EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 25 juin 2025, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport de M. Olivier Henno, rapporteur, sur la proposition de loi (n° 550, 2024-2025) visant à permettre aux salariés de certains établissements et services de travailler le 1er mai.

M. Philippe Mouiller, président. - Nous commençons nos travaux par l'examen du rapport de notre collègue Olivier Henno sur la proposition de loi visant à permettre aux salariés de certains établissements et services de travailler le 1er mai, présentée par Mme Annick Billon, M. Hervé Marseille et plusieurs de leurs collègues.

Cette proposition de loi est inscrite à l'ordre du jour des travaux du Sénat du jeudi 3 juillet.

Je vous indique que quatre amendements ont été déposés sur ce texte. Après le retrait de l'un d'entre eux, trois restent soumis à notre examen.

M. Olivier Henno, rapporteur. - Nous examinons ce matin la proposition de loi de nos collègues Annick Billon et Hervé Marseille au sujet des motifs de dérogation à l'interdiction de travailler le 1er mai, inscrite par le Gouvernement à l'ordre du jour de la session extraordinaire de juillet et qui, j'en suis sûr, ne manquera pas de faire débat. Mais ce débat est louable, et peut-être même nécessaire. J'aime souvent à rappeler que Montesquieu invitait le législateur à ne modifier la loi « que d'une main tremblante ». C'est plus que jamais cette prudence et la recherche d'un équilibre qui m'ont guidé et m'ont finalement conduit à proposer une nouvelle rédaction de l'article unique de cette proposition de loi.

Je parle de prudence et d'équilibre, car il n'y a pas beaucoup de domaines au sein du code du travail qui soient aussi symboliques que le 1er mai.

En effet, le 1er mai n'est pas une date fériée comme les autres. Parmi les onze jours fériés reconnus par le code du travail, il est le seul à être chômé en vertu de la loi. En principe, les salariés ne travaillent donc pas ce jour-là, sans que leur rémunération soit amputée pour autant. Cette particularité s'explique par la symbolique de la fête du travail et son histoire faite de mouvements sociaux, que je ne résiste pas à vous rappeler brièvement.

En 1889, lors du congrès de la IIe Internationale socialiste à Paris, le 1er mai est choisi comme journée de lutte internationale en faveur de la journée de huit heures - à une époque où le travail pouvait s'étendre sur plus de douze heures. Célébré pour la première fois le 1er mai 1890, c'est le drame de Fourmies, le 1er mai 1891, qui a inscrit durablement cette date dans la mémoire collective. Il faut cependant attendre la Libération et les lois du 30 avril 1947 et du 29 avril 1948 pour voir ce jour chômé pérennisé.

Depuis, le jour du 1er mai est donc férié et chômé en vertu de la loi. L'employeur indélicat, qui ne respecterait pas cette journée de concorde sociale émaillée de cortèges, risque une amende de quatrième classe, soit 750 euros par salarié employé. Ce point n'est pas anecdotique, puisque, j'y reviendrai, certains employeurs se sont vu adresser des procès-verbaux de l'inspection du travail assortis d'amende allant jusqu'à 70 000 euros pour une chaîne de boulangerie parisienne.

À ce principe légal est assortie une dérogation applicable aux établissements et services « qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail ». Les salariés occupés ont alors droit à une rémunération majorée de 100 %.

La liste des catégories d'établissements pouvant occuper des salariés le 1er mai n'a pas été fixée par décret et, dès lors, le périmètre exact de la dérogation est sujet à interprétation depuis 1947. Certains secteurs, comme les transports publics, les hôpitaux, les hôtels, les services de gardiennage, paraissent naturellement ne pas pouvoir interrompre leur activité. Pour d'autres secteurs, l'application de la dérogation suscite plus de discussions.

Selon une position ministérielle ancienne, tous les employeurs qui sont admis à donner le repos hebdomadaire un autre jour que le dimanche, en vertu d'une dérogation permanente prévue par le code du travail, bénéficiaient aussi de la dérogation au caractère chômé du 1er mai. Cette identité entre les deux régimes juridiques s'avérait utile puisqu'une liste précise de secteurs concernés par la dérogation au repos dominical est fixée par décret. Cette position fut, par exemple, réaffirmée, dans un courrier du 23 mai 1986, de Martine Aubry, alors directrice des relations du travail. La lecture de ce courrier est instructive puisqu'on y apprend qu'en 1986 cette pratique administrative était déjà ancienne et que le ministère du travail considérait que le boulanger ayant ouvert le 1er mai n'avait pas commis de fait répréhensible.

