- L'ESSENTIEL
- I. LES EFFETS DE BORD DÉCRIÉS DU
« BLOC-PEINE » INTRODUIT PAR LA LOI DU 23 MARS
2019
- II. UN TEXTE DESTINÉ À FAVORISER
L'INCARCÉRATION EFFECTIVE DES CONDAMNÉS, EN DÉPIT DE LA
SURPOPULATION CARCÉRALE
- III. LA POSITION DE LA COMMISSION : SIMPLIFIER
LE DROIT POUR REDONNER DE LA LISIBILITÉ AU JUSTICIABLE ET DE L'AUTONOMIE
AUX MAGISTRATS
- I. LES EFFETS DE BORD DÉCRIÉS DU
« BLOC-PEINE » INTRODUIT PAR LA LOI DU 23 MARS
2019
- EXAMEN DES ARTICLES
- Article 1er
Caractéristiques des peines d'emprisonnement ferme et modalités de leur aménagement ab initio par le tribunal correctionnel
- Article 2
Conditionnement des mesures d'aménagement de peine aux garanties de réinsertion du condamné
- Article 3
Mise en cohérence de certaines dispositions du code de procédure pénale
- Article 4 (Supprimé)
Adaptation du régime de fractionnement des peines d'emprisonnement
- Article 5
Adaptation aux fins de coordination de diverses dispositions du code de procédure pénale
- Article 6 (Supprimé)
Rapport concernant l'impact de cette proposition de loi sur la récidive et sur la surpopulation carcérale
- Article 1er
- EXAMEN EN COMMISSION
- RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE
L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU
RÈGLEMENT DU SÉNAT
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 780
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 juin 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles,
de législation, du suffrage universel, du Règlement et
d'administration générale (1) sur la proposition de loi,
adoptée par l'Assemblée nationale, visant à
faire exécuter
les peines
d'emprisonnement
ferme,
Par M. Stéphane LE RUDULIER,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de :
Mme Muriel Jourda, présidente ;
M. Christophe-André Frassa,
Mme Marie-Pierre de La
Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain,
Mmes Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman,
MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset,
vice-présidents ; M. André Reichardt,
Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Olivier
Bitz, secrétaires ; M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nadine
Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie
Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer,
MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco,
Françoise Dumont, Laurence Harribey, Lauriane Josende,
MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier,
Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, David Margueritte,
Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul
Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia,
M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva
Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis
Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel,
Mme Mélanie Vogel.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (17ème législ.) : |
374, 1187 et T.A. 91 |
|
Sénat : |
519 et 781 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
Déposée en octobre 2024 par Loïc Kervran et plusieurs députés puis adoptée par l'Assemblée nationale le 3 avril dernier, la proposition de loi visant à faire exécuter les peines d'emprisonnement ferme vise, à titre principal, à revenir sur les dispositions issues de la loi n° 2019-222 de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice (ou « LOPJ ») du 23 mars 2019 en matière d'aménagement des peines d'emprisonnement ferme, communément appelées « bloc-peine ».
Faisant le constat, indéniable, que ce « bloc » a généré des effets de bord qui ont, à l'inverse de l'objectif poursuivi par le législateur, aggravé la surpopulation carcérale sans permettre une mise à exécution satisfaisante des peines de prison ferme, le texte entend inverser la logique actuelle en privilégiant l'incarcération face à l'aménagement des peines et à supprimer le recours à la libération sous contrainte de plein droit, qui permet une libération quasi-automatique des détenus trois mois avant la fin de leur peine.
La commission a adhéré aux objectifs poursuivis par le texte mais a constaté que, s'agissant de la mise en oeuvre effective des peines de prison ferme, les solutions retenues étaient de nature - comme le droit en vigueur, dont elles reprennent les caractéristiques - à générer des effets contraires au but poursuivi et à favoriser le développement de stratégies « de contournement », dissuadant in fine les magistrats de prononcer des sanctions sévères. Elle a donc, à l'initiative de son rapporteur, souhaité :
- mettre fin à l'obligation d'une motivation spéciale pour l'exécution des peines de prison ferme, sans pour autant prévoir en contrepartie une même motivation pour les aménagements desdites peines ;
- favoriser le passage des condamnés devant le juge de l'application des peines lorsque la juridiction de jugement n'a pas la capacité de se prononcer sur la modalité d'exécution la mieux adaptée pour sanctionner l'infraction et prévenir la récidive ;
- mieux appréhender la question du fractionnement des peines.
I. LES EFFETS DE BORD DÉCRIÉS DU « BLOC-PEINE » INTRODUIT PAR LA LOI DU 23 MARS 2019
En dépit
d'interrogations récurrentes quant à son apport à
la prévention de la récidive et à
la réinsertion des condamnés dans un contexte de
surpopulation carcérale chronique, la prison demeure
la
principale fonction employée par les juridictions
répressives.
Sur environ 540 000 peines
prononcées en 2023, l'emprisonnement et
la réclusion
représentaient environ 250 000 peines principales ;
la même année, parallèlement,
194 000 amendes, 15 000 mesures éducatives pour
les condamnés mineurs et 80 000 autres peines (travail
d'intérêt général, jours-amende...) ont
été prononcées1(*).
Cependant, ces chiffres ne rendent pas compte de la possibilité accordée au juge - qu'il s'agisse du juge du fond ou du juge de l'application des peines - d'aménager les peines d'emprisonnement ferme. En 2023, ce sont ainsi plus de 40 % de ces peines qui ne se sont pas traduites par l'incarcération du condamné.
Ce phénomène, sans être en lui-même nouveau, a été considérablement amplifié par l'entrée en vigueur en 2020 de la loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 : ce texte a substantiellement modifié le droit de l'exécution des sanctions pénales avec l'intervention d'une série de mesures usuellement dénommées « bloc-peine », dont l'objectif était de favoriser l'aménagement des peines d'une durée inférieure ou égale à un an. Ainsi, 18 000 personnes pourtant condamnées à une peine de prison ferme n'étaient pas détenues au 1er avril 2025, contre 12 500 au 1er janvier 20212(*).
Le droit pénal français comporte en effet, depuis la loi précitée du 23 mars 2019, des incitations à l'aménagement des peines qui s'apparentent, dans certains cas, à des quasi-obligations. Outre le principe, fixé par l'article 132-19 du code pénal, selon lequel l'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcé « qu'en dernier recours, si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et si toute autre sanction est manifestement inadéquate », le droit impose ainsi un aménagement des peines fermes inférieures à six mois « sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné » et des peines comprises entre six et douze mois « si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle ». Une motivation spéciale de la décision est par ailleurs exigée en cas de mandat d'arrêt ou de dépôt, donc dans le cas où l'emprisonnement ferme est effectivement exécuté.
Ces dispositions n'ont pas suffi à endiguer la surpopulation des établissements pénitentiaires, pourtant dommageable à la réadaptation des condamnés et à leur réinsertion dans la société : en témoignent le nombre global de détenus, qui s'établissait au 1er avril 2025 à 81 600 personnes, ainsi que son augmentation constante depuis 2021. De manière révélatrice, cette augmentation semble procéder davantage d'une hausse des quanta prononcés que d'une croissance du nombre de personnes condamnées, attestant d'un inquiétant « effet de bord » de la loi précitée du 23 mars 2019 : celle-ci a paradoxalement incité les juges du fond à prononcer des peines plus lourdes pour contourner les dispositions du code pénal, lesquelles ne permettent plus de mettre en oeuvre des incarcérations de courte durée et ne laissent aux magistrats d'autre solution qu'une plus grande sévérité pour obtenir une sanction réellement privative de liberté.
La mesure prise afin de compenser cette sévérité, la libération sous contrainte (LSC) de plein droit a grandement encombré les greffes pénitentiaires, saturé les dispositifs de sortie et conduit à des solutions inadaptées car reposant en dernière analyse sur le seul critère du logement3(*).
II. UN TEXTE DESTINÉ À FAVORISER L'INCARCÉRATION EFFECTIVE DES CONDAMNÉS, EN DÉPIT DE LA SURPOPULATION CARCÉRALE
La proposition de loi déposée par Loïc Kervran, peu modifiée à l'issue de son examen par l'Assemblée nationale, vise à revenir sur les principaux dispositifs du « bloc-peine » créé par la LOPJ du 23 mars 2019.
L'article 1er supprime l'interdiction faite au tribunal correctionnel de prononcer une peine d'emprisonnement ferme d'une durée inférieure ou égale à un mois, ce que les auteurs justifient par leur souhait de rétablir la possibilité de prononcer des courtes peines. Le même article met fin au principe selon lequel l'emprisonnement ferme ne peut être prononcé qu'en « dernier recours », remplace les dispositions actuelles du code qui incitent à l'aménagement des peines d'une durée inférieure ou égale à un an d'emprisonnement par une faculté laissée au juge d'aménager les peines d'une durée inférieure ou égale à deux ans et, enfin, inverse la logique de motivation des décisions sur les peines en prévoyant que la juridiction de jugement devra se prononcer par une motivation spéciale lorsqu'elle décide d'aménager la peine d'emprisonnement, là où le droit en vigueur exige une telle motivation lorsque le tribunal correctionnel décerne un mandat de dépôt.
L'article 2 rétablit des dispositions identiques à celles qui étaient en application avant l'entrée en vigueur de la LOPJ du 23 mars 2019 précitée quant aux motifs permettant d'aménager une peine de prison ferme. L'aménagement serait ainsi possible dès lors que le condamné justifie de son insertion professionnelle, de sa « participation essentielle » à la vie de sa famille, de la nécessité pour lui de suivre un traitement médical ou « d'efforts sérieux de réadaptation sociale résultant de son implication durable dans tout autre projet caractérisé d'insertion ou de réinsertion de nature à prévenir les risques de récidive ».
L'article 3 procède à diverses coordinations, liées aux articles 1er et 2, à l'article 464-2 du code de procédure pénale ; il fait par ailleurs évoluer les règles relatives à la motivation spéciale des décisions, qui deviendrait facultative pour les décisions tendant au placement en détention du condamné (mandat de dépôt immédiat ou à effet différé) et serait supprimée pour les décisions prononçant une peine supérieure à un an et ne comportant pas de sursis.
L'article 4 étend la possibilité de recours au fractionnement des peines en alignant le régime applicable aux récidivistes sur le droit commun : en d'autres termes, le fractionnement serait à l'avenir possible pour les personnes en état de récidive légale condamnées à une peine égale ou inférieure à deux ans, contre un an aujourd'hui.
L'article 5, principalement de coordination, permet que soit décerné un mandat de dépôt pour toutes les peines d'emprisonnement - et non pour les seules peines d'une durée égale ou supérieure à un an. Il porte, de même, à deux ans le seuil visé par le code de procédure pénale pour diverses procédures d'aménagement des peines.
Par ailleurs, et surtout, il supprime la libération sous contrainte (LSC) de plein droit, c'est-à-dire le mécanisme qui permet la remise en liberté du condamné « exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d'une durée totale inférieure ou égale à deux ans » lorsqu'il reste un « reliquat de peine à exécuter qui est inférieur ou égal à trois mois », sauf en cas « d'impossibilité matérielle résultant de l'absence d'hébergement » (article 720 du code de procédure pénale).
L'article 6, inséré en séance publique à l'initiative du groupe La France insoumise, requiert du Gouvernement la remise au Parlement d'un rapport sur l'impact du texte sur la récidive et la surpopulation carcérale, dans un délai de deux ans à compter de la promulgation dudit texte.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION : SIMPLIFIER LE DROIT POUR REDONNER DE LA LISIBILITÉ AU JUSTICIABLE ET DE L'AUTONOMIE AUX MAGISTRATS
La commission est convaincue que, pour redonner son sens à la sanction, il importe que les peines d'emprisonnement ferme soient mieux exécutées ; elle adhère au constat selon lequel le « bloc-peine » issu de la loi du 23 mars 2019 a généré des effets de bord contraires à l'intention du législateur, conduisant en particulier à une aggravation de la surpopulation carcérale.
La commission a cependant relevé que la proposition de loi reprenait, en l'inversant, le fonctionnement du droit en vigueur : elle paraît donc de nature à créer elle aussi des effets de bord. En effet, en complexifiant à l'excès l'aménagement des peines d'emprisonnement ferme, elle risque in fine de dissuader les magistrats de prononcer de telles peines, contredisant directement l'objectif poursuivi.
