EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 8 MARS 2023

M. François-Noël Buffet , président . - Nous examinons maintenant la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales.

Mme Marie Mercier , rapporteur . - La proposition de loi que nous examinons a été déposée par la députée Isabelle Santiago et les membres du groupe Socialistes et apparentés. Elle a été adoptée à l'unanimité, le 9 février dernier, par l'Assemblée nationale, ce qui traduit l'attachement de tous les députés, quelle que soit leur appartenance politique, à améliorer la situation des enfants victimes de violences intrafamiliales.

Le texte proposé entend intervenir ponctuellement sur deux mécanismes : la suspension provisoire de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale, créée par la loi du 28 décembre 2019, et le retrait de l'autorité parentale par les juridictions pénales.

Je me réjouis que le Gouvernement n'ait pas engagé la procédure accélérée, ce qui nous permettra de travailler sur un temps long. Je vous rappelle à ce sujet la recommandation de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes formulée en 2020, dans le cadre de son rapport d'information consacré à la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants au sein de la famille pendant le confinement : elle mettait en garde contre les trop nombreuses interventions législatives et appelait de ses voeux une loi-cadre abordant les violences dans toutes leurs dimensions. Avec raison, elle relevait que, bien souvent en la matière, les nouveaux textes étaient destinés à corriger des imperfections juridiques que des débats parlementaires trop brefs n'avaient pas permis d'anticiper.

La question de l'autorité parentale et de l'exercice de l'autorité parentale est éminemment complexe, et je voudrais que nous nous attachions à clarifier et à améliorer les deux dispositifs dont nous sommes saisis, sans trop nous disperser.

Si nous arrivons à rendre plus lisibles et, surtout, plus opérantes ces dispositions pour les professionnels qui doivent s'en saisir, alors ce serait déjà un grand progrès en faveur de la protection des enfants.

La loi du 28 décembre 2019 a introduit une distinction entre le retrait de l'autorité parentale et celui de l'exercice de cette autorité, afin d'offrir aux juridictions pénales un choix plus large de mesures et de les inciter à prononcer ces mesures de nature civile au moment de la condamnation.

Le retrait de l'autorité parentale prive un parent de l'ensemble de ses attributs, y compris les plus symboliques comme le droit de consentir au mariage ou à l'adoption de son enfant ; c'est donc la titularité qui est remise en cause.

Le retrait de l'exercice de l'autorité parentale revient à confier exclusivement à l'autre parent le devoir de protéger l'enfant dans sa sécurité, sa moralité et sa santé, de fixer sa résidence et de conduire son éducation. Le parent privé de l'exercice de l'autorité parentale en reste cependant titulaire. À ce titre, il conserve le droit d'entretenir des relations personnelles avec l'enfant via les droits de visite et d'hébergement, qui lui sont accordés sauf « motifs graves » appréciés par le juge aux affaires familiales (JAF). Il conserve aussi un droit de surveillance, qui oblige l'autre parent à le tenir informé de tous les choix importants relatifs à la vie de l'enfant.

La loi précitée a également introduit un mécanisme de suspension provisoire de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement en cas de poursuite ou de condamnation, même non définitive, pour un crime commis sur l'autre parent. Il s'agissait principalement de régler les cas où le parent survivant était le meurtrier de l'autre parent afin d'éviter qu'il n'exerce l'autorité parentale.

La proposition de loi vise à modifier ces deux mécanismes afin de les étendre à d'autres cas de mise en danger grave de l'enfant.

L'article 1 er prévoit tout d'abord d'étendre la suspension provisoire de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement aux cas de poursuites ou de condamnation pour un crime ou une agression sexuelle incestueuse commis sur l'enfant. Cette suspension courrait jusqu'à la décision du JAF, éventuellement saisi par le parent poursuivi, ou jusqu'à la décision de non-lieu ou la décision de la juridiction de jugement.

Cet article met également en place un régime distinct en cas de condamnation pour des violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) de plus de 8 jours sur l'autre parent. Il prévoit dans ce cas une suspension provisoire de l'autorité parentale jusqu'à la décision du JAF, qui devrait être saisi par l'un des parents dans les six mois à compter de la décision pénale, mais seulement lorsque l'enfant a assisté aux faits.