Toutefois, la Cour de cassation, notamment par un arrêt de 2006, a retenu une autre interprétation de la loi. Elle a ainsi jugé que les établissements et services admis à déroger au repos dominical n'ont pas pour autant le droit, par principe, d'occuper des salariés le 1er mai. Il appartient à l'employeur de démontrer que la nature de l'activité qu'il exerce ne permet pas effectivement d'interrompre le travail. Chaque situation doit donc être analysée au cas par cas.

S'agissant du droit, la portée exacte de la dérogation n'a donc jamais fait l'objet de définition.

Pour ce qui est de la pratique, les choses étaient beaucoup plus claires.

Dans certains secteurs d'activité, tels que la boulangerie-pâtisserie, les fleuristes, les jardineries ainsi que les théâtres et cinémas, l'ouverture des établissements et le travail des salariés le 1er mai ne soulevaient d'ordinaire pas de question. Cette pratique était naturelle dans les entreprises et les salariés étaient volontaires en raison de la majoration salariale de 100 %, comme les organisations d'employeurs que j'ai rencontrées l'ont fait valoir en audition.

Pour les fleuristes, en particulier, le 1er mai a toujours revêtu une importance majeure puisque le chiffre d'affaires réalisé est l'un des plus importants de l'année. La vente de muguet le 1er mai représente une somme de 19,4 millions d'euros, selon la Fédération française des artisans fleuristes.

Cette situation a été remise en cause par des contrôles et des verbalisations dressées par certains services de l'inspection du travail ces dernières années.

Ces verbalisations ont été localisées et marginales - en Vendée, en Charente, à Paris ou à Lyon notamment. La Fédération nationale des métiers de la jardinerie a aussi fait état de contrôles, menés en 2023, de l'inspection du travail en Charente, qui ont conduit à un rappel à la loi d'une jardinerie indépendante et d'une fleuristerie. De même, une procédure pénale a également été ouverte à la suite de l'ouverture d'un commerce le 1er mai 2024.

En particulier, cinq boulangers ont été verbalisés en Vendée pour avoir occupé leurs salariés le 1er mai 2024. Certains pourraient se saisir de cet exemple pour démontrer que le travail le 1er mai dans ce secteur était contra legem et que, dès lors, légiférer sur ce point reviendrait à régulariser des « hors-la-loi ».

Toutefois, ce raisonnement, qui repose sur un raccourci juridique, n'est pas fondé. Les employeurs incriminés ont démontré au juge que la nature de leur activité ne permettait pas d'interrompre le travail. Le tribunal de police leur a donné raison, contre la position de l'inspection du travail, et ils ont finalement été relaxés par des jugements du 25 avril 2025. C'est bien là que réside la subtilité du droit existant. En cas de contrôle et de poursuite pénale, les employeurs doivent démontrer, dans les circonstances de l'espèce, que leur situation est légale. Or, cette incertitude juridique et le risque financier encouru ne sont pas satisfaisants pour les employeurs de ces commerces, souvent des très petites entreprises (TPE).

Dès lors, une majorité de boulangeries ont décidé de rester fermées le 1er mai 2025, et cette situation a fait naître, parmi la profession, « un sentiment de surprise, de confusion et d'incompréhension », selon les mots de la Confédération nationale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie française.

En audition, les représentants des fleuristes ont exprimé la même inquiétude, doublée d'un sentiment d'injustice, celle de ne pouvoir exercer correctement son métier le seul jour où la vente du muguet par les particuliers est tolérée. Pour reprendre la formule du président de l'Union nationale des fleuristes, qui illustre cette situation ubuesque, les arrêtés municipaux interdisent le plus souvent aux vendeurs particuliers de « s'installer à proximité d'un fleuriste, qui, désormais, restera fermé ! »

J'en viens enfin au dispositif prévu par la proposition de loi. Dans sa version initiale, il raccrochait les établissements bénéficiaires de l'exception au caractère chômé du 1er mai aux critères retenus pour la dérogation au repos dominical en raison de leur « fonctionnement ou de leur ouverture rendue nécessaire par les contraintes de la production, de l'activité ou les besoins du public ». Cette rédaction a l'avantage de renvoyer à un décret en Conseil d'État qui existe déjà, et de correspondre à la position historique de l'administration en la matière.