La commission a jugé préférable, pour favoriser l'incarcération des condamnés, de renforcer l'autonomie des juges et de favoriser une meilleure répartition des missions entre la juridiction compétente au fond et le juge de l'application des peines. Elle a, dans cette optique, adopté huit amendements de son rapporteur dont les principaux visent à :
- substituer aux exigences de motivation spéciale, dont l'apport sur le fond n'est pas évident et qui créent sur la forme des risques réels de cassation, une motivation simple, applicable aux peines elles-mêmes comme à leur exécution lorsque cette dernière est décidée ab initio par le tribunal correctionnel (amendements COM-1 à l'article 1er et COM-5 à l'article 3) ;
- faciliter le renvoi des dossiers au juge de l'application des peines lorsque le juge du fond ne dispose pas des éléments requis pour définir ab initio les modalités d'exécution de la sanction qu'il a prononcée (amendement COM-4 à l'article 3) ;
- rétablir les dispositions permettant le placement en détention, au titre de l'exécution provisoire, des condamnés dont la peine n'a pas pu être aménagée ab initio (amendement COM-2 à l'article 2) ;
- supprimer les dispositions relatives au fractionnement des peines afin d'engager une réflexion de fond sur cette procédure tombée en désuétude (amendement COM-7 de suppression de l'article 4) ;
- supprimer la demande de rapport, conformément à la position constante de la commission des lois (amendement COM-8 de suppression de l'article 6).
*
* *
La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Caractéristiques des peines
d'emprisonnement ferme et modalités de leur aménagement ab initio
par le tribunal correctionnel
L'article 1er rétablit la possibilité, pour le juge du fond, de prononcer une peine d'emprisonnement ferme d'une durée inférieure ou égale à un mois, remplace l'incitation forte à l'aménagement des peines de moins de deux ans par une simple faculté et impose à la juridiction de jugement de se prononcer par une motivation spéciale lorsqu'elle décide d'aménager une peine d'emprisonnement.
À l'initiative du rapporteur, la commission a entendu rendre sa liberté au juge du fond en prévoyant qu'il se prononcerait par une motivation simple quel que soit son choix en matière d'aménagement de la peine, afin non seulement d'éviter des cassations fondées sur des motifs de procédure, mais aussi de tenir compte du contexte de surpopulation carcérale qui ne permet pas, à date, d'envisager une augmentation massive des incarcérations.
Elle a adopté l'article ainsi modifié.
1. Le régime actuel des peines d'emprisonnement ferme : de fortes incitations à l'aménagement des peines de moins d'un an
Largement remanié par la loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019, l'article 132-19 du code pénal pose les principes qui structurent le prononcé des peines par les tribunaux correctionnels et qui constituent, à ce jour, une incitation à l'aménagement des peines d'emprisonnement les plus brèves.
L'aménagement des peines en pratique
La notion d'aménagement des peines recouvre plusieurs types de mesures privatives ou limitatives de liberté, qui peuvent se substituer au placement en détention du condamné. Concrètement, il s'agit :
- de la détention à domicile sous surveillance électronique : elle oblige au port d'un bracelet électronique à la cheville et interdit au condamné de s'éloigner des lieux désignés en dehors des horaires fixés par le juge de l'application des peines. D'une durée comprise entre quinze jours et six mois, sans pouvoir excéder la durée de l'emprisonnement encouru, elle n'autorise le condamné à s'absenter de son domicile que « pour le temps nécessaire [...] à l'exercice d'une activité professionnelle, au suivi d'un enseignement, d'un stage, d'une formation ou d'un traitement médical, à la recherche d'un emploi, à la participation à la vie de famille ou à tout projet d'insertion ou de réinsertion ».
En cas de non-respect par le condamné de ses obligations, le juge de l'application des peines peut limiter ses autorisations d'absence ou ordonner son emprisonnement pour la durée de la peine restant à courir (article 131-4-1 du code pénal) :
- de la semi-liberté : cette mesure correspond au placement en détention partiel, pour des périodes « déterminées en fonction du temps nécessaire pour que le condamné puisse exercer une activité professionnelle, suivre un enseignement, un stage, une formation ou un traitement, rechercher un emploi ou participer à la vie de famille ou à tout projet d'insertion ou de réinsertion » (131-26 du code pénal) ;
- du placement à l'extérieur : ce régime permet au condamné d'exercer des activités ou de bénéficier de soins en dehors de l'établissement pénitentiaire, durant des horaires fixés par le juge de l'application des peines (article 132-26 précité). Le condamné est astreint à l'exercice des activités visées par le magistrat ou au suivi de sa prise en charge sanitaire et doit satisfaire des mesures générales de contrôle ou des obligations fixées par le même juge.
Source : commission des lois du Sénat
En l'état de sa rédaction, l'article 132-19 prévoit, en son premier alinéa, que le sursis est possible pour tout ou partie de la peine d'emprisonnement prononcée par la juridiction ; parallèlement, il interdit le prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme d'une durée inférieure ou égale à un mois. Insérée par la loi précitée du 23 mars 2019, cette interdiction était alors justifiée par la baisse tendancielle du prononcé de telles peines (10 000 en 2015 et 5 500 en 2020, selon les chiffres obtenus par Loïc Kervran, rapporteur du texte à l'Assemblée nationale4(*)) et, sur le fond, par le fait que « des peines fermes d'aussi courte durée [présentaient] un effet désocialisant majeur et prédispos[ai]ent à la récidive »5(*).
Le Sénat avait fait, lors de l'examen de LOPJ, fait preuve d'une certaine perplexité face à l'efficacité d'une telle mesure : les rapporteurs du texte, François-Noël Buffet et Yves Détraigne, estimaient ainsi que la suppression des peines de moins d'un mois « n'aurait vraisemblablement qu'une incidence limitée dès lors que seulement 9 100 peines d'une durée inférieure ou égale à un mois ont été prononcées en 2017 et seulement un peu plus de 600 d'entre elles faisaient l'objet d'un mandat de dépôt. L'étude d'impact estime sa portée, sur une année, à une diminution de 300 détenus ». Ils émettaient, en outre, une crainte importante, jugeant qu'« une telle disposition pourrait surtout présenter des effets de seuil contre-productifs : afin de contourner cette interdiction, les juridictions de jugement qui souhaitent prononcer une peine courte d'emprisonnement devront fixer un quantum minimal de deux mois, au lieu d'un, au risque d'allonger la durée moyenne d'incarcération »6(*).
Les chiffres obtenus par l'Assemblée nationale tendent à démontrer la justesse de cette analyse, le « seuil » concerné n'ayant été que repoussé vers des peines plus longues du fait des dispositions de la loi du 23 mars 2019 relatives à l'aménagement des peines inférieures à un an (voir infra) : les peines d'emprisonnement d'une durée comprise entre six mois et un an ont, en effet, connu une augmentation significative entre 2019 et 2024, passant de 27 786 à 41 947, tandis que les peines d'emprisonnement comprises entre un et six mois connaissaient sur la même période une baisse de 22 % (de 86 564 en 2019 à 67 702 en 2024).
Le deuxième alinéa de l'article 132-19 du code pénal prévoit qu'une telle peine ne peut être « prononcée qu'en dernier recours, si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et si toute autre sanction est manifestement inadéquate » - en d'autres termes, que l'emprisonnement sans sursis constitue une solution de la dernière chance.
Son troisième alinéa fixe, corrélativement, le régime d'aménagement des peines de prison de ferme : il exige ainsi que soient aménagées les peines inférieures ou égales à six mois, « sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné » et que, pour les peines dont la durée est comprise entre six mois et un an7(*), l'aménagement soit recherché « si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle ».
Le quatrième alinéa de l'article 132-19 précise que doivent faire l'objet d'une motivation spéciale certains jugements par lesquels le tribunal correctionnel prononce une peine d'emprisonnement ferme et décerne, par conséquent, un mandat de dépôt - ce qui correspond, par renvoi à l'article 464-2 du code de procédure pénale :
- aux mandats de dépôt à effet différé, décernés pour un emprisonnement d'au moins six mois ;
- aux mandats de dépôt « simples » pour des peines prononcées à la suite d'une comparution immédiate, pour des peines d'une durée d'au moins un an sans sursis ou pour des peines prononcées à la suite d'une condamnation en cas de récidive légale.
Aux termes du II de l'article 464-2 du code de procédure pénale, la motivation spéciale est plus largement exigée pour toute peine d'emprisonnement supérieure à un an sans sursis.
Motivation spéciale et motivation générale
L'article 132-1 du code pénal pose une obligation générale de motivation des peines : « Dans les limites fixées par la loi, la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l'article 130-1 », soit la sanction du condamné et sa réinsertion.
Cette exigence fait écho à celle dégagée, en 2017, par la Cour de cassation (« en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle » : Cass. crim., 1er février 2017, n°s 15-84.511 et 15-85.199) comme à la consécration par le Conseil constitutionnel de la motivation des peines en tant qu'élément indissociable de leur individualisation (décision n° 2017-694 QPC du 2 mars 2018, Ousmane K. et autres).
L'obligation générale de motivation ne semble toutefois interdire au législateur ni de limiter les motifs de prononcé de certaines peines - comme il l'a fait, par exemple, à l'article 131-30-1 du code pénal pour la peine d'interdiction du territoire français, dont le prononcé était jusqu'à la loi n° 2024-42 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration du 26 janvier 2024 lié à « la gravité de l'infraction et [à] la situation personnelle et familiale de l'étranger » condamné -, ni de mettre en place des critères complémentaires, à l'image de ceux qui existent en l'état du droit pour le prononcé d'une peine d'emprisonnement sans sursis. On évoque dans ce cas une motivation spécifique, ce qui recouvre les hypothèses où la loi impose une motivation fondée sur des critères particuliers, qu'elle énumère.
La motivation spéciale correspond, quant à elle, à une exigence de double motivation. Celle-ci s'effectue non seulement au regard des critères généraux prévus par le code, mais aussi au regard de critères spécifiques - qui, dans certains cas, ne sont pas précisés par les textes, le code pénal se bornant régulièrement à imposer une « décision spécialement motivée » sans préciser la nature des motifs correspondants.
Dans une espèce relative à l'aménagement des peines, la jurisprudence récente de la Cour de cassation (Cass. crim., 28 juin 2022, n° 21-82.981) a connu un important revirement8(*) et posé de nouvelles exigences en cas de motivation spéciale prévue par la loi. Une telle motivation implique ainsi :
- que la juridiction ne peut pas « refuser d'aménager la peine au motif qu'elle ne serait pas en possession d'éléments lui permettant d'apprécier la mesure d'aménagement adaptée » ;
- que, « si le prévenu est comparant », la juridiction est tenue de « l'interroger sur sa situation personnelle » et, si cet interrogatoire ne lui permet pas de se prononcer, d'« ordonner un ajournement de la peine aux fins d'investigations sur sa personnalité ou sa situation » ;
- que, dans le cas inverse, « la juridiction de jugement ne peut refuser d'aménager la peine en se fondant sur [la] seule absence [du prévenu] » : elle doit alors « rechercher, au vu des pièces de la procédure, si le principe d'un aménagement peut être ordonné ».
Source : commission des lois du Sénat
A contrario, ces dispositions dispensent de motivation spéciale les jugements conduisant à un aménagement de la peine.
Selon le rapporteur de l'Assemblée nationale, les évolutions introduites en 2019 à l'article 132-19 du code pénal ont été porteuses de lourds effets pervers (également observés par la Cour des comptes dans le cadre d'une mission menée en 2023 sur la surpopulation carcérale9(*)) : ainsi, « l'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 23 mars 2019 s'est [...] traduite par [...] une augmentation particulièrement significative des peines correctionnelles d'emprisonnement ferme ou en partie ferme de six mois à un an. Ces dernières ont en effet augmenté de 51 % depuis 2019 ». Selon Loïc Kervran, ces chiffres tendent à démontrer « que le tribunal correctionnel, pour échapper au caractère quasi-obligatoire de l'aménagement total de la peine d'une durée inférieure ou égale à six mois, prononcerait davantage de peines supérieures à six mois d'emprisonnement », ce dont atteste l'évolution du nombre de détenus condamnés à une peine d'emprisonnement d'une durée comprise entre un et deux ans, c'est-à-dire juste au-dessus du « seuil » actuel d'aménagement des peines : on en dénombrait, en effet, environ 14 000 au 1er janvier 2025, contre 10 640 en 2020.
En tout état de cause, d'après les statistiques publiées par le ministère de la justice, 41 % des peines d'emprisonnement ont fait l'objet d'un aménagement ou d'une conversion avant toute incarcération en 2023, contre 33 % en 2019, ce qui atteste des nets effets du droit en vigueur depuis la LOPJ du 23 mars 2019.
Source : InfoRapides Justice, n° 17
81 % de ces aménagements ont pris la forme d'une détention à domicile sous surveillance électronique.
Selon la même source, les aménagements sont particulièrement fréquents pour les peines dont la durée est comprise entre trois et six mois : environ 43 % de ces peines sont aménagées à quelque stade que ce soit10(*), contre 33 % des peines de moins de trois mois, 39 % des peines comprises entre six mois et un an et moins de 6 % des peines supérieures à un an.
2. La proposition de loi : étendre le périmètre des peines aménageables en encadrant davantage les critères de l'aménagement
Marginalement modifié en commission et inchangé en séance publique par les députés, l'article 1er vient à la fois étendre le périmètre des peines d'emprisonnement ferme susceptibles d'être aménagées et supprimer plusieurs dispositions de fond et de procédure qui incitent aujourd'hui les magistrats à aménager ces mêmes peines.
