EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Caractéristiques des peines d'emprisonnement ferme et modalités de leur aménagement ab initio par le tribunal correctionnel

L'article 1er rétablit la possibilité, pour le juge du fond, de prononcer une peine d'emprisonnement ferme d'une durée inférieure ou égale à un mois, remplace l'incitation forte à l'aménagement des peines de moins de deux ans par une simple faculté et impose à la juridiction de jugement de se prononcer par une motivation spéciale lorsqu'elle décide d'aménager une peine d'emprisonnement.

À l'initiative du rapporteur, la commission a entendu rendre sa liberté au juge du fond en prévoyant qu'il se prononcerait par une motivation simple quel que soit son choix en matière d'aménagement de la peine, afin non seulement d'éviter des cassations fondées sur des motifs de procédure, mais aussi de tenir compte du contexte de surpopulation carcérale qui ne permet pas, à date, d'envisager une augmentation massive des incarcérations.

Elle a adopté l'article ainsi modifié.

1. Le régime actuel des peines d'emprisonnement ferme : de fortes incitations à l'aménagement des peines de moins d'un an

Largement remanié par la loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019, l'article 132-19 du code pénal pose les principes qui structurent le prononcé des peines par les tribunaux correctionnels et qui constituent, à ce jour, une incitation à l'aménagement des peines d'emprisonnement les plus brèves.

L'aménagement des peines en pratique

La notion d'aménagement des peines recouvre plusieurs types de mesures privatives ou limitatives de liberté, qui peuvent se substituer au placement en détention du condamné. Concrètement, il s'agit :

- de la détention à domicile sous surveillance électronique : elle oblige au port d'un bracelet électronique à la cheville et interdit au condamné de s'éloigner des lieux désignés en dehors des horaires fixés par le juge de l'application des peines. D'une durée comprise entre quinze jours et six mois, sans pouvoir excéder la durée de l'emprisonnement encouru, elle n'autorise le condamné à s'absenter de son domicile que « pour le temps nécessaire [...] à l'exercice d'une activité professionnelle, au suivi d'un enseignement, d'un stage, d'une formation ou d'un traitement médical, à la recherche d'un emploi, à la participation à la vie de famille ou à tout projet d'insertion ou de réinsertion ».

En cas de non-respect par le condamné de ses obligations, le juge de l'application des peines peut limiter ses autorisations d'absence ou ordonner son emprisonnement pour la durée de la peine restant à courir (article 131-4-1 du code pénal) :

- de la semi-liberté : cette mesure correspond au placement en détention partiel, pour des périodes « déterminées en fonction du temps nécessaire pour que le condamné puisse exercer une activité professionnelle, suivre un enseignement, un stage, une formation ou un traitement, rechercher un emploi ou participer à la vie de famille ou à tout projet d'insertion ou de réinsertion » (131-26 du code pénal) ;

- du placement à l'extérieur : ce régime permet au condamné d'exercer des activités ou de bénéficier de soins en dehors de l'établissement pénitentiaire, durant des horaires fixés par le juge de l'application des peines (article 132-26 précité). Le condamné est astreint à l'exercice des activités visées par le magistrat ou au suivi de sa prise en charge sanitaire et doit satisfaire des mesures générales de contrôle ou des obligations fixées par le même juge.

Source : commission des lois du Sénat

En l'état de sa rédaction, l'article 132-19 prévoit, en son premier alinéa, que le sursis est possible pour tout ou partie de la peine d'emprisonnement prononcée par la juridiction ; parallèlement, il interdit le prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme d'une durée inférieure ou égale à un mois. Insérée par la loi précitée du 23 mars 2019, cette interdiction était alors justifiée par la baisse tendancielle du prononcé de telles peines (10 000 en 2015 et 5 500 en 2020, selon les chiffres obtenus par Loïc Kervran, rapporteur du texte à l'Assemblée nationale4(*)) et, sur le fond, par le fait que « des peines fermes d'aussi courte durée [présentaient] un effet désocialisant majeur et prédispos[ai]ent à la récidive »5(*).

Le Sénat avait fait, lors de l'examen de LOPJ, fait preuve d'une certaine perplexité face à l'efficacité d'une telle mesure : les rapporteurs du texte, François-Noël Buffet et Yves Détraigne, estimaient ainsi que la suppression des peines de moins d'un mois « n'aurait vraisemblablement qu'une incidence limitée dès lors que seulement 9 100 peines d'une durée inférieure ou égale à un mois ont été prononcées en 2017 et seulement un peu plus de 600 d'entre elles faisaient l'objet d'un mandat de dépôt. L'étude d'impact estime sa portée, sur une année, à une diminution de 300 détenus ». Ils émettaient, en outre, une crainte importante, jugeant qu'« une telle disposition pourrait surtout présenter des effets de seuil contre-productifs : afin de contourner cette interdiction, les juridictions de jugement qui souhaitent prononcer une peine courte d'emprisonnement devront fixer un quantum minimal de deux mois, au lieu d'un, au risque d'allonger la durée moyenne d'incarcération »6(*).

Les chiffres obtenus par l'Assemblée nationale tendent à démontrer la justesse de cette analyse, le « seuil » concerné n'ayant été que repoussé vers des peines plus longues du fait des dispositions de la loi du 23 mars 2019 relatives à l'aménagement des peines inférieures à un an (voir infra) : les peines d'emprisonnement d'une durée comprise entre six mois et un an ont, en effet, connu une augmentation significative entre 2019 et 2024, passant de 27 786 à 41 947, tandis que les peines d'emprisonnement comprises entre un et six mois connaissaient sur la même période une baisse de 22 % (de 86 564 en 2019 à 67 702 en 2024).

Le deuxième alinéa de l'article 132-19 du code pénal prévoit qu'une telle peine ne peut être « prononcée qu'en dernier recours, si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et si toute autre sanction est manifestement inadéquate » - en d'autres termes, que l'emprisonnement sans sursis constitue une solution de la dernière chance.

Son troisième alinéa fixe, corrélativement, le régime d'aménagement des peines de prison de ferme : il exige ainsi que soient aménagées les peines inférieures ou égales à six mois, « sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné » et que, pour les peines dont la durée est comprise entre six mois et un an7(*), l'aménagement soit recherché « si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle ».

Le quatrième alinéa de l'article 132-19 précise que doivent faire l'objet d'une motivation spéciale certains jugements par lesquels le tribunal correctionnel prononce une peine d'emprisonnement ferme et décerne, par conséquent, un mandat de dépôt - ce qui correspond, par renvoi à l'article 464-2 du code de procédure pénale :

- aux mandats de dépôt à effet différé, décernés pour un emprisonnement d'au moins six mois ;

- aux mandats de dépôt « simples » pour des peines prononcées à la suite d'une comparution immédiate, pour des peines d'une durée d'au moins un an sans sursis ou pour des peines prononcées à la suite d'une condamnation en cas de récidive légale.

Aux termes du II de l'article 464-2 du code de procédure pénale, la motivation spéciale est plus largement exigée pour toute peine d'emprisonnement supérieure à un an sans sursis.

Motivation spéciale et motivation générale

L'article 132-1 du code pénal pose une obligation générale de motivation des peines : « Dans les limites fixées par la loi, la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l'article 130-1 », soit la sanction du condamné et sa réinsertion.

