EXAMEN EN COMMISSION

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous examinons maintenant le rapport de Catherine Di Folco sur la proposition de loi relative à la protection sociale complémentaire des agents publics territoriaux, déposée par Isabelle Florennes et plusieurs de ses collègues.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - La fonction publique territoriale compte 1,94 million d'agents, dont une grande proportion - 72 % - d'agents de catégorie C, qui exercent des métiers marqués par une forte pénibilité, puisque 45 % d'entre eux occupent des emplois dans la filière technique. De plus, la moyenne d'âge - 46 ans - est plus élevée que dans les autres versants de la fonction publique, tandis que le salaire médian s'élève à 1 947 euros.

Ces spécificités sont à l'origine d'une exposition plus forte non seulement aux risques d'incapacité de travail, d'invalidité, d'inaptitude ou de décès, mais également aux situations de précarité en cas d'arrêt de travail.

En effet, si un agent ne dispose pas d'une couverture complémentaire en matière de prévoyance, il ne bénéficie que des garanties de rémunération statutaires, soit un demi-traitement au bout de trois mois d'arrêt dans le cas d'un congé de maladie.

Moins de la moitié des agents de la fonction publique territoriale sont aujourd'hui couverts par une protection complémentaire en matière de prévoyance.

Cette situation tient à plusieurs facteurs : le caractère facultatif de la participation de l'employeur et de l'adhésion de l'agent aux contrats collectifs ; une culture hétérogène de la prévention et une perception souvent lacunaire, y compris chez les agents eux-mêmes, des enjeux liés à la couverture du risque prévoyance ; une expertise insuffisante en matière de dispositifs assurantiels et une méconnaissance des mécanismes de protection sociale complémentaire de la part des employeurs territoriaux ; un marché peu attractif pour les opérateurs, du fait de l'absence de mutualisation des risques et d'un niveau élevé d'antisélection - c'est le phénomène en vertu duquel les jeunes agents ou ceux qui sont le moins exposés aux risques jugent qu'il n'est pas nécessaire de souscrire un contrat de protection. Cela conduit à des niveaux élevés de cotisation.

Les insuffisances en matière de protection sociale complémentaire ne sont pas sans conséquence pour les employeurs publics au regard des enjeux de continuité du service public et d'attractivité du secteur public.

Cependant, en application du décret du 8 novembre 2011, les collectivités territoriales, peuvent, depuis 2012, participer, par le versement d'une aide financière, à la protection sociale complémentaire en santé et en prévoyance de leurs agents qui souscrivent à des contrats de protection sociale complémentaire, qu'il s'agisse d'un contrat collectif ayant fait l'objet d'une convention entre la collectivité et un organisme d'assurance, ou bien d'un contrat individuel labellisé.

Au 31 décembre 2022, 18 600 collectivités, soit 46 % des collectivités, participaient au financement de la protection sociale complémentaire de leurs agents au titre de la prévoyance. Au total, plus de la moitié des agents dont la collectivité finance cette protection sociale complémentaire en bénéficient, pour un montant annuel moyen de 202 euros par agent, soit environ 16 euros mensuels.

Une réforme de la protection sociale complémentaire a été mise en oeuvre par l'ordonnance du 17 février 2021, prise sur le fondement de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique. La participation au financement de la protection sociale complémentaire en matière de prévoyance a ainsi été rendue obligatoire dans le versant territorial de la fonction publique à partir du 1er janvier 2025. Elle a été fixée à 20 % d'un montant de référence, lequel a été fixé à 35 euros par le décret du 20 avril 2022. Dès lors, la participation obligatoire des collectivités locales en matière de prévoyance s'élève à 7 euros par mois et par agent.

L'ordonnance a également octroyé aux centres de gestion une compétence étendue en matière de protection sociale complémentaire, en leur permettant de conclure, pour le compte des collectivités territoriales et de leurs établissements, qu'ils soient affiliés ou non, des conventions de participation auxquelles ils peuvent adhérer pour un ou plusieurs des risques que ces conventions sont destinées à couvrir. Cette modalité est largement utilisée par les collectivités territoriales.