Tout d'abord, l'article supprime l'interdiction faite au tribunal correctionnel de prononcer une peine d'emprisonnement ferme d'une durée inférieure ou égale à un mois. Les auteurs du texte justifient cette suppression par le fait que « l'intérêt des courtes peines d'incarcération est aujourd'hui bien étayé. D'abord théoriquement avec des études qui démontrent à la fois l'absence d'effet bénéfique des peines de probation par rapport aux peines d'emprisonnement et des effets positifs des très courtes peines supérieures à ceux des travaux d'intérêt général. Empiriquement certains États européens comme les Pays-Bas ont démontré aussi l'intérêt de l'exécution des courtes peines sur la récidive et la lutte contre la surpopulation carcérale » ; ils estiment par ailleurs que « ces courtes peines ont un caractère bien moins désocialisant que les peines plus longues qui arrivent plus tard dans le parcours délinquant »11(*).
Selon la même philosophie, l'article 1er met ensuite fin au principe selon lequel l'emprisonnement ferme ne peut être prononcé qu'en « dernier recours », en supprimant la phrase correspondante - et déjà citée - de l'article 132-19 du code pénal. De même, il remplace les dispositions actuelles du code qui incitent à l'aménagement des peines d'une durée inférieure ou égale à un an d'emprisonnement12(*) par une faculté laissée au juge d'aménager les peines d'une durée inférieure ou égale à deux ans.
Cette augmentation marque le retour à un régime d'aménagement unifié pour l'ensemble des condamnés, le droit actuel distinguant, sans motif évident, l'aménagement des peines pour les condamnés libres (un an) et pour les condamnés non-libres (deux ans) dans un sens paradoxalement favorable aux seconds.
Enfin, l'article 1er inverse la logique de motivation des décisions sur les peines en prévoyant que la juridiction de jugement devra se prononcer par une motivation spéciale lorsqu'elle décide d'aménager la peine d'emprisonnement, là où le droit en vigueur exige seulement une telle motivation lorsque le tribunal correctionnel décerne un mandat de dépôt. Cette motivation se ferait au regard des critères prévus par l'article 132-25 du code pénal, dont la modification est prévue par l'article 2 du présent texte (voir infra).
3. La position de la commission : garantir l'efficacité de la réponse pénale par un renforcement des marges de manoeuvre données aux magistrats
Les auditions menées par le rapporteur et les contributions écrites qu'il a sollicitées l'ont convaincu de la nécessité, d'une part, de redonner des marges de manoeuvre aux magistrats et, d'autre part, de mettre fin à la confusion des rôles entre la juridiction de jugement (donc le tribunal correctionnel) et le juge de l'application des peines, facteur d'illisibilité pour les condamnés et de moindre efficacité pour la réponse pénale.
Le second point sera plus spécifiquement abordé dans le cadre de l'article 2 de la présente proposition de loi ; l'enjeu de la liberté accordée aux magistrats est, en revanche, au coeur des dispositions de l'article 1er.
La rédaction du code pénal issue de la LOPJ de 2019, outre qu'elle a contribué à l'aggravation de la surpopulation carcérale, s'est en effet traduite par des contraintes fortes pour le juge du fond. La portée de son office a été considérablement amoindrie par la quasi-obligation d'aménager les peines de prison ferme - ce dont témoignent les stratégies de « contournement » déjà évoquées par lesquelles les tribunaux correctionnels ont, dans certains cas, opté pour des peines lourdes dans le seul objectif d'assurer l'incarcération effective du condamné.
Il importe, pour donner tout son sens à la sanction pénale, de revenir sur les évolutions qui ont eu pour objet ou pour effet de restreindre les leviers accordés aux magistrats en charge du prononcé des peines.
Certaines des dispositions adoptées par les députés vont dans le sens de cet objectif.
Tel est le cas, tout d'abord, de l'intégration de toutes les peines d'une durée inférieure ou égale à deux ans dans le périmètre de celles susceptibles d'être aménagées : non seulement cette extension constitue, par nature, un outil favorable à l'individualisation des peines et à la valorisation des missions du juge du fond, mais surtout la rédaction proposée par l'Assemblée nationale a pour avantage de simplifier sensiblement le droit en vigueur, en supprimant tout seuil intermédiaire et en unifiant le régime applicable à l'ensemble des condamnés, qu'ils comparaissent libres ou détenus. Cette modification est conforme aux attentes de la profession : à titre d'illustration, la Conférence nationale des présidents de tribunaux judiciaires, estime que, en matière d'aménagement des peines, « l'empilement des régimes [...] crée des situations peu lisibles et induit des effets de bord dans le choix des peines prononcées : peines plus lourdes pour éviter l'aménagement ab initio, peines moins lourdes pour le permettre », ce qui la conduit à juger qu'« il est nécessaire de revenir à un régime unique laissant la possibilité d'aménager jusqu'à un certain seuil, unifié ».
Il en va de même de la suppression de la mention selon laquelle l'emprisonnement ne peut être décidé « qu'en dernier recours » et « si toute autre sanction est manifestement inadéquate », ces formulations étant susceptibles de limiter le pouvoir d'appréciation des magistrats en ne leur permettant pas de prononcer une peine ferme dans tous les cas où cette sanction leur paraît la plus opportune au regard de l'infraction commise et du profil du condamné.
La même observation s'applique à la suppression de l'interdiction faite au tribunal correctionnel de prononcer des peines d'une durée inférieure à un mois : la remise en cause d'une interdiction, qui n'oblige pas le juge à prononcer certains types de sanctions tout en lui permettant d'y recourir s'il estime qu'elles constituent la solution la mieux adaptée, procède par définition d'une logique de réduction des contraintes qui pèsent sur le juge du fond en matière de prononcé des peines - logique à laquelle la commission ne peut qu'adhérer.
Le rapporteur n'ignore pas que les courtes peines ne constituent pas toujours une solution adaptée et qu'elles peuvent, en particulier, aller à l'encontre de l'objectif de réinsertion des condamnés lorsque ces derniers ont une vie familiale et professionnelle stable qu'une incarcération, même brève, pourrait bouleverser. Il n'est pas davantage indifférent aux conditions matérielles, non atteintes à ce jour, qui permettraient une mise en oeuvre sereine de telles peines à grande échelle : le ministre de la justice rappelait à cet égard, lors de sa récente audition devant la commission des lois, que « les administrations néerlandaise et anglaise reviennent sur ces très courtes peines après les avoir instaurées » et qu'elles « requièrent en effet des établissements spécialisés, que nous n'avons pas »13(*). Pour autant, il ne semble pas judicieux de priver les juges d'un levier qui pourrait, dans certains cas, être utile à la sanction des infractions comme au relèvement moral des personnes condamnées : François-Noël Buffet et Yves Détraigne soulignaient ainsi, dans leur rapport précité sur la LOPJ du 23 mars 2019, que « des condamnations à des peines d'emprisonnement effectives, courtes, intervenant plus tôt dans le parcours des délinquants, peuvent être efficaces, si elles sont exécutées dans des établissements présentant un degré moindre de sécurisation et donc de coût » : ce constat demeure d'actualité. De la même manière, les débats récents du Sénat sur la loi n° 2025-568 du 23 juin 2025 visant à renforcer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents ont montré qu'un « choc carcéral », conjugué à un suivi étroit qui ne paraît possible qu'en milieu fermé, pouvait être bénéfique aux mineurs délinquants14(*) : le rapporteur estime qu'une telle formule pourrait également présenter des avantages réels pour d'autres profils, et notamment pour certains jeunes majeurs.
La commission a, par conséquent, adhéré aux dispositions correspondantes et les a adoptées sans modification.
À l'inverse, la commission a constaté que certaines des dispositions de l'article 1er allaient à l'encontre des objectifs qu'elle souhaitait poursuivre et posaient des difficultés juridiques réelles : il s'agit de celles qui inversent la logique entre l'aménagement de la peine d'emprisonnement et son exécution effective, sans pour autant en remettre en cause les fondements.
En effet, la LOPJ du 23 mars 2019 est - légitimement - critiquée en raison des excès de rigidité qu'elle a générés dans le quotidien des magistrats. Or, en entourant le prononcé de mesures d'aménagement d'une procédure lourde, complexe et peu lisible, la proposition de loi ne met pas fin à ces excès : tout au contraire, elle se borne à les répliquer en inversant leur portée.
L'article 1er prévoit en effet d'obliger les tribunaux correctionnels à assortir leur décision d'une motivation spéciale s'ils font le choix d'aménager une peine de prison ferme. Cette solution n'est pas de nature à faciliter l'exercice de leurs missions par les juges du fond, de telles motivations étant largement décriées au vu des risques qu'elles produisent sur le plan de la procédure. Dès 2015, le rapport établi par la commission présidée par le haut magistrat Bruno Cotte alertait ainsi la ministre de la justice sur les difficultés liées à « l'exigence de motivation spéciale des peines d'emprisonnement, dont la méconnaissance demeure la cause de trop nombreuses cassations »15(*). Ces difficultés n'ont fait qu'augmenter depuis lors : selon les auditions menées par le rapporteur, elles ont atteint leur paroxysme avec l'arrêt, déjà cité, de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 28 juin 2021 (voir supra) qui, en pratique, impose aux juges de chercher eux-mêmes les fondements de la motivation spéciale, revenant sur le principe selon lequel il appartient au condamné de s'en justifier, rendant une telle motivation particulièrement contraignante. Cette évolution prouve combien les exigences du législateur, lorsqu'elles sont déconnectées de la pratique quotidienne du « terrain », peuvent devenir un carcan qui entrave la liberté d'action des juridictions et qui, plus encore, fait obstacle à l'individualisation des peines.
Or, la proposition de loi ne revient pas stricto sensu sur cette logique : elle la renverse sans la corriger, ce qui pose de toute évidence des difficultés juridiques et pratiques.
Sur le plan juridique, tout d'abord, la motivation spéciale dont l'article 1er envisage la mise en place en cas d'aménagement des peines soulève deux problèmes majeurs.
Le premier concerne le caractère vraisemblablement superfétatoire d'une motivation spéciale en l'espèce. La motivation, fût-ce dans le silence de la loi, est en effet une exigence générale du droit pénal, rappelée sans ambiguïté par la Cour de cassation : la motivation, principale garante de la proportionnalité de la sanction au regard de la gravité des faits16(*), est plus largement considérée, depuis 2017, comme découlant d'une obligation générale en matière délictuelle. La chambre criminelle a ainsi rappelé que « toute peine [devait] être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle »17(*), sans qu'il soit possible aux juridictions de déroger à ce principe, y compris dans le silence de la loi.
Au surplus, le troisième alinéa de l'article 132-1 du code pénal, déjà cité, emporte une obligation générale de motivation qui s'applique à tout le « régime des peines », donc à l'ensemble des sanctions prévues par le code.
Dès lors, en prévoyant que l'aménagement fera l'objet d'une motivation spéciale « au regard des faits de l'espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale », la proposition de loi est doublement imparfaite : s'agissant de la procédure, elle ajoute une contrainte formelle dont l'utilité n'est pas démontrée mais qui est de nature à donner lieu à des contestations, voire à des cassations ; sur le fond, elle n'apporte rien aux motifs qui devront guider la décision du tribunal correctionnel.
Le second problème a trait à la compatibilité entre, d'une part, un système favorisant l'incarcération au détriment de l'aménagement des peines et, d'autre part, les tendances observées dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Des interrogations pourraient en effet naître quant à la portée des décisions récentes du Conseil s'agissant de la proportionnalité et de la motivation des sanctions pénales, notamment au vu de la consécration de la valeur constitutionnelle de cette motivation en tant qu'elle participe à l'individualisation des peines et contribue à « exclure l'arbitraire » 18(*) autant qu'à éviter toute « rigueur non nécessaire »19(*) en matière pénale, conformément à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 178920(*).
Ces deux éléments rendent juridiquement inutile, voire périlleux, le dispositif porté par l'article 1er.
La seconde difficulté est d'ordre pratique et tient à la difficile conciliation d'un surcroît d'incarcération avec la réalité du taux d'occupation des établissements pénitentiaires. Selon les chiffres transmis au rapporteur par le ministère de la justice, au 1er mai 2025, 83 681 personnes étaient détenues (contre 77 647 au 1er mai 2024), ce qui représente pour les maisons d'arrêt un taux d'occupation de plus de 163 %.
Par ailleurs, et comme en attestent les données communiquées par le ministère de la justice, l'augmentation de la population carcérale tient davantage à la hausse des quanta prononcés qu'à celle des condamnations elles-mêmes (qui ont d'ailleurs diminué, les condamnations prononcées par les tribunaux correctionnels étant passées de 138 000 en 2019 à 130 000 en 2024) : cet état de fait ne fait que corroborer l'idée selon laquelle la LOPJ du 23 mars 2019 a eu des effets de bord non-maîtrisés et contraires à l'objectif poursuivi.