Cependant, il m'est apparu au cours de mes travaux que cette liste comprend de nombreux items, et a tendance à s'allonger chroniquement. Depuis 2014, ont, par exemple, été ajoutés les services d'infrastructures ferroviaires et les commerces de bricolage. Cette liste comprend également des activités telles que les agences immobilières ou les établissements de location de DVD, ce qui se justifie concernant le travail le dimanche, mais pas le 1er mai.

Plus généralement, c'est cette dernière réflexion qui m'a conduit à vous proposer une nouvelle rédaction de l'article unique : si le 1er mai n'est pas un jour férié comme un autre, il ne peut pas voir son régime calqué sur celui du dimanche.

Ainsi, je vous proposerai de redéfinir le périmètre des établissements qui bénéficieraient, par principe, d'une dérogation pour le 1er mai, en renvoyant à un nouveau décret. Celui-ci correspondrait aux établissements qui, traditionnellement, ouvrent ce jour, et dont l'activité justifie la dérogation : les commerces de bouche de proximité - dont les boulangeries, pâtisseries, boucheries, poissonneries, etc. -, qui permettent la continuité de la vie sociale ; les commerces liés à un usage traditionnel du 1er mai, à savoir s'offrir du muguet ; les établissements du secteur culturel - cinémas et théâtres notamment -, dont l'activité répond à une demande naturelle du public un jour chômé.

Par ailleurs, l'amendement prévoit également que, pour ces seuls établissements, l'activité des salariés n'est possible que sous réserve de leur volontariat. Cette précision me semble garantir le respect de la volonté des travailleurs, et permettre pour autant l'activité des entreprises concernées.

Enfin, la rédaction proposée maintient, en parallèle, le régime existant de dérogation, afin de tenir compte de la spécificité de certaines activités telles que les hôpitaux ou les services de transport, pour lesquelles la condition de volontariat ne paraît pas souhaitable.

Au terme de mes travaux, je ne doute pas que nous aurons des désaccords sur le dispositif retenu. J'espère néanmoins qu'au regard de l'évolution proposée et de la philosophie que j'ai partagée avec vous, vous comprendrez que notre intention n'est pas de banaliser le 1er mai, loin s'en faut. Je vous inviterai donc à adopter ce texte dans la version issue de l'amendement de rédaction globale que je vais vous proposer.

Auparavant, il m'appartient de vous soumettre un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je vous propose de considérer que cette proposition de loi comprend des dispositions relatives au repos et à la rémunération des salariés les jours fériés.

Il en est ainsi décidé.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Monsieur le rapporteur, j'entends bien la modification de la rédaction de l'article unique que vous proposez. Au préalable, permettez-moi de dire que cette proposition de loi est mal intitulée. En effet, il s'agit non pas de permettre aux salariés de travailler le 1er mai - c'est ce que l'on en comprend implicitement -, mais de permettre aux employeurs de faire travailler leurs salariés le 1er mai. Ce texte émane d'une demande des employeurs, et tous les représentants des salariés sont vent debout contre cette évolution. Aussi, il convient de modifier l'intitulé de la proposition de loi, car il ne correspond pas à cette réalité.

Le 1er mai n'est pas un jour férié comme un autre, et vous l'avez d'ailleurs souligné ; c'est un jour férié international, célébré dans la quasi-totalité des pays du monde. Il est né d'une revendication de réduction du temps de travail : huit heures de travail, huit heures de repos et huit heures pour les loisirs - une revendication d'émancipation.

Ce sont certains employeurs qui demandent à bénéficier d'une dérogation pour faire travailler les salariés. Or, sur le plan symbolique, c'est une remise en cause du 1er mai. D'ailleurs, l'historienne, Danielle Tartakowsky, a même évoqué, lors de son audition, la dimension anthropologique du 1er mai, une position que je partage.

Jusqu'à présent, seule la nature de l'activité, qui implique que les établissements et services ne peuvent interrompre le travail, peut conduire ces derniers à demander une dérogation. Ne mettons pas un pied dans la porte. D'ailleurs, il est faux de dire que la rémunération est majorée de 100 % ! Depuis 1947, le 1er mai est obligatoirement chômé et payé ! Le salarié est payé parce qu'il travaille.