Cette exigence fait écho à celle dégagée, en 2017, par la Cour de cassation (« en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle » : Cass. crim., 1er février 2017, n°s 15-84.511 et 15-85.199) comme à la consécration par le Conseil constitutionnel de la motivation des peines en tant qu'élément indissociable de leur individualisation (décision n° 2017-694 QPC du 2 mars 2018, Ousmane K. et autres).

L'obligation générale de motivation ne semble toutefois interdire au législateur ni de limiter les motifs de prononcé de certaines peines - comme il l'a fait, par exemple, à l'article 131-30-1 du code pénal pour la peine d'interdiction du territoire français, dont le prononcé était jusqu'à la loi n° 2024-42 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration du 26 janvier 2024 lié à « la gravité de l'infraction et [à] la situation personnelle et familiale de l'étranger » condamné -, ni de mettre en place des critères complémentaires, à l'image de ceux qui existent en l'état du droit pour le prononcé d'une peine d'emprisonnement sans sursis. On évoque dans ce cas une motivation spécifique, ce qui recouvre les hypothèses où la loi impose une motivation fondée sur des critères particuliers, qu'elle énumère.

La motivation spéciale correspond, quant à elle, à une exigence de double motivation. Celle-ci s'effectue non seulement au regard des critères généraux prévus par le code, mais aussi au regard de critères spécifiques - qui, dans certains cas, ne sont pas précisés par les textes, le code pénal se bornant régulièrement à imposer une « décision spécialement motivée » sans préciser la nature des motifs correspondants.

Dans une espèce relative à l'aménagement des peines, la jurisprudence récente de la Cour de cassation (Cass. crim., 28 juin 2022, n° 21-82.981) a connu un important revirement8(*) et posé de nouvelles exigences en cas de motivation spéciale prévue par la loi. Une telle motivation implique ainsi :

- que la juridiction ne peut pas « refuser d'aménager la peine au motif qu'elle ne serait pas en possession d'éléments lui permettant d'apprécier la mesure d'aménagement adaptée » ;

- que, « si le prévenu est comparant », la juridiction est tenue de « l'interroger sur sa situation personnelle » et, si cet interrogatoire ne lui permet pas de se prononcer, d'« ordonner un ajournement de la peine aux fins d'investigations sur sa personnalité ou sa situation » ;

- que, dans le cas inverse, « la juridiction de jugement ne peut refuser d'aménager la peine en se fondant sur [la] seule absence [du prévenu] » : elle doit alors « rechercher, au vu des pièces de la procédure, si le principe d'un aménagement peut être ordonné ».

Source : commission des lois du Sénat

A contrario, ces dispositions dispensent de motivation spéciale les jugements conduisant à un aménagement de la peine.

Selon le rapporteur de l'Assemblée nationale, les évolutions introduites en 2019 à l'article 132-19 du code pénal ont été porteuses de lourds effets pervers (également observés par la Cour des comptes dans le cadre d'une mission menée en 2023 sur la surpopulation carcérale9(*)) : ainsi, « l'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 23 mars 2019 s'est [...] traduite par [...] une augmentation particulièrement significative des peines correctionnelles d'emprisonnement ferme ou en partie ferme de six mois à un an. Ces dernières ont en effet augmenté de 51 % depuis 2019 ». Selon Loïc Kervran, ces chiffres tendent à démontrer « que le tribunal correctionnel, pour échapper au caractère quasi-obligatoire de l'aménagement total de la peine d'une durée inférieure ou égale à six mois, prononcerait davantage de peines supérieures à six mois d'emprisonnement », ce dont atteste l'évolution du nombre de détenus condamnés à une peine d'emprisonnement d'une durée comprise entre un et deux ans, c'est-à-dire juste au-dessus du « seuil » actuel d'aménagement des peines : on en dénombrait, en effet, environ 14 000 au 1er janvier 2025, contre 10 640 en 2020.

En tout état de cause, d'après les statistiques publiées par le ministère de la justice, 41 % des peines d'emprisonnement ont fait l'objet d'un aménagement ou d'une conversion avant toute incarcération en 2023, contre 33 % en 2019, ce qui atteste des nets effets du droit en vigueur depuis la LOPJ du 23 mars 2019.

Source : InfoRapides Justice, n° 17

81 % de ces aménagements ont pris la forme d'une détention à domicile sous surveillance électronique.

Selon la même source, les aménagements sont particulièrement fréquents pour les peines dont la durée est comprise entre trois et six mois : environ 43 % de ces peines sont aménagées à quelque stade que ce soit10(*), contre 33 % des peines de moins de trois mois, 39 % des peines comprises entre six mois et un an et moins de 6 % des peines supérieures à un an.

2. La proposition de loi : étendre le périmètre des peines aménageables en encadrant davantage les critères de l'aménagement

Marginalement modifié en commission et inchangé en séance publique par les députés, l'article 1er vient à la fois étendre le périmètre des peines d'emprisonnement ferme susceptibles d'être aménagées et supprimer plusieurs dispositions de fond et de procédure qui incitent aujourd'hui les magistrats à aménager ces mêmes peines.

Tout d'abord, l'article supprime l'interdiction faite au tribunal correctionnel de prononcer une peine d'emprisonnement ferme d'une durée inférieure ou égale à un mois. Les auteurs du texte justifient cette suppression par le fait que « l'intérêt des courtes peines d'incarcération est aujourd'hui bien étayé. D'abord théoriquement avec des études qui démontrent à la fois l'absence d'effet bénéfique des peines de probation par rapport aux peines d'emprisonnement et des effets positifs des très courtes peines supérieures à ceux des travaux d'intérêt général. Empiriquement certains États européens comme les Pays-Bas ont démontré aussi l'intérêt de l'exécution des courtes peines sur la récidive et la lutte contre la surpopulation carcérale » ; ils estiment par ailleurs que « ces courtes peines ont un caractère bien moins désocialisant que les peines plus longues qui arrivent plus tard dans le parcours délinquant »11(*).

Selon la même philosophie, l'article 1er met ensuite fin au principe selon lequel l'emprisonnement ferme ne peut être prononcé qu'en « dernier recours », en supprimant la phrase correspondante - et déjà citée - de l'article 132-19 du code pénal. De même, il remplace les dispositions actuelles du code qui incitent à l'aménagement des peines d'une durée inférieure ou égale à un an d'emprisonnement12(*) par une faculté laissée au juge d'aménager les peines d'une durée inférieure ou égale à deux ans.

Cette augmentation marque le retour à un régime d'aménagement unifié pour l'ensemble des condamnés, le droit actuel distinguant, sans motif évident, l'aménagement des peines pour les condamnés libres (un an) et pour les condamnés non-libres (deux ans) dans un sens paradoxalement favorable aux seconds.

Enfin, l'article 1er inverse la logique de motivation des décisions sur les peines en prévoyant que la juridiction de jugement devra se prononcer par une motivation spéciale lorsqu'elle décide d'aménager la peine d'emprisonnement, là où le droit en vigueur exige seulement une telle motivation lorsque le tribunal correctionnel décerne un mandat de dépôt. Cette motivation se ferait au regard des critères prévus par l'article 132-25 du code pénal, dont la modification est prévue par l'article 2 du présent texte (voir infra).

3. La position de la commission : garantir l'efficacité de la réponse pénale par un renforcement des marges de manoeuvre données aux magistrats

Les auditions menées par le rapporteur et les contributions écrites qu'il a sollicitées l'ont convaincu de la nécessité, d'une part, de redonner des marges de manoeuvre aux magistrats et, d'autre part, de mettre fin à la confusion des rôles entre la juridiction de jugement (donc le tribunal correctionnel) et le juge de l'application des peines, facteur d'illisibilité pour les condamnés et de moindre efficacité pour la réponse pénale.