Le contexte de surpopulation carcérale ne permet pas d'envisager, de manière isolée, une restriction des aménagements de peine aussi drastique que celle qu'engendrerait probablement l'article 1er. Pour que de telles orientations soient envisageables, il conviendrait au préalable, et a minima, que l'administration pénitentiaire se dote des moyens matériels, bâtimentaires et humains propres à assurer une gestion sereine des détenus dans leur ensemble, qu'ils soient condamnés ou prévenus ; elles supposeraient par ailleurs une articulation étroite avec les mesures de milieu ouvert, étant rappelé que des États généraux de l'insertion et de la probation (dont les objectifs affichés sont la lutte contre la surpopulation carcérale et la prévention de la récidive) ont été récemment lancés par le ministre de la justice.
Dès lors, et plutôt que de substituer une contrainte à une autre, la commission a fait le choix de privilégier une logique de liberté, au bénéfice des magistrats, afin de permettre à ces derniers de conserver toutes les marges requises pour procéder à individualisation effective des peines. Ce faisant, elle a également fait le choix du pragmatisme, la surpopulation carcérale ne pouvant pas être ignorée sous peine de voir la loi future aggraver la situation, déjà dramatique, dans laquelle se trouvent aujourd'hui nos prisons.
C'est ainsi que la commission a adopté un amendement (COM-1) du rapporteur simplifiant la motivation des décisions tendant à l'aménagement des peines ab initio par le tribunal correctionnel afin d'écarter toute exigence de motivation « spéciale », une motivation simple se trouvant ainsi prévue pour les décisions de mise à exécution de l'incarcération comme pour les éventuels aménagements décidés par le tribunal dès le prononcé de la sanction. Cette évolution permettra au juge du fond de recouvrer l'autonomie indissociable de son office et de choisir, en conscience et au vu des seuls éléments du dossier, la sanction la mieux adaptée.
La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.
Article 2
Conditionnement des mesures
d'aménagement de peine aux garanties de réinsertion du
condamné
L'article 2 conditionne les mesures d'aménagement de peine aux garanties de réinsertion que présente le condamné, rétablissant ainsi le droit antérieur à la loi du 23 mars 2019. Leur mise en oeuvre serait à nouveau subordonnée aux cas où le condamné justifie de l'exercice d'une activité professionnelle, d'une formation ou d'une recherche active d'emploi, d'une « participation essentielle à la vie de sa famille », de la nécessité de suivre un traitement médical, ou « de l'existence d'efforts sérieux de réadaptation sociale résultant de son implication durable dans tout autre projet caractérisé d'insertion ou de réinsertion de nature à prévenir les risques de récidive ».
La commission a adopté cet article en maintenant, à l'initiative du rapporteur, la possibilité - prévue par le droit en vigueur - d'appliquer un placement en détention exécutoire par provision sur décision du tribunal judiciaire, le juge de l'application des peines conservant la faculté de se prononcer sur un aménagement de la peine dans un délai de cinq jours à compter de la condamnation si le profil du condamné le permet.
1. Les conditions actuelles d'aménagement des peines
Largement réécrit par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (LOPJ), l'article 132-25 du code pénal fixe les critères d'aménagement des peines d'emprisonnement ferme.
Avant l'intervention de cette loi, l'article 132-25, alors relatif à la semi-liberté et au placement à l'extérieur - mais répliqué par des dispositions en « miroir » en matière de détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE), prévues par l'article 132-26-1 (ce dernier ayant été abrogé par la LOPJ) -, précisait que de tels aménagements étaient possibles pour toute peine d'emprisonnement ferme inférieure ou égale à deux ans (ou un an en cas de récidive légale), dès lors que le condamné satisfaisait à certains critères tenant, notamment, à son insertion professionnelle, sociale ou familiale, à son état de santé ou à ses facultés de réadaptation.
Rédaction de l'article 132-25 du code pénal antérieure à l'entrée en vigueur de la LOPJ du 23 mars 2019
« Lorsque la juridiction de jugement prononce une peine égale ou inférieure à deux ans d'emprisonnement, ou, pour une personne en état de récidive légale, une peine égale ou inférieure à un an, elle peut décider que cette peine sera exécutée en tout ou partie sous le régime de la semi-liberté à l'égard du condamné qui justifie :
« 1° Soit de l'exercice d'une activité professionnelle, même temporaire, du suivi d'un stage ou de son assiduité à un enseignement, à une formation professionnelle ou à la recherche d'un emploi ;
« 2° Soit de sa participation essentielle à la vie de sa famille ;
« 3° Soit de la nécessité de suivre un traitement médical ;
« 4° Soit de l'existence d'efforts sérieux de réadaptation sociale résultant de son implication durable dans tout autre projet caractérisé d'insertion ou de réinsertion de nature à prévenir les risques de récidive.
« Ces dispositions sont également applicables en cas de prononcé d'un emprisonnement partiellement assorti du sursis ou du sursis avec mise à l'épreuve, lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à deux ans, ou, si la personne est en état de récidive légale, inférieure ou égale à un an.
« Dans les cas prévus aux alinéas précédents, la juridiction peut également décider que la peine d'emprisonnement sera exécutée sous le régime du placement à l'extérieur. »
La rédaction qui s'est substituée à ces dispositions sous l'effet de la LOPJ du 23 mars 2019, commune à l'ensemble des modalités d'aménagement des peines d'emprisonnement ferme, a notamment supprimé la condition selon laquelle seuls pouvaient bénéficier d'un aménagement de peine les condamnés présentant des garanties de réinsertion ou faisant la preuve d'efforts sérieux de réadaptation sociale : la loi ne permet donc plus aux magistrats compétents de tenir compte de ces éléments - comme l'a rappelé la chambre criminelle, tirant toutes les conséquences de l'intervention du législateur, en 202121(*).
Le code prévoit désormais, par coordination avec l'article 132-19 (modifié par l'article 1er du présent texte22(*)), que :
- les peines fermes d'une durée inférieure ou égale à six mois doivent, « sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné », être exécutées sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique, de la semi-liberté ou du placement à l'extérieur (premier alinéa) ;
- les peines fermes d'une durée comprise entre six mois et un an doivent faire l'objet des mêmes aménagements, « si la personnalité et la situation du condamné le permettent » (deuxième alinéa) ;
- qu'à l'inverse, le placement ou le maintien en détention peut être ordonné par la juridiction de jugement dès lors que celle-ci assortit sa décision de l'exécution provisoire : il appartient alors au juge de l'application des peines de fixer « les modalités d'exécution de la mesure » dans un délai de cinq jours ouvrables, « dans les conditions prévues à l'article 723-7-1 du [code de procédure pénale] » - ce qui permet en pratique à ce magistrat d'ordonner l'aménagement de la peine23(*).
2. La proposition de loi : un retour au régime en vigueur avant l'intervention de la LOPJ du 23 mars 2019
L'article 2 de la proposition de loi, qui n'a été modifié sur le fond par l'Assemblée nationale que marginalement (renvoi au suivi, par le condamné, d'une « formation » sans précision particulière et exclusion du suivi d'un « enseignement »), viendrait rétablir des dispositions qui étaient en application avant l'entrée en vigueur de la LOPJ du 23 mars 2019 précitée. L'aménagement serait ainsi possible pour toutes les peines fermes d'une durée inférieure ou égale à deux ans (y compris pour les peines assorties d'un sursis dont la durée ferme est inférieure ou égale à ce plafond) dès lors que le condamné justifie de l'un des critères suivants :
- l'exercice d'une activité professionnelle, même temporaire, le suivi d'un stage ou son assiduité à une formation ou à la recherche d'un emploi ;
- sa « participation essentielle » à la vie de sa famille ;
- la nécessité de suivre un traitement médical ;
- l'existence « d'efforts sérieux de réadaptation sociale résultant de son implication durable dans tout autre projet caractérisé d'insertion ou de réinsertion de nature à prévenir les risques de récidive ».
En application de l'article 132-19 du code pénal tel qu'il serait réécrit par l'article 1er de la présente proposition de loi, ces critères fonderaient la motivation spéciale exigée du tribunal correctionnel en cas de décision tendant à l'aménagement d'une peine d'emprisonnement ferme - ce qui constituerait, contrairement aux critères eux-mêmes, une innovation par rapport au droit ex ante.
Cette réécriture aurait pour effet de
supprimer la possibilité, actuellement prévue
par le dernier alinéa de l'article 464-2 du code de procédure
pénale, de placer le condamné en détention dans
l'attente de sa convocation par le juge de l'application des peines
sous cinq jours pour déterminer les modalités d'exécution
de la peine. Or, selon l'association nationale des juges de l'application des
peines, cette procédure permet notamment, face à des
condamnés bien insérés dans la
société (donc présentant des garanties de
réadaptation) et ayant commis une première infraction
grave, de ménager une forme de « choc
carcéral » dans le délai qui sépare le
prononcé de la peine par le tribunal correctionnel de son
aménagement par le JAP. Remis en cause par l'arrêt de la
Cour de cassation du 11 mai 202124(*), ce dispositif a été récemment
réécrit par la loi n° 2023-1059
du 20 novembre 2023
d'orientation et de programmation du ministère de la justice
2023-2027 ; cette initiative répondait visiblement à
une demande forte des magistrats au vu du consensus quant à
l'utilité d'une exécution provisoire des peines de prison
ferme25(*).
3. La position de la commission : compléter le dispositif pour donner sa juste place au juge de l'application des peines
La commission a adhéré au rétablissement des dispositions antérieurement en vigueur de l'article 132-25 qui, comme l'a résumé auprès du rapporteur la Conférence nationale des présidents de tribunaux judiciaires, constituent aux yeux des praticiens un « régime [...] qui a fait ses preuves ».
Elle a relevé que le retour au droit ex ante permettait de revenir à une situation juridique dans laquelle l'aménagement ab initio des peines fermes est une simple faculté laissée au tribunal correctionnel : elle a estimé ce choix conforme à sa position tendant à accorder davantage de latitudes aux magistrats en charge du prononcé et de l'exécution des peines comme à la nécessité, mise en avant par la plupart des personnes sollicitées par le rapporteur, de redonner leur juste place aux juges de l'application des peines et à leurs compétences particulières en matière de réinsertion, a fortiori dans un contexte où les critères d'aménagement des peines recoupent partiellement ceux de leur prononcé et où, par conséquent, la plus grande distinction de l'office du tribunal correctionnel et de celui du JAP est de nature à permettre davantage de sérénité dans le choix de la sanction la plus pertinente au vu de l'infraction commise et du profil du condamné.
La commission a toutefois estimé nécessaire de ménager la possibilité pour le juge de l'application des peines de préciser les modalités d'exécution de la peine lorsque les éléments dont dispose le tribunal correctionnel ne sont pas suffisants pour que ce dernier se prononce ab initio : elle a, dans cet objectif, adopté un amendement (COM-2) du rapporteur qui maintient la faculté donnée au tribunal correctionnel de décider du placement provisoire en détention du condamné, dans l'attente d'un éventuel aménagement.
La commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.
Article 3
Mise en cohérence de certaines
dispositions du code de procédure pénale
L'article 3 modifie, par cohérence avec les articles 1er et 2 du présent texte, l'article 464-2 du code de procédure pénale.
La commission a adopté cet article, modifié par des amendements de cohérence avec les choix opérés aux articles 1er et 2 afin, d'une part, de valoriser le rôle spécifique du juge de l'application des peines et, d'autre part, de redonner des marges de manoeuvre au juge du fond en matière d'aménagement des peines.
1. La procédure applicable en matière d'aménagement des peines d'emprisonnement ferme
L'aménagement des peines d'emprisonnement ferme peut, sur le plan de procédure, prendre deux formes distinctes : il peut être décidé soit par la juridiction de jugement, soit par le juge de l'application des peines (JAP).
La première de ces formes correspond à ce qu'il est convenu d'appeler un « aménagement des peines ab initio ». Créé par la loi n° 2004-204 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité du 9 mars 2004, un tel aménagement avait pour objectif d'éviter les incarcérations susceptibles de causer une perte d'emploi ou de logement, ou encore une rupture familiale.
Son périmètre a été étendu par la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, qui a élevé le seuil des peines susceptibles d'être aménagées ab initio d'un an à deux ans d'emprisonnement ferme (un an en cas de récidive légale), puis par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice qui a fondé le dispositif actuellement en vigueur, codifié à l'article 464-2 du code de procédure pénale.
Selon le ministère de la justice26(*), les aménagements de peines ab initio représentaient 57 % des peines aménagées ou converties en 2023, ce qui marque une très nette croissance par rapport aux pratiques observées avant l'entrée en vigueur de la LOPJ du 23 mars 2019 (8 % en 2019).