J'ajoute que la notion de volontariat n'existe pas pour le 1er mai. Ceux qui travaillent ne sont pas volontaires. Dans certains services, comme les services de soins, par exemple, c'est un jour comme les autres, obligatoire. Introduire la notion de volontariat dans la définition est donc une aberration.

Vous l'avez bien compris, on ne peut pas calquer le régime des dérogations sur celui qui prévaut pour le travail dominical. Vous avez pris en compte la spécificité du 1er mai en restreignant la portée du texte à certains secteurs. Mais cette liste s'élargira, comme ce fut le cas pour la liste des dérogations autorisées le dimanche. Dès lors qu'il s'agit de répondre aux besoins du public, vous ouvrez grand la porte. Le décret du Conseil d'État sera restrictif au départ, mais chaque année, des employeurs demanderont à bénéficier de cette dérogation, car les besoins du public vont croissant.

En 1986, Martine Aubry faisait référence dans le courrier que vous avez évoqué à un roulement des personnels pour le repos dominical, qui était très encadré. Les dérogations du travail dominical n'ont plus rien à voir avec les dérogations d'alors. S'est ensuivie une dérégulation constante du travail du dimanche : aujourd'hui, le travail du dimanche est banalisé.

Je le redis, il est essentiel de modifier l'intitulé de la proposition de loi. Adopter ce texte revient à mettre un pied dans la porte ! La liste des dérogations va exploser, comme ce fut le cas pour la dérogation du dimanche. C'est la spécificité même du 1er mai qui est ici en cause, avec la revendication d'émancipation qu'elle porte.

M. Daniel Chasseing. - Monsieur le rapporteur, vous avez bien expliqué la symbolique du 1er mai, ainsi que la catégorie des établissements et services qui peuvent bénéficier d'une dérogation, car la nature de leur activité ne permet pas d'interrompre le travail, comme les hôpitaux, les transports, les métiers de bouche, etc. Il est ubuesque que les fleuristes, les métiers de bouche ne puissent pas travailler le 1er mai. Les particuliers pourront vendre du muguet, mais pas les fleuristes !

Vous proposez de redéfinir le périmètre des établissements qui bénéficieraient d'une dérogation, et j'en suis d'accord. En effet, certaines entreprises, notamment rurales, ne peuvent fonctionner qu'avec leurs employés. Il s'agit donc ici non pas de remettre en cause le 1er mai, qui est chômé et payé, sauf pour les établissements et services qui bénéficient d'une dérogation, mais de déterminer ceux pour lesquels l'activité justifie une dérogation. Je suis favorable à ce texte.

Mme Céline Brulin. - Je suis surprise que vous considériez comme légitime le fait d'assouplir la loi parce qu'elle n'a pas été respectée par certains. Si l'on appliquait cette logique dans d'autres domaines, certains d'entre vous se trouveraient enferrés dans leurs propres contradictions.

Certes, le rapporteur a l'intention de circonscrire la portée de la proposition de loi, qui calque le régime des dérogations sur celui des dérogations du travail dominical, mais celle-ci suscite l'opposition unanime des organisations syndicales. Or je ne suis pas sûre qu'il soit pertinent de légiférer sur un tel sujet dans le contexte actuel.

Je vous entends affirmer régulièrement les uns et les autres qu'il faut accorder la plus grande place possible à la négociation collective. Certaines organisations syndicales nous ont expliqué que des négociations de branche dans certains métiers de bouche sont possibles pour répondre à des situations très identifiées - elles sont d'ailleurs très peu nombreuses. D'autres encore ont souligné qu'une simple remise à jour de la position ministérielle suffirait. Mais vous avez choisi d'en passer par la loi, ce qui est clairement une atteinte au 1er mai, qui ne représente pas uniquement la fête du travail, comme je l'ai entendu.

En effet, c'est une journée de lutte pour les droits des travailleurs. Restreindre ces droits, c'est toute une symbolique assez inquiétante.

Vous parlez de volontariat, mais c'est ignorer le lien de subordination entre le salarié et l'employeur. D'ailleurs, le travail du dimanche était au départ basé sur le volontariat, mais il est aujourd'hui parfois inscrit dans certains contrats que le salarié doit travailler du lundi au dimanche.