En résumé, le droit en vigueur en matière de prévoyance dans la fonction publique territoriale est le suivant : depuis le 1er janvier 2025, l'employeur public territorial doit prendre en charge les garanties de protection sociale complémentaire concernant les risques d'incapacité de travail, d'invalidité, d'inaptitude ou de décès, à hauteur de 7 euros par mois et par agent.

L'employeur souscrit, après mise en concurrence, un contrat collectif destiné aux agents de la collectivité, soit à adhésion facultative, soit à adhésion obligatoire.

L'agent peut également souscrire librement un contrat individuel labellisé de son choix, plutôt que le contrat collectif proposé.

Pour mémoire, en matière de santé, les contrats peuvent être, de la même manière, individuels, labellisés ou collectifs à adhésion facultative ou obligatoire. À compter du 1er janvier 2026, les collectivités locales auront l'obligation de participer au financement de la couverture santé de leurs agents à hauteur de 50 % d'un montant de référence fixé à 30 euros, ce qui représente 15 euros par agent et par mois.

Les employeurs territoriaux, réunis au sein de la coordination des employeurs territoriaux, et les organisations syndicales représentatives à l'échelle du versant de la fonction publique territoriale - la CGT, la CFDT, FO, l'Unsa (l'Union nationale des syndicats autonomes), la FA-FPT (la Fédération autonome de la fonction publique territoriale) et la FSU (Fédération syndicale unitaire) - ont souhaité approfondir cette réforme, en priorité sur le volet prévoyance. Ils ont lancé un processus national de négociation collective, qui s'est traduit par la conclusion d'un accord collectif national signé le 11 juillet 2023. Celui-ci peut être qualifié d'historique en ce qu'il est le premier accord collectif signé à l'échelle du versant territorial de la fonction publique.

Il a posé le principe de la généralisation des contrats collectifs à adhésion obligatoire en matière de protection sociale complémentaire au titre de la prévoyance, et a fixé le montant de la participation minimale de l'employeur à la moitié de la cotisation individuelle prévue au contrat ouvrant droit aux garanties minimales.

Cependant, cet accord ne peut être mis en oeuvre en l'état : il nécessite la transposition législative de certaines de ses dispositions qui relèvent de la loi. Ainsi, depuis juillet 2023, est attendu un texte législatif pour rendre effectives les dispositions de l'accord collectif national. Les collectivités territoriales sont ainsi placées dans une situation singulière, ne sachant pas si elles doivent bâtir leurs nouvelles conventions de participation sur le fondement du décret du 20 avril 2022 ou sur les dispositions de l'accord collectif national. Face à ce vide juridique, certaines collectivités ont tout simplement suspendu leurs appels d'offres.

C'est dans ce contexte qu'Isabelle Florennes a déposé le 3 février 2025 cette proposition de loi qui vise à traduire dans la loi les dispositions de l'accord collectif national.

L'article 1er tend à modifier l'article L. 827-4 du code général de la fonction publique, afin d'exclure le recours à la procédure de labellisation pour les contrats destinés à couvrir le risque prévoyance souscrits par les agents de la fonction publique territoriale.

En conséquence, seuls les contrats collectifs seront éligibles à la participation financière des collectivités territoriales. En revanche, le recours aux contrats labellisés en matière de santé sera maintenu. Cette disposition s'inscrit dans l'objectif de généralisation des contrats collectifs à adhésion obligatoire en matière de prévoyance, tel qu'il a été fixé par l'accord collectif national. Je vous proposerai d'approuver cet article modifié par un amendement rédactionnel.

L'article 2 tend à généraliser les contrats collectifs à adhésion obligatoire en matière de prévoyance dans la fonction publique territoriale. Il permet également aux accords collectifs de prévoir l'adhésion obligatoire pour des niveaux de garanties supérieures à celles qui sont déterminées par les textes en vigueur. Les agents auront la possibilité, s'ils le souhaitent, de souscrire des garanties optionnelles présentes dans le contrat.