Si je partage sans réserve l'objectif poursuivi d'une meilleure protection de l'enfant, je souhaiterais tout d'abord que nous en restions à la position que la commission avait adoptée en 2020, c'est-à-dire accepter une suspension de plein droit, mais uniquement pour six mois et d'exiger une intervention du juge pour la suite. Il semble en effet disproportionné au regard de la présomption d'innocence et du droit de chacun de mener une vie familiale normale de permettre une suspension automatique tout le temps de la procédure pénale, qui peut durer plusieurs années, et sans intervention obligatoire d'un juge, seul à même d'apprécier l'intérêt de l'enfant. Cette durée maximale de six mois est celle qui est actuellement prévue en cas de crime sur l'autre parent. Nous ne savons d'ailleurs pas comment cette mesure est appliquée, car très peu de cas ont été recensés. Les magistrats du tribunal judiciaire de Lille que nous avons auditionnés ont évoqué trois ou quatre dossiers depuis deux ans.

Par ailleurs, il me semble que le dispositif proposé en cas de condamnation pour violences volontaires ayant entraîné une ITT de plus de 8 jours n'est pas cohérent à cause de la condition liée à la présence de l'enfant et de l'exclusion des violences volontaires sur l'enfant lui-même. Enfin, je rappelle que les juridictions doivent d'ores et déjà se prononcer sur l'autorité parentale en cas de condamnation pour cette infraction. Prévoir une suspension automatique en cas de condamnation n'a donc pas beaucoup d'intérêt pratique.

Je souligne à ce sujet que les pratiques judiciaires changent. Les magistrats sont de plus en plus sensibilisés à l'importance des mesures relatives à l'autorité parentale, et le nombre de mesures prononcées augmente selon les chiffres transmis par la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice.

Compte tenu de cette analyse, je vous proposerai un amendement visant à revenir au régime actuel, tout en l'étendant aux infractions de crimes et agressions sexuelles incestueuses sur l'enfant, comme le souhaite la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). Le JAF serait ainsi tenu d'intervenir au bout de six mois pour apprécier la suspension du retrait de l'autorité parentale au regard de l'intérêt de l'enfant et de l'évolution de la procédure pénale.

L'article 2 prévoit ensuite de rendre plus « automatique », sans toutefois l'imposer au juge pénal, le retrait de l'autorité parentale ou de son exercice en cas de condamnation pour un crime ou une agression sexuelle commise sur l'enfant ou pour un crime commis sur l'autre parent.

Cette disposition a le mérite d'inciter plus fortement les juges à prononcer un retrait d'autorité parentale en cas d'infraction grave contre l'enfant ou l'autre parent, sans toutefois les priver de leur liberté de moduler leur décision au regard de l'intérêt de l'enfant, à charge pour eux de la motiver spécialement.

Je vous proposerai de revoir la rédaction de cette disposition afin de rendre le dispositif plus intelligible, et donc d'en favoriser son application par les juridictions pénales. L'amendement que je vous soumettrai aurait également le mérite de bien poser le principe du retrait total de l'autorité parentale en cas de condamnation pour un crime ou une agression sexuelle commise sur l'enfant ou pour un crime commis sur l'autre parent et d'obliger les juridictions à se prononcer dans tous les cas de condamnation d'un parent pour crime ou délit commis sur son enfant ou pour crime commis sur l'autre parent.

Dans le prolongement de cette mesure et des dispositions existantes, je vous proposerai d'adopter un nouvel article afin d'instituer un « répit » pour l'enfant en cas de retrait de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement. Celui-ci prévoit qu'aucune demande au juge aux affaires familiales ne puisse être présentée par le parent moins de six mois après le jugement. Une disposition similaire existe en cas de retrait de l'autorité parentale.

L'article 2 bis vise à ajouter un nouveau cas de délégation forcée de l'exercice de l'autorité parentale à un tiers en cas de poursuite, de mise en examen ou de condamnation pour un crime ou une agression sexuelle incestueuse commis sur l'enfant par un parent qui est seul titulaire de l'exercice de l'autorité parentale. J'y suis favorable, sous réserve d'un amendement rédactionnel.