Le second point sera plus spécifiquement abordé dans le cadre de l'article 2 de la présente proposition de loi ; l'enjeu de la liberté accordée aux magistrats est, en revanche, au coeur des dispositions de l'article 1er.

La rédaction du code pénal issue de la LOPJ de 2019, outre qu'elle a contribué à l'aggravation de la surpopulation carcérale, s'est en effet traduite par des contraintes fortes pour le juge du fond. La portée de son office a été considérablement amoindrie par la quasi-obligation d'aménager les peines de prison ferme - ce dont témoignent les stratégies de « contournement » déjà évoquées par lesquelles les tribunaux correctionnels ont, dans certains cas, opté pour des peines lourdes dans le seul objectif d'assurer l'incarcération effective du condamné.

Il importe, pour donner tout son sens à la sanction pénale, de revenir sur les évolutions qui ont eu pour objet ou pour effet de restreindre les leviers accordés aux magistrats en charge du prononcé des peines.

Certaines des dispositions adoptées par les députés vont dans le sens de cet objectif.

Tel est le cas, tout d'abord, de l'intégration de toutes les peines d'une durée inférieure ou égale à deux ans dans le périmètre de celles susceptibles d'être aménagées : non seulement cette extension constitue, par nature, un outil favorable à l'individualisation des peines et à la valorisation des missions du juge du fond, mais surtout la rédaction proposée par l'Assemblée nationale a pour avantage de simplifier sensiblement le droit en vigueur, en supprimant tout seuil intermédiaire et en unifiant le régime applicable à l'ensemble des condamnés, qu'ils comparaissent libres ou détenus. Cette modification est conforme aux attentes de la profession : à titre d'illustration, la Conférence nationale des présidents de tribunaux judiciaires, estime que, en matière d'aménagement des peines, « l'empilement des régimes [...] crée des situations peu lisibles et induit des effets de bord dans le choix des peines prononcées : peines plus lourdes pour éviter l'aménagement ab initio, peines moins lourdes pour le permettre », ce qui la conduit à juger qu'« il est nécessaire de revenir à un régime unique laissant la possibilité d'aménager jusqu'à un certain seuil, unifié ».

Il en va de même de la suppression de la mention selon laquelle l'emprisonnement ne peut être décidé « qu'en dernier recours » et « si toute autre sanction est manifestement inadéquate », ces formulations étant susceptibles de limiter le pouvoir d'appréciation des magistrats en ne leur permettant pas de prononcer une peine ferme dans tous les cas où cette sanction leur paraît la plus opportune au regard de l'infraction commise et du profil du condamné.

La même observation s'applique à la suppression de l'interdiction faite au tribunal correctionnel de prononcer des peines d'une durée inférieure à un mois : la remise en cause d'une interdiction, qui n'oblige pas le juge à prononcer certains types de sanctions tout en lui permettant d'y recourir s'il estime qu'elles constituent la solution la mieux adaptée, procède par définition d'une logique de réduction des contraintes qui pèsent sur le juge du fond en matière de prononcé des peines - logique à laquelle la commission ne peut qu'adhérer.

Le rapporteur n'ignore pas que les courtes peines ne constituent pas toujours une solution adaptée et qu'elles peuvent, en particulier, aller à l'encontre de l'objectif de réinsertion des condamnés lorsque ces derniers ont une vie familiale et professionnelle stable qu'une incarcération, même brève, pourrait bouleverser. Il n'est pas davantage indifférent aux conditions matérielles, non atteintes à ce jour, qui permettraient une mise en oeuvre sereine de telles peines à grande échelle : le ministre de la justice rappelait à cet égard, lors de sa récente audition devant la commission des lois, que « les administrations néerlandaise et anglaise reviennent sur ces très courtes peines après les avoir instaurées » et qu'elles « requièrent en effet des établissements spécialisés, que nous n'avons pas »13(*). Pour autant, il ne semble pas judicieux de priver les juges d'un levier qui pourrait, dans certains cas, être utile à la sanction des infractions comme au relèvement moral des personnes condamnées : François-Noël Buffet et Yves Détraigne soulignaient ainsi, dans leur rapport précité sur la LOPJ du 23 mars 2019, que « des condamnations à des peines d'emprisonnement effectives, courtes, intervenant plus tôt dans le parcours des délinquants, peuvent être efficaces, si elles sont exécutées dans des établissements présentant un degré moindre de sécurisation et donc de coût » : ce constat demeure d'actualité. De la même manière, les débats récents du Sénat sur la loi n° 2025-568 du 23 juin 2025 visant à renforcer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents ont montré qu'un « choc carcéral », conjugué à un suivi étroit qui ne paraît possible qu'en milieu fermé, pouvait être bénéfique aux mineurs délinquants14(*) : le rapporteur estime qu'une telle formule pourrait également présenter des avantages réels pour d'autres profils, et notamment pour certains jeunes majeurs.

La commission a, par conséquent, adhéré aux dispositions correspondantes et les a adoptées sans modification.

À l'inverse, la commission a constaté que certaines des dispositions de l'article 1er allaient à l'encontre des objectifs qu'elle souhaitait poursuivre et posaient des difficultés juridiques réelles : il s'agit de celles qui inversent la logique entre l'aménagement de la peine d'emprisonnement et son exécution effective, sans pour autant en remettre en cause les fondements.

En effet, la LOPJ du 23 mars 2019 est - légitimement - critiquée en raison des excès de rigidité qu'elle a générés dans le quotidien des magistrats. Or, en entourant le prononcé de mesures d'aménagement d'une procédure lourde, complexe et peu lisible, la proposition de loi ne met pas fin à ces excès : tout au contraire, elle se borne à les répliquer en inversant leur portée.

L'article 1er prévoit en effet d'obliger les tribunaux correctionnels à assortir leur décision d'une motivation spéciale s'ils font le choix d'aménager une peine de prison ferme. Cette solution n'est pas de nature à faciliter l'exercice de leurs missions par les juges du fond, de telles motivations étant largement décriées au vu des risques qu'elles produisent sur le plan de la procédure. Dès 2015, le rapport établi par la commission présidée par le haut magistrat Bruno Cotte alertait ainsi la ministre de la justice sur les difficultés liées à « l'exigence de motivation spéciale des peines d'emprisonnement, dont la méconnaissance demeure la cause de trop nombreuses cassations »15(*). Ces difficultés n'ont fait qu'augmenter depuis lors : selon les auditions menées par le rapporteur, elles ont atteint leur paroxysme avec l'arrêt, déjà cité, de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 28 juin 2021 (voir supra) qui, en pratique, impose aux juges de chercher eux-mêmes les fondements de la motivation spéciale, revenant sur le principe selon lequel il appartient au condamné de s'en justifier, rendant une telle motivation particulièrement contraignante. Cette évolution prouve combien les exigences du législateur, lorsqu'elles sont déconnectées de la pratique quotidienne du « terrain », peuvent devenir un carcan qui entrave la liberté d'action des juridictions et qui, plus encore, fait obstacle à l'individualisation des peines.

Or, la proposition de loi ne revient pas stricto sensu sur cette logique : elle la renverse sans la corriger, ce qui pose de toute évidence des difficultés juridiques et pratiques.

Sur le plan juridique, tout d'abord, la motivation spéciale dont l'article 1er envisage la mise en place en cas d'aménagement des peines soulève deux problèmes majeurs.