L'article renvoie à un décret en Conseil d'État la détermination des cas de dispense d'adhésion à un contrat collectif à adhésion obligatoire ainsi que des facultés de dispense pouvant résulter d'un accord collectif.

La généralisation de l'adhésion obligatoire aux contrats de prévoyance est perçue comme une source d'optimisation à plusieurs titres. D'une part, en garantissant l'adhésion de tous les agents, le contrat collectif à adhésion obligatoire permet aux assureurs d'avoir une connaissance exhaustive de la population et donc des risques à couvrir, permettant un équilibre économique du contrat plus avantageux pour la collectivité comme pour les agents, et un effet modérateur sur les évolutions tarifaires en cours de contrat, ainsi qu'une réduction de la part de l'aléa en cours d'exécution. D'autre part, par la mutualisation maximale des risques, il permet une meilleure couverture des agents territoriaux.

L'article 2 de la proposition de loi, cumulé à l'article 1er, permet d'atteindre l'objectif de généralisation des contrats collectifs obligatoires en matière de prévoyance, qui constitue le coeur de l'accord collectif national. Je vous proposerai donc de l'adopter, modifié par un amendement rédactionnel.

Par ailleurs, l'accord collectif national a posé le principe selon lequel la participation de l'employeur serait exprimée en pourcentage de la cotisation prévue au contrat et non plus par rapport à un montant de référence défini par décret - 35 euros, vous vous en souvenez -, ce qui paraît en effet plus conforme à la réalité économique des contrats de prévoyance complémentaire, qui se fondent sur des points de cotisation rapportés au salaire.

Ainsi, l'article 3 modifie l'article L. 827-11 du code général de la fonction publique afin de fixer le montant de la participation minimale des employeurs territoriaux à la complémentaire en prévoyance de leurs agents à la moitié du montant de la cotisation ou prime individuelle ouvrant droit au bénéfice des garanties minimales, à la place du taux minimal de 20 % d'un montant de référence fixé par décret.

En outre, le relèvement de 20 % à 50 % du taux de participation a été conçu comme le corollaire de la généralisation des contrats collectifs à adhésion obligatoire. En effet, dès lors que l'agent doit obligatoirement souscrire à un contrat, il paraîtrait peu acceptable socialement de le contraindre à un reste à charge qui serait élevé du fait d'une participation modeste de l'employeur. Il existe en effet un décalage important actuellement entre le montant de la participation minimale de l'employeur - 7 euros par mois par agent - et le niveau de prime ou de cotisation permettant de couvrir les garanties minimales prévues par le décret n° 2022-581 du 20 avril 2022, évaluée en moyenne à 70 euros.

Je tiens toutefois à souligner qu'une telle mesure a un impact sur les finances locales, évalué à environ 500 millions d'euros au total, ce chiffre incluant toutefois les efforts actuels en matière de participation de la part des employeurs, mais dont le montant agrégé n'est pas connu à l'échelle nationale.

De surcroît, cette mesure intervient dans un contexte budgétaire encore plus contraint que lors de la signature de l'accord collectif national signé voilà deux ans, au regard notamment de l'augmentation de douze points sur quatre ans du taux de cotisations vieillesse des employeurs des agents affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Le report de l'entrée en vigueur que je vous proposerai à l'article 6 vise donc notamment à tenir compte de ce contexte, afin de lisser dans le temps l'effort demandé aux collectivités.

Enfin, il est intéressant de noter que le versant fonction publique territoriale est à ce niveau en avance sur les deux autres versants, dans la mesure où les contrats collectifs en prévoyance que doivent mettre en oeuvre les ministères depuis le 1er janvier 2025 sont à adhésion facultative, sauf pour le ministère de l'économie et des finances, et le montant de la participation employeur est fixé à 7 euros par mois et par agent. Pour une fois, la fonction publique territoriale montre la voie...