L'article 3 procède à diverses modifications dans le code pénal, à des fins de coordination avec l'article 2. Cet article me semble l'occasion de mettre fin au décalage qui existe entre le code civil et le code pénal en matière de retrait de l'autorité parentale. Actuellement, le code pénal ne prévoit pas que les juridictions de jugement aient à se prononcer sur l'autorité parentale à chaque fois qu'elles entrent en voie de condamnation contre un parent pour un crime ou délit commis sur son enfant ou un crime commis sur l'autre parent. Cette obligation repose sur des dispositions spéciales prévues pour certaines infractions uniquement. Je vous proposerai donc d'adopter une disposition générale dans le code pénal visant à remédier à cette incohérence et à procéder à une meilleure coordination avec les dispositions du code civil.

Enfin, l'article 4 concerne une demande de rapport au Gouvernement sur le repérage, la prise en charge et le suivi psychologique des enfants exposés aux violences conjugales et sur les modalités d'accompagnement parental. Je vous proposerai de le supprimer non seulement du fait de la position constante de la commission sur les demandes de rapport, mais également en raison de son absence de lien avec les dispositions initiales du texte au titre de l'article 45 de la Constitution.

Mme Nathalie Goulet . - A-t-on une idée du nombre de cas concernés ? Comment sont-ils répartis sur le territoire ?

Mme Laurence Harribey . - Vous trouverez ces éléments dans le rapport de Mme Mercier. Les cas sont très peu nombreux.

Je remercie Mme le rapporteur du travail réalisé, car, pour avoir suivi toutes les auditions, la question n'est pas si évidente qu'il n'y paraît. Le vote de cette proposition de loi à l'unanimité par l'Assemblée nationale et son inscription rapide à l'ordre du jour des travaux du Sénat montrent qu'il s'agit d'une vraie problématique : 400 000 enfants vivent dans un foyer où des violences intrafamiliales sévissent et dans plus de 20 % des cas, ils en sont victimes. D'ailleurs, les annonces, hier, de la Première ministre montrent la volonté du Gouvernement de trouver des solutions pour protéger l'enfant.

Sur le plan juridique, notons un changement de paradigme, amorcé par la loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste. Je rappelle que notre groupe avait proposé, par amendement, de relever l'âge du consentement à 18 ans, contre 15 ans, en cas de crime pour inceste, mais nous n'avons pas été suivis. De nombreuses associations ont reproché au Parlement de ne pas être allé assez loin, soulevant notamment la question du retrait de l'autorité parentale.

Cette proposition de loi reprend, pour partie, les recommandations de la Ciivise. Les personnes auditionnées ont souligné l'apport de ce texte tout en relevant les insuffisances qui demeurent. Si l'auteur de la proposition de loi préfère un vote conforme, il nous faut cependant procéder à quelques ajustements.

Les amendements proposés par Mme le rapporteur ne répondent toutefois pas totalement à la nécessité de clarifier un certain nombre de points. Nous regrettons en particulier le maintien du caractère provisoire de la suspension de l'autorité parentale jusqu'à la décision du JAF. Derrière la question de l'autorité parentale, n'oublions pas le droit de visite et l'instrumentalisation de l'enfant. Certes, il est extrêmement difficile de faire la part des choses, mais il importe de protéger l'enfant et le parent victime de violences.

Nous regrettons également la disparition pure et simple des dispositions relatives aux violences conjugales. Nous comprenons que ce ne soit pas l'objet de ce texte, mais fragmenter les sujets empêche d'avoir une vision globale et cela peut être de nature à mettre à mal l'application de la loi.

Nous nous abstiendrons sur ce texte ; nous n'avons pas déposé d'amendements, mais nous le ferons en vue de la séance publique.

Mme Valérie Boyer . - Je me félicite de l'examen de ce texte. Mais permettez-moi d'exprimer un vif regret. J'avais déposé une proposition de loi sur ce sujet en 2015 et en 2018, et la question du retrait de l'autorité parentale avait été examinée au Sénat dans le cadre d'un espace réservé au groupe Les Républicains fin 2018. L'examen du texte n'avait malheureusement pas pu aller à son terme. Il m'avait alors été rétorqué que les mesures que je proposais n'étaient pas utiles... Je regrette que le Sénat ne les ait pas votées, car la proposition de loi d'Isabelle Santiago en reprend le dispositif. Quoi qu'il en soit, il est essentiel d'examiner ce texte important.