L'article 464-2 détaille les conditions dans lesquelles le tribunal correctionnel doit se prononcer sur l'exécution des peines d'emprisonnement ferme, et donc sur leur éventuel aménagement, dès la condamnation. À cette fin, et en cohérence avec les articles 132-19 et 132-25 du code pénal (respectivement modifiés par les articles 1er et 2 du présent texte), il prévoit que lorsque la durée totale de l'emprisonnement ferme prononcé est inférieure ou égale à un an, il appartient au tribunal correctionnel de retenir l'une des options suivantes :
- l'exécution de l'emprisonnement sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique, de la semi-liberté ou du placement à l'extérieur, « selon des modalités déterminées par le juge de l'application des peines » auquel le dossier du condamné est renvoyé à l'issue du jugement (1°) : le renvoi à de simples « modalités » implique que le JAP ne soit pas compétent pour déterminer la nature de l'aménagement et se borne à se prononcer sur sa mise en oeuvre matérielle (fixation des horaires de sortie en cas de semi-liberté, par exemple) ;
- une convocation ultérieure du condamné devant le JAP et le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) lorsque le tribunal correctionnel « ne dispose pas des éléments lui permettant de déterminer la mesure d'aménagement adaptée », en vue du prononcé par le JAP d'une mesure d'aménagement, d'une libération conventionnelle ou d'une conversion, d'un fractionnement ou d'une suspension de la peine (2°) ;
- pour les peines d'au moins six mois, le décernement d'un mandat de dépôt à effet différé, le condamné étant convoqué dans un délai maximal d'un mois devant le procureur de la République afin que celui-ci fixe la date de son incarcération (3°)27(*) ;
- pour les peines prononcées à la suite d'une comparution immédiate, les peines d'une durée d'au moins un an sans sursis et les peines prononcées à la suite d'une condamnation en cas de récidive légale, le décernement d'un mandat de dépôt ou d'arrêt à effet immédiat (4°).
Une motivation spéciale est exigée par le code de procédure pénale dans les hypothèses prévues aux 3° et 4°, donc en cas d'incarcération immédiate ou différée. Libellée en des termes particulièrement contraignants, cette motivation doit être effectuée « au regard des faits de l'espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, afin de justifier les raisons pour lesquelles il estime devoir prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis et celles pour lesquelles il considère que cette peine ne peut être aménagée »28(*).
Le même article prévoit en son II, plus largement, que lorsque la durée totale de l'emprisonnement ferme prononcé est supérieure à un an et que la peine ne comporte pas de sursis, le tribunal correctionnel doit spécialement motiver sa décision, selon une formule plus légère que celle précédemment exposée : cette motivation s'opère ainsi « au regard des faits de l'espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, afin de justifier les raisons pour lesquelles [le tribunal] estime devoir prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis ».
Lors de leurs travaux sur la loi du 23 mars 2019 précitée, les rapporteurs du Sénat, François-Noël Buffet et Yves Détraigne, avaient adhéré à cette évolution ; ils avaient toutefois relevé que les difficultés rencontrées en matière d'aménagement des peines tenaient, davantage qu'à la répartition des prérogatives entre le tribunal correctionnel et le juge de l'application des peines, à plusieurs facteurs matériels et organisationnels : « l'absence d'information des juridictions de jugement sur la situation du prévenu (situation matérielle, familiale, etc.), le budget insuffisant consacré aux enquêtes pré-sentencielles, les délais excessivement courts entre le renvoi et l'audience, la surcharge de travail des juridictions de jugement, la technicité du droit de l'application des peines souvent mal maîtrisée par les juges siégeant dans les formations de jugement, le sentiment que ce travail relève du juge de l'application des peines et non du tribunal correctionnel... ». Ils avaient, plus encore, regretté que l'aménagement systématique soit fondé sur « une approche de gestion des flux d'incarcération visant à résorber la surpopulation carcérale au lieu d'essayer de donner un sens à la peine : la quasi-automaticité de certaines modalités d'exécution de la peine n'est de nature ni à renforcer l'efficacité des peines ni leur sens »29(*).
2. Une mise en cohérence du code de procédure pénale avec les évolutions prévues, au sein du code pénal, par les articles 1er et 2
Supprimé en commission puis réintroduit, dans une rédaction remaniée, en séance publique à l'Assemblée nationale, l'article 3 apporte, par cohérence avec les articles 1er et 2 du présent texte, trois modifications à l'article 464-2 du code de procédure pénale.
Il vise, en premier lieu, à porter à deux ans (contre un an en l'état du droit) le seuil en deçà duquel des mesures d'aménagement peuvent être décidées.
Il supprime, ensuite, l'interdiction faite au tribunal correctionnel de décerner un mandat de dépôt différé pour les peines d'emprisonnement inférieures à six mois - ce qui revient à généraliser la possibilité de décerner de tels mandats -, ce que le rapporteur Loïc Kervran présente comme une mesure de cohérence avec le rétablissement de peines inférieures à un mois, pour lesquelles un mandat de dépôt différé pourrait s'avérer opportun.
Il vient, en troisième lieu, modifier les règles relatives à la motivation spéciale des décisions. Celle-ci serait désormais :
- facultative pour les décisions prises en application des 3° et 4° du I (mandat de dépôt à effet différé et mandat de dépôt ou d'arrêt décerné pour certaines peines, énumérées ci-dessus), cas dans lesquels la motivation serait par ailleurs allégée puisque le texte supprime l'exigence tendant à ce que le tribunal correctionnel justifie « les raisons pour lesquelles il estime devoir prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis et celles pour lesquelles il considère que cette peine ne peut être aménagée ». Cette formule est surprenante au plan juridique, la motivation spéciale facultative étant sans exemple en procédure pénale ;
- supprimée dans les autres cas, c'est-à-dire ceux dans lesquels la peine prononcée est supérieure à un an et ne comporte pas de sursis (II du même article 464-2). De telles peines seront donc soumises au régime de droit commun de l'article 132-1 du code pénal, qui prévoit pour mémoire une motivation simple fondée sur la gravité des faits commis, la personnalité de leur auteur et sa situation matérielle, familiale et sociale.
3. La position de la commission : valoriser le rôle des juges de l'application des peines et renforcer la liberté d'appréciation du juge du fond
Fidèle à la position qu'elle a adoptée sur les articles 1er et 2, la commission a adopté, outre des modifications rédactionnelles (amendements COM-3 et COM-6 du rapporteur), deux amendements du rapporteur.
Tout d'abord, elle a souhaité favoriser une meilleure répartition des missions entre le tribunal correctionnel et le juge de l'application des peines en prévoyant que le juge du fond pourra s'abstenir de se prononcer sur l'aménagement de la peine - cette compétence étant alors renvoyée au JAP et au service pénitentiaire d'insertion et de probation - dès lors qu'il ne dispose pas des éléments sur lesquels se fondent les critères visés par le code pénal ainsi qu'en cas non-comparution du prévenu.
La commission a, par ailleurs, observé que la quasi-obligation d'aménager les peines ab initio posait des difficultés réelles, mises en avant par de nombreuses entités sollicitées par le rapporteur : plusieurs d'entre elles ont ainsi relevé que l'aménagement des peines ab initio pouvait porter préjudice à une pleine individualisation des peines, faute d'une connaissance suffisante de la situation du condamné. La Conférence nationale des procureurs de la République a ainsi souligné que « le temps de l'audience est rarement suffisant pour examiner en détail la situation personnelle et professionnelle d'un condamné - lequel d'ailleurs ne fournit pas nécessairement les justificatifs de sa propre situation », si bien qu'« obliger le tribunal à aménager la peine ab initio revient dans un certain nombre de bas à l'obliger à aménager en méconnaissance de cause ».
Ce constat est partagé par le Conseil national des barreaux (CNB), qui relève que l'aménagement ab initio se traduit trop systématiquement par un recours à la détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE), cette formule n'étant pas la plus opportune pour tous les condamnés, témoignant d'une forme d'effet d'éviction au détriment des autres formes d'aménagement. Le CNB rappelle à titre d'illustration que, « si le placement extérieur est une modalité d'exécution de la peine particulièrement adaptée à certains profils ou publics, l'admission des condamnés implique une préparation que le prononcé de cette mesure ab initio ne permet pas (alors qu'elle pourrait l'être dans le cadre d'un renvoi devant le juge de l'application des peines sur convocation) »30(*).
La commission a dès lors souhaité, par l'amendement COM-4, favoriser une meilleure répartition des missions entre le tribunal correctionnel et le juge de l'application des peines en prévoyant que le juge du fond pourra s'abstenir de se prononcer sur l'aménagement de la peine - cette compétence étant alors renvoyée au JAP et au service pénitentiaire d'insertion et de probation - dès lors qu'il ne dispose pas des éléments sur lesquels se fondent les critères visés par le code pénal ainsi qu'en cas non-comparution du prévenu.
La commission a par ailleurs supprimé la motivation spéciale facultative introduite par la proposition de loi, la spécialité et le caractère facultatif apparaissant en tout état de cause porteurs d'une contradiction interne. Elle y a substitué, en pleine cohérence avec les choix opérés à l'article 1er, une motivation simple par référence aux faits de l'espèce, à la personnalité de leur auteur et aux critères fixés par l'article 132-25 du code pénal, tel que réécrit par l'article 2 du présent texte (amendement COM-5 du rapporteur).
La commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.
Article 4 (Supprimé)
Adaptation du régime
de fractionnement des peines d'emprisonnement
L'article 4, introduit par la commission des lois de l'Assemblée nationale, tend à permettre le fractionnement des peines de prison inférieures ou égales à deux ans, y compris en cas de récidive légale
La commission a supprimé cet article estimant nécessaire une réflexion plus large sur le fractionnement des peines.
1. Un dispositif peu utilisé
L'article 4 tend à modifier l'article 132-27 du code pénal afin de permettre le fractionnement de toutes les peines de prison inférieures ou égales à deux ans. Il supprime l'exception actuellement prévue pour les cas de récidive légale. Dans ces cas, en effet, le fractionnement n'est actuellement possible que pour les peines de prison inférieures ou égales à un an.
Dispositif ancien destiné à permettre la prise en compte des situations médicales, familiales, professionnelles ou sociales, le fractionnement ne peut conduire à exécuter des peines inférieures à deux jours ni à étaler la peine sur plus de quatre ans.
Il résulte cependant des auditions du rapporteur que ce dispositif est désormais peu utilisé, d'autres dispositifs étant privilégiés par les magistrats, notamment pour la prise en compte des situations médicales. Les personnes auditionnées par le rapporteur n'ont ainsi par été en mesure d'évaluer l'impact de la mesure proposée par l'article 4.
2. La nécessité d'une réflexion plus large
Au regard de sa relative désuétude, il apparaît à la commission nécessaire d'engager une réflexion sur ce dispositif, dont l'insertion parmi l'ensemble des mesures relatives à l'exécution des peines doit à nouveau être examinée.
La commission estime par ailleurs que la situation de récidive légale ne peut être simplement assimilée à une première infraction ou même à une réitération. La distinction posée par l'article 132-27 du code pénal paraît donc justifiée et mérite, elle aussi, un examen plus approfondi.
3. La position de la commission : engager une réflexion sur la place du fractionnement parmi les modalités d'exécution des peines
Au regard des interrogations posées par le dispositif du fractionnement des peines et sur l'opportunité d'un alignement des cas de récidive légale sur le droit commun, la commission a, à l'initiative du rapporteur, adopté un amendement de suppression de cet article (amendement COM-7).
La commission a supprimé l'article 4.
Article 5
Adaptation aux fins de coordination de diverses
dispositions du code de procédure pénale
L'article 5, issu de quatre amendements du rapporteur adoptés par la commission des lois de l'Assemblée nationale, a été complété par un amendement du rapporteur en séance publique. Il tend à supprimer le dispositif de libération sous contrainte de plein droit et à effectuer plusieurs coordinations au sein du code de procédure pénale.
La commission a adopté cet article sans modification.
1. Des coordinations d'importances diverses
L'article 5 procède à quatre coordinations ponctuelles au sein du code de procédure pénale.
Trois sont de simples conséquences des dispositions prévues par les articles 1er et 2 de la proposition de loi.
L'article 5 supprime tout d'abord au sein de l'article 465 du code de procédure pénale le seuil d'un an d'emprisonnement ferme pour décerner un mandat d'arrêt ou de dépôt. Le mandat pourra donc être délivré quel que soit le quantum de la peine, en cohérence avec le rétablissement des courtes peines d'emprisonnement ferme instauré par l'article 1er de la proposition de loi
Il rehausse ensuite, à l'article 474 du même code, le seuil d'un an à deux ans d'emprisonnement ferme. Ainsi le tribunal correctionnel qui prononce une mesure d'aménagement d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à deux ans devra saisir le juge de l'application des peines.
Enfin il met en cohérence les dispositions de l'article 723-15 relatives à la procédure d'aménagement de peine des personnes condamnées libres par le juge de l'application des peines avec les articles 1er et 2 de la proposition de loi. Il rehausse d'un an à deux ans le seuil prévu pour l'aménagement des peines et supprime l'obligation de principe de prononcer un tel aménagement pour en faire une simple faculté.
