EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 9 JUILLET 2025

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous examinons, en deuxième lecture, le rapport de Mme Lauriane Josende sur la proposition de loi visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d'une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive.

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'Assemblée nationale a adopté hier soir cette proposition de loi, déposée par notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio et que le Sénat avait adoptée en première lecture le 18 mars dernier.

Je souhaite tout d'abord rendre hommage à son rapporteur, Olivier Marleix, avec qui j'ai beaucoup échangé et dont je salue le travail. Il a permis l'adoption de ce texte par l'Assemblée nationale à une large majorité, ce qui n'était initialement pas évident, en parvenant à une rédaction équilibrée.

La proposition de loi sera examinée dès cet après-midi en deuxième lecture par le Sénat. Ce délai très bref s'explique par la volonté d'une adoption définitive du texte avant la fin de la session extraordinaire, dès lors que nos deux assemblées sont d'accord sur l'essentiel - j'y reviendrai.

En effet, seule une adoption conforme du texte par le Sénat permettrait son adoption définitive. Pour des raisons assez mystérieuses, le Gouvernement n'a pas engagé la procédure accélérée sur cette proposition de loi, pourtant soutenue par lui. Ainsi, à défaut d'une adoption conforme, la proposition de loi serait de nouveau transmise à l'Assemblée nationale afin qu'elle l'examine en deuxième lecture, avant qu'une commission mixte paritaire puisse être convoquée. Tout cela ne pourrait avoir lieu au mieux qu'à l'automne prochain, alors que le calendrier parlementaire est très incertain et qu'il y a urgence à ce que les dispositions de ce texte, très attendues des administrations comme de nos concitoyens, entrent rapidement en vigueur.

Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale comporte neuf articles, soit deux de plus que lors de son adoption par le Sénat. La seule divergence de fond porte sur l'article 1er et, par conséquent, l'article 2.

Des sept articles adoptés par le Sénat, deux ont fait l'objet d'une adoption conforme.

L'Assemblée nationale a adopté sans modification l'article 3, qui avait été introduit par notre commission. Cet article tend à simplifier le séquençage de la rétention administrative en fusionnant les deux dernières prolongations de quinze jours chacune en une prolongation unique de trente jours. Elle en simplifie également les motifs, dont la rédaction était ambiguë et source d'insécurité juridique. Rappelons que c'est une interprétation erronée de l'un de ces motifs qui avait conduit à la libération du meurtrier de la jeune Philippine.

Tel est également le cas de l'article 4. Issu d'un amendement de notre collègue Catherine Di Folco, qui vise à exprimer en heures, plutôt qu'en jours, les délais pour le placement initial en rétention et en zone d'attente.

Alors que la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration avait porté ces délais de quarante-huit heures à quatre jours, la Cour de cassation a considéré, dans un avis du 7 janvier 2025, que ces délais devaient être décomptés en prenant en compte, dans son intégralité, le jour de la notification du placement en rétention. Cette interprétation réduit fortement le délai dont dispose effectivement l'administration, particulièrement lorsque le placement en rétention intervient en fin de journée. L'article 4 résout ce problème en revenant à un délai exprimé en heures, soit quatre-vingt-seize heures au lieu de quatre jours.

L'article 5, issu d'un amendement de notre collègue Dominique Vérien, a également fait l'objet d'un accord, l'Assemblée n'ayant apporté que des modifications d'ordre rédactionnel.

Cet article complète les mentions devant figurer au procès-verbal de la retenue pour vérification du droit au séjour (RVDS) pour y faire figurer les heures auxquelles la personne retenue a pu s'alimenter. Il s'agit de tirer les conséquences d'une décision du Conseil constitutionnel censurant les dispositions législatives actuelles.

Les ajouts de l'Assemblée nationale ne me paraissent poser aucune difficulté.