Le seul point innovant du Grenelle des violences conjugales a été de dire qu'un parent violent ne peut pas être un bon parent et qu'il fallait traiter de la question du retrait de l'autorité parentale. Sont aussi évoqués ici le sujet de la suspension provisoire de l'autorité parentale et celui de l'automaticité du retrait. Pour en avoir discuté avec eux il y a quelques années, je puis vous dire que les magistrats sont allergiques au caractère automatique de la mesure, ce que l'on peut comprendre, car les situations visées sont particulièrement compliquées. Mais, peu importe, il faut inscrire dans la loi le principe d'une suspension ou d'un retrait de l'autorité parentale. C'est également une bonne chose qu'Isabelle Santiago introduise la notion d'inceste.

Mme Brigitte Lherbier . - Il est dommage que les juridictions pénales ne se saisissent pas des mesures de nature civile dans les cas visés, car nous sommes face à des situations douloureuses.

Pendant vingt-cinq ans, j'ai été présidente d'un conseil de famille des pupilles de l'État. Nombre d'entre eux ont attendu des années avant d'être pupilles. Comme vient de le souligner Valérie Boyer, en France, un parent reste un parent quoi qu'il arrive. Or, des enfants sont détruits avec cette idéologie ; j'avais constaté qu'on obligeait les enfants à aller voir leur père en prison, contre leur gré, simplement parce qu'il s'agissait de leur père. Concernant l'inceste, beaucoup d'enfants n'ont pas reçu de dommages et intérêts à l'âge adulte.

Il était donc plus que temps que le Sénat légifère sur le retrait de l'autorité parentale, car l'enfant est au coeur de nos réflexions.

Permettez-moi de formuler une observation. Supprimer les liens d'un enfant avec ses parents, c'est aussi envisager la question de l'adoption. Dans ces situations, il faut réagir vite pour permettre à ces enfants de pouvoir se reconstruire et leur offrir un avenir. Je sais que tout le monde ne partage pas cette position, mais c'est mon point de vue.

Mme Maryse Carrère . - Je remercie le travail très étayé de Mme le rapporteur. Les violences intrafamiliales sont le lot quotidien de trop nombreuses familles, et c'est un problème que notre société a du mal à reconnaître. Or 400 000 enfants vivent dans un foyer où sévissent des violences conjugales et 160 000 d'entre eux subissent chaque année des violences sexuelles avérées. Plusieurs études ont montré les conséquences de ces violences sur l'enfant : choc traumatique, troubles psychotraumatiques, phénomène de dissociation, troubles de la mémoire et conduite à risques. Certaines de ces conséquences peuvent être réversibles si un traitement psychothérapique spécialisé est mis en place, ce qui plaide pour une mise à l'abri rapide de ces enfants et une prise en charge la plus précoce possible.

Le législateur doit donc réfléchir à la bonne temporalité pour agir et protéger l'enfant en coupant le lien avec le parent violent, de façon temporaire ou définitive, sans perdre de vue l'objectif de protection des victimes et de préservation de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Certes, notre législation progresse depuis quelques années, mais il importe encore d'accroître l'arsenal législatif en matière de suspension et de retrait de l'autorité parentale ou de son exercice, et, surtout, de rendre davantage lisibles et applicables les mesures prévues par le droit en vigueur.

L'introduction d'un retrait de principe de l'autorité parentale ou, à défaut, de son exercice, lorsque le parent est condamné pour crime ou agression sexuelle incestueuse sur l'enfant ou pour un crime sur l'autre parent, ainsi que la suspension provisoire de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement dès le stade des poursuites, dans ces mêmes cas, sont de nature à améliorer le texte. La réécriture de l'article 378-2 du code civil permettra de viser davantage de victimes. Les amendements déposés par Mme le rapporteur contribueront aussi à améliorer le texte. C'est pourquoi le groupe Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) votera cette proposition de loi.

Mme Dominique Vérien . - Je remercie Mme le rapporteur pour le travail de dentelle qu'elle a réalisé afin d'améliorer le texte, en redonnant un peu de souplesse au juge, tout en protégeant les enfants. Les choses évoluent : on pensait auparavant qu'il valait mieux laisser un enfant à son parent quand bien même ce dernier le maltraitait, alors que l'on sait aujourd'hui qu'il est préférable de couper les liens, pour le bien de l'enfant.