Je vous proposerai donc d'adopter l'article 3 modifié par un amendement rédactionnel.

Les parties signataires de l'accord collectif national ont exprimé leur volonté de prévoir des dispositions relatives à la prise en charge et aux modalités d'indemnisation des sinistres de prévoyance en fonction de leur date de survenance et en particulier d'« étendre le champ d'application des dispositions issues de l'article 7 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 [...] à tous les contrats collectifs issus de conventions de participation ».

Ainsi, l'article 4 garantit la prise en charge, par l'organisme assureur avec lequel a été conclu un contrat collectif à adhésion obligatoire, des suites d'états pathologiques d'un agent survenus avant son adhésion au contrat en question. Il apporte une clarification bienvenue en appliquant à la fonction publique territoriale le cadre juridique relatif à la protection sociale complémentaire du secteur privé, issu de l'article 2 de la loi Évin.

Toutefois, pour parer à toute situation contentieuse et garantir aux agents la reprise de leurs droits en cas d'adhésion à un contrat collectif obligatoire, je vous proposerai un amendement tendant à sécuriser l'interprétation de l'article 7 de la loi Évin.

Il me semble souhaitable de préciser, pour chacun des cas de figure possibles, que les suites des états pathologiques survenus antérieurement à l'adhésion au contrat collectif obligatoire mis en oeuvre par la collectivité, ainsi que les rechutes d'un arrêt de travail survenu avant cette adhésion, sont pris en charge par le nouvel organisme assureur du contrat collectif à adhésion obligatoire. L'objectif est de réduire autant que possible l'insécurité juridique pouvant conduire à des contentieux, susceptibles de retarder pendant plusieurs années l'indemnisation des agents concernés.

Je vous proposerai donc d'adopter l'article 4 modifié par mon amendement.

Par ailleurs, les parties signataires de l'accord collectif national sont convenues de la nécessité de prévoir « une dérogation au caractère obligatoire d'adhésion aux contrats collectifs de prévoyance complémentaire pour les agents en situation d'arrêt de travail à la date de mise en place du premier contrat collectif à adhésion obligatoire au profit d'un régime transitoire ».

Ainsi l'article 5 vise à instaurer, à titre transitoire, un régime dérogatoire pour les agents se trouvant en arrêt de travail à la date de mise en place du premier contrat collectif à adhésion obligatoire ; pour ces agents, l'adhésion à ce contrat ne sera obligatoire qu'au bout de trente jours consécutifs d'exercice de leurs fonctions. Dans l'intervalle, ils pourront continuer à souscrire au contrat individuel labellisé de prévoyance dont ils seraient titulaires et bénéficieront de la participation financière de leur employeur dans les mêmes conditions que les agents qui ont souscrit au contrat collectif à adhésion obligatoire, c'est-à-dire à hauteur de 50 % du montant de leurs cotisations individuelles. L'objet de cet article est, selon les termes de l'exposé des motifs de la proposition de loi, de « lever une source potentielle d'insécurité juridique à laquelle pourraient être confrontés les employeurs territoriaux, comme l'avaient été les employeurs privés à l'époque de la mise en place des premiers contrats d'entreprise à adhésion obligatoire ».

Je vous proposerai d'adopter cet article modifié par un amendement de précision.

L'article 6 prévoit l'entrée en vigueur au 1er janvier 2027 au plus tard des articles 1er à 3 de la proposition de loi. Il comporte en outre deux dispositions spécifiques visant les contrats collectifs en cours. Pour ceux qui arriveraient à échéance avant le 1er janvier 2027, les articles 1er, 2 et 3 seraient applicables aux collectivités concernées dès le terme du contrat. Pour ceux qui arriveraient à échéance après le 1er janvier 2027, la collectivité concernée devrait mettre en conformité le contrat dans le respect des dispositions de la commande publique. Enfin, il prévoit explicitement l'entrée en vigueur immédiate des articles 4 et 5.