L'article 2 bis a pour objet de permettre la prise d'empreintes digitales et de photographies, sans son consentement, de l'étranger placé en rétention administrative. Il s'agit de faciliter l'identification des personnes retenues, alors que certaines d'entre elles parviennent à faire obstacle à leur éloignement en dissimulant leur identité et leur nationalité.

En l'état du droit, si l'étranger est tenu de se soumettre à la prise d'empreintes digitales ou de photographies à l'occasion de la retenue pour vérification du droit au séjour ou en cas de contrôle aux frontières extérieures, l'autorité administrative ne dispose pas de la possibilité de le contraindre en cas de refus. Ce dernier est seulement passible de sanctions pénales, qui sont peu dissuasives et qui ne permettent pas, en tout état de cause, d'atteindre l'objectif d'identification de l'intéressé.

L'article 38 de la loi du 26 janvier 2024, qui permettait de contraindre l'étranger à la prise d'empreintes à l'occasion de la RVDS ou d'un contrôle aux frontières, a été censuré par le Conseil constitutionnel, faute de prévoir certaines garanties.

Je vous propose d'adopter cet article 2 bis sans modification. On peut seulement regretter que la faculté de relever les empreintes et les photographies sans le consentement de la personne concernée ne soit prévue qu'à l'occasion du placement en rétention et pas en amont.

Néanmoins, cette difficulté pourra être résolue à l'occasion de l'adaptation prochaine des dispositions législatives du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) au pacte européen sur la migration et l'asile, dont les principales dispositions deviendront applicables en juin 2026. Le nouveau règlement Eurodac, qui impose désormais aux États membres de relever et d'enregistrer les données biométriques de tous les étrangers en situation irrégulière, ouvre également la possibilité d'y contraindre les personnes concernées.

L'article 3 bis a trait aux motifs de placement en rétention administrative des demandeurs d'asile. Dans sa décision du 23 mai dernier, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions législatives afférentes, qui avaient été créées par la loi du 26 janvier 2024.

L'article 3 bis a pour objet de tirer les conséquences de cette censure, afin de permettre de nouveau le placement en rétention du demandeur d'asile dans deux cas précis : si son comportement constitue une menace à l'ordre public ou s'il a présenté sa demande à une autre autorité que celle qui est compétente pour l'enregistrer et qu'il présente un risque de fuite.

Ces dispositions, qui me paraissent opportunes, n'appellent aucune modification.

À l'article 6, relatif à l'application outre-mer, l'Assemblée nationale a préféré habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour l'extension aux collectivités régies par l'article 74 de la Constitution. Si notre commission accueille traditionnellement avec réticence les habilitations, celle-ci paraît justifiée par des raisons techniques, du fait de la publication prochaine d'une autre ordonnance portant sur les mêmes dispositions du Ceseda.

Comme je l'ai évoqué à l'instant, la seule divergence de fond avec l'Assemblée nationale réside à l'article 1er et, par extension, à l'article 2.

Ces deux articles, auxquels se résumait la proposition de loi initiale, prévoient respectivement, tout d'abord, d'étendre à certaines catégories d'étrangers le régime dérogatoire de rétention administrative prévu à l'article L. 742-6 du Ceseda, aujourd'hui réservé aux étrangers condamnés au titre d'activités terroristes, la durée maximale de rétention étant de 210 jours, contre 90 jours dans le régime ordinaire ; ensuite, d'étendre aux mêmes catégories l'application du dernier alinéa de l'article L. 743-22 du Ceseda, qui donne un caractère suspensif à l'appel formé contre une décision du juge judiciaire mettant fin à la rétention d'un étranger.

Le Sénat, sur l'initiative de notre commission, avait prévu trois critères supplémentaires pour l'application du régime dérogatoire : la condamnation par le juge pénal à la peine d'interdiction du territoire français (ITF) ; la condamnation pour une infraction punie de cinq ans ou plus d'emprisonnement ; le fait que le comportement de la personne concernée constitue une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public.