L'Espagne, qui a beaucoup travaillé sur les violences intrafamiliales, a prévu en 2021 le retrait de l'autorité dès lors qu'une ordonnance de protection est prononcée. Il a été constaté que les féminicides sont systématiquement liés à l'instrumentalisation des enfants par l'auteur. Couper les liens revient donc à protéger l'enfant et la mère.

Les contentieux sont relativement techniques. Il importe de connaître les psychotraumatismes. Récemment, les derniers homicides conjugaux ont montré des erreurs d'appréciation du danger.

Je comprends que certains regrettent que ce texte n'aborde pas l'ensemble des violences intrafamiliales, mais avancer par petites touches permettra in fine de réaliser de grandes avancées. Il conviendra d'ailleurs de parler de la pédopsychiatrie, qui souffre d'un manque de moyens : il n'est pas acceptable d'attendre dix-huit mois pour avoir une première consultation - pour un enfant de 3 ans, cela correspond à la moitié de sa vie ! De même, les administrateurs ad hoc font défaut.

Mme Marie Mercier , rapporteur . - Madame Goulet, pour les crimes, 48 mesures relatives à l'autorité parentale ont été prononcées par les juridictions pénales en 2017, contre 65 en 2021 ; concernant les délits, le nombre de mesures prononcées est passé de 82 en 2017 à 772 en 2021.

Je remercie Laurence Harribey et Dominique Vérien d'avoir assisté aux auditions que j'ai organisées, car celles-ci nous ont permis de mesurer la complexité des choses. Je me suis concentrée sur les dispositions de la proposition de loi, en essayant d'améliorer la lisibilité des deux mécanismes visés, pour que les juridictions se les approprient, et ce, dans l'intérêt de l'enfant. Je comprends que certains regrettent que l'on n'inclue pas d'autres mesures, mais nous progressons : par exemple, l'enfant témoin est maintenant reconnu comme victime. Nous arrivons progressivement à faire évoluer les mentalités.

Nous devrons effectivement rediscuter de l'instrumentalisation de l'enfant.

Madame Boyer, je sais que vous avez beaucoup travaillé sur ce sujet. On peut regretter que ces avancées se fassent à tout petits pas, mais, je le répète, il importe déjà de se concentrer sur les deux dispositifs visés.

Madame Lherbier, je vous remercie de l'avoir souligné : le fait que les juridictions pénales ne prononcent pas les mesures civiles qui s'imposent a des conséquences douloureuses sur les enfants. La situation évolue, cela prend du temps, mais certains commencent à admettre qu'il faut briser un lien quand il est toxique. Nous avons entendu pendant longtemps qu'il valait mieux avoir un parent violent que pas de parent du tout. Or selon les professionnels, cette interprétation des adultes peut être erronée,

Madame Carrère, une mise à l'abri rapide de l'enfant est possible, et c'est heureux lorsque la situation est très grave. C'est l'intérêt de l'enfant qui prime. La question de la temporalité est effectivement importante, le temps de l'enfant n'est pas celui de l'adulte.

Madame Vérien, nous avons essayé d'inciter les juges à motiver leur décision quand ils ne veulent pas retirer l'autorité parentale. Il est toujours intéressant de regarder ce qui se passe en Espagne, mais le système n'est pas tout à fait identique.

M. François-Noël Buffet , président . - Concernant le périmètre de l'article 45 de la Constitution, je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives à la suspension provisoire de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale dans le cadre de procédures pénales et au retrait de l'autorité parentale ou de l'exercice de l'autorité parentale par les juridictions pénales.

Il en est ainsi décidé .

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

Mme Marie Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-17 vise à limiter l'extension de la suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement aux cas de crime ou agression sexuelle incestueuse commis sur la personne de l'enfant, et à maintenir le caractère provisoire de cette suspension dans les conditions actuelles.

Il semble en revanche disproportionné au regard de la présomption d'innocence et du droit de chacun de mener une vie familiale normale de permettre une suspension automatique tout le temps de la procédure pénale.

Mme Brigitte Lherbier . - Prévoir une suspension de plein droit permet d'aborder le sujet.