Je veux vous rendre attentifs aux effets de cette loi sur l'artisanat et le petit commerce. Les grandes surfaces vendent aussi du pain, des fleurs... Rien ne justifie réellement l'ouverture dominicale des grandes surfaces, mais elles vont pouvoir se prévaloir de cette dérogation le 1er mai, à l'instar de ce qu'il s'est passé lors de la crise sanitaire du covid. Nous allons vers une société sans pause pour les salariés, ni pause sociale ni pause pour défendre leurs droits. Sans surprise, nous voterons donc contre ce texte.

Mme Monique Lubin. - Cette proposition de loi est totalement incongrue. Je remercie notre rapporteur d'avoir pris la mesure du danger qu'elle pouvait présenter, en restreignant sa portée. Toutefois, il est dangereux d'ouvrir la brèche. Si l'on autorise les commerces absolument utiles et indispensables à ouvrir le 1er mai, tous les commerces deviendront indispensables dans quelques années.

On se félicite du travail des partenaires sociaux, mais ici vous n'en avez pas grand-chose à faire !

Nous voterons contre cette proposition de loi ; j'espère que le débat sera nourri en séance.

M. Alain Milon. - Je suis d'accord avec le rapport d'Olivier Henno et je le remercie de son travail.

Toutefois, je rejoins notre collègue Raymonde Poncet Monge sur un point : quand on met un pied dans la porte, on l'ouvre complètement. Nous pourrons vous opposer cet argument en octobre prochain lors de l'examen d'une autre proposition de loi...

Mme Laurence Muller-Bronn. - Je tiens à remercier le rapporteur.

En Alsace, le droit local relatif à l'ouverture des commerces est très rigoureux. Ainsi, il est absolument interdit d'ouvrir le dimanche et le 1er mai. Sur dérogation municipale exceptionnelle, seules les boulangeries peuvent ouvrir. Or les Alsaciens peuvent se nourrir et s'offrir des fleurs ! Aussi, mon approche est quelque peu différente.

Il faut respecter le repos le dimanche - mais ce n'est pas l'objet de notre discussion - et le 1er mai, un jour férié international dans la quasi-totalité des pays du monde. Ce pied dans la porte peut conduire à tous les excès. D'où ma prudence.

Au demeurant, il est anormal que les boulangers verbalisés soient traités comme des criminels et qu'ils doivent payer des amendes excessives. Dans le même temps, on a toujours vu des particuliers vendre du muguet, et les fleuristes n'ont pas mis la clé sous la porte pour autant.

Soyons raisonnables et très prudents sur ce changement fondamental. Quoi qu'il en soit, l'Alsace ne sera pas concernée.

Mme Laurence Rossignol. - Permettez-moi de considérer ce texte sous un autre angle. Souvent, sont évoquées au sein de notre commission la question du rôle des familles, celle de la place de la famille, l'analyse du délitement et de l'atomisation des familles, la question de la responsabilité parentale et la manière dont la structure familiale doit vivre avec des rites, pour vivre des moments protégés du monde extérieur.

Le 1er mai est quasiment le seul jour où la quasi-totalité des salariés ne travaille pas et où les enfants ne vont pas à l'école. Je vous ferai remarquer que les employés des commerces dont on parle sont majoritairement des femmes.

Vous proposez donc que, le 1er mai, des femmes soient obligées de travailler, laissant leurs enfants seuls une journée de plus dans l'année. Voilà qui n'est pas cohérent avec vos positions, le plus souvent, sur le rôle, la responsabilité de la famille et le lien parent-enfant.

Mme Frédérique Puissat. - Je tiens à remercier les auteurs de ce texte, que j'ai cosigné, et le rapporteur. Au-delà des caricatures que nous avons entendues, les parlementaires ont pour missions de sécuriser le droit et de simplifier son application sur le terrain. Le rapport montre bien des besoins en termes de sécurisation du droit, car, localement, certains inspecteurs du travail ont une autre interprétation du droit. Cela a été rappelé, l'ensemble des employeurs incriminés ont été relaxés.

Le rapporteur l'a rappelé, nous ne touchons pas au 1er mai dans le code du travail, qui reste un jour chômé. Nous ne faisons que sécuriser et simplifier la dérogation. Je remercie le rapporteur d'avoir clarifié le texte, car la rédaction retenue pouvait prêter à interprétation. J'espère que l'amendement proposé sera adopté.

De toute façon, comme l'a souligné notre collègue Alain Milon, nous aurons à un moment donné des discussions sur la durée du travail et sur le rapport au travail. Ne caricaturons pas, certains salariés travaillent peut-être sous contrainte, mais il y en a d'autres qui aiment leur travail, qui sont passionnés ; ...