L'Assemblée nationale a doublement modifié ces dispositions.

D'une part, elle a élargi l'application du régime dérogatoire à tous les étrangers faisant l'objet d'une décision d'expulsion ou d'interdiction administrative du territoire, ce qui recouvre un nombre non négligeable d'individus.

D'autre part, si elle a conservé les critères tirés de la peine d'ITF et de la menace d'une particulière gravité, elle a préféré se référer, s'agissant du critère tiré d'une condamnation pénale, à une énumération limitative d'infractions, à l'instar de ce que proposait le texte initial.

Cette énumération ne comporte pas moins de seize items. Elle inclut la plupart des infractions graves contre les personnes - meurtre, viol, agression sexuelle, etc. - ou contre la Nation.

Il me semble que les raisons qui avaient conduit notre commission à préférer une autre logique - celle de la durée de la peine d'emprisonnement encourue - demeurent.

L'énumération proposée par l'Assemblée nationale, outre qu'elle alourdit considérablement la rédaction de l'article L. 742-6 du Ceseda, présente l'inconvénient d'omettre de nombreuses infractions graves, à l'instar des crimes et délits de destruction, de dégradation ou de détérioration d'un bien appartenant à autrui par l'effet d'une substance explosive, d'un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes, conformément aux articles 322-6 à 322-10 du code pénal ; des crimes de détournement d'aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport, conformément aux articles 224-6 à 224-7 du même code ; ou encore des délits prévus au livre IV du code pénal, parmi lesquels figure l'apologie du terrorisme, conformément à l'article 421-2-5 de ce code.

Cela dit, pour regrettable que soit cette omission, ses conséquences devraient être, en pratique, très limitées.

En effet, les étrangers auteurs de telles infractions devraient être très probablement couverts par au moins l'un des autres critères prévus à l'article 1er, c'est-à-dire l'expulsion, l'ITF ou la menace d'une particulière gravité pour l'ordre public.

Dans ces conditions, et compte tenu de l'intérêt qui s'attache à ce que ce texte entre rapidement en vigueur, je vous propose d'adopter ces deux articles sans modification et, par conséquent, d'adopter conforme cette proposition de loi.

M. Christophe Chaillou. - Selon vous, ce texte « équilibré » est « très attendu par les administrations et par nos concitoyens ». J'ai du mal à l'entendre. Nous l'avions dit en première lecture : faire la loi sous le coup de l'émotion n'est pas de bonne méthode. Cela ne permet pas d'envisager concrètement les conséquences des dispositions qui sont proposées, de sorte que l'on se heurte à la réalité des faits. Certaines des dispositions qui ont été introduites à l'Assemblée nationale sont contraires aux droits fondamentaux, comme la prise des empreintes digitales sous la contrainte, qui me paraît inacceptable.

En outre, les articles 1er et 2 prévoient un champ d'application extrêmement large.

En réalité - nous l'avions déjà dit en première lecture -, la détention des personnes ayant commis des délits ou des crimes devrait être l'occasion d'enclencher les mesures en vue de leur éloignement, sans attendre leur libération.

Ce n'est pas en maintenant ad vitam aeternam les personnes en rétention que l'on facilitera leur sortie du territoire. Les chiffres le montrent, une obligation de quitter le territoire français (OQTF) qui n'est pas exécutée dans les quinze jours ne le sera jamais, même si l'on prévoit 210 jours, voire plus encore. L'enjeu est celui de l'efficacité.

Les mesures qui sont proposées dans ce texte risquent de se traduire par un engorgement des procédures : je le constate déjà dans les juridictions d'Orléans, qui sont particulièrement saturées depuis l'ouverture d'un centre de rétention administrative (CRA) dans mon territoire.

En outre, d'un point de vue pratique, le nombre de places disponibles en CRA est très limité, ces structures étant déjà saturées. Le personnel se heurte à de lourdes difficultés pour encadrer les personnes retenues. Ces problèmes pratiques s'ajouteront aux difficultés constitutionnelles.