M. Alain Richard . - Est-il possible constitutionnellement qu'une telle mesure s'applique automatiquement, c'est-à-dire de plein droit, sans appréciation du juge ?

Mme Marie Mercier , rapporteur . - Un tel dispositif existe déjà. Il s'agit d'une suspension provisoire de plein droit.

M. François-Noël Buffet , président . - L'enjeu est l'intervention rapide du magistrat au travers de la saisine par le procureur de la République.

M. Alain Richard . - Dans un délai très court.

Mme Marie Mercier , rapporteur . - Cette mesure, qui s'applique déjà pour les homicides conjugaux, serait étendue aux crimes ou agressions sexuelles incestueuses sur l'enfant.

L'amendement COM-17 est adopté. En conséquence, les amendements identiques COM-9 rectifié sexies et COM-16 rectifié deviennent sans objet.

L'article 1 er est ainsi rédigé.

Article 2

Mme Marie Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-18 prévoit de réécrire l'article 2 afin de rendre plus intelligible et plus effectif le nouveau dispositif en le coordonnant avec l'obligation de se prononcer sur le retrait de l'autorité parentale, qui existe déjà dans le code pénal.

L'amendement COM-18 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-10 rectifié sexies devient sans objet.

L'article 2 est ainsi rédigé.

Article 2 bis (nouveau)

Mme Marie Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-20 est un amendement de coordination avec l'article 1 er afin de préciser que l'article 377 du code civil pourrait trouver à s'appliquer même en cas de condamnation non définitive.

L'amendement COM-20 est adopté.

Après l'article 2 bis (nouveau)

Mme Marie Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-19 prévoit qu'aucune demande au JAF ne peut être présentée moins de six mois après que la décision de retrait de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement est irrévocable. Un dispositif similaire existe en matière de retrait de l'autorité parentale.

L'amendement COM-19 est adopté et devient article additionnel.

Article 3 (nouveau)

Mme Marie Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-21 permet d'opérer une meilleure coordination entre les dispositions du code civil et celles du code pénal en matière de retrait de l'autorité parentale ou de son exercice par les juridictions pénales.

Il vise à insérer dans le code pénal une disposition générale permettant d'obliger les juridictions pénales à se prononcer sur le retrait de l'autorité parentale ou de son exercice à chaque fois qu'un parent est condamné pour un crime ou un délit commis sur son enfant ou pour un crime commis sur l'autre parent.

L'amendement COM-21 est adopté. En conséquence, les amendements COM-14 et COM-15 deviennent sans objet.

L'article 3 est ainsi rédigé.

Après l'article 3 (nouveau)

Mme Marie Mercier , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-1 . Les décisions des JAF en matière de résidence comme de droit de visite et d'hébergement ne doivent être prises que dans l'intérêt de l'enfant. C'est dans ce cadre que le juge prend déjà en compte les violences exercées par un parent sur un autre, qu'elles soient physiques ou psychologiques.

Le principe selon lequel un enfant témoin de violences est aussi victime a été établi par le décret du 23 novembre 2021.

Par ailleurs, les rédactions proposées par notre collègue se focalisent sur les violences exercées par un parent sur l'autre, mais n'évoquent pas les violences physiques ou psychologiques exercées directement sur l'enfant.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

Les amendements COM-2 , COM-3 , COM-4 , COM-5 , COM-6 , COM-7 , COM-11 rectifié sexies et COM-12 rectifié sexies sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.

Mme Marie Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-13 rectifié bis vise à reprendre le mécanisme de l'article 2 dans le cadre du contrôle judiciaire en l'adaptant. Il s'agirait de faire de la suspension du droit de visite et d'hébergement le principe et d'instituer une obligation de motivation spéciale en cas contraire.

Ce mécanisme existe déjà en matière d'ordonnance de protection en ce qui concerne la jouissance du logement ou le droit de visite et d'hébergement. Il serait mis en oeuvre lorsque le contrôle judiciaire comprend l'interdiction d'entrer en relation, l'interdiction de paraître ou le port d'un bracelet anti rapprochement. Avis favorable.

L'amendement COM-13 rectifié bis est adopté et devient article additionnel.

Article 4 (nouveau)

Mme Marie Mercier , rapporteur. - L'amendement COM-22 vise à supprimer cet article, conformément à la position de la commission sur les demandes de rapport .