La modification proposée de l'article 720 au code de procédure pénale découle moins directement des dispositions antérieures de la proposition de loi et devrait avoir un impact immédiat très important.
En effet l'article 5 abroge la libération sous contrainte de plein droit prévue aux II, III et IV de l'article 720. Ce mécanisme, qui s'applique, sauf exception, à tout reliquat de trois mois d'une peine de prison ferme égale ou inférieure à deux ans, est jugé par le rapporteur de l'Assemblée nationale « contradictoire avec la possibilité de prononcer des peines d'emprisonnement ferme inférieures ou égales à un mois prévue à l'article 1er de la présente proposition de loi. »
2. Un dispositif de libération sous contrainte de plein droit très contesté
Dans son rapport d'octobre 2023, Une surpopulation carcérale persistante, une politique d'exécution des peines en question, la Cour des comptes dresse un bilan en demi-teinte de la libération sous contrainte de plein droit mise en place par la loi du 23 mars 2019 de programmation pour la justice. Elle pointe notamment le peu d'éléments disponibles sur l'impact de cette mesure ainsi que le manque de lisibilité qu'elle entraine en matière d'aménagement des peines.
Surtout, tant le rapport de la Cour des comptes que de multiples rapports du Sénat ont souligné la désorganisation des greffes pénitentiaires et de l'incarcération liée à la mise en oeuvre de cette mesure particulièrement chronophage et peu discriminante. En pratique, le seul élément pris en compte pour l'octroi de cette mesure est l'existence ou non d'un logement.
Paradoxalement, cette mesure uniforme, sauf pour les infractions les plus graves, destinée à faire baisser la population carcérale, conduit à rendre plus difficilement applicables les dispositifs de sortie adaptés au parcours du détenu et à sa volonté de réinsertion, notamment les structures d'accompagnement à la sortie.
3. La position de la commission : des mesures cohérentes et utiles
La commission partage la volonté de supprimer le mécanisme de libération sous contrainte de plein droit. Elle estime par ailleurs cohérentes les coordinations proposées.
Elle a donc adopté cet article sans modification.
La commission a adopté l'article 5 sans modification.
Article 6 (Supprimé)
Rapport concernant l'impact
de cette proposition de loi sur la récidive et sur la surpopulation
carcérale
L'article 6, est issu d'un amendement du groupe La France insoumise - Nouveau Front Populaire, sous-amendé par le rapporteur, adopté en séance publique à l'Assemblée nationale, tend à ce que le Gouvernement remette dans les vingt-quatre mois un rapport concernant l'impact de cette proposition de loi sur la récidive et sur la surpopulation carcérale.
La commission a supprimé cet article.
La commission déplore l'absence d'étude d'impact des dispositions de la proposition de loi et estime nécessaire le dépôt d'un projet de loi permettant la remise à plat de la question des peines et de leur exécution.
Dans cette attente, elle considère qu'une demande de rapport à transmettre au Parlement dans deux ans ne permettra pas de guider les politiques publiques en la matière.
Fidèle à sa position constante, la commission a donc supprimé cet article (amendement COM-8 du rapporteur).
La commission a supprimé l'article 6.
EXAMEN EN COMMISSION
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous examinons le rapport de Stéphane Le Rudulier sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à faire exécuter les peines d'emprisonnement ferme. Je remercie notre rapporteur pour la célérité de son travail : notre commission a été saisie tardivement et il n'a eu que quelques jours pour étudier ce texte.
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - La proposition de loi visant à faire exécuter les peines d'emprisonnement ferme, déposée par Loïc Kervran, a été adoptée par les députés le 3 avril dernier. Elle vise principalement à corriger ce qui apparaît aujourd'hui comme des effets indésirables de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
Cette dernière a créé un dispositif d'aménagement des peines d'emprisonnement ferme, communément appelé « bloc peine », qui tend à limiter l'incarcération en interdisant les peines de prison ferme de moins d'un mois, en prévoyant que les peines dont la durée est comprise entre un et six mois s'exécutent, par principe, en dehors de la prison, et en aménageant systématiquement les peines de prison de six mois à un an.
Or, on ne peut que constater que cette loi a eu des effets contraires à l'intention du législateur.
Tout d'abord, la surpopulation carcérale n'a cessé de croître. On comptait en effet, au 1er mai 2025, plus de 83 000 détenus, pour environ 62 500 places et plus de 5 200 matelas au sol, soit une augmentation de presque 8 % en un an. Cette situation s'explique par le fait que les juges ont prononcé des peines de prison plus élevées pour garantir l'incarcération : entre 2019 et 2024, le nombre de peines d'emprisonnement d'une durée comprise entre six mois et un an a augmenté de 51 %, tandis que le nombre des peines d'emprisonnement courtes, d'une durée comprise entre un et six mois, baissait sur la même période de 22 %.
En outre, les peines de prison ferme n'ont pas été exécutées dans de bonnes conditions, notamment en raison de la surpopulation carcérale, laquelle atteint des niveaux inédits, mais aussi en raison des aménagements de peine dits ab initio, décidés dès le prononcé de la sentence par le tribunal correctionnel. La loi du 23 mars 2019 et certains arrêts de la Cour de cassation ont rendu de tels aménagements presque obligatoires en pratique, alors même que les juges du fond n'ont pas forcément les éléments requis pour décider des modalités d'exécution de la peine, faute de connaître avec suffisamment de précision la situation personnelle, professionnelle et matérielle du condamné.
Cette situation ne permet pas une bonne individualisation des peines. L'objectif de prévention de la récidive ne peut pas non plus être atteint, car un nombre important d'aménagements de peine prennent la forme d'une détention à domicile sous surveillance électronique : ce procédé représente aujourd'hui 81 % des aménagements, alors même qu'il n'est pas adapté à tous les profils de délinquants. On ne peut, plus largement, que déplorer l'absence de suivi qualitatif des condamnés.
La proposition de loi vise à inverser la logique en privilégiant l'incarcération face à l'aménagement des peines et en supprimant le recours à la libération sous contrainte de plein droit, lequel permet une libération quasi automatique des détenus trois mois avant la fin de leur peine : c'est une forme de régulation carcérale qui ne dit pas son nom.
Je partage le constat formulé par les auteurs de la proposition de loi ainsi que les objectifs qu'ils poursuivent. Il est préjudiciable à la qualité de la justice et à sa lisibilité pour les justiciables, mais aussi, plus largement, pour les citoyens, que plus de 40 % des peines d'emprisonnement ferme soient aménagées avant toute incarcération ; je rappelle, à ce titre, que le nombre des peines aménagées dès l'audience par le tribunal correctionnel a été multiplié par dix depuis 2019.
Le temps dont j'ai disposé pour examiner cette proposition de loi était particulièrement court et je ne saurais prétendre être en capacité de vous proposer un texte parfait. Cette situation est d'autant plus regrettable qu'il y aura une deuxième lecture, dans un calendrier incertain. La discussion en commission est donc la première étape d'un travail qui doit se prolonger d'ici à la séance.
Il faut éviter que ce texte ne soit le miroir de celui de 2019, c'est-à-dire que soit il produise des effets de bord inverses à l'intention du législateur, soit il ne devienne un facteur supplémentaire d'aggravation de la surpopulation carcérale.
Mes amendements visent à corriger les éléments du texte qui pourraient être contre-productifs, tout en posant des jalons pour la suite de la discussion. Chaque peine doit être individualisée. Tout aménagement doit être justifié. Il faut tenir compte des faits commis, de la personnalité de l'auteur, de ses antécédents judiciaires, de son parcours de vie.
L'article 1er supprime l'interdiction faite au tribunal correctionnel de prononcer une peine d'emprisonnement ferme d'une durée inférieure ou égale à un mois. C'est le fameux « choc carcéral » souhaité par les auteurs du texte.
Il met fin au principe selon lequel l'emprisonnement ferme ne peut être prononcé qu'en « dernier recours ». Il remplace l'aménagement des peines d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à un an par une faculté laissée au juge d'aménager les peines d'une durée inférieure ou égale à deux ans.
Cet article inverse la logique de motivation des décisions sur les peines en prévoyant que la juridiction de jugement devra se prononcer par une motivation spéciale lorsqu'elle décide d'aménager la peine d'emprisonnement.
L'article 2 porte sur les motifs permettant d'aménager une peine de prison ferme. Il rétablit des dispositions identiques à celles qui étaient en application avant l'entrée en vigueur de la loi de programmation précitée de 2019. L'aménagement serait ainsi possible dès lors que le condamné justifie de son insertion professionnelle, de sa « participation essentielle » à la vie de sa famille, de la nécessité de suivre un traitement médical, ou d'« efforts sérieux de réadaptation sociale résultant de son implication durable dans tout autre projet caractérisé d'insertion ou de réinsertion de nature à prévenir les risques de récidive ».
L'article 3 procède à diverses coordinations. Il modifie par ailleurs les règles relatives à la motivation spéciale des décisions : celle-ci deviendrait facultative pour les décisions tendant au placement en détention du condamné - mandat de dépôt immédiat ou à effet différé - et serait supprimée pour les décisions tendant à prononcer une peine de prison d'une durée supérieure à un an, sans sursis.
L'article 4 étend la possibilité de recours au fractionnement des peines, en alignant le régime applicable aux récidivistes sur le droit commun. En d'autres termes, le fractionnement serait à l'avenir possible pour les personnes en état de récidive légale condamnées à une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou inférieure à deux ans, contre un an aujourd'hui.
L'article 5 est principalement un article de coordination. Toutefois, il supprime la libération sous contrainte de plein droit, c'est-à-dire le mécanisme qui permet la remise en liberté du condamné « exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d'une durée totale inférieure ou égale à deux ans » lorsqu'il reste un « reliquat de peine à exécuter qui est inférieur ou égal à trois mois ». Le régime actuel équivaut à accorder des aménagements de peine non préparés, qui peuvent être assimilés à des sorties sèches, sans anticipation ni suivi, ce qui est un dévoiement de la raison d'être de l'aménagement de la peine, lequel doit participer à la réinsertion et à la prévention de la récidive.
L'article 6, inséré en séance publique sur l'initiative du groupe La France insoumise, requiert du Gouvernement la remise au Parlement d'un rapport sur l'impact du texte sur la récidive et la surpopulation carcérale, dans un délai de deux ans à compter de sa promulgation. Je vous proposerai de supprimer cet article.
Si je partage les objectifs visés par les auteurs du texte et par les députés, je vous propose - comme je l'ai indiqué à titre liminaire - d'adopter plusieurs amendements pour privilégier l'incarcération des condamnés, renforcer l'autonomie des juges et favoriser une meilleure répartition des tâches entre la juridiction compétente au fond et le juge de l'application des peines.
En effet, si nous adoptions le texte sans modification, il est à craindre qu'il ne produise, comme cela a été le cas de la loi de 2019, des effets de bord contraires à l'objectif affiché. Les magistrats pourraient être tentés de prononcer des peines plus douces pour éviter une incarcération devenue presque automatique. Ils pourraient aussi opter pour une peine de substitution à la prison, qui n'offre pas les mêmes garanties de suivi et de contrôle puisque, contrairement à l'aménagement d'une peine ferme, une telle sanction ne permet pas d'incarcérer le condamné en cas de manquement à ses obligations.
C'est pourquoi je vous propose d'adopter la plupart des dispositions de la proposition de loi, et en particulier celles qui visent à mettre fin à l'aménagement automatique de facto des peines de prison ferme de moins d'un an, celles qui rétablissent la liberté donnée au juge de prononcer des courtes peines, ainsi que celles qui visent à n'autoriser les aménagements de peine qu'en cas de condamnation à moins de deux ans d'emprisonnement. Ces évolutions permettront une plus grande individualisation des peines, et donc une meilleure qualité de la réponse pénale.
En revanche, il me semble essentiel de revenir sur les dispositifs qui seront, à terme, porteurs d'effets pervers et qui ne sont ni des gages de fermeté, ni les reflets d'une approche pragmatique du sujet.
Je vous proposerai ainsi de supprimer l'exigence d'une motivation spéciale, qui crée des risques réels de recours en cassation, pour prévoir une motivation simple, applicable aux peines de prison ferme elles-mêmes comme aux modalités de leur exécution lorsque ces dernières sont décidées ab initio par le tribunal correctionnel. De cette manière, nous redonnerons aux magistrats des marges de manoeuvre pour punir fermement ceux qui ont besoin d'une sanction sévère ou pour prononcer un aménagement de peine lorsque celui-ci est l'option la plus favorable en termes de lutte contre la récidive.
Je souhaite aussi faciliter le renvoi des dossiers au juge de l'application des peines lorsque le juge du fond ne dispose pas des éléments requis pour définir ab initio les modalités d'exécution de la sanction qu'il a prononcée.