Il me semble nécessaire de laisser le temps aux employeurs et aux organisations syndicales de préparer la mise en oeuvre des dispositions relatives à la généralisation des contrats collectifs à adhésion obligatoire. Compte tenu du retard pris non seulement dans le dépôt, mais également dans l'inscription à l'ordre du jour des travaux du Parlement d'un texte visant à doter les dispositions de l'accord collectif national d'une base législative, et au regard des délais inhérents à l'examen et à l'adoption de la présente proposition de loi - et en particulier du fait que la procédure accélérée n'a pas été engagée sur ce texte -, la date du 1er janvier 2027 semble peu réaliste. De plus, des élections municipales ayant lieu en 2026, puis des élections départementales et régionales en 2028, il convient de laisser du temps aux organes nouvellement élus pour lancer les appels d'offres et de préparer les procédures en vue de la conclusion de contrats collectifs.

Pour toutes ces raisons, je vous proposerai un amendement visant à reporter au 1er janvier 2029 l'entrée en vigueur du texte pour les collectivités qui ne disposent pas, à l'heure actuelle, de contrat collectif en complémentaire prévoyance, et d'adapter en conséquence les dispositions visant les contrats collectifs en cours.

L'article 7 vise à lever le gage.

En conclusion, cette proposition de loi constitue un préalable indispensable à la mise en oeuvre des dispositions de l'accord collectif national de juillet 2023. Elle devra toutefois être complétée d'un important travail réglementaire en vue de l'actualisation du décret n° 2022-581 du 20 avril 2022, autre argument à l'appui du report de la date de mise en oeuvre, car la production de décrets est toujours longue. En outre, il me semble nécessaire d'engager des actions d'information et de sensibilisation à l'égard des élus locaux, qui ne connaissent pas toujours suffisamment les exigences et devoirs qui leur incombent en tant qu'employeurs publics.

La généralisation des contrats collectifs à adhésion obligatoire en matière de prévoyance devra également être l'occasion de favoriser l'émergence d'une véritable culture de la prévention dans la fonction publique territoriale.

Enfin, dans le contexte de la baisse d'attractivité de la fonction publique et du gel du point d'indice, la mise en place de dispositifs avantageux et efficaces en termes de protection sociale complémentaire paraît indispensable pour permettre au secteur public de faire face à la concurrence du secteur privé.

Mme Isabelle Florennes, auteure de la proposition de loi. - Je remercie le rapporteur de ce travail très complet. Nous avons dû faire preuve de beaucoup de patience, car il a été difficile de faire inscrire ce texte à notre ordre du jour ; il s'est tout de même écoulé deux ans depuis la signature de cet accord par les partenaires sociaux de la fonction publique territoriale. Cet accord historique a été obtenu après dix mois de négociations, dans un contexte social difficile, celui de la réforme des retraites, qui n'a pas empêché les partenaires sociaux de poursuivre leurs discussions, grâce à la confiance mutuelle qu'ils avaient instaurée. C'est un bel exemple de négociation ; la fonction publique territoriale est parvenue à un accord, et c'est tout à son honneur.

Je ne répéterai pas les éléments techniques développés par le rapporteur, mais je tiens à souligner que ce texte est très attendu, la transposition de cet accord est nécessaire. Les deux autres fonctions publiques - la fonction publique d'État et la fonction publique hospitalière - ont déjà mis en place un régime de prévoyance, mais la fonction publique territoriale a besoin, en raison de son statut, de la transposition de cet accord dans le code général de la fonction publique.

En ce qui concerne la date d'entrée en vigueur des dispositions du texte, je suis d'accord avec le rapporteur ; compte tenu des contraintes, il convient de reporter l'échéance prévue. Le délai initial était fixé au 1er janvier 2025, mais chacun connaît le contexte politique, les changements de gouvernement, l'appétence plus ou moins grande des ministres successifs de la fonction publique à se saisir de cette question. Avec ce texte, forts du soutien de l'actuel ministre de la fonction publique, nous pourrons transposer cet accord, mais il faut laisser un délai suffisant pour son entrée en vigueur, car il faut tenir compte des élections municipales qui vont intervenir. Fixer au 1er janvier 2029 la date de généralisation obligatoire du régime me semble donc opportun.