Le premier concerne le caractère vraisemblablement superfétatoire d'une motivation spéciale en l'espèce. La motivation, fût-ce dans le silence de la loi, est en effet une exigence générale du droit pénal, rappelée sans ambiguïté par la Cour de cassation : la motivation, principale garante de la proportionnalité de la sanction au regard de la gravité des faits16(*), est plus largement considérée, depuis 2017, comme découlant d'une obligation générale en matière délictuelle. La chambre criminelle a ainsi rappelé que « toute peine [devait] être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle »17(*), sans qu'il soit possible aux juridictions de déroger à ce principe, y compris dans le silence de la loi.

Au surplus, le troisième alinéa de l'article 132-1 du code pénal, déjà cité, emporte une obligation générale de motivation qui s'applique à tout le « régime des peines », donc à l'ensemble des sanctions prévues par le code.

Dès lors, en prévoyant que l'aménagement fera l'objet d'une motivation spéciale « au regard des faits de l'espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale », la proposition de loi est doublement imparfaite : s'agissant de la procédure, elle ajoute une contrainte formelle dont l'utilité n'est pas démontrée mais qui est de nature à donner lieu à des contestations, voire à des cassations ; sur le fond, elle n'apporte rien aux motifs qui devront guider la décision du tribunal correctionnel.

Le second problème a trait à la compatibilité entre, d'une part, un système favorisant l'incarcération au détriment de l'aménagement des peines et, d'autre part, les tendances observées dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Des interrogations pourraient en effet naître quant à la portée des décisions récentes du Conseil s'agissant de la proportionnalité et de la motivation des sanctions pénales, notamment au vu de la consécration de la valeur constitutionnelle de cette motivation en tant qu'elle participe à l'individualisation des peines et contribue à « exclure l'arbitraire » 18(*) autant qu'à éviter toute « rigueur non nécessaire »19(*) en matière pénale, conformément à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 178920(*).

Ces deux éléments rendent juridiquement inutile, voire périlleux, le dispositif porté par l'article 1er.

La seconde difficulté est d'ordre pratique et tient à la difficile conciliation d'un surcroît d'incarcération avec la réalité du taux d'occupation des établissements pénitentiaires. Selon les chiffres transmis au rapporteur par le ministère de la justice, au 1er mai 2025, 83 681 personnes étaient détenues (contre 77 647 au 1er mai 2024), ce qui représente pour les maisons d'arrêt un taux d'occupation de plus de 163 %.

Par ailleurs, et comme en attestent les données communiquées par le ministère de la justice, l'augmentation de la population carcérale tient davantage à la hausse des quanta prononcés qu'à celle des condamnations elles-mêmes (qui ont d'ailleurs diminué, les condamnations prononcées par les tribunaux correctionnels étant passées de 138 000 en 2019 à 130 000 en 2024) : cet état de fait ne fait que corroborer l'idée selon laquelle la LOPJ du 23 mars 2019 a eu des effets de bord non-maîtrisés et contraires à l'objectif poursuivi.

Le contexte de surpopulation carcérale ne permet pas d'envisager, de manière isolée, une restriction des aménagements de peine aussi drastique que celle qu'engendrerait probablement l'article 1er. Pour que de telles orientations soient envisageables, il conviendrait au préalable, et a minima, que l'administration pénitentiaire se dote des moyens matériels, bâtimentaires et humains propres à assurer une gestion sereine des détenus dans leur ensemble, qu'ils soient condamnés ou prévenus ; elles supposeraient par ailleurs une articulation étroite avec les mesures de milieu ouvert, étant rappelé que des États généraux de l'insertion et de la probation (dont les objectifs affichés sont la lutte contre la surpopulation carcérale et la prévention de la récidive) ont été récemment lancés par le ministre de la justice.

Dès lors, et plutôt que de substituer une contrainte à une autre, la commission a fait le choix de privilégier une logique de liberté, au bénéfice des magistrats, afin de permettre à ces derniers de conserver toutes les marges requises pour procéder à individualisation effective des peines. Ce faisant, elle a également fait le choix du pragmatisme, la surpopulation carcérale ne pouvant pas être ignorée sous peine de voir la loi future aggraver la situation, déjà dramatique, dans laquelle se trouvent aujourd'hui nos prisons.

C'est ainsi que la commission a adopté un amendement (COM-1) du rapporteur simplifiant la motivation des décisions tendant à l'aménagement des peines ab initio par le tribunal correctionnel afin d'écarter toute exigence de motivation « spéciale », une motivation simple se trouvant ainsi prévue pour les décisions de mise à exécution de l'incarcération comme pour les éventuels aménagements décidés par le tribunal dès le prononcé de la sanction. Cette évolution permettra au juge du fond de recouvrer l'autonomie indissociable de son office et de choisir, en conscience et au vu des seuls éléments du dossier, la sanction la mieux adaptée.

La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article 2
Conditionnement des mesures d'aménagement de peine aux garanties de réinsertion du condamné

L'article 2 conditionne les mesures d'aménagement de peine aux garanties de réinsertion que présente le condamné, rétablissant ainsi le droit antérieur à la loi du 23 mars 2019. Leur mise en oeuvre serait à nouveau subordonnée aux cas où le condamné justifie de l'exercice d'une activité professionnelle, d'une formation ou d'une recherche active d'emploi, d'une « participation essentielle à la vie de sa famille », de la nécessité de suivre un traitement médical, ou « de l'existence d'efforts sérieux de réadaptation sociale résultant de son implication durable dans tout autre projet caractérisé d'insertion ou de réinsertion de nature à prévenir les risques de récidive ».

La commission a adopté cet article en maintenant, à l'initiative du rapporteur, la possibilité - prévue par le droit en vigueur - d'appliquer un placement en détention exécutoire par provision sur décision du tribunal judiciaire, le juge de l'application des peines conservant la faculté de se prononcer sur un aménagement de la peine dans un délai de cinq jours à compter de la condamnation si le profil du condamné le permet.

1. Les conditions actuelles d'aménagement des peines

Largement réécrit par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (LOPJ), l'article 132-25 du code pénal fixe les critères d'aménagement des peines d'emprisonnement ferme.

Avant l'intervention de cette loi, l'article 132-25, alors relatif à la semi-liberté et au placement à l'extérieur - mais répliqué par des dispositions en « miroir » en matière de détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE), prévues par l'article 132-26-1 (ce dernier ayant été abrogé par la LOPJ) -, précisait que de tels aménagements étaient possibles pour toute peine d'emprisonnement ferme inférieure ou égale à deux ans (ou un an en cas de récidive légale), dès lors que le condamné satisfaisait à certains critères tenant, notamment, à son insertion professionnelle, sociale ou familiale, à son état de santé ou à ses facultés de réadaptation.

Rédaction de l'article 132-25 du code pénal antérieure à l'entrée en vigueur de la LOPJ du 23 mars 2019

« Lorsque la juridiction de jugement prononce une peine égale ou inférieure à deux ans d'emprisonnement, ou, pour une personne en état de récidive légale, une peine égale ou inférieure à un an, elle peut décider que cette peine sera exécutée en tout ou partie sous le régime de la semi-liberté à l'égard du condamné qui justifie :

« 1° Soit de l'exercice d'une activité professionnelle, même temporaire, du suivi d'un stage ou de son assiduité à un enseignement, à une formation professionnelle ou à la recherche d'un emploi ;

« 2° Soit de sa participation essentielle à la vie de sa famille ;

« 3° Soit de la nécessité de suivre un traitement médical ;

« 4° Soit de l'existence d'efforts sérieux de réadaptation sociale résultant de son implication durable dans tout autre projet caractérisé d'insertion ou de réinsertion de nature à prévenir les risques de récidive.

