II. UN TEXTE DESTINÉ À FAVORISER L'INCARCÉRATION EFFECTIVE DES CONDAMNÉS, EN DÉPIT DE LA SURPOPULATION CARCÉRALE
La proposition de loi déposée par Loïc Kervran, peu modifiée à l'issue de son examen par l'Assemblée nationale, vise à revenir sur les principaux dispositifs du « bloc-peine » créé par la LOPJ du 23 mars 2019.
L'article 1er supprime l'interdiction faite au tribunal correctionnel de prononcer une peine d'emprisonnement ferme d'une durée inférieure ou égale à un mois, ce que les auteurs justifient par leur souhait de rétablir la possibilité de prononcer des courtes peines. Le même article met fin au principe selon lequel l'emprisonnement ferme ne peut être prononcé qu'en « dernier recours », remplace les dispositions actuelles du code qui incitent à l'aménagement des peines d'une durée inférieure ou égale à un an d'emprisonnement par une faculté laissée au juge d'aménager les peines d'une durée inférieure ou égale à deux ans et, enfin, inverse la logique de motivation des décisions sur les peines en prévoyant que la juridiction de jugement devra se prononcer par une motivation spéciale lorsqu'elle décide d'aménager la peine d'emprisonnement, là où le droit en vigueur exige une telle motivation lorsque le tribunal correctionnel décerne un mandat de dépôt.
L'article 2 rétablit des dispositions identiques à celles qui étaient en application avant l'entrée en vigueur de la LOPJ du 23 mars 2019 précitée quant aux motifs permettant d'aménager une peine de prison ferme. L'aménagement serait ainsi possible dès lors que le condamné justifie de son insertion professionnelle, de sa « participation essentielle » à la vie de sa famille, de la nécessité pour lui de suivre un traitement médical ou « d'efforts sérieux de réadaptation sociale résultant de son implication durable dans tout autre projet caractérisé d'insertion ou de réinsertion de nature à prévenir les risques de récidive ».
L'article 3 procède à diverses coordinations, liées aux articles 1er et 2, à l'article 464-2 du code de procédure pénale ; il fait par ailleurs évoluer les règles relatives à la motivation spéciale des décisions, qui deviendrait facultative pour les décisions tendant au placement en détention du condamné (mandat de dépôt immédiat ou à effet différé) et serait supprimée pour les décisions prononçant une peine supérieure à un an et ne comportant pas de sursis.
L'article 4 étend la possibilité de recours au fractionnement des peines en alignant le régime applicable aux récidivistes sur le droit commun : en d'autres termes, le fractionnement serait à l'avenir possible pour les personnes en état de récidive légale condamnées à une peine égale ou inférieure à deux ans, contre un an aujourd'hui.
L'article 5, principalement de coordination, permet que soit décerné un mandat de dépôt pour toutes les peines d'emprisonnement - et non pour les seules peines d'une durée égale ou supérieure à un an. Il porte, de même, à deux ans le seuil visé par le code de procédure pénale pour diverses procédures d'aménagement des peines.
Par ailleurs, et surtout, il supprime la libération sous contrainte (LSC) de plein droit, c'est-à-dire le mécanisme qui permet la remise en liberté du condamné « exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d'une durée totale inférieure ou égale à deux ans » lorsqu'il reste un « reliquat de peine à exécuter qui est inférieur ou égal à trois mois », sauf en cas « d'impossibilité matérielle résultant de l'absence d'hébergement » (article 720 du code de procédure pénale).
L'article 6, inséré en séance publique à l'initiative du groupe La France insoumise, requiert du Gouvernement la remise au Parlement d'un rapport sur l'impact du texte sur la récidive et la surpopulation carcérale, dans un délai de deux ans à compter de la promulgation dudit texte.