Je vous remercie de votre travail et de votre patience, madame le rapporteur, ainsi que des auditions que vous avez menées avec les partenaires sociaux et les partenaires privés potentiellement intéressés. Nous espérons que, si le texte est adopté en séance, il sera inscrit à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale.

M. Michel Masset. - Notre groupe votera ce texte.

Néanmoins, sur la forme, on est en droit de s'interroger sur la différence entre le rythme d'examen de cette proposition de loi et celui du texte que nous avons examiné juste avant. L'accord à transposer a déjà deux ans et l'on envisage de fixer la date d'entrée en vigueur à janvier 2029. Il est difficile d'accepter des délais si longs quand on sait que la fonction publique, qu'elle soit territoriale ou non, est en souffrance, d'autant que les partenaires sociaux sont d'accord ; imaginez s'ils ne l'étaient pas !

Madame le rapporteur, vous avez indiqué un coût de 500 millions d'euros pour les collectivités. Que manque-t-il pour avoir un chiffre plus précis ?

En ce qui concerne l'article 5, dans le cas où un contrat collectif offre une meilleure protection qu'un contrat individuel, le premier bénéficierait automatiquement à l'agent concerné. Pour ce qui concerne l'article 4, nous envisageons de déposer un amendement visant à interdire l'exclusion de la prise en charge des suites d'états pathologiques antérieurs à la signature du contrat, qu'il soit collectif ou individuel.

M. André Reichardt. - L'Alsace-Moselle a un régime local d'assurance maladie. Lors de vos travaux sur cette proposition de loi, avez-vous pris contact avec les partenaires sociaux d'Alsace-Moselle ? Sinon, il faudrait le faire, car ce texte aura des répercussions importantes pour les collectivités concernées. J'ai été membre de la mission d'information sur l'impact des complémentaires santé et mutuelles sur le pouvoir d'achat des Français, qui a rendu ses conclusions en septembre 2024, et les collectivités doivent, elles aussi, minorer le coût de la protection sociale complémentaire.

Du reste, des réflexions sont en cours en Alsace-Moselle sur l'extension du régime local à d'autres catégories de population que les salariés et les ayants droit. Il faudrait à tout le moins faire le tour complet de la situation en Alsace-Moselle dans le cadre de la navette. N'oublions pas l'Alsace et la Moselle sur ce texte, car il est toujours plus difficile de réparer les oublis a posteriori que d'y parer a priori.

M. Éric Kerrouche. - Ce texte est nécessaire. Il s'agit d'une transposition inédite d'un accord collectif, intervenu au sein de la fonction publique territoriale sans intervention de l'État. Cela répond à ce que le Sénat promeut : une liberté d'action locale et un socle commun de droits sociaux pour les agents de la fonction publique territoriale.

L'une des priorités majeures de ce texte est la justice sociale, car il est nécessaire de renforcer la couverture prévoyance dans un contexte de pénibilité accrue et de carrières plus longues ; l'âge moyen des agents territoriaux est 47 ans, contre 42 ans dans le secteur privé. Il y va de l'attractivité du service public local, qui a du mal à recruter et à fidéliser.

Toutefois, les délais sont trop importants, d'autant que les maladies longues et l'invalidité des agents sont mal couvertes. Il y a trois dispositions qui nécessitent une transposition : la généralisation des contrats à adhésion obligatoire, le calcul de la part employeur sur la cotisation réelle, la fixation d'un taux minimal de 50 % à la place d'une participation forfaitaire. La première tentative de transposition avait été interrompue par la dissolution et, depuis lors, on continue de prendre du retard. Je m'interroge donc : quand on considère la rapidité des réformes menées dans la fonction publique d'État et dans le secteur privé, on peut se demander pourquoi la fonction publique territoriale est à la remorque.