« Ces dispositions sont également applicables en cas de prononcé d'un emprisonnement partiellement assorti du sursis ou du sursis avec mise à l'épreuve, lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à deux ans, ou, si la personne est en état de récidive légale, inférieure ou égale à un an.

« Dans les cas prévus aux alinéas précédents, la juridiction peut également décider que la peine d'emprisonnement sera exécutée sous le régime du placement à l'extérieur. »

La rédaction qui s'est substituée à ces dispositions sous l'effet de la LOPJ du 23 mars 2019, commune à l'ensemble des modalités d'aménagement des peines d'emprisonnement ferme, a notamment supprimé la condition selon laquelle seuls pouvaient bénéficier d'un aménagement de peine les condamnés présentant des garanties de réinsertion ou faisant la preuve d'efforts sérieux de réadaptation sociale : la loi ne permet donc plus aux magistrats compétents de tenir compte de ces éléments - comme l'a rappelé la chambre criminelle, tirant toutes les conséquences de l'intervention du législateur, en 202121(*).

Le code prévoit désormais, par coordination avec l'article 132-19 (modifié par l'article 1er du présent texte22(*)), que :

- les peines fermes d'une durée inférieure ou égale à six mois doivent, « sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné », être exécutées sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique, de la semi-liberté ou du placement à l'extérieur (premier alinéa) ;

- les peines fermes d'une durée comprise entre six mois et un an doivent faire l'objet des mêmes aménagements, « si la personnalité et la situation du condamné le permettent » (deuxième alinéa) ;

- qu'à l'inverse, le placement ou le maintien en détention peut être ordonné par la juridiction de jugement dès lors que celle-ci assortit sa décision de l'exécution provisoire : il appartient alors au juge de l'application des peines de fixer « les modalités d'exécution de la mesure » dans un délai de cinq jours ouvrables, « dans les conditions prévues à l'article 723-7-1 du [code de procédure pénale] » - ce qui permet en pratique à ce magistrat d'ordonner l'aménagement de la peine23(*).

2. La proposition de loi : un retour au régime en vigueur avant l'intervention de la LOPJ du 23 mars 2019

L'article 2 de la proposition de loi, qui n'a été modifié sur le fond par l'Assemblée nationale que marginalement (renvoi au suivi, par le condamné, d'une « formation » sans précision particulière et exclusion du suivi d'un « enseignement »), viendrait rétablir des dispositions qui étaient en application avant l'entrée en vigueur de la LOPJ du 23 mars 2019 précitée. L'aménagement serait ainsi possible pour toutes les peines fermes d'une durée inférieure ou égale à deux ans (y compris pour les peines assorties d'un sursis dont la durée ferme est inférieure ou égale à ce plafond) dès lors que le condamné justifie de l'un des critères suivants :

- l'exercice d'une activité professionnelle, même temporaire, le suivi d'un stage ou son assiduité à une formation ou à la recherche d'un emploi ;

- sa « participation essentielle » à la vie de sa famille ;

- la nécessité de suivre un traitement médical ;

- l'existence « d'efforts sérieux de réadaptation sociale résultant de son implication durable dans tout autre projet caractérisé d'insertion ou de réinsertion de nature à prévenir les risques de récidive ».

En application de l'article 132-19 du code pénal tel qu'il serait réécrit par l'article 1er de la présente proposition de loi, ces critères fonderaient la motivation spéciale exigée du tribunal correctionnel en cas de décision tendant à l'aménagement d'une peine d'emprisonnement ferme - ce qui constituerait, contrairement aux critères eux-mêmes, une innovation par rapport au droit ex ante.

Cette réécriture aurait pour effet de supprimer la possibilité, actuellement prévue par le dernier alinéa de l'article 464-2 du code de procédure pénale, de placer le condamné en détention dans l'attente de sa convocation par le juge de l'application des peines sous cinq jours pour déterminer les modalités d'exécution de la peine. Or, selon l'association nationale des juges de l'application des peines, cette procédure permet notamment, face à des condamnés bien insérés dans la société (donc présentant des garanties de réadaptation) et ayant commis une première infraction grave, de ménager une forme de « choc carcéral » dans le délai qui sépare le prononcé de la peine par le tribunal correctionnel de son aménagement par le JAP. Remis en cause par l'arrêt de la Cour de cassation du 11 mai 202124(*), ce dispositif a été récemment réécrit par la loi n° 2023-1059

du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 ; cette initiative répondait visiblement à une demande forte des magistrats au vu du consensus quant à l'utilité d'une exécution provisoire des peines de prison ferme25(*).

3. La position de la commission : compléter le dispositif pour donner sa juste place au juge de l'application des peines

La commission a adhéré au rétablissement des dispositions antérieurement en vigueur de l'article 132-25 qui, comme l'a résumé auprès du rapporteur la Conférence nationale des présidents de tribunaux judiciaires, constituent aux yeux des praticiens un « régime [...] qui a fait ses preuves ».

Elle a relevé que le retour au droit ex ante permettait de revenir à une situation juridique dans laquelle l'aménagement ab initio des peines fermes est une simple faculté laissée au tribunal correctionnel : elle a estimé ce choix conforme à sa position tendant à accorder davantage de latitudes aux magistrats en charge du prononcé et de l'exécution des peines comme à la nécessité, mise en avant par la plupart des personnes sollicitées par le rapporteur, de redonner leur juste place aux juges de l'application des peines et à leurs compétences particulières en matière de réinsertion, a fortiori dans un contexte où les critères d'aménagement des peines recoupent partiellement ceux de leur prononcé et où, par conséquent, la plus grande distinction de l'office du tribunal correctionnel et de celui du JAP est de nature à permettre davantage de sérénité dans le choix de la sanction la plus pertinente au vu de l'infraction commise et du profil du condamné.

La commission a toutefois estimé nécessaire de ménager la possibilité pour le juge de l'application des peines de préciser les modalités d'exécution de la peine lorsque les éléments dont dispose le tribunal correctionnel ne sont pas suffisants pour que ce dernier se prononce ab initio : elle a, dans cet objectif, adopté un amendement (COM-2) du rapporteur qui maintient la faculté donnée au tribunal correctionnel de décider du placement provisoire en détention du condamné, dans l'attente d'un éventuel aménagement.

La commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 3
Mise en cohérence de certaines dispositions du code de procédure pénale

L'article 3 modifie, par cohérence avec les articles 1er et 2 du présent texte, l'article 464-2 du code de procédure pénale.

La commission a adopté cet article, modifié par des amendements de cohérence avec les choix opérés aux articles 1er et 2 afin, d'une part, de valoriser le rôle spécifique du juge de l'application des peines et, d'autre part, de redonner des marges de manoeuvre au juge du fond en matière d'aménagement des peines.

1. La procédure applicable en matière d'aménagement des peines d'emprisonnement ferme

L'aménagement des peines d'emprisonnement ferme peut, sur le plan de procédure, prendre deux formes distinctes : il peut être décidé soit par la juridiction de jugement, soit par le juge de l'application des peines (JAP).

La première de ces formes correspond à ce qu'il est convenu d'appeler un « aménagement des peines ab initio ». Créé par la loi n° 2004-204 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité du 9 mars 2004, un tel aménagement avait pour objectif d'éviter les incarcérations susceptibles de causer une perte d'emploi ou de logement, ou encore une rupture familiale.

