II. UNE PROPOSITION DE LOI AMBITIEUSE POUR FAIRE ÉVOLUER LA PRATIQUE DES ENQUÊTEURS ET DES JURIDICTIONS

Outre deux demandes de rapport partiellement redondantes (la première, à l'article 2, porte sur les effets de la nouvelle définition des agressions sexuelles sur les plaintes déposées et sur les condamnations, tandis que la seconde, prévue par l'article 3, a pour objet l'évaluation des mêmes effets sur « le traitement judiciaire des violences sexuelles, du dépôt de plainte jusqu'au délibéré »), la proposition de loi a pour principal objet d'intégrer le non-consentement à la définition du viol et des autres agressions sexuelles.

S'appuyant, d'une part, sur les termes employés par la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, dite convention d'Istanbul, signée par la France le 11 mai 2011 et ratifiée le 4 juillet 20146(*) et, d'autre part, sur un avis rendu par le Conseil d'État le 6 mars 20257(*), l'article 1er de la proposition de loi transmise au Sénat prévoit que :

constitue une agression sexuelle (entendue dans un sens qui intègre l'ensemble des infractions visées par la section 3 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal, y compris le viol) tout « acte sexuel non consenti commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur » ;

- le consentement ainsi pris en compte doit être « libre », « éclairé » (pour que les capacités de la victime soient prises en considération), « spécifique » (pour souligner la nécessaire adéquation de celui-ci aux actes sur lesquels il porte - et pour le distinguer du consentement tel qu'il est défini en matière civile), « préalable » et « révocable » ;

- un tel consentement, « apprécié au regard des circonstances environnantes », ne saurait être établi en cas de violence, de contrainte, de menace ou de surprise et « ne peut être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime ».

Le Conseil d'État a considéré que ces évolutions avaient une portée « interprétative », permettant « [leur] entrée en vigueur immédiate et [leur] application aux situations en cours »8(*). À l'inverse, il a estimé que l'intégration des actes « bucco-anaux » aux actes susceptibles de constituer matériellement le viol, au même titre que les actes bucco-génitaux déjà visés par le code, était un ajout par rapport au droit en vigueur - et donc une loi pénale plus sévère, soumise au principe de la non-rétroactivité in mitius.


* 6 L'article 36 de cette convention stipule que, en matière de violences sexuelles, « le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne considérée dans le contexte des circonstances environnantes ».

* 7 Avis n° 409241 du Conseil d'État.

* 8 Avis précité, paragraphe 16.

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