Pour toutes ces raisons, nous sommes défavorables à ce texte et nous proposerons des amendements visant à en supprimer les aspects les plus choquants.

Enfin, le délai prévu pour l'examen de ce texte n'est absolument pas satisfaisant. C'est une mauvaise habitude de légiférer aussi rapidement sur des textes aux enjeux aussi importants.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Je remercie la rapporteure pour le travail important qu'elle a réalisé sur ce texte, avec Olivier Marleix qui était son homologue à l'Assemblée nationale - je veux lui rendre hommage, ce matin.

La réalité est que nous accueillons des gens dangereux dans notre pays. Il faut donc que nous ayons les outils législatifs nécessaires pour les maintenir en rétention administrative le temps nécessaire pour l'exécution des mesures d'éloignement, ce qui peut être très long. Un travail avec les pays d'origine des personnes concernées est également nécessaire.

Ce texte vise à protéger nos concitoyens d'un certain nombre d'individus très dangereux. Les garder en rétention avant qu'ils ne soient renvoyés dans leur pays d'origine me paraît nécessaire. Contrairement à ce que vient de laisser entendre mon collègue socialiste, les Français attendent ce genre de mesures, car ils se sentent souvent en insécurité et s'inquiètent de certains phénomènes auxquels ils sont confrontés dans leur environnement proche.

Je veux donc remercier tous ceux qui ont contribué au travail sur ce texte, depuis son dépôt.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

M. Christophe Chaillou. - Mon amendement COM-1 vise à supprimer l'article 1er qui nous paraît revenir sur les principes fondamentaux qui régissent le droit de la rétention.

Madame Eustache-Brinio, je précise que la rétention n'est pas la prison. Les personnes qui sont concernées par ce texte ont été condamnées et ont purgé leur peine. Considérer qu'il faudrait les maintenir à vie en centre de rétention est contraire à la philosophie même du système.

Vous dites que ce texte rassurera les Français. Mais, en réalité, vous le savez bien, compte tenu du nombre d'OQTF qui sont prononcées et du champ élargi des cas que prévoit le texte, nous n'aurons pas la capacité d'accueillir toutes ces personnes en CRA et de les y maintenir 210 jours. Les incidents se multiplient déjà dans ces structures.

Il faut suivre un principe d'efficacité en essayant d'obtenir que les personnes concernées quittent le territoire national pendant la période où elles sont détenues en prison. Dans le cas du meurtre de Philippine, une série de dysfonctionnements administratifs majeurs a abouti à ce que celui qui l'a commis soit libéré, alors qu'il n'aurait pas dû sortir de prison s'il n'y avait pas eu d'erreurs humaines et administratives.

M. Francis Szpiner. - Je ne comprends pas la position de nos collègues socialistes. À cause du manque de moyens, il faudrait laisser sortir de prison des gens condamnés, présentant une certaine dangerosité ?

Mme Audrey Linkenheld. - Ce n'est pas ce que nous disons.

M. Francis Szpiner. - Vous dites que l'on ne peut pas garder ces personnes en rétention pendant 210 jours, mais qu'en ferez-vous, alors ?

Je préfère, quant à moi, qu'une personne condamnée, présentant une certaine dangerosité, soit sous le contrôle de l'État aussi longtemps que possible, afin d'obtenir les moyens de l'éloigner. Mieux vaut cela que de baisser les bras à cause du manque de moyens ! C'est irresponsable.

Mme Audrey Linkenheld. - Pour éviter les caricatures, j'expliciterai notre position.