Son périmètre a été étendu par la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, qui a élevé le seuil des peines susceptibles d'être aménagées ab initio d'un an à deux ans d'emprisonnement ferme (un an en cas de récidive légale), puis par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice qui a fondé le dispositif actuellement en vigueur, codifié à l'article 464-2 du code de procédure pénale.

Selon le ministère de la justice26(*), les aménagements de peines ab initio représentaient 57 % des peines aménagées ou converties en 2023, ce qui marque une très nette croissance par rapport aux pratiques observées avant l'entrée en vigueur de la LOPJ du 23 mars 2019 (8 % en 2019).

L'article 464-2 détaille les conditions dans lesquelles le tribunal correctionnel doit se prononcer sur l'exécution des peines d'emprisonnement ferme, et donc sur leur éventuel aménagement, dès la condamnation. À cette fin, et en cohérence avec les articles 132-19 et 132-25 du code pénal (respectivement modifiés par les articles 1er et 2 du présent texte), il prévoit que lorsque la durée totale de l'emprisonnement ferme prononcé est inférieure ou égale à un an, il appartient au tribunal correctionnel de retenir l'une des options suivantes :

l'exécution de l'emprisonnement sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique, de la semi-liberté ou du placement à l'extérieur, « selon des modalités déterminées par le juge de l'application des peines » auquel le dossier du condamné est renvoyé à l'issue du jugement (1°) : le renvoi à de simples « modalités » implique que le JAP ne soit pas compétent pour déterminer la nature de l'aménagement et se borne à se prononcer sur sa mise en oeuvre matérielle (fixation des horaires de sortie en cas de semi-liberté, par exemple) ;

- une convocation ultérieure du condamné devant le JAP et le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) lorsque le tribunal correctionnel « ne dispose pas des éléments lui permettant de déterminer la mesure d'aménagement adaptée », en vue du prononcé par le JAP d'une mesure d'aménagement, d'une libération conventionnelle ou d'une conversion, d'un fractionnement ou d'une suspension de la peine (2°) ;

- pour les peines d'au moins six mois, le décernement d'un mandat de dépôt à effet différé, le condamné étant convoqué dans un délai maximal d'un mois devant le procureur de la République afin que celui-ci fixe la date de son incarcération (3°)27(*) ;

- pour les peines prononcées à la suite d'une comparution immédiate, les peines d'une durée d'au moins un an sans sursis et les peines prononcées à la suite d'une condamnation en cas de récidive légale, le décernement d'un mandat de dépôt ou d'arrêt à effet immédiat (4°).

Une motivation spéciale est exigée par le code de procédure pénale dans les hypothèses prévues aux 3° et 4°, donc en cas d'incarcération immédiate ou différée. Libellée en des termes particulièrement contraignants, cette motivation doit être effectuée « au regard des faits de l'espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, afin de justifier les raisons pour lesquelles il estime devoir prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis et celles pour lesquelles il considère que cette peine ne peut être aménagée »28(*).

Le même article prévoit en son II, plus largement, que lorsque la durée totale de l'emprisonnement ferme prononcé est supérieure à un an et que la peine ne comporte pas de sursis, le tribunal correctionnel doit spécialement motiver sa décision, selon une formule plus légère que celle précédemment exposée : cette motivation s'opère ainsi « au regard des faits de l'espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, afin de justifier les raisons pour lesquelles [le tribunal] estime devoir prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis ».

Lors de leurs travaux sur la loi du 23 mars 2019 précitée, les rapporteurs du Sénat, François-Noël Buffet et Yves Détraigne, avaient adhéré à cette évolution ; ils avaient toutefois relevé que les difficultés rencontrées en matière d'aménagement des peines tenaient, davantage qu'à la répartition des prérogatives entre le tribunal correctionnel et le juge de l'application des peines, à plusieurs facteurs matériels et organisationnels : « l'absence d'information des juridictions de jugement sur la situation du prévenu (situation matérielle, familiale, etc.), le budget insuffisant consacré aux enquêtes pré-sentencielles, les délais excessivement courts entre le renvoi et l'audience, la surcharge de travail des juridictions de jugement, la technicité du droit de l'application des peines souvent mal maîtrisée par les juges siégeant dans les formations de jugement, le sentiment que ce travail relève du juge de l'application des peines et non du tribunal correctionnel... ». Ils avaient, plus encore, regretté que l'aménagement systématique soit fondé sur « une approche de gestion des flux d'incarcération visant à résorber la surpopulation carcérale au lieu d'essayer de donner un sens à la peine : la quasi-automaticité de certaines modalités d'exécution de la peine n'est de nature ni à renforcer l'efficacité des peines ni leur sens »29(*).

2. Une mise en cohérence du code de procédure pénale avec les évolutions prévues, au sein du code pénal, par les articles 1er et 2

Supprimé en commission puis réintroduit, dans une rédaction remaniée, en séance publique à l'Assemblée nationale, l'article 3 apporte, par cohérence avec les articles 1er et 2 du présent texte, trois modifications à l'article 464-2 du code de procédure pénale.

Il vise, en premier lieu, à porter à deux ans (contre un an en l'état du droit) le seuil en deçà duquel des mesures d'aménagement peuvent être décidées.

Il supprime, ensuite, l'interdiction faite au tribunal correctionnel de décerner un mandat de dépôt différé pour les peines d'emprisonnement inférieures à six mois - ce qui revient à généraliser la possibilité de décerner de tels mandats -, ce que le rapporteur Loïc Kervran présente comme une mesure de cohérence avec le rétablissement de peines inférieures à un mois, pour lesquelles un mandat de dépôt différé pourrait s'avérer opportun.

Il vient, en troisième lieu, modifier les règles relatives à la motivation spéciale des décisions. Celle-ci serait désormais :

facultative pour les décisions prises en application des 3° et 4° du I (mandat de dépôt à effet différé et mandat de dépôt ou d'arrêt décerné pour certaines peines, énumérées ci-dessus), cas dans lesquels la motivation serait par ailleurs allégée puisque le texte supprime l'exigence tendant à ce que le tribunal correctionnel justifie « les raisons pour lesquelles il estime devoir prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis et celles pour lesquelles il considère que cette peine ne peut être aménagée ». Cette formule est surprenante au plan juridique, la motivation spéciale facultative étant sans exemple en procédure pénale ;

supprimée dans les autres cas, c'est-à-dire ceux dans lesquels la peine prononcée est supérieure à un an et ne comporte pas de sursis (II du même article 464-2). De telles peines seront donc soumises au régime de droit commun de l'article 132-1 du code pénal, qui prévoit pour mémoire une motivation simple fondée sur la gravité des faits commis, la personnalité de leur auteur et sa situation matérielle, familiale et sociale.

3. La position de la commission : valoriser le rôle des juges de l'application des peines et renforcer la liberté d'appréciation du juge du fond

Fidèle à la position qu'elle a adoptée sur les articles 1er et 2, la commission a adopté, outre des modifications rédactionnelles (amendements COM-3 et COM-6 du rapporteur), deux amendements du rapporteur.

Tout d'abord, elle a souhaité favoriser une meilleure répartition des missions entre le tribunal correctionnel et le juge de l'application des peines en prévoyant que le juge du fond pourra s'abstenir de se prononcer sur l'aménagement de la peine - cette compétence étant alors renvoyée au JAP et au service pénitentiaire d'insertion et de probation - dès lors qu'il ne dispose pas des éléments sur lesquels se fondent les critères visés par le code pénal ainsi qu'en cas non-comparution du prévenu.