Mme Raymonde Poncet Monge et Mme Monique Lubin. - Les salariés sous contrainte sont aussi des passionnés.

Mme Frédérique Puissat. - ... et d'autres encore qui ont besoin de travailler. Il ne faut pas méconnaître cette situation. Il importe de considérer le rapport au travail dans sa globalité. Notre groupe votera ce texte modifié par l'amendement du rapporteur.

M. Olivier Henno, rapporteur. - Ce qui fait la spécificité du 1er mai, c'est cette double dimension de fête du travail et de fête des salariés.

Notre objectif n'est pas de changer les règles - Frédéric Puissat l'a rappelé, nous ne touchons pas au principe du 1er mai chômé dans le code du travail. Les inspecteurs du travail sont certes libres de leur interprétation, mais, en tant que législateurs, nous pouvons aussi considérer qu'ils se sont livrés à une lecture autonome et abusive des textes. Nulle part, il n'est inscrit que le 1er mai devrait être une journée « ville morte ».

Je partage l'idée que le 1er mai n'est pas un jour férié comme un autre. C'est aussi pourquoi nous avons voulu le dissocier du dimanche. La notion de volontariat me semble également très importante et, par ailleurs, nous fixons dans la loi les critères du décret afin d'éviter la perspective pointée de voir s'ajouter successivement des secteurs concernés par la dérogation.

Le risque évoqué par Céline Brulin à propos des grandes surfaces peut être écarté, car le critère proposé retient une activité de vente de produits alimentaires exercée à titre exclusif.

L'objet de cette proposition de loi est simplement de revenir à la situation équilibrée qui existait lorsque la directrice des relations du travail a adressé la lettre évoquée en 1986, ni plus ni moins.

Les organisations syndicales ont certes réagi vivement, en particulier sur l'analogie entre le 1er mai et le dimanche, mais nous avons fait évoluer le texte après leurs auditions.

Quant aux négociations de branche, elles ne permettraient pas à elles seules de régler la situation ; nous devons obligatoirement passer au préalable par la loi pour ne pas créer une situation d'insécurité juridique.

Je comprends bien évidemment les problèmes posés pour les familles, mais, encore une fois, il ne s'agit pas d'assimiler le 1er mai au dimanche, mais simplement de permettre aux quelques commerces qui étaient ouverts avant cette interprétation excessive de le rester.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

M. Olivier Henno, rapporteur. - L'amendement de suppression COM-3 vise à revenir sur l'objet même de la proposition de loi.

Le nombre de procès-verbaux dressés par les services de l'inspection du travail a augmenté de manière inexplicable cette année, avec des conséquences réelles pour les commerces concernés, puisque l'amende encourue est de 750 euros par salarié.

Par ailleurs, il ne me semble pas que les organisations patronales demandent de remettre en question le régime spécifique du 1er mai, mais elles souhaitent précisément revenir à une souplesse qui a longtemps été prônée par l'administration elle-même.

Quant à la question du volontariat, elle sera intégrée dans la rédaction que je vous proposerai d'adopter. Mon avis est défavorable.

L'amendement COM-3 n'est pas adopté.

M. Olivier Henno, rapporteur. - L'amendement COM-4 rectifié vise à réaffirmer la spécificité du 1er mai, tout en permettant aux établissements visés par le texte de 1986 d'ouvrir. Il intègre aussi la notion de volontariat.

L'amendement COM-4 rectifié est adopté.

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est ainsi rédigé.

Intitulé de la proposition de loi

M. Olivier Henno, rapporteur. - La modification de l'intitulé de la proposition de loi prévue par l'amendement COM-2 ne me semble pas souhaitable, dans la mesure où celle-ci permet plutôt qu'elle n'oblige aux salariés de travailler le 1er mai. En effet, la rédaction que je vous ai proposée met en place un système de volontariat, qui laisse donc une faculté de choix aux salariés.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique :
Dérogation au caractère chômé du 1er mai

Mme LUBIN

3

Suppression d'article

Rejeté

M. HENNO, rapporteur

4 rect.

Mise en place d'une exception au caractère chômé du 1er mai pour une liste limitative de secteurs

Adopté

Mme PONCET MONGE

2

Modification de l'intitulé

Rejeté

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