Un autre de mes amendements tend à maintenir les dispositions - malencontreusement supprimées par le texte adopté par les députés - permettant le placement en détention, au titre de l'exécution provisoire, des condamnés dont la peine n'a pas été aménagée ab initio, ce qui permet de ménager une forme de « choc carcéral » entre la condamnation et l'intervention du juge de l'application des peines.
Je vous proposerai également de supprimer les dispositions relatives à la réforme du fractionnement des peines, afin d'engager une réflexion de fond sur ce procédé qui semble être tombé en désuétude, comme cela nous a été indiqué durant nos auditions.
Il convient enfin de supprimer l'article 6 qui consiste en une demande de rapport, conformément à la position constante de la commission des lois en la matière.
Mme Agnès Canayer. - Je voterai évidemment ce texte, ainsi que les amendements de notre rapporteur. Il est nécessaire de provoquer un choc carcéral, car nos concitoyens ne comprennent pas toujours certaines décisions judiciaires ni la réponse apportée à certains faits. Néanmoins, la mise en oeuvre de très courtes peines nécessiterait la création de structures carcérales adaptées. Tant que l'on placera tous les détenus dans les mêmes lieux, on aura les effets délétères que l'on observe aujourd'hui.
Plusieurs lois de réforme judiciaire ont été adoptées depuis 2019. Je pense notamment à la loi de 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire ou à la loi du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (LOPJ). La question des courtes peines est revenue à plusieurs reprises.
Si cette proposition de loi est adoptée, il faudra recruter des juges de l'application des peines. Nous avions déjà prévu des moyens supplémentaires dans la LOPJ. Cela permettra-t-il de mettre en oeuvre cette loi rapidement ? Où en est la réforme de la procédure pénale qui a été annoncée par le garde des sceaux, mais que l'on ne voit pas venir ? On nous a aussi dit que la réforme du travail en prison serait l'alpha et l'oméga pour faciliter la réinsertion des détenus et assurer la continuité entre la prison et le retour à la vie normale. Là encore, qu'en est-il ? Les réformes se succèdent, mais elles ont malheureusement peu d'effets.
Mme Dominique Vérien. - Les délais pour examiner ce texte sont très courts. Le groupe Union Centriste attendait la présentation de notre rapporteur pour définir sa position. On nous avait annoncé que ce texte viserait à rétablir les courtes peines de prison. Mais cela n'est pas tout à fait le cas : il tend en réalité à redonner une marge de liberté au juge.
L'adoption de ce texte est susceptible de s'accompagner de deux types d'effets, l'un qui est peu souhaitable et l'autre qui est positif.
Si les juges décident de prononcer davantage de courtes peines, il faudra ouvrir des centres de détention spécialisés, car si l'on envoie les petits délinquants dans des établissements pénitentiaires qui accueillent des mafieux ou de grands criminels, on risque de les voir être recrutés dans de grands réseaux de délinquance. Il faut donc créer des lieux de détention adaptés et mettre en oeuvre un accompagnement adéquat - quinze jours d'accompagnement, c'est un peu court.
On peut aussi penser que les magistrats, qui devaient auparavant prononcer des peines d'emprisonnement d'une durée d'un an et un jour lorsqu'ils souhaitaient éviter tout aménagement de peine, prononceront désormais des peines moins longues. Cela réduirait la surpopulation carcérale.
Notre rapporteur souhaite supprimer l'article du texte relatif au fractionnement des peines. Aux côtés d'Elsa Schalck et de Laurence Harribey, je suis rapporteure de la mission d'information de notre commission sur l'exécution des peines. Dans ce cadre, nous avons pu interroger les personnes auditionnées sur le système proposé. Le système de semi-liberté est intéressant dès lors que les établissements de détention ne sont pas trop éloignés du lieu où la personne travaille ; toutefois, ces établissements manquent de places. Laurent Somon a, pour sa part, déposé une proposition de loi sur l'effectivité des peines en cas de violences routières. Une personne qui a commis un accident de la route grave sous l'emprise de l'alcool doit être sanctionnée. Doit-elle pour autant perdre son travail et sa vie de famille ? Le régime de semi-liberté semble adapté dans ce cas, afin qu'elle puisse continuer à travailler le jour, tout en passant la nuit et le week-end en prison. Or, si l'on supprime le fractionnement des peines et les quartiers de semi-liberté, cela ne sera plus possible.
Ce texte est complexe. Nous définirons notre position en fonction du débat.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Nous sommes confrontés à des injonctions contradictoires. Les gens ne comprennent pas très bien comment fonctionne le système de sanction, pourquoi il est si lent, etc. Ils ont spontanément tendance à penser qu'il faut que la sanction soit immédiate et que le placement en détention intervienne sans tarder. Toutefois, il importe de respecter les principes d'individualisation de la peine et de gradation des sanctions. Il faut aussi tenir compte de la surpopulation carcérale.
Nous ne portons pas tous, mes chers collègues, le même regard sur l'efficacité de la prison. Pour certains, celle-ci est l'alpha et l'oméga pour remettre les délinquants dans le droit chemin. D'autres estiment au contraire qu'il faut avoir un regard plus lucide sur ses effets néfastes, car le taux de récidive est de 60 % cinq ans après la sortie de prison. On peut considérer que la prison vise à mettre certaines personnes à l'écart de la société, mais on peut aussi estimer que les personnes incarcérées ne sont pas définitivement perdues pour la société et que la prison doit avoir une utilité sociale. Il faut dans ce cas préparer la réinsertion. C'est l'intérêt des systèmes de semi-liberté, des peines en milieu ouvert, des mesures éducatives, etc.
Malheureusement, cette proposition de loi vise uniquement à rétablir les courtes peines. C'est un peu court !
J'ai consulté le rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2025 de Louis Vogel, qui est du même bord politique que l'auteur de la proposition de loi, sur les crédits de l'administration pénitentiaire. Il souligne que l'on manque de moyens pour développer les mesures en milieu ouvert ou les services pénitentiaires d'insertion et de probation (Spip). Par ailleurs, Édouard Philippe a évoqué la réforme tendant à prononcer davantage de courtes peines : il estime qu'elle n'est pas applicable aujourd'hui, pour les raisons que les orateurs précédents ont indiquées. La situation pénitentiaire actuelle ne permet pas de mettre en oeuvre un tel dispositif.
Nous sommes donc partagés sur ce texte. Les amendements de notre rapporteur permettent de corriger certains aspects, mais le principe demeure : il s'agit d'envoyer toutes les personnes condamnées à de courtes peines en prison. Cela renforcera la surpopulation carcérale, alors même que Didier Migaud, alors garde des sceaux, soulignait qu'il faudrait construire une prison par mois pour suivre le rythme actuel des condamnations ! Nous en sommes loin.
Les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) définiront leur position en séance en fonction du texte qui sera adopté par la commission. J'indique à mes collègues de droite que les sénateurs de gauche ne sont pas des hippies des années 1960. Nous ne croyons pas que tout le monde est gentil, ni qu'il faut tout excuser au motif que l'on a eu une enfance difficile ! Nous cherchons à concilier efficacité et respect des droits fondamentaux. C'est pourquoi ce texte nous semble problématique.
Mme Patricia Schillinger. - La difficulté de cette proposition de loi réside dans sa mise en oeuvre. L'incarcération des personnes condamnées à de très courtes peines nécessite une réorganisation de l'administration pénitentiaire, alors que l'on manque déjà de locaux, de cellules, etc. Il faut tenir compte de ces difficultés, si l'on veut que l'emprisonnement permette de protéger la société, de lutter contre la récidive et de réinsérer l'individu. L'instauration de courtes peines pourrait aggraver la surpopulation carcérale. Pour légiférer en la matière, nous avons besoin d'une approche globale. Le garde des sceaux présentera une grande réforme à la fin de l'été. Il serait judicieux d'attendre qu'elle soit dévoilée. Dans l'immédiat, les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants s'abstiendront.
Mme Laurence Harribey. - Je suis corapporteure de la mission d'information sur l'exécution des peines. Je regrette que nous examinions ce texte, alors que notre mission n'a pas encore rendu son rapport. Je regrette également que nous n'ayons pas la culture de l'évaluation des politiques publiques. On finit par dire toujours la même chose au fil des discussions. Les textes se succèdent : soit ils sont inapplicables, soit ils sont censurés par le Conseil constitutionnel.
Je rejoins les propos du rapporteur sur un certain nombre de points. En tant que législateur, je m'attache à faire preuve de rigueur scientifique, c'est-à-dire à m'appuyer sur des faits et sur les analyses des professionnels sur le terrain. Il me semble tout aussi essentiel de faire preuve d'honnêteté intellectuelle, ce qui consiste à éviter les discours incantatoires ou idéologiques, et à chercher à apporter des réponses efficaces aux problèmes.
La prison est devenue une école de la récidive. Louis Vogel le montre bien dans son rapport. La surpopulation carcérale s'accroît.
Dans le cadre de la mission d'information, nous réfléchissons beaucoup à la question de l'exécution des courtes peines d'emprisonnement. Les Pays-Bas, cités en exemple par les auteurs du texte comme par notre ministre, ont rétabli de telles peines mais souhaitent aujourd'hui faire marche arrière, car le taux de récidive n'a pas baissé. Tous les professionnels que nous avons auditionnés nous ont indiqué qu'un tel système n'était pas applicable en France actuellement. Pour qu'un choc carcéral soit efficace, il faut créer des établissements pénitentiaires adaptés, augmenter les moyens pour individualiser l'accueil des personnes détenues et les suivre par la suite. Cela pourrait fonctionner dans un monde idéal, mais les conditions de réussite ne sont pas réunies actuellement. L'instauration de très courtes peines me semble donc une fausse bonne idée.
Le caractère automatique de l'aménagement des peines et de la libération sous contrainte dans certains cas n'est pas judicieux non plus. L'expérience montre que ces mesures deviennent un moyen de régulation carcérale, ce qui n'est pas leur objet. De même, les travaux de notre mission m'incitent à plaider pour un encadrement des aménagements de peine prononcés ab initio par le juge de fond. Il conviendrait de prévoir une évaluation pluridisciplinaire lors de l'exécution de la peine, mais cela suppose des moyens supplémentaires.
Les textes se succèdent, mais on manque de vision globale. Ce texte n'aborde pas certains aspects. On aurait pu réfléchir à la création d'une peine de probation autonome, ce qui suppose là encore des moyens. Il est temps que nous comprenions qu'il existe d'autres peines que l'incarcération, à condition que ces peines ne servent pas à faire de la régulation carcérale et qu'elles aient un sens.
Tous les professionnels nous disent que si la prison est une école de la récidive, c'est parce que nous n'avons pas les moyens de différencier l'accueil des détenus en fonction de leur dangerosité ou de la nature des délits ou des crimes commis. Un délinquant de la route peut être incarcéré en détention provisoire avec des trafiquants de drogue, et cela peut l'entraîner dans un engrenage, dans un contexte où la précarité se développe, ce qui est propice à l'essor de la délinquance.
Nous n'avons donc pas de position arrêtée sur ce texte. La réflexion mérite d'être approfondie. En tout cas, ce texte ne permettra pas de résoudre les questions liées à l'incarcération. Je rappelle que la France est l'avant-dernier pays en Europe en ce qui concerne les conditions d'incarcération : il n'est donc pas satisfaisant de multiplier les incarcérations, car elles nourrissent la récidive. Nous devons viser l'intérêt général, c'est-à-dire éviter la récidive et donner du sens à la peine, ce qui suppose un travail d'individualisation poussé, des moyens et de l'intelligence collective.
Mme Sophie Briante Guillemont. - Je serai brève : quel est l'intérêt de voter ce texte, alors qu'il n'y a pas d'étude d'impact et que le garde des sceaux prépare des États généraux de l'insertion et de la probation ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Je partage les propos de Laurence Harribey. La France manque cruellement de places de prison. Aucune des promesses faites depuis quinze ans en la matière n'a été tenue. Pourquoi inscrire à l'ordre du jour des travaux de notre assemblée de tels textes, alors que l'on sait pertinemment qu'ils ne sont pas applicables ?
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - Cette proposition de loi ne concerne pas l'exécution des courtes peines de prison. Elle vise à corriger les effets néfastes de la loi de 2019 ; modifiée par les amendements que je soumets à la commission, elle permettra de rendre au juge la liberté de prononcer des courtes peines et de choisir de les aménager, ou non. Si le juge estime qu'il dispose de tous les éléments sur la personnalité de l'intéressé pour prononcer un aménagement de peine ab initio, il pourra le faire. En cas de doute, il pourra renvoyer la décision au juge de l'application des peines, conformément à la procédure définie à l'article 723-15 du code de procédure pénale. Si le juge du fond estime qu'une incarcération est nécessaire, il pourra délivrer un mandat d'arrêt ou de dépôt. Le but de ces amendements est de rendre au juge son autonomie pour mieux individualiser les peines.