La commission a, par ailleurs, observé que la quasi-obligation d'aménager les peines ab initio posait des difficultés réelles, mises en avant par de nombreuses entités sollicitées par le rapporteur : plusieurs d'entre elles ont ainsi relevé que l'aménagement des peines ab initio pouvait porter préjudice à une pleine individualisation des peines, faute d'une connaissance suffisante de la situation du condamné. La Conférence nationale des procureurs de la République a ainsi souligné que « le temps de l'audience est rarement suffisant pour examiner en détail la situation personnelle et professionnelle d'un condamné - lequel d'ailleurs ne fournit pas nécessairement les justificatifs de sa propre situation », si bien qu'« obliger le tribunal à aménager la peine ab initio revient dans un certain nombre de bas à l'obliger à aménager en méconnaissance de cause ».

Ce constat est partagé par le Conseil national des barreaux (CNB), qui relève que l'aménagement ab initio se traduit trop systématiquement par un recours à la détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE), cette formule n'étant pas la plus opportune pour tous les condamnés, témoignant d'une forme d'effet d'éviction au détriment des autres formes d'aménagement. Le CNB rappelle à titre d'illustration que, « si le placement extérieur est une modalité d'exécution de la peine particulièrement adaptée à certains profils ou publics, l'admission des condamnés implique une préparation que le prononcé de cette mesure ab initio ne permet pas (alors qu'elle pourrait l'être dans le cadre d'un renvoi devant le juge de l'application des peines sur convocation) »30(*).

La commission a dès lors souhaité, par l'amendement COM-4, favoriser une meilleure répartition des missions entre le tribunal correctionnel et le juge de l'application des peines en prévoyant que le juge du fond pourra s'abstenir de se prononcer sur l'aménagement de la peine - cette compétence étant alors renvoyée au JAP et au service pénitentiaire d'insertion et de probation - dès lors qu'il ne dispose pas des éléments sur lesquels se fondent les critères visés par le code pénal ainsi qu'en cas non-comparution du prévenu.

La commission a par ailleurs supprimé la motivation spéciale facultative introduite par la proposition de loi, la spécialité et le caractère facultatif apparaissant en tout état de cause porteurs d'une contradiction interne. Elle y a substitué, en pleine cohérence avec les choix opérés à l'article 1er, une motivation simple par référence aux faits de l'espèce, à la personnalité de leur auteur et aux critères fixés par l'article 132-25 du code pénal, tel que réécrit par l'article 2 du présent texte (amendement COM-5 du rapporteur).

La commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 4 (Supprimé)
Adaptation du régime de fractionnement des peines d'emprisonnement

L'article 4, introduit par la commission des lois de l'Assemblée nationale, tend à permettre le fractionnement des peines de prison inférieures ou égales à deux ans, y compris en cas de récidive légale

La commission a supprimé cet article estimant nécessaire une réflexion plus large sur le fractionnement des peines.

1. Un dispositif peu utilisé

L'article 4 tend à modifier l'article 132-27 du code pénal afin de permettre le fractionnement de toutes les peines de prison inférieures ou égales à deux ans. Il supprime l'exception actuellement prévue pour les cas de récidive légale. Dans ces cas, en effet, le fractionnement n'est actuellement possible que pour les peines de prison inférieures ou égales à un an.

Dispositif ancien destiné à permettre la prise en compte des situations médicales, familiales, professionnelles ou sociales, le fractionnement ne peut conduire à exécuter des peines inférieures à deux jours ni à étaler la peine sur plus de quatre ans.

Il résulte cependant des auditions du rapporteur que ce dispositif est désormais peu utilisé, d'autres dispositifs étant privilégiés par les magistrats, notamment pour la prise en compte des situations médicales. Les personnes auditionnées par le rapporteur n'ont ainsi par été en mesure d'évaluer l'impact de la mesure proposée par l'article 4.

2. La nécessité d'une réflexion plus large

Au regard de sa relative désuétude, il apparaît à la commission nécessaire d'engager une réflexion sur ce dispositif, dont l'insertion parmi l'ensemble des mesures relatives à l'exécution des peines doit à nouveau être examinée.

La commission estime par ailleurs que la situation de récidive légale ne peut être simplement assimilée à une première infraction ou même à une réitération. La distinction posée par l'article 132-27 du code pénal paraît donc justifiée et mérite, elle aussi, un examen plus approfondi.

3. La position de la commission : engager une réflexion sur la place du fractionnement parmi les modalités d'exécution des peines

Au regard des interrogations posées par le dispositif du fractionnement des peines et sur l'opportunité d'un alignement des cas de récidive légale sur le droit commun, la commission a, à l'initiative du rapporteur, adopté un amendement de suppression de cet article (amendement COM-7).

La commission a supprimé l'article 4.

Article 5
Adaptation aux fins de coordination de diverses dispositions du code de procédure pénale

L'article 5, issu de quatre amendements du rapporteur adoptés par la commission des lois de l'Assemblée nationale, a été complété par un amendement du rapporteur en séance publique. Il tend à supprimer le dispositif de libération sous contrainte de plein droit et à effectuer plusieurs coordinations au sein du code de procédure pénale.

La commission a adopté cet article sans modification.

1. Des coordinations d'importances diverses

L'article 5 procède à quatre coordinations ponctuelles au sein du code de procédure pénale.

Trois sont de simples conséquences des dispositions prévues par les articles 1er et 2 de la proposition de loi.

L'article 5 supprime tout d'abord au sein de l'article 465 du code de procédure pénale le seuil d'un an d'emprisonnement ferme pour décerner un mandat d'arrêt ou de dépôt. Le mandat pourra donc être délivré quel que soit le quantum de la peine, en cohérence avec le rétablissement des courtes peines d'emprisonnement ferme instauré par l'article 1er de la proposition de loi

Il rehausse ensuite, à l'article 474 du même code, le seuil d'un an à deux ans d'emprisonnement ferme. Ainsi le tribunal correctionnel qui prononce une mesure d'aménagement d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à deux ans devra saisir le juge de l'application des peines.

Enfin il met en cohérence les dispositions de l'article 723-15 relatives à la procédure d'aménagement de peine des personnes condamnées libres par le juge de l'application des peines avec les articles 1er et 2 de la proposition de loi. Il rehausse d'un an à deux ans le seuil prévu pour l'aménagement des peines et supprime l'obligation de principe de prononcer un tel aménagement pour en faire une simple faculté.

La modification proposée de l'article 720 au code de procédure pénale découle moins directement des dispositions antérieures de la proposition de loi et devrait avoir un impact immédiat très important.

En effet l'article 5 abroge la libération sous contrainte de plein droit prévue aux II, III et IV de l'article 720. Ce mécanisme, qui s'applique, sauf exception, à tout reliquat de trois mois d'une peine de prison ferme égale ou inférieure à deux ans, est jugé par le rapporteur de l'Assemblée nationale « contradictoire avec la possibilité de prononcer des peines d'emprisonnement ferme inférieures ou égales à un mois prévue à l'article 1er de la présente proposition de loi. »

2. Un dispositif de libération sous contrainte de plein droit très contesté

Dans son rapport d'octobre 2023, Une surpopulation carcérale persistante, une politique d'exécution des peines en question, la Cour des comptes dresse un bilan en demi-teinte de la libération sous contrainte de plein droit mise en place par la loi du 23 mars 2019 de programmation pour la justice. Elle pointe notamment le peu d'éléments disponibles sur l'impact de cette mesure ainsi que le manque de lisibilité qu'elle entraine en matière d'aménagement des peines.

