II. UNE INSÉCURITÉ JURIDIQUE POUR CERTAINS SECTEURS QUI TRAVAILLENT LE 1ER MAI
A. DES SECTEURS QUI, TRADITIONNELLEMENT, TRAVAILLENT LE 1ER MAI
Dans certains secteurs d'activité, tels que la boulangerie-pâtisserie, les fleuristes, les jardineries ainsi que les théâtres et cinémas, l'ouverture des établissements et le travail des salariés le 1er mai ne soulevaient d'ordinaire pas de question. Cette pratique traditionnelle, conjuguée à la majoration salariale de 100 % expliquaient cette absence de difficulté dans les entreprises, comme les organisations d'employeurs de ces secteurs l'ont fait valoir au rapporteur.
Les employeurs pensaient d'autant plus être dans leur bon droit qu'une position ministérielle ancienne les assurait de la légalité de leurs activités le 1er mai.
Ce jour revêt en outre une importance majeure pour ces établissements et, notamment, pour les fleuristes. Le 1er mai représente ainsi une des toutes premières fêtes en termes de chiffre d'affaires selon l'Union nationale des fleuristes, la vente de muguet le 1er mai engendrant un chiffre d'affaires d'un montant de 19,4 millions d'euros selon la Fédération française des artisans fleuristes.
B. CES DERNIÈRES ANNÉES, DES VERBALISATIONS LOURDES DE CONSÉQUENCE
Ce statu quo a été remis en cause par des contrôles et des verbalisations dressées par certains services de l'inspection du travail en 2023, 2024 et 2025. La sanction applicable en cas de manquement à la législation sur le 1er mai est une amende de 750 euros, au plus, appliquée autant de fois qu'il y a de salariés indûment employés. Pour des très petites entreprises (TPE) comme le sont, souvent, les commerces de proximité, ces sommes ne sont pas négligeables.
Ces verbalisations ont été très localisées et marginales - en Vendée, en Charente, à Paris ou à Lyon notamment. En particulier, cinq boulangers ont été verbalisés en Vendée par l'inspection du travail pour avoir occupé leurs salariés le 1er mai 2024. Après avoir pu démontrer que leur situation et la nature de leur activité ne permettaient pas d'interrompre le travail le 1er mai, ces employeurs ont finalement été relaxés par des jugements du 25 avril 2025 du tribunal de police de la Roche-sur-Yon.
La fédération de la jardinerie a aussi fait état de contrôles, menés en 2023, de l'inspection du travail en Charente, qui ont conduit à un rappel à la loi d'une jardinerie indépendante et d'une boutique de fleuriste. De même, une procédure pénale a également été ouverte suite à l'ouverture d'un commerce le 1er mai 2024.
Bien que peu nombreuses, et sans aboutir nécessairement à une condamnation pénale, ces verbalisations ont suffi à révéler l'insécurité juridique du cadre légal existant et à susciter l'inquiétude des professionnels.
Dès lors, une majorité de boulangeries ont décidé de rester fermées le 1er mai 2025. Parmi les boulangeries ayant ouvert ce jour-là, une vingtaine auraient été verbalisées selon la confédération nationale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie française. Cette organisation souligne que cette situation a fait naître, parmi la profession, « un sentiment de surprise, de confusion et d'incompréhension ». Une réaction identique est relevée par les représentants des fleuristes, couplée à un sentiment d'injustice de ne pouvoir exercer correctement son métier, le jour où la vente du muguet par les particuliers est tolérée. L'inadaptation du régime juridique du 1er mai est d'autant plus grande qu'il est proscrit aux vendeurs non professionnels de muguet « de s'installer à proximité d'un fleuriste... qui, désormais, restera fermé ! », selon les propos du président de l'Union nationale des fleuristes.