LA RECHERCHE

Compte tenu de la sensibilité particulière des données personnelles traitées par les systèmes informatiques dans le cadre de la lutte contre l'épidémie (données personnelles concernant la santé partagées sans le consentement des personnes et même en dérogeant au secret médical), la proposition initiale du Gouvernement n'était pas acceptable : autoriser le Gouvernement à déroger par décret à la durée maximale de conservation des données (trois mois après leur collecte), c'était vider de son sens la limite fixée par le législateur et revenir de façon inacceptable sur un accord précédemment trouvé entre l'Assemblée nationale et le Sénat.

Votre commission approuve, en revanche, la rédaction de portée bien plus limitée qui résulte des modifications proposées par l'Assemblée nationale : elle ne permet des dérogations que pour les données pseudonymisées et aux seules fins de permettre à la recherche et à la surveillance épidémiologique de progresser sur le virus covid-19.

Considérant, au vu des informations fournies par le Gouvernement, que l'utilité de prolonger la durée de conservation des données pseudonymisées pour la recherche et la veille épidémiologique pouvait être réelle, la commission des lois a approuvé cette possibilité de dérogation de portée limitée (pour cette seule finalité, pour des données non directement identifiantes, dans la limite de six mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire, et encadrée par un décret soumis à avis public de la CNIL et du comité de contrôle et de liaison).

La commission a adopté le projet de loi ainsi modifié .

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