Le dispositif proposé est efficace et équilibré : il renforce la solidarité, permet une meilleure connaissance des risques, engage les employeurs et les agents dans une responsabilité partagée et contribue à une meilleure maîtrise de la dépense publique. Le contexte financier a évolué, mais une telle dépense est aussi une nécessité pour les agents, qui, eux non plus, ne sont plus dans la même situation. C'est pourquoi il convient de transposer rapidement cet accord pour ceux qui assurent au quotidien le fonctionnement de nos services publics locaux.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce texte, qui reconnaît concrètement le rôle des agents territoriaux, ainsi que les amendements du rapporteur, même si nous nous interrogeons sur les délais proposés. On peut comprendre les arguments que le rapporteur a avancés, notamment sur les textes réglementaires requis, mais, sur le terrain, l'attente est forte. Ne serait-il pas possible de réduire le report de six mois, afin de démontrer la volonté du Sénat d'avancer sur ce dossier en faveur de nos services publics locaux ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Madame Florennes, vous avez parlé des trois fonctions publiques, mais je rappelle que, pour la fonction publique hospitalière, rien n'est acté. Les négociations entre partenaires sociaux sont au point mort.

Monsieur Masset, l'estimation de 500 millions d'euros représente la moitié - soit la partie prise en charge par les employeurs - des cotisations, sur la base d'une estimation égale à 1,8 % de la masse salariale. En réalité, ce montant inclut les participations versées par les collectivités qui appliquent d'ores et déjà l'accord collectif du 11 juillet 2023. Simplement, il est difficile d'estimer l'écart, car ces chiffres dépendent des rapports sociaux uniques (RSU), qui ne sont pas toujours publiés à temps et qui font ensuite l'objet d'une synthèse au niveau national.

Monsieur Reichardt, je n'ai pas entendu les élus d'Alsace-Moselle, mais la direction générale des collectivités locales (DGCL) n'a pas souligné de spécificités à ce sujet. Surtout, le texte porte sur le volet prévoyance et non sur le volet santé, dont vous parliez.

M. André Reichardt. - Je parle des deux.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - En tout état de cause, la mission d'information sur le coût des complémentaires portait uniquement sur le volet santé. Toutefois, vous appelez notre attention sur ce point, nous l'étudierons sérieusement.

Messieurs Kerrouche et Masset, je comprends vos réserves sur les délais. Toutefois, les collectivités ont l'obligation, depuis le 1er janvier 2025, de participer à un tel régime, même si la cotisation de 7 euros est modeste. En outre, il peut également y avoir des accords locaux avec les organisations syndicales et il est toujours possible de signer des accords locaux plus bénéfiques.

M. Éric Kerrouche. - Si nous souhaitons raccourcir les délais, c'est pour faire en sorte que les choses aillent plus vite pour tout le monde. Dans la mesure où nous sommes tous d'accord quant à la perspective désirée, nous enverrions, avec un délai plus court, un signal fort. J'ai entendu localement des syndicats et ils sont suspendus à cette évolution. Ne pourrait-on envisager de resserrer les délais, afin de montrer notre intérêt pour les agents du service public ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'intérêt que nous leur portons est, me semble-t-il, manifeste, mais il y a aussi des enjeux techniques : après leur élection, les majorités élues n'auront que six mois pour signer un accord, ce qui est déjà assez court.

Mme Patricia Schillinger. - Nous sommes tous d'accord pour favoriser le bien-être des agents des collectivités territoriales. Ce qui me gêne, c'est le risque de couverture au rabais, ce qui contraint les agents à contracter une surcomplémentaire. L'obligation devrait être la même pour tout le monde, dans toutes les collectivités. Comme avec la question du treizième mois, les différences entre collectivités engendreront une compétition entre collectivités.

M. Hussein Bourgi. - Je souscris aux propos du rapporteur. J'aurai deux observations.

D'abord, pour la première fois depuis longtemps, un accord a été conclu entre les partenaires sociaux, car tout le collège des employeurs l'a voté. Il faut s'en réjouir.