L'amendement COM-22 est adopté.

L'article 4 est supprimé.

Intitulé de la proposition de loi

Mme Marie Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-23 vise à revoir l'intitulé de la proposition de loi en assurant une meilleure correspondance avec le contenu du texte. Par ailleurs, la notion de « covictimes » ne correspond pas à une réalité juridique.

L'amendement COM-23 est adopté.

L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er

Mme Marie MERCIER, rapporteur

17

Limitation de l'extension de la suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement

Adopté

Mme BILLON

9 rect. sexies

Suppression de la condition requérant que l'enfant assiste aux violences

Satisfait ou sans objet

M. REQUIER

16 rect.

Suppression de la condition requérant que l'enfant assiste aux violences

Satisfait ou sans objet

Article 2

Mme Marie MERCIER, rapporteur

18

Réécriture de l'article 378 du code civil pour clarifier les obligations de statuer et de motiver spécialement

Adopté

Mme BILLON

10 rect. sexies

Suppression des mentions relatives à l'exercice de l'autorité parentale et à la décision expresse

Satisfait ou sans objet

Article 2 bis (nouveau)

Mme Marie MERCIER, rapporteur

20

Coordination avec la rédaction de l'article 1 er

Adopté

Article(s) additionnel(s) après l'article 2 bis (nouveau)

Mme Marie MERCIER, rapporteur

19

Condition de recevabilité de la saisine du JAF en cas de retrait de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement

Adopté

Article 3 (nouveau)

Mme Marie MERCIER, rapporteur

21

Création d'une disposition générale permettant d'obliger les juridictions pénales à se prononcer sur le retrait de l'autorité parentale ou de son exercice à chaque fois qu'un parent est condamné pour un crime ou un délit commis sur son enfant ou pour un crime commis sur l'autre parent.

Adopté

M. MOHAMED SOILIHI

14

Obligation de statuer sur le retrait de l'autorité parentale ou sur le retrait de l'exercice de cette autorité sur les frères et soeurs mineurs de la victime

Satisfait ou sans objet

M. MOHAMED SOILIHI

15

Obligation de statuer sur le retrait de l'autorité parentale ou sur le retrait de l'exercice de cette autorité sur les frères et soeurs mineurs de la victime

Satisfait ou sans objet

Article(s) additionnel(s) après l'article 3 (nouveau)

Mme Valérie BOYER

1

Adaptation des mesures relatives à la résidence habituelle de l'enfant et aux droits de visite et d'hébergement en cas de violences conjugales

Rejeté

Mme Valérie BOYER

2

Création d'une infraction autonome d'exposition des enfants à des violences conjugales

Irrecevable art. 45,
al. 1 C

Mme Valérie BOYER

3

Rétablissement des peines plancher en matière de violences conjugales

Irrecevable art. 45,
al. 1 C

Mme Valérie BOYER

4

Définition des différentes formes de violences conjugales

Irrecevable art. 45,
al. 1 C

Mme Valérie BOYER

5

Prise en compte de la cyber-violence dans la définition des violences

Irrecevable art. 45,
al. 1 C

Mme Valérie BOYER

6

Prise en compte de l'impact des violences subies pour apprécier les causes d'irresponsabilité ou d'atténuation de la responsabilité

Irrecevable art. 45,
al. 1 C

Mme Valérie BOYER

7

Modification des conditions de délivrance de l'ordonnance de protection

Irrecevable art. 45,
al. 1 C

Mme BILLON

11 rect. sexies

Modification des conditions de délivrance de l'ordonnance de protection

Irrecevable art. 45,
al. 1 C

Mme BILLON

12 rect. sexies

Modification des conditions de délivrance de l'ordonnance de protection

Irrecevable art. 45,
al. 1 C

Mme VÉRIEN

13 rect. bis

Principe de suspension du droit de visite et d'hébergement de l'enfant mineur dans le cadre d'un contrôle judiciaire avec interdiction d'entrer en relation ou interdiction de paraître

Adopté

Article 4 (nouveau)

Mme Marie MERCIER, rapporteur

22

Suppression de l'article

Adopté

Intitulé de la proposition de loi

Mme Marie MERCIER, rapporteur

23

Modification de l'intitulé de la proposition de loi

Adopté

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