Je rejoins les propos de mes collègues : le taux de récidive est de 60 % cinq ans après la sortie de prison, le droit actuel n'est donc pas performant. De même, j'ai conscience que les peines ultracourtes peuvent être désocialisantes. Si l'on condamne, sans préavis, à trois semaines de prison une personne qui est insérée socialement et professionnellement, celle-ci risque de perdre son travail ou de voir sa vie modifiée. Le mandat de dépôt différé pourrait être une solution pour que le condamné puisse s'organiser avec son employeur.
On se focalise sur l'emprisonnement en oubliant les peines alternatives à l'emprisonnement - les travaux d'intérêt général (TIG), les jours-amende, etc.
Mme Laurence Harribey. - C'est vrai !
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - On a forcé les juges à prononcer des aménagements de peine ab initio. Mais les peines alternatives et les aménagements de peine ne relèvent pas de la même approche. Il faut bien distinguer les deux.
Madame Vérien, je propose non pas supprimer le fractionnement des peines, mais la réforme du fractionnement prévue dans la proposition de loi. Il conviendra de s'interroger avant la séance sur la mise en oeuvre de ce dispositif, alors que d'autres mécanismes - aménagement de peine, régime de semi-liberté, etc. - existent.
Je rappelle enfin que c'est le Gouvernement qui a inscrit ce texte à l'ordre du jour des travaux en session extraordinaire de notre assemblée. L'examen de ce texte peut sembler prématuré alors que des États généraux ont été lancés hier et que notre mission d'information sur l'exécution des peines devrait rendre son rapport prochainement, mais l'enjeu est, comme je l'ai déjà indiqué, de corriger certains effets de bord de la loi de 2019.
Mme Muriel Jourda, présidente. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que le périmètre indicatif de cette proposition de loi inclut les dispositions relatives aux condamnations à des peines d'emprisonnement ferme et aux modalités de leur exécution.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - Mon amendement COM-1 vise à supprimer l'exigence d'une motivation spéciale. La procédure est très lourde. L'exigence d'une motivation spéciale en matière d'incarcération pose de réelles difficultés, car elle impose au juge de justifier le caractère indispensable des modalités d'exécution de la peine, en tenant compte de critères relatifs à la gravité des faits ou à la personnalité de l'auteur déjà prévus par le droit commun de la motivation. L'exigence d'une motivation spéciale accroît par ailleurs le risque de recours en cassation.
L'amendement COM-1 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - L'article 2 réécrit complètement l'article 132-25 du code pénal. Il supprime la possibilité, pourtant utile et appréciée par les magistrats, donnée au juge du fond de prévoir l'exécution provisoire de la peine de prison ferme dans l'attente d'un aménagement de la peine par le juge de l'application des peines, qui doit intervenir dans un délai de cinq jours.
Cette suppression semble inopportune. Mon amendement COM-2 vise à maintenir la disposition correspondante, qui permet par ailleurs de produire une forme de « choc carcéral » de courte durée pour les condamnés placés en détention, mais dont la peine peut ensuite être aménagée, si telle est l'option la plus opportune, par le juge de l'application des peines.
L'amendement COM-2 est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - Mon amendement COM-3 est rédactionnel. Le choix proposé à la juridiction de jugement en matière d'exécution des peines est juridiquement une faculté et non pas une obligation.
L'amendement COM-3 est adopté, de même que l'amendement rédactionnel COM-4.
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - À la suite de l'entrée en vigueur de la loi de 2019, la chambre criminelle de la Cour de cassation a adopté une jurisprudence très exigeante, qui impose au juge de rechercher un aménagement de peine, même lorsque le prévenu ne fournit pas les justificatifs permettant d'apprécier sa situation professionnelle, familiale ou sociale, ou même lorsqu'il n'est pas présent à l'audience.
Mon amendement COM-5 a pour objet de réécrire la procédure applicable en cas d'aménagement de peine afin de faciliter le renvoi du dossier au juge de l'application des peines (JAP), confiant à ce dernier le soin de déterminer les modalités d'exécution de la peine.
L'amendement COM-5 est adopté, de même que l'amendement rédactionnel COM-6.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - Mon amendement COM-7 vise à supprimer la réforme du dispositif de fractionnement des peines telle qu'elle est prévue par cet article. Il convient d'engager une réflexion plus large sur ce sujet.
L'amendement de suppression COM-7 est adopté.
L'article 4 est supprimé.
Article 5 (nouveau)
L'article 5 est adopté sans modification.
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - L'amendement COM-8 vise à supprimer l'article 6 qui prévoit la remise d'un rapport au Gouvernement.
L'amendement COM-8 est adopté.
Mme Dominique Vérien. - Nous avons entendu les précisions que nous a apportées le rapporteur. Dans la mesure où ses amendements ont été adoptés, le groupe Union Centriste votera ce texte.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article 1er |
|||
M. LE RUDULIER, rapporteur |
1 |
Motivation simple des décisions relatives aux modalités d'exécution des peines |
Adopté |
Article 2 |
|||
M. LE RUDULIER, rapporteur |
2 |
Maintien de l'exécution provisoire des peines de prison ferme |
Adopté |
Article 3 |
|||
M. LE RUDULIER, rapporteur |
3 |
Rédactionnel |
Adopté |
M. LE RUDULIER, rapporteur |
4 |
Aménagement par le juge de l'application des peines en l'absence de justifications suffisantes du condamné à l'audience |
Adopté |
M. LE RUDULIER, rapporteur |
5 |
Coordination |
Adopté |
M. LE RUDULIER, rapporteur |
6 |
Rédactionnel |
Adopté |
Article 4 (nouveau) |
|||
M. LE RUDULIER, rapporteur |
7 |
Suppression de l'article |
Adopté |
Article 6 (nouveau) |
|||
M. LE RUDULIER, rapporteur |
8 |
Suppression de l'article |
Adopté |
RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT
Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 31(*).
De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie32(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte33(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial34(*).
En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.
En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 25 juin 2025, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 519 (2024-2025) visant à faire exécuter les peines d'emprisonnement ferme.
Elle a considéré que ce périmètre comprend les dispositions relatives aux condamnations à des peines d'emprisonnement ferme et aux modalités de leur exécution.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Audition commune
Direction de l'administration pénitentiaire (DAP)
Mme Véronique Sousset, cheffe du service des métiers
Mme Camille Digneau, cheffe adjointe du département des parcours de peine
Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG)
M. Julien Morino-Ros, sous-directeur de la négociation et de la législation pénales
Mme Naïma Mohraz, magistrate rédactrice au sein du bureau de la législation pénale générale
Association nationale des juges de l'application des peines (ANJAP)
Mme Cécile Bertetto, vice-présidente chargée de l'application des peines au tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier, présidente de l'ANJAP
LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- Conférence nationale des présidents de tribunaux judiciaires (CNPTJ)
- Conférence nationale des procureurs généraux de cour d'appel (CNPG)
- Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR)
- Conseil national des barreaux (CNB)
- Barreau de Paris
- Conférence des Bâtonniers
- Unité Magistrats - SNM FO
- Syndicat de la magistrature
- Union syndicale des magistrats (USM)
- Conférence nationale des directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation (CNDPIP)
- Syndicat national pénitentiaires - Force ouvrière Direction
- Union nationale des directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation (UNDPIP-CFE-CGC)
- Syndicat national des directeurs pénitentiaires (SNDP-CFDT)
- FO Justice CPIP
- Pénitentiaire-Fédération syndicale unitaire (SNEPAP-FSU)
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl24-519.html
* 1 Source : références statistiques de la justice 2024.
* 2 Source : étude du ministère de la justice, « 81 600 personnes détenues au 1er avril 2025 ».
* 3 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/une-surpopulation-carcerale-persistante-une-politique-dexecution-des-peines-en
* 4 Rapport n° 1187, déposé le 26 mars 2025.
* 5 Exposé des motifs de la loi n° 2019-222 précitée.
* 6 Rapport n° 11 (2018-2019), déposé le 3 octobre 2018.
* 7 Cette durée se déduit du renvoi à l'article 132-25 du code pénal, dont le deuxième alinéa dispose : « Si la peine prononcée ou la partie ferme de la peine prononcée est supérieure à six mois et inférieure ou égale à un an d'emprisonnement, [la juridiction de jugement] doit décider, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, que la peine sera exécutée en tout ou partie sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique, de la semi-liberté ou du placement à l'extérieur ».
* 8 La chambre criminelle considérait, avant cet arrêt - donc avant l'intervention de la LOPJ du 23 mars 2019 - que l'exigence de motivation pouvait être allégée lorsque certains éléments étaient absents ou insuffisants, par exemple pour apprécier la situation personnelle du prévenu (Cass. crim., 28 novembre 2012, n°s 12-81-140 et 12-80.639), ou encore sa situation matérielle, familiale et sociale ou son évolution (Cass. crim., 18 octobre 2017, n° 16-83.108).
* 9 Rapport du 5 octobre 2023, « Une surpopulation carcérale persistante, une politique d'exécution des peines en question ». La Cour y indique notamment que ses constatations et les chiffres qu'elle a obtenus « suggèrent que l'obligation d'aménager les peines inférieures ou égales à six mois, introduit[e] par la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, a produit, par `effet de bord', une augmentation du quantum des peines prononcées ».
* 10 C'est-à-dire soit ab initio par la juridiction de jugement, soit par le juge de l'application des peines.
* 11 Exposé des motifs de la présente proposition de loi.
* 12 Le code pénal prévoit actuellement, pour mémoire, que les peines inférieures ou égales six mois doivent être aménagées « sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné » et que, lorsque la peine prononcée (ou sa partie ferme) est comprise entre six mois et un an, celle-ci « doit également être aménagée si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle ».
* 13 Audition du 28 mai 2025 de Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice, sur les orientations du ministère en matière de justice pénale, de justice civile et d'organisation pénitentiaire.
* 14 La Conférence nationale des présidents de tribunaux judiciaires estimait de même, tout en marquant son opposition aux courtes peines au vu de « leur effet potentiellement désocialisant », que cette question pouvait « se poser différemment pour les mineurs pour lesquels l'effet d'un choc carcéral limité peut être discuté ».
* 15 Rapport à la garde des Sceaux, ministre de la justice, « Pour une refonte du droit des peines », décembre 2015.
* 16 Cass. crim., 7 décembre 2016, n° 15-85.136.
* 17 Cass. crim., 1er février 2017, n°s 15-84.511 et 15-85.199.
* 18 Décision n° 2017-694 QPC du 2 mars 2018, Ousmane K. et autres, cette décision reconnaissant par ailleurs la valeur constitutionnelle autonome de la motivation (qui, parce qu'elle ne peut pas être remplacées par des garanties équivalentes, est indissociable de l'individualisation de la peine) et la rend obligatoire pour tous les arrêts et jugements de condamnation, pour la culpabilité comme pour la peine.
* 19 Expression tirée de la décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, « Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité », par laquelle le Conseil constitutionnel rappelait au législateur qu'il lui appartenait d'« éviter toute rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions ».
* 20 Qui établit notamment que « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ».
* 21 Cass. crim., 11 mai 2021, n° 20-85.576
* 22 Voir commentaire supra.
* 23 Cette précision visait à revenir sur un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation faisant interdiction au tribunal correctionnel ordonnant l'aménagement total de la peine de prévoir, dans le même temps, le maintien en détention dans le cadre d'une procédure de comparution immédiate (Cass. crim., 14 avr. 2021, n° 21-80.829).
* 24 Comme le résumait Jean Terlier, rapporteur de l'Assemblée nationale sur la loi n° 2023-1059 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 du 20 novembre 2023, l'arrêt précité avait fait naître des « doutes [...] quant à la possibilité, pour le juge de l'application des peines, de convertir la peine plutôt que de prononcer une détention à domicile sous surveillance électronique, une semi-liberté ou un placement extérieur ».
* 25 Selon l'ANJAP, ce dispositif est notamment utilisé pour la prise en charge des auteurs de violences conjugales.
* 26 InfoRapides Justice n° 17, précité.
* 27 Sur décision du tribunal correctionnel, le mandat de dépôt à effet différé peut toutefois avoir un effet provisoire, en application du IV de l'article 464-2 du code de procédure pénale, pour les peines prononcées à la suite d'une comparution immédiate, les peines d'une durée d'au moins un an sans sursis et les peines prononcées à la suite d'une condamnation en cas de récidive légale.
* 28 Dernier alinéa du I de l'article 464-2 précité.
* 29 Rapport précité de première lecture sur la loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019.
* 30 L'ANJAP juge, de la même manière, que « beaucoup de peines inférieures ou égales à six mois sont aujourd'hui aménagées par le tribunal correctionnel en DDSE, alors qu'elles pouvaient auparavant l'être par le juge de l'application des peines, par le biais notamment de conversions en TIG, en sursis probatoire renforcé ou en jours-amende, souvent bien plus porteuses de contenu et donc plus efficaces quant à la prévention de la récidive ».
* 31 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.
* 32 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
* 33 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.
* 34 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.