Les travaux que la commission des lois et la délégation aux droits des femmes ont menés dans le cadre de la mission conjointe de contrôle sur la prévention de la récidive en matière de viol et d'agressions sexuelles, lancée à la suite de l'affaire Philippine, ont montré que ce drame ne s'expliquait pas par une lacune de notre droit : le drame aurait pu être évité si le droit avait été correctement appliqué - il faut le dire clairement. Cette proposition de loi ne permet donc pas de répondre à cette situation qui, si le droit avait été correctement appliqué, n'aurait pas dû se produire.

Ce que nous disons, quoi que l'on puisse penser de la double peine, c'est que quand des personnes ont été condamnées, sont considérées comme dangereuses et ont vocation à quitter le territoire, il faut préparer leur sortie de territoire pendant la période de détention, plutôt que d'allonger la période de rétention.

Être détenu n'est pas tout à fait pareil que d'être retenu : cela vaut pour les personnes que subissent la peine et pour celles qui sont chargées de les accompagner et de les surveiller. Le sujet est aussi celui des moyens qui accompagnent ce type de textes. En effet, nous savons tous que la situation est tendue dans les CRA. Les personnels doivent de plus en plus y faire un travail qui ne devrait pas relever prioritairement d'eux.

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Nous avions eu ce débat en première lecture. En l'état, nous ne parvenons pas à éloigner les personnes condamnées et dangereuses du territoire national.

L'objet de l'article 1er est précisément de donner le temps nécessaire à l'administration pour mener à bien cet éloignement dans un contexte contraint. On le sait, l'éloignement se heurte à des difficultés particulières. Dans ces conditions, l'éloignement s'assimile à une course contre la montre, qui ne s'achève que trop rarement en faveur de l'administration.

Allonger à 210 jours la durée de la rétention pour les étrangers les plus dangereux, c'est desserrer cette contrainte temporelle et accroître la probabilité d'un éloignement effectif.

Rappelons d'ailleurs qu'en 2024, pour les étrangers relevant du régime réservé aux terroristes, plus de la moitié des éloignements réalisés ont eu lieu au-delà du quatre-vingt-dixième jour de rétention. Autrement dit, sans ce régime dérogatoire, moins de la moitié des éloignements aurait eu lieu.

Il faut aussi rappeler que la durée maximale de rétention prévue par la directive Retour et appliquée par un grand nombre d'États européens, s'élève à dix-huit mois, soit bien davantage que les 210 jours prévus par la proposition de loi.

Comme vous le soulignez dans votre amendement, cette loi devra s'accompagner d'un accroissement des capacités de rétention. L'objectif n'est toutefois pas de garder tous les intéressés jusqu'à 210 jours, mais de bien de les éloigner avant l'expiration de ce délai.

Avis défavorable.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté

L'article 1er est adopté sans modification.

Article 2

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-2 vise à supprimer l'article 2, qui donne un effet suspensif à l'appel formé contre une ordonnance du juge mettant fin à la rétention d'un étranger relevant de l'article 1er. Or, outre qu'elle ferait courir un risque grave pour la sécurité publique, la remise en liberté immédiate des intéressés reviendrait à priver d'objet l'appel en mettant fin à leur rétention. Avis défavorable.

Mme Audrey Linkenheld. - Sans trop prolonger le débat, je veux vous faire part de l'avis motivé que nous avons présenté, avec M. André Reichardt, devant la commission des affaires européennes, au sujet du projet de règlement Retour, qui a vocation à se substituer à la directive Retour.. Si nous pouvons avoir des divergences de fond, nous sommes tous d'accord sur le fait qu'un tel sujet ne doit pas échapper aux parlements nationaux. Nous avons donc indiqué dans notre avis motivé que le projet de règlement, en l'état, ne respectait pas le principe de subsidiarité.

M. Christophe Chaillou. - L'extension progressive du caractère suspensif des recours contre les décisions du juge pose un certain nombre de difficultés au regard de l'État de droit. Le Conseil constitutionnel est saisi d'une question de prioritaire de constitutionnalité portant sur une disposition analogue et devrait se prononcer en septembre.