Ensuite, pour ce qui concerne la temporalité, si on laisse les partenaires sociaux avancer à leur rythme au sein de chaque collectivité, il risque d'y avoir des accords plus rapidement dans les collectivités qui ont des instances de représentation, c'est-à-dire dans les plus grandes : régions, départements et grandes communes. Il y aura donc une distorsion dans la mise en oeuvre de ce texte entre grandes et petites collectivités. Paradoxalement, la masse financière représentée sera beaucoup plus importante dans les grandes collectivités que dans les petites.

Aussi, il me paraîtrait opportun de trouver une formulation permettant de réduire les délais. Le 1er janvier 2026 est probablement inatteignable, mais le 1er janvier 2027 peut s'envisager. En tout cas, laissons la place au dialogue social, en indiquant qu'il est possible de traduire l'accord sans attendre la date limite.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Vous avez raison, monsieur Bourgi, c'est peut-être plus dans les grandes collectivités que le dialogue social peut être noué, mais les petites collectivités ont la faculté de passer par le centre de gestion. Elles ne me paraissent pas être à la peine, elles ont des outils différents, mais efficaces.

Madame Schillinger, le panier actuel de garanties minimales s'élève à 70 euros par mois, ce qui est loin d'être négligeable, ce n'est pas un « panier au rabais ».

Enfin, mes chers collègues, il y a le volet législatif, dont nous nous occupons, mais je vous rappelle qu'il y a aussi le volet réglementaire à traiter, notamment pour actualiser le décret de 2022, qui prévoit notamment les garanties minimales. Le dialogue social devra donc aussi se nouer pour corriger ce décret, mais cela ne relève plus de notre responsabilité.

Mme Muriel Jourda, présidente. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous appartient d'arrêter le périmètre indicatif de la proposition de loi. Nous vous proposons de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives au régime de protection sociale complémentaire en prévoyance dans la fonction publique territoriale.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

L'amendement rédactionnel COM-2 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

L'amendement rédactionnel COM-3 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

L'amendement rédactionnel COM-4 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Je remercie Michel Masset d'avoir accepté de modifier son amendement COM-1 rectifié pour le rendre identique à mon amendement COM-5.

Les dispositions prévues par cet article doivent être mieux sécurisées. Nous proposons donc d'en revoir la rédaction, afin de réduire le risque d'insécurité juridique. Dans sa version initiale, l'article 4 comporte en effet des failles susceptibles de générer des contentieux. Ni l'accord national ni la proposition de loi n'ont pour but de placer les agents en situation d'insécurité juridique, laquelle pourrait retarder de plusieurs années leur indemnisation.

Les amendements identiques COM-1 rectifié et COM-5 sont adoptés.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5

L'amendement rédactionnel COM-6 est adopté.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement COM-7 prévoit le report de la date d'entrée en vigueur et précise les différents cas de figure possibles, selon que les collectivités ont déjà conclu ou non un contrat, et selon que celui-ci arrive à échéance avant ou après la date fixée.

L'amendement COM-7 est adopté.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 7

L'article 7 est adopté sans modification.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

Mme DI FOLCO, rapporteur

2

Amendement rédactionnel

Adopté

Article 2

Mme DI FOLCO, rapporteur

3

Amendement rédactionnel

Adopté

Article 3

Mme DI FOLCO, rapporteur

4

Amendement rédactionnel

Adopté

Article 4

Mme DI FOLCO, rapporteur

5

Sécurisation du régime applicable en cas de succession de contrats

Adopté

M. MASSET

1 rect.

Sécurisation du régime applicable en cas de succession de contrats

Adopté

Article 5

Mme DI FOLCO, rapporteur

6

Amendement rédactionnel

Adopté

Article 6

Mme DI FOLCO, rapporteur

7

Modification des modalités d'entrée en vigueur

Adopté

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