Surtout, tant le rapport de la Cour des comptes que de multiples rapports du Sénat ont souligné la désorganisation des greffes pénitentiaires et de l'incarcération liée à la mise en oeuvre de cette mesure particulièrement chronophage et peu discriminante. En pratique, le seul élément pris en compte pour l'octroi de cette mesure est l'existence ou non d'un logement.

Paradoxalement, cette mesure uniforme, sauf pour les infractions les plus graves, destinée à faire baisser la population carcérale, conduit à rendre plus difficilement applicables les dispositifs de sortie adaptés au parcours du détenu et à sa volonté de réinsertion, notamment les structures d'accompagnement à la sortie.

3. La position de la commission : des mesures cohérentes et utiles

La commission partage la volonté de supprimer le mécanisme de libération sous contrainte de plein droit. Elle estime par ailleurs cohérentes les coordinations proposées.

Elle a donc adopté cet article sans modification.

La commission a adopté l'article 5 sans modification.

Article 6 (Supprimé)
Rapport concernant l'impact de cette proposition de loi sur la récidive et sur la surpopulation carcérale

L'article 6, est issu d'un amendement du groupe La France insoumise - Nouveau Front Populaire, sous-amendé par le rapporteur, adopté en séance publique à l'Assemblée nationale, tend à ce que le Gouvernement remette dans les vingt-quatre mois un rapport concernant l'impact de cette proposition de loi sur la récidive et sur la surpopulation carcérale.

La commission a supprimé cet article.

La commission déplore l'absence d'étude d'impact des dispositions de la proposition de loi et estime nécessaire le dépôt d'un projet de loi permettant la remise à plat de la question des peines et de leur exécution.

Dans cette attente, elle considère qu'une demande de rapport à transmettre au Parlement dans deux ans ne permettra pas de guider les politiques publiques en la matière.

Fidèle à sa position constante, la commission a donc supprimé cet article (amendement COM-8 du rapporteur).

La commission a supprimé l'article 6.


* 4 Rapport n° 1187, déposé le 26 mars 2025.

* 5 Exposé des motifs de la loi n° 2019-222 précitée.

* 6 Rapport n° 11 (2018-2019), déposé le 3 octobre 2018.

* 7 Cette durée se déduit du renvoi à l'article 132-25 du code pénal, dont le deuxième alinéa dispose : « Si la peine prononcée ou la partie ferme de la peine prononcée est supérieure à six mois et inférieure ou égale à un an d'emprisonnement, [la juridiction de jugement] doit décider, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, que la peine sera exécutée en tout ou partie sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique, de la semi-liberté ou du placement à l'extérieur ».

* 8 La chambre criminelle considérait, avant cet arrêt - donc avant l'intervention de la LOPJ du 23 mars 2019 - que l'exigence de motivation pouvait être allégée lorsque certains éléments étaient absents ou insuffisants, par exemple pour apprécier la situation personnelle du prévenu (Cass. crim., 28 novembre 2012, n°s 12-81-140 et 12-80.639), ou encore sa situation matérielle, familiale et sociale ou son évolution (Cass. crim., 18 octobre 2017, n° 16-83.108).

* 9  Rapport du 5 octobre 2023, « Une surpopulation carcérale persistante, une politique d'exécution des peines en question ». La Cour y indique notamment que ses constatations et les chiffres qu'elle a obtenus « suggèrent que l'obligation d'aménager les peines inférieures ou égales à six mois, introduit[e] par la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, a produit, par `effet de bord', une augmentation du quantum des peines prononcées ».

* 10 C'est-à-dire soit ab initio par la juridiction de jugement, soit par le juge de l'application des peines.

* 11 Exposé des motifs de la présente proposition de loi.

* 12 Le code pénal prévoit actuellement, pour mémoire, que les peines inférieures ou égales six mois doivent être aménagées « sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné » et que, lorsque la peine prononcée (ou sa partie ferme) est comprise entre six mois et un an, celle-ci « doit également être aménagée si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle ».

* 13  Audition du 28 mai 2025 de Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice, sur les orientations du ministère en matière de justice pénale, de justice civile et d'organisation pénitentiaire.

* 14 La Conférence nationale des présidents de tribunaux judiciaires estimait de même, tout en marquant son opposition aux courtes peines au vu de « leur effet potentiellement désocialisant », que cette question pouvait « se poser différemment pour les mineurs pour lesquels l'effet d'un choc carcéral limité peut être discuté ».

* 15 Rapport à la garde des Sceaux, ministre de la justice, « Pour une refonte du droit des peines », décembre 2015.

* 16 Cass. crim., 7 décembre 2016, n° 15-85.136.

* 17 Cass. crim., 1er février 2017, n°s 15-84.511 et 15-85.199.

* 18 Décision n° 2017-694 QPC du 2 mars 2018, Ousmane K. et autres, cette décision reconnaissant par ailleurs la valeur constitutionnelle autonome de la motivation (qui, parce qu'elle ne peut pas être remplacées par des garanties équivalentes, est indissociable de l'individualisation de la peine) et la rend obligatoire pour tous les arrêts et jugements de condamnation, pour la culpabilité comme pour la peine.

* 19 Expression tirée de la décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, « Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité », par laquelle le Conseil constitutionnel rappelait au législateur qu'il lui appartenait d'« éviter toute rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions ».

* 20 Qui établit notamment que « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ».

* 21 Cass. crim., 11 mai 2021, n° 20-85.576

* 22 Voir commentaire supra.

* 23 Cette précision visait à revenir sur un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation faisant interdiction au tribunal correctionnel ordonnant l'aménagement total de la peine de prévoir, dans le même temps, le maintien en détention dans le cadre d'une procédure de comparution immédiate (Cass. crim., 14 avr. 2021, n° 21-80.829).

* 24 Comme le résumait Jean Terlier, rapporteur de l'Assemblée nationale sur la loi n° 2023-1059 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 du 20 novembre 2023, l'arrêt précité avait fait naître des « doutes [...] quant à la possibilité, pour le juge de l'application des peines, de convertir la peine plutôt que de prononcer une détention à domicile sous surveillance électronique, une semi-liberté ou un placement extérieur ».

* 25 Selon l'ANJAP, ce dispositif est notamment utilisé pour la prise en charge des auteurs de violences conjugales.

* 26 InfoRapides Justice n° 17, précité.

* 27 Sur décision du tribunal correctionnel, le mandat de dépôt à effet différé peut toutefois avoir un effet provisoire, en application du IV de l'article 464-2 du code de procédure pénale, pour les peines prononcées à la suite d'une comparution immédiate, les peines d'une durée d'au moins un an sans sursis et les peines prononcées à la suite d'une condamnation en cas de récidive légale.

* 28 Dernier alinéa du I de l'article 464-2 précité.

* 29 Rapport précité de première lecture sur la loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019.

* 30 L'ANJAP juge, de la même manière, que « beaucoup de peines inférieures ou égales à six mois sont aujourd'hui aménagées par le tribunal correctionnel en DDSE, alors qu'elles pouvaient auparavant l'être par le juge de l'application des peines, par le biais notamment de conversions en TIG, en sursis probatoire renforcé ou en jours-amende, souvent bien plus porteuses de contenu et donc plus efficaces quant à la prévention de la récidive ».

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