M. Francis Szpiner. - Le caractère suspensif existe déjà dans le code de procédure pénale en ce qui concerne les procédures de mise en liberté : le parquet peut faire appel et s'opposer à ce que la mesure soit exécutée. Je ne pense pas que le Conseil constitutionnel, qui a validé cet aspect de la procédure pénale, puisse le remettre en cause.

Quant à la « double peine », c'est une formule politique et pas juridique. Un avocat qui commet une escroquerie sera condamné à une peine de prison et sera en plus radié. Du point de vue du droit, on parle d'une peine complémentaire, et celle-ci s'applique aux médecins, aux chefs d'entreprise, aux élus, et aussi aux étrangers. En utilisant l'expression de « double peine », on donne le sentiment qu'on fait payer aux étrangers plus qu'aux autres, alors que c'est faux.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté sans modification

Article 2 bis (nouveau)

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'article 2 bis, introduit par l'Assemblée nationale, permet la prise d'empreintes et de photographies sans le consentement de l'étranger placé en rétention administrative. Contrairement à ce que soutiennent les auteurs de l'amendement, il ne s'agit pas d'un cavalier législatif.

Le fait de ne pas pouvoir faire ces vérifications d'identité assez tôt fait obstacle à l'éloignement. En facilitant l'identification des personnes concernées, ces dispositions devraient contribuer à faciliter leur éloignement et, partant, à écourter la durée de rétention. Avis défavorable.

M. Christophe Chaillou. - La tension qui existe déjà dans les CRA pose de vraies difficultés. La prise d'empreintes sous contrainte est une mesure très violente, attentatoire à la vie privée. Elle ne pourra que renforcer cette tension.

En outre, dès lors que la personne a été incarcérée et est identifiée comme dangereuse, ses empreintes ont forcément déjà été prises, et ce depuis la circulaire Darmanin. Ces dispositions n'auraient donc que peu d'effet.

L'amendement de suppression COM-3 n'est pas adopté.

L'article 2 bis est adopté sans modification.

Article 3 bis (nouveau)

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - La demande d'asile ne doit pas être détournée afin de faire obstacle à l'éloignement du territoire national des étrangers en situation irrégulière. Je pense que nous pouvons tous en être d'accord.

Dans sa décision du 23 mai dernier, le Conseil constitutionnel, s'il a censuré les dispositions relatives aux motifs du placement en rétention des demandeurs d'asile, n'a pas remis en cause son principe même.

L'article 3 bis a précisément pour objet de tirer les conséquences de cette décision. Le placement en rétention des demandeurs d'asile serait désormais possible dans deux hypothèses : la menace à l'ordre public, dont il est précisé qu'elle doit être grave et actuelle ; le risque de fuite, lorsque l'étranger a présenté sa demande devant une autre autorité que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).

Je vous rappelle enfin que le droit européen, plus précisément la directive Accueil de 2013, permet, dans des conditions d'ailleurs beaucoup moins restrictives, le placement en rétention des demandeurs d'asile.

Avis défavorable à l'amendement de suppression COM-4.

M. Christophe Chaillou. - Cette mesure est, selon nous, disproportionnée. Dans la mesure où elle limite l'exercice effectif des droits procéduraux, elle contrevient à un certain nombre de droits fondamentaux. D'où notre amendement de suppression.

L'amendement COM-4 n'est pas adopté.

L'article 3 bis est adopté sans modification.

Articles 5, 6, et 7

Les articles 5, 6 et 7 sont successivement adoptés sans modification.

La proposition de loi est adoptée sans modification.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

M. CHAILLOU

1

Suppression de l'article 

Rejeté

Article 2

M. CHAILLOU

2

Suppression de l'article 

Rejeté

Article 2 bis (nouveau)

M. CHAILLOU

3

Suppression de l'article

Rejeté

Article 3 bis (nouveau)

M. CHAILLOU

4

Suppression de l'article

Rejeté

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